Quoi de neuf en cancérologie à l’UEGW 2013 ?

Quoi de neuf en cancérologie à l’UEGW 2013 ?

BelindaTchoudjeu, Centre Hospitalier, Orleans
 
Il n’y a pas eu de véritable révolution en cancérologie à ce congrès européen ; les dernières avancées sur la  prise en charge des cancers digestifs ayant été rapportées lors de la 38e édition de l’ESMO (European Society for MedicalOncology) tenu quinze jours  plus tôt (27 septembre – 1er octobre).
Cependant, la thématique qui a primé en cancérologie, a été la suivante : « Prévention, dépistage et traitement des cancers superficiels ».  Une ovation à ce vieil adage connu « prévenir, vaut mieux que guérir ! »,  qui s’est ainsi illustré à travers les nombreuses études  rapportées à ce congrès.
Trois organes ont été au cœur de cette thématique : Œsophage, Estomac et  Colon.

A – Œsophage

A1 – Carcinome épidermoïde superficiel de l’œsophage

Prévention  et dépistagedu cancer épidermoïdesuperficiel: pas de grande nouveauté, hormis un rappel sur la nécessité de dépister les lésions métachrones  mais surtout  les cancers associés (ORL, pulmonaire) chez des patients traités pour un cancer superficiel de l’œsophage,  au vu de leur terrain éthylo-tabagique.
En effet, le suivi pendant 5 ans d’une cohorte japonaise (Takeuchi et al. – OP 42) traitée pour un cancer épidermoïde superficiel de l’œsophage, a rapporté 36 décès sur 192 patients, dont plus de la moitié (52.4%) étaient  décédés d’un cancer ORL ou pulmonaire.
Traitement du cancer épidermoïde superficiel: Le palmarès revient aux équipes japonaises qui ont surtout mis l’accent sur l’évaluation de l’efficacité des différentes techniques endoscopiques (mucosectomie et dissection sous-muqueuse) pour la prise en charge de ses cancers superficiels.
Rappelons que pour les cancers superficiels épidermoïdes de l’oesophage, les techniques endoscopiques sont habituellement réservées aux lésions n’atteignant pas la musculaire muqueuse (T1m1 et T1m2). Un traitement complémentaire (radiochimiothérapie ou chirurgie) est le plus souvent indiqué si la lésion envahit la musculaire muqueuse ou la dépasse (T1m3 et T1sm1-sm3).
S’est alors posée la question de l’efficacité à long terme d’un traitement endoscopique pour ces lésions superficielles atteignant ou dépassant la musculaire muqueuse (m3, voir sm1).
Deux études rétrospectives japonaises (Satake et al.- OP 41 ,Takeuchi et al. – OP 42), menées sur de petites cohortes (environ 40 patients), avec un suivi médian respectif de 71 et 59.5 mois, avoisinent des taux de survie globale à 5 ans de plus de 80% avec des techniques de mucosectomie (Satake et al.) et dissection sous muqueuse (Takeuchi et al. OP 42) ;  les taux de survie sans progression sont respectivement de 100% et 85%. A noter cependant, un taux de rechute locale (respectivement de 12.7 % et 10%) qui a le plus souvent conduit àun nouveau traitement endoscopique ou à un traitement complémentaire.
 

A2 – Adénocarcinomes superficiels de l’œsophage

Prévention et dépistage : Une étude randomisée suédoise (Bratlie et al. – OP 127) rapporte la supériorité des techniques d’endoscopie à haute résolution ou de la chromoendoscopie électronique (NBI),par rapport à l’endoscopie standard, pour la surveillance de l’endobrachyoesophage (EBO), avec ainsi une meilleure détection de lésions pré-cancéreuses.                                

Traitement de l’adénocarcinome superficiel : deux équipes, une australienne (Cameron et al. – OP 128) et une tchèque (Martinek et al. – OP 40) ont rapporté l’efficacité de l’association de la radiofréquence aux techniques de résection endoscopique (mucosectomie+++), dans le traitement des EBO avec dysplasie de haut grade ou adénocarcinomes superficiels (T1m1-m3). A noter un faible taux de complications avec cette association.

 

B- Estomac 

Prévention et dépistage du cancer gastrique superficiel : Le risque de cancer gastrique dépend de la sévérité et de la topographie des lésions pré-cancéreuses (atrophie gastrique, métaplasie intestinale, dysplasie). Le risque est accru lorsque ces lésions pré-cancéreuses prédominent dans le corps gastrique.                                                                         

Deux classifications sont utilisées : OLGA (Operative Link for GastricAssessment) qui tient compte de la sévérité et de la localisation de l’atrophie gastrique ; OLGIM (OperativeLinK on Gastric Intestinal Metaplasiaassessment) qui tient compte de la sévérité et de la localisation de la métaplasie intestinale. Quatres  stades (I à IV) sont définies dans ces deux classifications ;  les stades III-IV correspondent à une atteinte modérée à sévère, à la fois dans le corps et l’antre gastrique.

Ruggeet al. a rapporté en 2010, que les stades III-IV de la classification OLGA étaient associés à un risque accru de survenue de cancer gastrique (RR = 58 après 12 ans d’évolution).                                                                                                                   Qu’en est-il des stades III et IV de la classification OLGIM ?                

Une étude portugaise (Caetano et al. – OP 76), présentée à ce congrès, suggère l’absence d’association entre ces deux stades OLGIM et le risque de survenue de dysplasie. Cette équipe recommande de ne pas se contenter de cette classification seule, pour stratifier le risque d’apparition de cancer gastrique. 

Cependant, un travail japonais (Murakami et al. – OP 176) vient atténuer ce résultat en identifiantparmi les facteurs de risques associés à un risque de développement de cancer gastrique après éradication d’Hélicobacterpylori (HP), la présence d’une métaplasie intestinale dans le corps gastrique. Ce facteur ressort même en analyse multivariée, comme étant le plus significatif, devant d’autres facteurs associés comme la présence d’une atrophie sévère sur le plan endoscopique, la présence d’une atrophie sévèreantraleet d’une activité inflammatoire sur le plan histologique.

On sait actuellement qu’après une éradication effective d’HP, le risque de développer un cancer gastrique persiste, surtout si le patient présente les facteurs de risque décrits ci-dessus. Il est donc nécessaire de maintenir une surveillance, tant que ces facteurs persistent.
Une autre étude japonaise (Kato et al. – OP 177) a essayé d’évaluer l’incidence d’apparition du cancer gastrique chez des patients éradiqués d’HP. Sur une très grande cohorte rétrospectivede 6225 patients, il est mis en évidence que cette incidence est variable en fonction de la lésion gastrique pré-existante (gastrite chronique, ulcère, dysplasie, lymphome MALT, cancer intra-muqueux), mais elle reste faible (entre 0-10 %). Cependant, un point important est relevé par cette étude : le délai de survenue de ce cancer qui peut survenir plus de 10 ans après éradication.
 
Traitement du cancer gastrique superficiel :
 
Le traitement endoscopique curatif est réservé aux lésions tumorales gastriques remplissant les conditions suivantes : adénocarcinome de type intestinal, non ulcéré, taille inférieure à 2 cm, avec une atteinte histologique intra-muqueux sur la pièce d’exérèse.
Une étude rétrospective coréenne (Kim et al. – OP 75) a comparé la prise en charge endoscopique à la prise en charge chirurgicale, chez 375 patients dont la tumeur gastrique remplissait pourtant les caractéristiques mentionnées ci-dessus. Il en ressort que la survie globale à 5  ans de ces  patients est identique entre ces deux techniques. A noter tout de même que sur un suivi médian de 76.4 mois, il a été relevé un taux plus élevé de cancer métachrone dans le bras endoscopie (6.1 % vs 0.9%, p=0,024). Le traitement endoscopique semble donc aussi efficace que la chirurgie, avec  une moindre morbidité, mais les patients doivent faire l’objet d’une surveillance plus accrue en raison du risque de lésions métachrones.
 

C – Colon

Prévention et dépistage :Quelques travaux ont été rapportés dans cette thématique, dont un qui a particulièrement retenu notre attention (Quintero et al. OP 325) : l’utilisation de test immunologique (FIT) comme outil de dépistage populationnel, en alternative à la coloscopie totale,  dans une population à haut risque de cancer colo-rectal (CCR).Il s’agit d’un essai prospectif, contrôlé, randomisé, sur une période 4 ans. Deux groupes de patients asymptomatiques, avec un antécédent familial au premier degré de CCR : FIT (709) vs Coloscopie (747). En intention de traiter, le taux de détection des adénomes ou CCR était de 3,6% dans le groupe FIT  vs 5,2% dans le groupe coloscopie (OR=0,63, IC 95% [0,38-1,04], p=0,049). Après ajustement statistique, les deux stratégies s'équivalent.
La réalisation annuelle d'un FIT pourrait donc être une alternative chez ces personnes à haut risque, si ceux-ci sont réticents à la coloscopie.
La problématique d’apparition du cancer d’intervalle a également été évoquée. Dans ce travail israélien (Gingold-Belfer et al. OP 240) incluant 13048 patients symptomatiques ou considérés comme à haut risque de CCR, ayant eu une coloscopie totale normale,   17 cancers d’intervalle ont diagnostiqués sur un suivi médian de 4.9 ans. Et ce qui ressort comme facteur de risque le plus important dans la survenue de ces cancers dans cette population, est le faible taux de détections de polypes par endoscopiste (z-score <-1).
 
Traitement des cancers superficiels du colon : deux travaux japonais (Kouyama et al. – OP 241 ; Miyachi et al. – OP 242) ont conforté les indications actuelles dans la prise en charge des cancers intra-muqueux et surtout sous-muqueux du colon. Le traitement endoscopique des cancers intra-muqueux est suffisant si l’ensemble des  critères histologiques suivants, sont présents : marge profonde de 1 ou 2 mm de tissu sain, absence d'invasion lymphatique ou vasculaire, tumeur bien à moyennement différenciée. En l’absence d’un de ces critères, l'attitude recommandée est la chirurgie (colectomie segmentaire carcinologique). Pour les tumeurs sous-muqueuses, en plus des critères mentionnés ci-dessus, une chirurgie complémentaire est  indiquée si l’infiltration sous muqueuse dépasse plus de 1000 µm (T1sm2 et sm3).
 

D – Qu’en est-il des autres organes ?

Pour le grêle : Le seul travail rapporté sur ce sujet, a été fait par une équipe française  (Aparicio et al. OP349) : analyse du génotypage et de la biologie moléculaire des adénocarcinomes du grêle, qui sont des tumeurs rares.De cette étude, il en ressort que les altérations génomiques observés dans les adénocarcinomes du grêle, sont proches de ceux du CCR avec une faible expression de HER 2, un taux élevé de mutations K-RAS. A noter cependant un taux plus élevé d’instabilité des microsatellites  par rapport au CCR, qui est également associé comme dans le colon, à un pronostic favorable de ces tumeurs.
 
Pancréas : Très peu de travaux rapportés sur le domaine de la cancérologie. On peut à nouveau mentionner l’étude LAP 07 (Hammel et al. OP 118), déjà présentée à l’ASCO 2013, qui est la seule étude prospective randomisée, ayant évalué l’intérêt de la radiochimiothérapie dans les cancers localement avancés. La radiochimiothérapie de « clôture » n’est plus recommandée de facon systématique, mais pourrait rester une option chez certains patients (sous-groupes à définir).
 
Pour le Carcinome hépato-cellulaire : sujet abordé dans la session « Hépatologie ».