[Atelier] Prise en charge de l’hyperferritinémie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les principales causes d’hyperferritinémie non hémochromatosique
  • Connaître la classification des hémochromatoses génétiques et les tests à demander
  • Savoir quelles sont les indications et les modalités pratiques des phlébotomies
  • Savoir dans quelles circonstances proposer une IRM et/ou une biopsie hépatique

Connaître les principales causes d’hyperferritinémie non hémochromatosique

Quatre situations rendent compte de l’anomalie dans la majorité des cas?: syndrome métabolique (pris au sens large du terme), consommation excessive d’alcool, syndrome inflammatoire et cytolyse, notamment hépatique. L’enquête étiologique initiale d’une hyperferritinémie peut donc se limiter à un interrogatoire visant à apprécier la consommation d’alcool, au recueil des données cliniques, notamment biométriques (poids, taille, indice de masse corporelle, tour de taille et tension artérielle), et à quelques examens biologiques simples (NFS, CRP, glycémie, cholestérol et ses fractions, triglycérides, ASAT et ALAT). Beaucoup plus rarement il s’agit d’une hyper­ferritinémie génétique (hyperferritinémie héréditaire avec ou sans cataracte) ou acquise dans le cadre d’une hyperthyroïdie, d’une maladie de Gaucher, d’une pathologie tumorale…

Connaître la classification des hémochromatoses génétiques et les tests à demander

La démarche diagnostique s’articule autour de la valeur – vérifiée – de la saturation de la transferrine. Si la saturation est augmentée, le diagnostic d’hémochromatose est possible et la réalisation d’un génotypage HFE (recherche de la mutation C282Y) apparaît souhaitable hors du contexte d’une cirrhose évoluée et une fois écarté un état de myélopoïèse inefficace, ces deux conditions étant susceptibles de réaliser un tableau pseudo-hémochromatosique. Seule la mise en évidence d’une homozygotie C282Y signe le diagnostic d’hémochromatose HFE. Tout autre génotype HFE doit conduire à s’interroger, surtout si l’hyperferritinémie est élevée (> 1 000), sur une possible hémochromatose non HFE par mutation du gène du récepteur 2 de la transferrine (RTf2), de l’hémojuvéline (HJV), de l’hepcidine (HAMP) voire de la ferroportine (FRP – type B). Dans ces conditions qui sont exceptionnelles, le plus simple est de se tourner vers un centre de référence/compétence qui sera à même de guider au mieux la démarche diagnostique (http://www.centre-­reference-fer-rennes.fr).

Savoir dans quelles circonstances proposer une IRM et/ou une biopsie hépatique

En cas d’hémochromatose génétique. L’IRM permet de quantifier la surcharge et, chez le sujet âgé de plus de 50 ans et fortement surchargé, de rechercher, avant traitement, des nodules dépourvus de fer de valeur (pré)néoplasique. La biopsie hépatique n’a d’intérêt que pronostique pour évaluer le retentissement fibreux. Elle est indiquée lorsque la ferritinémie est > 1 000 et/ou les ASAT sont augmentées et/ou il existe une hépatomégalie.

En l’absence d’hémochromatose (saturation est normale ou, a fortiori basse). La question est de savoir si l’hyper­ferritinémie témoigne d’une surcharge en fer ou non. La réalisation d’une IRM permet de trancher cette question et, en fonction de la localisation de la surcharge (foie, rate, pancréas, …), d’en guider l’enquête étiologique. L’absence de surcharge oriente vers une possible hyperferritinémie génétique (avec ou sans cataracte). La présence d’une surcharge importante (c’est-à-dire supérieure à 150 µmol/g) suggère une pathologie de type maladie de la ferroportine (FRP) ou a(hypo)céruloplasminémie. Le plus souvent, en fait, la charge hépatique en fer est modérément augmentée et le diagnostic s’oriente alors essentiellement vers une hépatosidérose dysmétabolique. Dans ces situations, la biopsie hépatique permet d’évaluer le retentissement fibreux et d’éventuelles lésions associées (stéato-hépatite, notamment) mais ses indications précises sont encore mal codifiées.

Savoir quelles sont les indications et les modalités pratiques des phlébotomies

Hémochromatoses génétiques. Les phlébotomies (5-7 mL/kg) restent le traitement de référence des hémochromatoses avec, comme objectif, d’obtenir (par des saignées hebdomadaires) puis de maintenir (par des saignées espacées de 1 à 4 mois) une ferritinémie < 50 sous réserve d’une hémoglobinémie > 12 g/dL.

Surcharges en fer non hémochromatosiques. En raison d’une moindre tolérance hématologique, les phlébotomies – dont l’indication est moins absolue que dans les hémochromatoses – sont en règle moins abondantes et/ou plus espacées (tous les 15 jours). En dehors des surcharges hématologiques, le recours aux chélateurs oraux du fer est exceptionnel.

Références

  1. Bacon B.R, Adams P.C, Kowdley K.V, Powell L.W, Tavill A.S. Diagnosis and management of hemochromatosis 2011 practice guidelines by the American association for the study of liver diseases. Hepatology 2011;54: 328-43.
  2. Deugnier Y, Lainé F, Le Lan C, Bardou-Jacquet E, Jouanolle A.M, Brissot P. Hémochromatoses et autres surcharges en fer. Encycl Med Chir 2011 (Hépa­tologie) 7-007-B-22.
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  6. Pietrangelo A, Deugnier Y, Dooley J, Erhardt A, Zoller H. EASL clinical practice guidelines : HFE hemochromatosis. J Hepatol 2010;53:3-22.
  7. Pietrangelo A, Caleffi A, Corradini E. Non-HFE hepatic iron overload. Sem Liv Dis 2011;31:302-18.

Les 5 points forts

  • Syndrome inflammatoire, consommation excessive d’alcool, syndrome métabolique et cytolyses rendent compte de la plupart des hyperferritinémies.
  • L’hypersaturation de la transferrine caractérise les hémochromatoses ­génétiques (dont la forme HFE représente plus de 95?% des cas).
  • Les différentes hémochromatoses (HFE, RTf2, HJV, Hamp, FRP…) sont accessibles à un diagnostic par génétique moléculaire.
  • L’IRM permet de quantifier la charge hépatique et splénique en fer. La biopsie hépatique a surtout une valeur pronostique (fibrose et maladies associées dont stéato-hépatite).
  • Les phlébotomies demeurent le traitement de référence des hémochromatoses. Elles sont plus discutées dans les autres surcharges en fer.