Les MICI à l’UEGW 2013 (1ère partie)

Un traitement pour toutes les étapes de la vie.

Hélène Pillant- Le Moult, Institut de proctologie Léopold Bellan, Hôpital Saint-Joseph, Paris.
 
De nombreuses communications et symposiums se sont intéressés aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) lors de l’UEGW cette année : traitements, recherche fondamentale, imagerie, chirurgie, suivi… et particulièrement à certaines étapes clés de la vie, pour lesquelles les MICI et leur prise en charge sont moins connues : chez l’enfant, chez la femme enceinte et chez le sujet âgé.

MICI et enfants :

Tout d’abord, une des premières communications a suivi l’évolution de la rectocolite hémorragique (RCH) dans une cohorte pédiatrique (n=159) (cohorte EPIMAD regroupant tous les cas de MICI dans le Nord de la France) entre 1988 et 2004 et montre que le risque d’extension de la maladie (11% à 1 an, 48% à 5 ans et 57% à 15 ans) et de colectomie (6% à 1 an, 20% à 5 ans et 24% à 15 ans) augmente rapidement dans les 6 premières années suivant le diagnostic puis reste stable, ce qui signifie qu’un traitement précoce permet d’influer sur l’évolution future de la maladie [1].
 
La nutrition entérale (NE) exclusive permet une cicatrisation muqueuse chez l’enfant dans la maladie de Crohn en poussée. Une étude slovaque chez 52 enfants traités par nutrition entérale montre que la 1ère cure de NE est plus performante pour obtenir une rémission clinique  et biologique (92%) que la 2ème (77%) [2].
 
Chez l’enfant, le traitement se doit d’être rapidement efficace tout en minimisant les effets secondaires immédiats et à long terme. Une étude polonaise s’est intéressée à l’efficacité de la monothérapie (Infliximab) versus bithérapie (Infliximab + immunosuppresseurs) dans la maladie de Crohn. Quatre-vingt-dix-neuf enfants ont été traités par Infliximab (IFX) en traitement d’induction (semaine 0, 2 puis 6). Les patients répondeurs (diminution de 15 points du PCDAI et/ou PCDAI<30 et/ou en rémission c’est-à-dire PCDAI< ou = 10) à la semaine 10 étaient randomisés en 2 groupes : le 1er recevait de l’IFX seul toutes les 8 semaines jusqu’à la semaine 54 (n=45), le 2ème IFX+ immunosuppresseurs  jusqu’à la semaine 26 (n=39). Le PCDAI était relevé à la semaine 54 pour les 2 groupes. Quatre-vingt-cinq pourcents des patients répondaient au traitement, 59% étaient en rémission clinique à la semaine 10. Les 2 groupes avaient des résultats similaires de perte de réponse au traitement à la semaine 54 (4% vs 5%) et de modification et/ou d’intensification du traitement (29% vs 28%). La monothérapie ou la bithérapie semble donc avoir une efficacité clinique similaire à la semaine 54 chez l’enfant en traitement de la maladie de Crohn en poussée modérée à sévère [3].
 
L’Adalimumab est efficace pour traiter la maladie de Crohn et notamment les fistules anales associées à celle-ci. Chez l’enfant : quelle dose doit-on utiliser ? Les résultats de l’étude IMAGINE, multicentrique et internationale montrent que l’efficacité de l’Adalimumab  dans la fermeture ou l’amélioration des fistules anales liées à la maladie de Crohn chez l’enfant n’est pas corrélée à la dose (dose d’induction à S0 et S2 : 160/80 mg si poids > ou = 40kg ou 80/40 mg si poids <40kg puis entretien toutes les semaines selon randomisation en double aveugle à haute dose : 40 mg si poids > 40 kg ou 20 mg si poids <40 kg ou à faible dose : 20 mg si poids > 40 kg ou 10 mg si poids <40 kg) [4].

MICI et grossesse :

Le traitement des MICI pendant la grossesse reste un sujet délicat : quels sont ses effets sur le fœtus puis sur l’enfant à plus long terme ? Les thiopurines peuvent être utilisées pendant la grossesse sans danger pour le fœtus et ne provoquent pas de désordres immunitaires chez ces enfants, d’après une étude hollandaise qui a suivi 30 enfants jusqu’à l’âge de 6 ans [5]. Qu’en est-il des anti- TNF alpha ?
 
Le registre TREAT, nord-américain est un observatoire qui évalue les effets secondaires chez les patients traités pour une maladie de Crohn, notamment par IFX. Entre 1999 et 2012, 348 grossesses exposées à l’IFX ont été rapportées (femmes traitées par IFX ou conjointes de patients traités par IFX). Il n’a pas été mis en évidence de différence entre le groupe traité par IFX et le groupe témoin (autres traitements de la maladie de Crohn) en dehors d’une tendance à un taux d’enfants morts nés et d’avortements  plus élevés mais des biais tels qu’une maladie plus sévère ou un tabagisme plus important pourraient modifier les résultats [6]. Une autre série anglaise s’est intéressée aux grossesses chez des femmes porteuses d’une MICI, quel que soit leur traitement : une augmentation du risque de complication notamment le taux de césarienne en urgence et d’une prématurité chez le nouveau-né est retrouvée, sans que la cause précise ne soit retrouvée [7].
 
Une étude tchèque a suivi 17 enfants également exposés in utero aux anti-TNF alpha, de l’âge de 6 mois jusqu’à 21 mois (médiane. 10-64 mois). Outre le fait que les enfants n’avaient pas de problème de santé particulier notamment infectieux à la naissance,  la réaction aux vaccinations usuelles observée était normale pour le tétanos, le pneumocoque, la diphtérie, la rubéole, la rougeole. Un enfant avait un taux bas d’anticorps contre les oreillons et la réponse au vaccin contre haemophilus influenza B était insuffisante chez 6 enfants mais aucun ne développait cette infection pendant le suivi. L’immunité cellulaire ne semble pas affectée par l’exposition in utéro aux anti-TNF alpha. En revanche, le taux d’immunoglobulines était bas chez 7 enfants : IgA = 5, IgG = 1, IgM = 1. Le calendrier vaccinal n’était pas mentionné dans cette étude [8]. Une étude autrichienne a mesuré le taux d’Infliximab et d‘Adalimumab chez 14 nouveau-nés exposés à ces traitements pendant la grossesse (respectivement n= 5 et n=9) et stoppés à la 24ème semaine de grossesse. Le taux d’Adalimumab à la 27ème semaine de grossesse dans le sang du cordon est supérieur au taux circulant de la mère (médiane 1,10 µg/ml vs 0,83 µg/ml). Ce taux restait significatif au 3ème mois de vie du nouveau-né (0,7 µg/ml) puis quasi indétectable au 6ème mois. Cette étude suggère de stopper le traitement par Adalimumab et IFX au 3ème trimestre de grossesse et de différer les vaccinations par vaccins vivants chez le nourrisson pendant la 1ère année de vie [9].

MICI et sujet âgé :

L’efficacité et la sécurité d’utilisation des biothérapies sont- elles les mêmes chez le sujet âgé ?  L’équipe de Louvain a fait une étude rétrospective de 64 patients traités par anti TNF alpha après l’âge de 65 ans, en les comparant à 2 groupes : l’un plus jeune et l’autre, du même âge mais sous Azathioprine ou corticostéroïdes. Il semble que la réponse clinique à court et long terme soit inférieure chez les patients de plus de 65 ans (respectivement 67 vs 89% et 50 vs 76%), indépendamment des comorbidités associées. Ces dernières augmentent également les effets secondaires (infections, décès…) et l’apparition de tumeurs malignes : il est donc important de les dépister et d’ajuster le choix du traitement en fonction de l'importance des éventuelles maladies concomitantes   [10].
 
Le risque de cancer chez les patients âgés porteurs d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) est inconnu. L’apparition d’un cancer chez 841 patients porteurs d’une MICI diagnostiquée après 60 ans a été suivie d’après la cohorte EPIMAD. L’incidence des cancers a été comparée à celle d’une population témoin (registre FRANCIM). Seuls 2 patients de la cohorte MICI étaient traités par biothérapie. Le risque de cancer colorectal n’est pas augmenté dans le groupe MICI. Le risque de maladie lymphoproliférative maligne est augmenté chez les patients porteurs d’une rectocolite hémorragique (SIR = 2,71) et celui de tumeur du foie pour les patients porteurs d’une maladie de Crohn (SIR= 3,25). L’exposition à un traitement immunomodulateur n’est pas associé à une augmentation du risque de cancer ni à une maladie lymphoproliférative maligne [11].
 
  1. Gower-Rousseau C, S.J., Turck D, Fumery M, Peneau A, Spyckerelle C et al., Long-term outcome of paediatric-onset ulcerative colitis: early years are shaping the future, in UEGW 2013. oral communication. OP010.
  2. Frivolt K, S.T., Schatz S, Werkstetter K, Schwarzer A, Bufler P, et al., Repeated exclusive enteral nutrition in the treatment of pediatric Crohn's disease : evaluation of efficacy and long-term outcome in UEGW 2013. oral communication. OP013.
  3. Kierkus J, I.B., Grybowska Chlebowczyk U, Lazowska Przeorek I, Toporowska Kowalska E, Czaja Bulsa G et al. , Infliximab regimens of maintenance therapy in children with Crohn's disease- multicenter randomized study, in UEGW 2013. oral communication. OP014.
  4. Ruemmele F, R.J., Colletti R, Faubion W, Markowitz J, Eichner S et al., Efficacy of Adalimumab for treatment of perianal fistula in children with moderately to severely active Crohn's disease: results from IMAGINE, in UEGW 2013. oral communication. OP 054.
  5. de Meij, T.G., et al., Long-term follow-up of children exposed intrauterine to maternal thiopurine therapy during pregnancy in females with inflammatory bowel disease. Aliment Pharmacol Ther, 2013. 38(1): p. 38-43.
  6. Lichtenstein G R, F.B.G., Cohen R D, Salzberg B A, Langholff W, Morgan J Pregnancy outcomes in patients with Crohn's disease treated with Infliximab: results from the TREAT registry, in UEGW 2013. oral communication. OP215.
  7. Abdul Sultan A, W.J., Card T., Risk of adverse  pregnancy outcome among women with inflammatory bowel disease: a population based case- control study, in UEGW 2013. Oral communication. OP319.
  8. Duricova D, M.N.B.M., Kozeluhova J, Kohout P, Hrdlicka L et al., Ipact of anti- TNFA therapy for maternal inflammatory bowel disease during pregnancy on immune system of exposed children., in UEGW 2013.Oral communication. OP358.
  9. Traussnigg S, E.A., Primas C, Papay P, Gratzer C, Mikulits A et al. , Adalimumab and Infliximab therapy during pregnancy in IBD: a prospective assessment of outcome, safety, anti-TNFA cord bloodand follow up blood levels in newborns. , in UEGW 2013. oral communication. OP216.
  10. Lobaton T, F.M., Ballet V, Rutgeerts P, Vermeire S., Efficacy and safety of anti-TNF therapy in elderly patients with inflammatory bowel disease in UEGW 2013. oral communication. OP217.
  11. Cheddani H, D.L., Charpentier C, Fumery M, Salleron J, Bouvier A-M et al., Cancer in elderly-onset inflammatory bowel disease. A population-based study., in UEGW 2013. Oral communication. OP061. .