Le viscérogramme pelvien aujourd’hui : l’IRM dynamique du pelvis

Les troubles de la statique pelvienne sont un problème clinique de plus en plus fréquent, expliqué par le vieillissement de la population où l’altération des éléments de soutien du plancher pelvien devient avec le temps, symptomatique, affectant isolément un compartiment ou associant le compartiment urinaire, génital et/ou digestif. Le mode de révélation est donc variable et un symptôme peut n’être que le reflet incomplet d’une altération plus complexe qui peut nécessiter une approche multidisciplinaire. L’approche clinique de cette détérioration des systèmes de soutènement et de suspension des organes pelviens demeure une étape fondamentale, mais la réalisation d’explorations complémentaires peut être nécessaire comme les tests urodynamiques en cas d’incontinence urinaire ou un bilan radiologique. Le plus classique d’entre eux est la cystographie couplée si besoin à une opacification du vagin et du rectum. Le colpocystogramme relativement invasif et contraignant peut être remplacé à l’heure actuelle par l’IRM.

Protocole d’exploration des troubles de la statique pelvienne par IRM en 2002

L’IRM est avec l’échographie la technique de référence dans l’exploration morphologique du pelvis féminin. L’IRM peut aisément individualiser la vessie, le col et le corps de l’utérus avec son endomètre et son myomètre, les ovaires et le rectum et les autres structures digestives. De plus, elle a pour avantage d’offrir un champ d’exploration plus large, de montrer les rapports des différents compartiments, leur contenu et les structures musculaires adjacentes, en particulier le muscle élévateur de l’anus, dont l’importance dans la statique pelvienne est bien connu. Cette analyse morphologique s’appuie sur la réalisation de coupes pondérées T2 sagittales, transversales et surtout frontales. La durée moyenne des séquences en turbo spin écho (TSE) est de 3′, ne pouvant permettre d’effectuer des manuvres dynamiques. Pour apporter des réponses identiques au colpocystogramme, l’IRM ne peut être uniquement morphologique mais elle doit également intégrer une étude dynamique. Afin de répondre à cette exigence, il faut à la fois pouvoir bénéficier d’acquisitions courtes, autorisant la réalisation de manuvres dynamiques, et de séquences offrant un contraste naturel satisfaisant pour distinguer les structures anatomiques principales. Ce compromis peut être obtenu en réalisant des séquences en écho de gradient pondérée T2, de type Truefisp, qui sont obtenues en 18 secondes. Il est alors possible dans ce court laps de temps d’envisager des manuvres à type de poussée abdominale et de contraction. Ainsi, notre protocole comporte des séquences dans les 3 plans de l’espace, avec ce type de séquence, en apnée, représentant la position neutre, en poussée abdominale maximale et enfin en demandant un effort de retenue [1-3]. La séquence sagittale est l’incidence de référence dans l’analyse des troubles de la statique pelvienne. Pour optimiser le contraste naturel, en particulier améliorer la visualisation de la jonction ano-rectale, 60 à 120 cc de gel hydrique sont mis dans l’ampoule rectale.

Pour compléter ce bilan morphologique et fonctionnel, une séquence sagittale médiane, comportant une seule coupe acquise en 1 », est répétée pendant 26 » en demandant à la patiente de pousser progressivement de plus en plus fort, jusqu’à son maximum et de répéter cette manuvre. On peut ensuite créer à partir des 24 séquences obtenues, une boucle d’images reproduisant les mouvements des organes pelviens sous l’effet de la poussée abdominale, voire leur descente éventuelle. La durée d’un examen est de 20′ en moyenne.

Certains auteurs proposent d’explorer les compétitions entre les différents compartiments en réalisant au cours de l’IRM des manuvres dynamiques avec des valves placées dans le cul de sac vaginal antérieur ou postérieur. Ces techniques complémentaires nécessitent des aimants dont la profondeur n’est pas trop importante et elles ne sont pas réalisées par toutes les équipes. Compte tenu des aimants actuellement disponibles, l’IRM des troubles de la statique pelvienne est effectuée en décubitus dorsal. La réalisation d’une étude en position orthostatique nécessiterait un aimant vertical ouvert qui est pour le moment expérimental.

Bases d’interprétation de l’IRM dans les troubles de la statique pelvienne

Rappelons que les liquides sont caractérisés par un hypersignal en T2 (blanc) et un hyposignal en T1 (noir), les tissus solides en signal intermédiaire en T1 et un hyposignal ou un signal intermédiaire en T2.

» Analyse morphologique

L’IRM permet d’identifier les organes des différents compartiments : la vessie en avant avec son contenu liquidien en hypersignal sur la séquence pondérée T2, au-dessus de l’urètre avec sa muqueuse centrale et une musculature périphérique en hyposignal, l’utérus qui comporte un endomètre en hypersignal bordé par le myomètre en signal intermédiaire ou en hyposignal, surmontant le vagin avec sa paroi en hyposignal centré par un liseré en hypersignal, et l’ampoule rectale avec son gel en hypersignal.

Le muscle élévateur de l’anus comporte 2 faisceaux :

  • un faisceau médian pubo-rectal ou pubo-coccygien sagittal en hyposignal qui borde l’urètre et le vagin se terminant au niveau du noyau central du périnée et de la musculature ano-rectale ;
  • un faisceau latéral tendu du pubis à l’épine sciatique vers le coccyx et le raphé médian ano-coccygien (faisceau ilio-coccygien).

Les autres éléments musculaires du périnée peuvent être individualisés, mais l’application pratique de leur identification est faible. L’individualisation des ligaments est possible, mais inconstante. Par contre, la reconnaissance des fascias, en l’absence d’antenne endocavitaire, est très difficile.

» Evaluation du prolapsus

L’analyse d’un prolapsus s’appuie sur la position des organes pelviens par rapport à la ligne sous-pubo-sacro-coccygienne (ou plus simplement pubo-coccygienne), tracée entre de la partie inférieure du pubis à l’articulation sacro-coccygienne. La mesure des angles urétro-vésical postérieur et ano-rectal peut être également réalisée. On peut ainsi retenir que le col vésical doit toujours être au-dessus de cette ligne, de même que le col utérin et l’extrémité crâniale du vagin, alors que la jonction ano-rectale peut être au-dessous de cette ligne avec un maximum de 25 mm (Fig. 1). De même, ni le

cul-de-sac de Douglas ni les structures digestives ne doivent être vus au-dessous de la ligne sous-pubo-sacro-coccygienne.

Au niveau du muscle élévateur de l’anus, il faut rechercher une perte de la convexité supérieure, ou une verticalisation du faisceau ilio-coccygien, un amincissement ou une asymétrie voire une discontinuité et une perte de compétence en contraction.

Résultats de l’IRM

L’IRM permet de visualiser le prolapsus et les compartiments concernés.

La cystocèle et l’urétrocèle, l’hystérocèle (appelée trachélocèle en cas d’hystérectomie sub-totale), la colpocèle, l’élytrocèle (cul-de-sac de Douglas), entérocèle ou sigmoïdocèle, le périnée descendant, avec ou sans rectocèle, définie par une saillie de la paroi antérieure du rectum de plus de 2 cm en avant de la jonction ano-rectale (Fig. 2).

Dans notre expérience et schématiquement, les résultats de l’examen clinique, en période pré-opératoire, sont supérieurs pour le compartiment antérieur, identiques pour le compartiment moyen et inférieurs pour le compartiment postérieur, en particulier pour l’identification du contenu d’une colpocèle postérieure (rectocèle ou élytrocèle avec ou sans contenu intestinal).

En période post-opératoire, on note par contre une supériorité de l’IRM dans l’analyse de l’ensemble des 3 compartiments pelviens.

Cependant, nous avons considéré comme référence l’examen clinique et ceci ne doit pas masquer l’apport potentiel de l’IRM dans l’appréciation de l’importance du prolapsus, la visualisation de l’effet de la poussée abdominale sur la descente des organes pelviens. D’autres auteurs ont comparé 2 techniques d’imagerie. Ainsi, pour Kelvin ou pour Lienemann, les performances diagnostiques de l’IRM et du cystocolpodéfécogramme sont similaires voire légèrement supérieures pour l’IRM [3-4], tandis que pour Vanbeckevoort, le cystocolpodéfécogramme reste supérieur pour les compartiments antérieur et moyen et la mise en évidence d’entérocèle [5]. De même, Healy considère que l’IRM fournit des renseignements équivalents à la défécographie [6]. Néanmoins, l’IRM permet à la fois de visualiser le contenant et le contenu, en bénéficiant du contraste naturel des organes au sein de leur environnement, seule la lumière de l’ampoule rectale devant bénéficier d’une  » opacification  » à l’aide de gel. Un des avantages de l’IRM est de permettre d’étudier le pelvis dans les 3 plans de l’espace, en particulier dans les plans sagittal et frontal, et de montrer les organes (vessie, vagin et utérus, rectum) et aussi le cul-de-sac de Douglas et les anses digestives. L’acquisition répétée de la même coupe sagittale toutes les secondes pendant 26 » en demandant à la patiente de pousser progressivement permet d’obtenir une boucle d’images illustrant de manière dynamique, le mouvement des organes pelviens sous l’effet de la poussée abdominale. De plus, les structures de suspension et de soutènement, en particulier le muscle élévateur de l’anus, peuvent être analysés. Bien qu’elle ne soit pas parfaite, l’IRM est la seule technique qui permette cette étude globale du pelvis, en restant peu invasive et de réalisation rapide. Le reproche classiquement fait à l’IRM est d’être effectuée en décubitus dorsal. Cet inconvénient ne peut être à l’heure actuelle évité, compte tenu du matériel disponible sur le marché. De plus, il faut insister sur la nécessité de bien expliquer à la patiente les manuvres à effectuer pour éviter les faux négatifs.

Conclusion

L’IRM est une méthode d’imagerie non invasive, non irradiante qui peut se substituer au colpocystodéfécogramme et permet de voir le contenu et le contenant de la cavité pelvienne dans les 3 plans de l’espace en couplant une analyse morphologique et dynamique. Si l’on peut lui reprocher d’être effectuée en décubitus, la réalisation de boucle d’images permet de visualiser le mouvement des différents compartiments pelviens sous l’effet de la poussée abdominale. Outre son apport dans l’anatomie fonctionnelle du plancher pelvien, elle peut compléter le bilan clinique et urodynamique dans le bilan pré-opératoire d’un trouble de la statique pelvienne et contribuer à l’évaluation des résultats post-opératoires.

RÉFÉRENCES

  • 1. ROUANET JP, MARES P, COURTIEU C, MAUBON A. – L’IRM statique et dynamique du plancher pelvien féminin normal et pathologique. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2000 ; 29 : 237-241.
  • 2. GOH V, HALLIGAN S, KAPLAN G, HEALY JC, BARTRAM CI. – Dynamic MR imaging of the pelvic floor in asymptomatic subjects. Am J Roentgenol 2000 ; 174 : 661-666.
  • 3. KELVIN FM, MAGLINTE DDT, HALE DS, BENSON T. – Female pelvic organ prolapse: a comparison of triphasic dynamic MR imaging and cystocolpoproctography. Am J Rotengen 2000 ; 174 : 81-88.
  • 4. LIENEMANN A, ANTHUBER C, BARON A, KOHZ P, REISER M. – Dynamic MR colpocystorectography assessing pelvic-floor descent. Eur Radiol 1997 ; 7 : 1309-1317.
  • 5. VANBECKEVOORT D, VAN HOE L, OYEN R, PONETTE E, DE RIDDER D, DEPREST J. – Pelvic floor descent in females: comparative study of colpocystodefecography and dynamic fast MR imaging. J Magn Reson Imaging 1999 ; 9 (3) : 373-377.
  • 6. HEALY JC, HALLIGAN S, REZNZK RH, WATSON S, BARTRAM C, PHILIPS R, ARMSTRONG P. – Dynamic MR imaging compared with evacuation proctography when evaluating ano-rectal configuration and pelvic floor movement. Am J Roentgen 1997 ; 169 : 775-779.