Traitement du VHB interféron ou antiviraux

Objectifs du traitement des hépatites B chroniques

Compte tenu des données de l’histoire naturelle des hépatites B chroniques, les objectifs du traitement antiviral sont de contrôler la réplication virale, afin d’améliorer la maladie hépatique et d’empêcher la progression de celle-ci vers les complications (cirrhose et carcinome hépatocellulaire). De nombreuses études ont en effet montré la corrélation entre le niveau de charge virale et le degré d’inflammation intra-hépatique, ainsi que le risque ultérieur de développer une cirrhose et un carcinome hépatocellulaire [1-4].

Par ailleurs, les résultats des essais cliniques et des méta-analyses indiquent que le contrôle de la réplication antivirale sous traitement est associé à une réduction de l’inflammation intra-hépatique et à une moindre progression de la fibrose hépatique par rapport aux patients recevant le placebo [1]. Par ailleurs, chez les patients atteints d’hépatite B chronique à un stade de fibrose évoluée ou de cirrhose, le traitement antiviral permet de diminuer la progression de la maladie hépatique, de façon très nettement significative par rapport au patient recevant le placebo [5].

Compte tenu de l’ensemble de ces données, les indications thérapeutiques concernent tous les patients présentant une hépatite chronique avec activité inflammatoire et/ou fibrose significative, ayant un risque de progression sans traitement. Aucun essai clinique n’a montré l’intérêt d’un traitement chez les patients en état d’immuno-tolérance ou chez les porteurs inactifs du virus de l’hépatite B.

Les autres objectifs du traitement antiviral sont d’obtenir une séroconversion anti-HBe chez les patients qui sont initialement positifs pour l’antigène HBe, et éventuellement une séroconversion HBs que le patient soit positif, ou non, pour l’antigène HBe avant le début du traitement. Seule, l’apparition d’une séroconversion peut permettre d’envisager l’arrêt d’un traitement antiviral par analogue de nucléosides. Enfin, un objectif additionnel du traitement est de réduire le risque de transmission virale.

Résultats immédiats et à long terme des traitements anti viraux

» Interféron Pégylé

Les résultats à court terme de l’administration à l’Interferon Pégylé indiquent une baisse de charge virale d’environ 4 Log sous traitement que le patient soit positif pour l’antigène HBe, ou non, avant le début du traitement. Ceci s’accompagne d’une diminution significative des transaminases. Les études à plus long terme concernant l’Interféron Pégylé ne sont pas nombreuses. On dispose de résultats, publiés à 6 mois après l’arrêt du traitement, qui montrent chez les patients positifs pour l’antigène HBe, un taux de séroconversion anti-HBe d’environ

30%, associé à une baisse significative de la charge virale et une normalisation des transaminases. Il faut noter que la combinaison d’Interferon Pégylé et de Lamivudine chez ces patients, n’apportait pas de bénéfice supplémentaire. Chez les patients négatifs pour l’antigène HBe, avant le début du traitement (infection par un mutant précore), le taux de rémission «prolongée» six mois après un traitement d’un an était d’environ 30% (charge virale faible associée à des transaminases normales) [6].

Le traitement par Interféron Pégylé, du fait de sa relative courte durée, paraît intéressant chez des patients positifs pour l’antigène HBe présentant des facteurs prédictifs de bonne réponse (âge jeune, transaminases supérieures ou égales à 3 fois la norme, charge virale faible inférieure ou égale à 7 Log, génotype favorable A ou B) [7]. Dans cette situation, l’Interféron Pégylé peut induire une rémission prolongée chez environ 50% des patients.

» Analogues de nucléosides

Depuis la fin des années 90, de nombreux analogues de nucléosides ont été développés avec tout d’abord la Lamivudine, puis l’Adéfovir dipivoxil puis l’Entécavir. La Telbivudine vient d’être approuvée aux Etats-Unis et devrait être approuvée en Europe prochainement. Le Ténofovir est approuvé pour le VIH et la co-infection VIH-VHB est actuellement en étude clinique de phase III.

Les résultats à court terme indiquent qu’avec une administration orale quotidienne d’un comprimé/jour, ces médicaments antiviraux inhibiteurs de la polymérase virale, diminuent la charge virale de façon significative sous traitement. Cette baisse de charge virale à un an de traitement est d’environ 4 à 6 Log pour la Lamivudine, 3 à 4 Log pour l’Adéfovir, 6 à 7 Log pour l’Entécavir [8-11]. Malheureusement, malgré des traitements antiviraux puissants permettant de diminuer de façon significative les transaminases parallèlement à l’activité antivirale, le taux de séroconversion anti-HBe reste faible, à environ 20% après un an de traitement quelles que soient les molécules.

Ceci implique la nécessité de traitement antiviral à long terme. L’efficacité de traitement prolongé par analogues de nucléosides a été démontrée notamment avec l’Adéfovir. Après 5 ans d’administration, 70% des patients ont une charge virale indétectable par PCR et des transaminases normales, associées à une amélioration histologique significative. Chez les patients traités par Entécavir pendant 3 ans, la baisse de charge virale progressive, permet d’obtenir une indétectabilité de l’ADN viral chez environ 90% des patients.

Le problème des traitements antiviraux de longue durée est la possibilité de sélection de mutants résistant [12, 13]. Avec la Lamivudine, le taux de résistance est d’environ 20% par an, atteignant approximativement 70% après 5 ans de traitement. Avec l’Adéfovir dans la population de patients négatifs pour l’antigène HBe ayant reçu un traitement pendant 5 ans, le taux de résistance est d’environ 30% à 5 ans. Avec l’Entécavir, les premières données sembleraient indiquer un taux de résistance inférieur à 2% après 3 ans de traitement. Il faut toutefois noter que chez les patients recevant l’Entécavir pour une résistance antérieure à la Lamivudine, le taux de résistance à l’Entécavir est plus important, atteignant environ 30% après 1 an de traitement.

Comment choisir la meilleure option thérapeutique ?

Le choix du traitement dépend de la forme d’hépatite B chronique, du stade de cette hépatite chronique et des traitements prescrits antérieurement.

» Patients présentant une hépatite chronique avec un antigène HBe positif

Chez ces patients, l’Interféron Pégylé doit être envisagé en première intention, notamment lorsqu’il existe des critères favorables de réponse au traitement (cf. chapitre ci-dessus) [6, 7]. En effet, dans cette situation, un traitement de durée définie peut induire une rémission prolongée et éviter des problèmes d’interruption thérapeutique, notamment en cas de désir de grossesse dans le couple.

Chez tous les autres patients, c’est-à-dire ceux présentant une charge virale élevée ou des transaminases modérément élevées (facteurs prédictifs de mauvaise réponse à l’Interféron), chez les patients présentant des contre-indications à l’Interféron ou ayant présenté des effets secondaires à l’Interféron, un traitement par analogues de nucléosides doit être envisagé de première intention. Le choix de la molécule à prescrire en première intention dépend de son efficacité antivirale et de sa propension à sélectionner des mutants résistants. Pour les patients positifs pour l’antigène HBe, la Lamivudine a un taux de résistance trop important pour être prescrite en première intention [14] et l’Adefovir une efficacité antivirale trop lente [8]. L’Entécavir semble être, aujourd’hui, la meilleure option thérapeutique de première ligne chez ces patients [11].

» Patients atteints d’hépatite B chronique avec antigène HBe négatif

Chez ces patients, un traitement prolongé de plusieurs années est nécessaire et l’Interféron Pégylé ne semble pas être une bonne option comme traitement de première ligne [15].

Parmi les analogues de nucléosides, la Lamivudine en monothérapie n’est pas conseillée compte-tenu de son fort taux de résistance [14]. L’Adéfovir et l’Entécavir peuvent être prescrits en première intention chez ces patients. En effet, les patients présentant une charge virale plus faible que les patients positifs pour l’antigène HBe, l’Adéfovir a démontré son efficacité antivirale dans cette population de patients et possède un taux de résistance relativement faible [16, 17]; l’Entécavir aurait aussi un taux de résistance faible dans cette population [18].

» Patients présentant une cirrhose décompensée

Chez ces patients, l’Interféron Pégylé est contre-indiqué compte tenu des effets secondaires hématologiques, du risque de décompensation hépatique liée à une éventuelle poussée cytolitique, et au risque infectieux lié à la neutropénie induite par le traitement. Dans cette situation, où une transplantation hépatique est souvent discutée à plus ou moins long terme, une combinaison d’analogues de nucléosides paraît la meilleure situation, afin d’obtenir un effet antiviral rapide et de réduire le risque de résistance pendant le temps d’attente sur liste d’attente de greffe. On peut noter que certaines études ont montré que l’effet antiviral s’accompagnait parfois d’une amélioration spectaculaire de la maladie hépatique pouvant faire retirer le patient de la liste d’attente. Si le patient est transplanté, la combinaison d’analogues de nucléosides doit être poursuivie, en association avec des immunoglobulines anti-HBs.

» Patients présentant une résistance aux antiviraux

Dans cette situation, l’adaptation du traitement dépend des données de résistance croisée des différents mutants de résistance. Si le patient présente une résistance à la Lamivudine, la meilleure option est d’ajouter l’Adéfovir dipivoxil, dès l’augmentation de la charge virale et avant même la remontée des transaminases. Cette situation de contrôle virologique s’effectue chez la majorité des patients et est associée à un très faible risque de résistance ultérieur à l’Adéfovir [19]. Le passage de la Lamivudine à l’Entécavir n’est pas conseillé chez ces patients, compte tenu de la résistance croisée entre la Lamivudine et l’Entécavir et du risque de sélection de mutants résistant à la fois à l’Entécavir et à la Lamivudine et atteint environ 30% des patients après 3 ans de traitement [20].

Chez les patients présentant une résistance à l’Adéfovir, en fonction du profil de mutations, on peut conseiller soit l’ajout de la Lamivudine, soit l’ajout de l’Entécavir tout en continuant l’Adéfovir, dès la remontée de la charge virale.

Chez les patients ayant présenté une résistance à l’Entécavir, soit lors d’un premier traitement, soit après un échec de Lamivudine, les premières études indiquent que l’Adéfovir et le Ténofovir sont efficaces in vitro sur ces souches multi-résistantes. Les premières expériences cliniques montrent que l’Adéfovir est efficace pour contrôler la charge virale chez ces patients ayant présenté une résistance à l’Entécavir.

Un très faible nombre de cas de patients résistant à un traitement séquentiel par Lamivudine, puis Lamivudine et Adefovir a été décrit dans la littérature. Les souches virales responsables de la résistance à la Lamivudine et à l’Adefovir sont sensibles in vitro à l’Entécavir et au Ténofovir et certaines expériences cliniques confirment ces données.

Certaines études suggèrent que l’adaptation du traitement devrait être réalisé dès le 6e mois de traitement si la charge virale n’est pas parfaitement contrôlée (> 3 Log), avant même la remontée de la charge virale [21].

» Vers des combinaisons thérapeutiques ?

Le problème de résistance aux antiviraux fait poser le problème de combinaison thérapeutique avec des molécules antivirales présentant un profil de résistance croisée différent [12, 13]. Des essais cliniques sont actuellement en cours pour démontrer l’efficacité d’une combinaison thérapeutique d’emblée par comparaison à une addition précoce d’une deuxième molécule antivirale en cas de contrôle imparfait de la charge virale sous traitement.

RÉFÉRENCES

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