Hoquet rebelle

Introduction

Le hoquet est un phénomène physiologique qui découle d’une contraction brutale coordonnée de tous les muscles inspiratoires, rapidement suivie par la fermeture des voies aériennes supérieures. Il résulte d’une activité nerveuse complexe organisée à travers l’ensemble des centres nerveux cérébro-médullaires dont l’afférence essentielle est l’œsophage via le pneumogastrique.

Le rôle du médecin face à un hoquet est important car il faut déterminer quelle en est la cause, quel en est le pronostic, et si des examens complémentaires sont nécessaires. En effet, si la physiologie de base est la même, tout oppose trois différentes variétés de hoquet :

– Le hoquet isolé secousse simple, contraction physiologique brève et organisée des muscles respiratoires, unique, involontaire et quotidienne, qui passe souvent inaperçue. C’est une activité physiologique chez l’enfant comme chez l’adulte. L’utilité du hoquet reste un mystère, mais il s’agit d’un mouvement respiratoire complexe commun à tous les vertébrés. Il procède à la fois des mécanismes de succion et de toux, et de la respiration branchiale(1).

– Le hoquet aigu secousses répétitives durant moins de 48 heures, parfois bruyantes, dont le sujet est conscient. C’est un phénomène gênant mais sans gravité, que chacun connaît, et qui fait sourire; expérience banale qui s’observe à tout âge, et dont le pronostic est excellent.

– Le hoquet chronique secousses répétitives durant plus de 48 heures, avec un pronostic réservé; en effet, il peut être le symptôme d’une maladie ou d’une complication pathologique sous-jacente et il est souvent rebelle. Son pronostic est la poursuite à long terme des secousses à fréquence variable et souvent avec une périodicité de quelques jours ou quelques semaines par mois. Il est à l’origine d’une invalidité significative. C’est donc en règle générale le seul hoquet qui implique une prise en charge médicale sérieuse avec en particulier, recherche de sa cause pour tenter un traitement étiologique. L’œsophagite par reflux en est la plus fréquente, loin devant les causes thoraciques, abdominales, cérébrales voire psychiques.

Le hoquet aigu

Les hoquets aigus ne posent pas réellement de problème médical, puisque la gêne est limitée dans le temps à quelques heures tout au plus. L’étiologie en est souvent évidente abus d’alimentation ou de boissons, occlusion, ingestion de caustique, effet indésirable d’un médicament, etc.

De nombreuses méthodes populaires ont cours dans le but d’interrompre ce hoquet. Elles ont généralement pour mécanisme l’apnée ou le détournement de l’attention. Compte tenu de la tendance spontanée forte du hoquet aigu à disparaître pour ne pas revenir, l’efficacité réelle de ces méthodes reste sujette à caution. Néanmoins, si on se trouve face à un hoquet aigu, la manœuvre de Salem peut aider (Fig.1). Elle repose sur l’attouchement de la paroi postérieure du pharynx par une sonde nasale. Elle est la méthode de blocage physique du hoquet la plus fiable mais elle n’est efficace que peu de temps. Elle peut être très utile pour bloquer un hoquet aigu. Le cas échéant, une vidange gastrique par aspiration peut aider à stopper un hoquet aigu.

Le hoquet chronique

Tout autre est le problème posé par le hoquet chronique [2, 3]. D’une part, il peut être l’indice d’un problème pathologique grave et donc justifier une approche diagnostique focalisée en priorité vers l’œsophage; d’autre part, il est per se à l’origine d’un retentissement somatique sérieux, qui impose qu’il soit réduit par tous les moyens.

» Etiologies

La recherche d’une cause œsophagienne doit être la priorité compte tenu de la fréquence des anomalies œsophagiennes qui peuvent être responsables du hoquet et de l’impact thérapeutique qui en découle [4, 5].
De nombreuses causes non œsophagiennes de hoquet ont également été identifiées [2]. Leur imputabilité repose au moins sur la coïncidence entre la disparition du hoquet et leur traitement. Dans certains cas, des récidives permettent d’affirmer la liaison causale. Plus fragiles sont les associations symptomatiques, surtout du fait que le hoquet chronique survient préférentiellement chez des patients masculins du troisième ou du quatrième âge, ou chez des malades cachectiques en phase terminale d’une affection fatale (SIDA ou cancer le plus souvent). La poly-pathologie fréquente chez ces patients impose la prudence avant de tirer des conclusions quant à la genèse du hoquet.

Les étiologies non œsophagiennes possibles d’un hoquet chronique sont détaillées dans le tableau I. Elles peuvent être abdominales, thoraciques, cervicales ou neurologiques.

Dans les traumatismes crâniens comme dans les méningites ou les encéphalites, le hoquet est un signe de mauvais pronostic.

Comme dans le hoquet aigu, si cela est jugé nécessaire, la manœuvre de Salem peut soulager le patient en bloquant temporairement le hoquet (Fig. 1). Ceci permet de réaliser plus calmement les examens complémentaires. Sa répétition dans un hoquet chronique est parfois à l’origine d’un traumatisme de la paroi postérieure du pharynx.

» Stratégie d’exploration

La priorité est donnée à la clinique et à la réalisation d’investigations digestives hautes. Ce n’est que dans un second temps que d’autres systèmes seront explorés. Le diagnostic de hoquet d’origine centrale, organique ou psychique, ne sera fait que plus rarement et parfois par exclusion. Une stratégie d’exploration est proposée dans la figure 2.

EXPLORATIONS ŒSOPHAGIENNES

Endoscopie digestive haute

C’est l’examen prioritaire. Des anomalies (essentiellement œsophagiennes) y ont été constatées chez la grande majorité des patients hernie hiatale, œsophagite plus ou moins sévère exposant au risque d’endobrachyœsophage.

pH-métrie des 24 heures

Cet examen est complémentaire de l’endoscopie en quantifiant l’importance du reflux acide, qui n’est pas toujours parallèle aux lésions endoscopiques. La pertinence de ce reflux est prouvée par le test de Bernstein qui a pu dans certaines observations déclencher le hoquet.

Manométrie

Une dyskinésie œsophagienne est mise en évidence dans la majorité des hoquets chroniques. Il peut s’agir d’anomalies mineures associées au RGO (hypotonie ou trouble de relaxation du sphincter inférieur de l’œsophage, anomalies de la motricité œsophagienne) d’un méga-œsophage ou d’une hypertonie. Certains malades ont un «œsophage casse-noisette» bien qu’ils n’aient pas de douleurs d’allure angineuse.

IMAGERIE THORACIQUE ET CEREBRALE

L’imagerie est décevante dans les hoquets chroniques; à part de rares tumeurs ou anomalies médiastinales, de rares pathologies vasculaires ou tumorales cérébrales, elle ne montre le plus souvent pas la cause du hoquet.

» Traitement et évolution

L’objectif général de la prise en charge est l’identification et le traitement de la cause du hoquet chronique. Le suivi des malades montre que la majorité sont en rémission complète après traitement étiologique, le plus souvent de l’œsophagite par reflux. Une minorité est en rémission partielle (le hoquet persistant mais avec une fréquence et une périodicité très réduites), et quelques rares malades sont en échec (le hoquet persistant avec une fréquence et une périodicité identiques voire supérieures malgré les essais thérapeutiques). Souvent, persistent des périodes de hoquet durant quelques jours alternant avec des rémissions.

Le cas clinique le plus typique est celui d’un sujet âgé masculin souffrant d’un hoquet périodique, une à trois semaines par mois, dont les traitements médicaux associés (Tableau II) ne permettent au mieux que de réduire la fréquence et l’intensité des crises de hoquet. Ces malades ont fréquemment des blocages respiratoires, paroxysmes de hoquet durant quelques secondes durant lesquels aucun débit d’air inspiratoire ou expiratoire n’est possible, la cage thoracique étant bloquée par des muscles tétanisés en inspiration maximale. Une amélioration est possible en couplant les antidépresseurs tricycliques, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, le baclofène [6]. La gabapentine est également une solution thérapeutique [7].
Les médicaments utilisables pour traiter un hoquet chronique sont détaillés dans le tableau II.

Conclusions

Le hoquet aigu pose peu de problèmes de prise en charge sauf s’il est associé à une condition pathologique évolutive, généralement évidente, et dont le traitement règlera le hoquet. Mais, dans la majorité des cas, il ne nécessite pas de déployer une grande activité médicale.

Le hoquet chronique, lui, est une situation rare et invalidante qui demande une prise en charge spécialisée. La recherche et le traitement de sa cause sont prioritaires. Bien évidemment, le contexte clinique peut orienter fortement vers une solution, mais le plus souvent, faute de piste clinique, l’arbre décisionnel de la Figure 2 s’applique. Il débouche souvent sur la découverte et le traitement d’un reflux gastro-œsophagien ou d’une dyskinésie œsophagienne. Il reste à déterminer quelles anomalies sont primitivement œsophagiennes et lesquelles sont les conséquences d’un hoquet déclenché et perpétué d’ailleurs. Le plus souvent, le traitement œsophagien règlera la question.

RÉFÉRENCES

1. Straus C, Vasilakos K, Wilson RJ, Oshima T, Zelter M, Derenne JP, Similowski T, Whitelaw WA. A phylogenetic hypothesis for the origin of hiccough. Bioessays 2003 25 182-8.
2. Cabane J, Desmet V, Derenne JP, Similowski T, Launois S, Bizec JL, OrcelB. Hoquet chronique Rev Med Interne. 1992 13 454-9.
3. Launois S, Bizec JL, Whitelaw WA, Cabane J, Derenne J-Ph. Hiccup in adults an overview. Eur Respir J 1993 6 563-75.
4. Pooran N, Lee D, Siderikis K. Protracted hiccups due to severe erosive esophagitis a case series. J Clin Gastroenterol 2006 40 183-5.
5. Doore MP, Pedroni A, Pes GM, Maragkoudakis E, Tadeu V, Pirina P, Realdi G, Delitala G, Malaty HM. Effect of antisecretory therapy on atypical symptoms in gastroesophageal reflux disease. Dig Dis Sci 2006 9 463-8.
6. Guelaud C, Similovski T, Bizec JL, Cabane J, Whitelaw WA, Derenne J-Ph. Baclofen therapy for chronic hiccup. Eur Respir J 1995 8 235-7.
7. Hernandez JL, Pajaron M, Garcia RegataO, Jimenez V, Gonzalez MaciasJ. Gabapentin for intractable hiccup. Am J Med 2004 117 279-81.