Apport de la radiologie dans l’indication thérapeutique des MICI (hors lésions anopérinéales)

Objectifs pédagogiques

  • Apport de l’imagerie dans le diagnostic et la gestion des poussées sévère de RCH
  • Apport de l’imagerie dans la détection des lésions inflammatoires de la maladie de Crohn
  • Apport de l’imagerie dans le traitement des sténoses de la maladie de Crohn
  • Apport de l’imagerie dans la prise en charge des abcès de la maladie de Crohn
  • Apport de l’imagerie dans l’éva­luation de la réponse thérapeutique

L’évaluation des lésions intestinales du grêle et du côlon est essentielle dans la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI). Si l’iléocoloscopie reste encore l’examen de référence pour l’éva­luation des lésions luminales de l’iléon terminal et du côlon, il n’en demeure pas moins que des progrès specta­culaires ont été accomplis dans le domaine de l’imagerie en coupe ­comportant l’échographie (ECT), la tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) [1]. Dans la dernière décade, l’amélio­ration de la résolution temporelle et spatiale de la TDM et de l’IRM et ­l’apparition de séquences rapides ­pouvant être réalisées le temps d’une apnée ont permis le développement de ces techniques qui ont pour avantages la visualisation non seulement de la lumière intestinale mais aussi de la paroi et des espaces péridigestifs. Alors que ces techniques ont traditionnellement été utilisées pour la détection des complications des MICI, une place croissante leur est donnée dans la reconnaissance des lésions inflammatoires, la prédiction et ­l’évaluation de la réponse au traitement, voire de l’obtention de la ­cicatrisation intestinale [2].

Les principaux facteurs déterminant la prise en charge thérapeutique des patients atteints de MICI sont le siège des lésions, l’activité de la maladie, la présence de complications et ­l’évolution sous traitement. Pour caractériser ces facteurs, les moyens disponibles sont l’évaluation clinique et biologique, certains tests bio­chimiques comme la calprotectine fécale [3], les explorations endoscopiques et les techniques d’imagerie [1]. L’apport de chacun de ces moyens dans l’aide à la prise en charge ­thérapeutique est récapitulé dans le tableau 1.

Le but de cette mise au point est de préciser l’apport de l’imagerie en coupe dans la prise en charge des patients atteints de MICI dans les formes sévères et/ou compliquées, dans la détection des lésions inflammatoires, des sténoses, abcès et/ou fistules et dans l’évaluation de la réponse thérapeutique. Les lésions anopérinéales associées à la maladie de Crohn ne seront pas traitées.

Moyens cliniques et biologiques Test biochimiques (calprotectine fécale) Examens endoscopiques Imagerie en coupe
Topographie + ++ +++
Activité + + +++ +++
Présence de complications ++ +++
Évolution après traitemen + + ++ ?

- : non utile ; + intérêt faible ; ++ : intérêt moyen ; +++ : intérêt majeur ; ? : intérêt en cours d’évaluation.

Tableau 1. Principaux facteurs déterminant la prise en charge thérapeutique des patients atteints de MICI

Place de l’imagerie dans le diagnostic et la gestion des poussées sévères de rectocolite hémorragique (RCH)

Le diagnostic de poussée sévère de RCH repose sur les classiques critères de Truelove et Witts (> 5 émissions glairo-sanglantes par 24 heures et au moins l’un des 4 signes suivants : pouls > 90/mn, fièvre, hémoglobine < 10,5 g/dL, VS ou CRP > 30). En ­présence de ces critères, une hospitalisation en urgence est nécessaire pour confirmer l’existence d’une poussée, diagnostiquer sa sévérité et éliminer une complication. L’endoscopie colique reste l’examen de référence pour l’évaluation de l’activité et de l’étendue des lésions, avec plusieurs avantages, notamment la visualisation directe de la muqueuse, la réalisation de biopsies pour l’étude anatomo­pathologique, la recherche de CMV, la culture bactérienne. Dans les colites graves, une coloscopie courte est ­possible pour éviter les contraintes et risques d’une coloscopie totale. Elle nécessite d’éliminer préalablement une complication, rôle dévolu à l’imagerie.

L’imagerie aide également à évaluer l’extension des lésions si l’endoscopie s’est cantonnée au rectosigmoide.

Le mégacôlon toxique

Le mégacôlon toxique est une complication grave des MICI coliques [4]. Le diagnostic peut être suspecté cliniquement ou doit être systématiquement recherché en cas de poussée sévère par les techniques d’imagerie. La dila­tation du côlon supérieure à 6 cm en zone atteinte sur une radiographie d’abdomen sans préparation (ASP) est le critère classique de mégacôlon toxique. L’imagerie en coupe par TDM ou pour certains par ECT est une méthode plus sensible de détection de complications, en cas de mégacôlon toxique (Figure 1) [5].

D’autres signes radiologiques tels qu’une distension du grêle ou de ­l’estomac, des aspects d’îlots muqueux résiduels et d’ulcérations coliques creusantes chez les patients atteints de colite sévère doivent être recherchés [6,7].

Figure 1. TDM après injection de produit de contraste iodé (reconstructions coronale et coronale oblique) : colectasie transverse et colite sévère du côlon d’aval avec épaississement pariétal et hyperhémie péridigestive

La perforation colique

Ici encore, la TDM a une sensibilité largement supérieure à celle de l’ASP, bien qu’elle ne soit que de 85 % dans cette situation [8]. Malgré cette possibilité de faux négatif à bien connaître, les recommandations standards sont de proposer une TDM chez les patients suspects de perforation en cas de MICI.

Apport de l’imagerie dans la détection des lésions inflammatoires de la ­maladie de Crohn

Côlon

Dans une étude prospective de l’équipe de Barcelone, les auteurs ont évalué la précision de la coloIRM dans le ­diagnostic de l’activité et de la sévérité de la maladie de Crohn à localisation iléocolique chez 50 patients [9]. Les patients étaient préparés par une ­solution orale à base de polyéthylène glycol (1 500 à 2 000 ml) et une ­solution rectale à base d’eau (1 000 à 2 000 ml). L’examen de référence était l’iléocoloscopie et le score utilisé le CDEIS (Crohn’s disease endoscopic index of severity). Les signes radiologiques étaient l’épaississement ­pariétal, la prise de contraste de la paroi et la présence d’œdème et ­d’ulcère. Le score IRM dérivé (MaRIA : MAgnetic Resonance Index of Activity) était significativement corrélé au CDEIS (Rhô = 0,82 ; p < 0,001) et avait une précision diagnostique satisfaisante avec une aire sous la courbe ROC (AUROC) à 0,89 pour la détection d’une maladie active. La corrélation était également significative pour ­évaluer la sévérité des lésions. Dans une étude de validation rapportée par la même équipe, le MaRIA gardait les mêmes performances diagnostiques, avec une AUROC à 0,93 pour le ­diagnostic de MC active.

L’IRM colique avec séquences de ­diffusion a été récemment évaluée chez 96 patients suivis pour une MICI, dont 61 atteints de MC [10]. Cette IRM colique était réalisée sans aucune préparation orale ou rectale et l’iléo­coloscopie était utilisée comme ­examen de référence. Le score IRM proposé était corrélé aux différents marqueurs clinico-biologiques d’activité de la MICI. Les auteurs ont ainsi démontré que la séquence de diffusion avait une performance similaire à celle de la prise de contraste de gadolinium pour la détection de l’inflammation. Cependant, la précision était moins bonne dans la maladie de Crohn que dans la RCH. Ces résultats ­prometteurs, s’ils étaient confirmés, permettraient de proposer une technique moins invasive ne nécessitant aucune préparation préalable et évitant même le recours à l’injection de gadolinium dans l’évaluation des poussées coliques de MICI.

Intestin grêle

Chez les patients atteints de MC, la métaanalyse de Panes et al. a montré que la sensibilité de l’ECT, de la TDM et de l’IRM dans l’évaluation de ­l’activité de la maladie était similaire (tableau 2) [11]. Les signes radiologiques caractéristiques de la présence d’inflammation sont rapportés dans le tableau 3 [12,13]. Il s’agit principalement de l’épaisseur pariétale, de ­l’intensité et de l’aspect (en couche ou homogène) du rehaussement pariétal et du signe du peigne (hyperhémie mésentérique) (Figure 2a,b,c). Il est intéressant de noter que la présence d’adénopathies et la sclérolipomatose ne sont pas associées à la présence d’inflammation. L’inflammation peut s’étendre dans la graisse adjacente périntestinale et est alors associée à une augmentation de la CRP [14].

ECT TDM IRM
Activité (inflammation) Sensibilité 85 % 81 % 80 %
Spécificité 91 % 88 % 82 %
Sténose Sensibilité 79 % 89 % 89 %
Spécificité 92 % 99 % 94 %
Fistule Sensibilité 74 % 70 % 76 %
Spécificité 95 % 97 % 96 %
Abcès Sensibilité 84 % 84 % 86 %
Spécificité 93 % 97 % 93 %

Tableau 2. Sensibilités et spécificités de l’ECT, de la TDM et de l’IRM dans le diagnostic de l’inflammation et des complications de la maladie de Crohn, d’après la métaanalyse de Panes et al. [11]

a. Coupe coronale en pondération T1 après injection de gadolinium : important épaississement pariétal avec prise de contraste en cocarde, sclérolipomatose ; b. Coupe coronale en pondération T1 après injection de gadolinium : épaississement pariétal, prise de contraste intense, signe du peigne ; c. Coupe axiale en pondération T2 : épaississement pariétal, hypersignal relatif pariétal ; d. Coupe coronale en pondération T1 après injection de gadolinium : épaississement pariétal, rehaussement pariétal intense et fistule avec abcès

Figure 2. EnteroIRM : signes radiologiques caractéristiques de la présence d’inflammation

Signes IRM inflammationFibrose
Zappa et al. Punwani et al. Zappa et al. Punwani et al.
Épaisseur pariétale + + +
Intensité rehaussement pariétal + +
Aspect rehaussement pariétal + + +
Signe du peigne + – (tendance) +
Sclérolipomatose NE NE
Adénopathies

NE : non évalué

Tableau 3. Signes IRM corrélés à l’inflammation et à la fibrose dans la MC du grêle [12,13]

Place de l’imagerie dans le traitement des sténoses de maladie de Crohn

La suspicion clinique d’une sténose intestinale, le plus souvent iléale, doit être documentée par un ou plusieurs examens radiologiques de l’intestin qui permettront d’orienter l’attitude thérapeutique (Figure 3). Idéalement, ces explorations devraient préciser la nature inflammatoire ou fibreuse de la sténose, son caractère unique ou multiple, sa longueur et son retentissement sur le segment intestinal d’amont [15]. Pour ces raisons, il est utile de disposer avant l’endoscopie des renseignements fournis par l’imagerie, pour connaître les caractéristiques de l’éventuelle sténose, notamment sa longueur, d’autant qu’une méta analyse a montré que la dilatation était plus efficace en cas de sténose mesurant moins de 40 mm [16].

a. Coupe axiale en pondération T2 : dilatation en amont d’une sténose inflammatoire ; important épaississement pariétal ; b. Coupe coronale en pondération T1 après injection de gadolinium : dilatation importante en amont d’une sténose inflammatoire ; épaississement pariétal important, prise de contraste marquée, signe du peigne ; c. Coupe coronale en pondération T2 : dilatation importante en amont d’une sténose non inflammatoire ; épaississement modéré à 6 mm ; d. Coupe coronale en pondération T1 après injection de gadolinium : dilatation importante en amont d’une sténose non inflammatoire ; prise de contraste très modérée, homogène, associée à un épaississement pariétal modéré.

Figure 3. EntéroIRM : sténoses à prédominance inflammatoire et fibreuse

La métaanalyse de Panes et al. a ­montré que la sensibilité de l’ECT, de la TDM et de l’IRM dans le diagnostic de sténose compliquant une MC était respectivement de 79 %, 89 % et 89 %, et la spécificité de 92 %, 99 % et 94 % (Tableau 2) [11]. Néanmoins, la ­possibilité élevée de faux positifs par l’ECT fait préférer un examen par TDM ou IRM dans cette situation.

L’un des principaux éléments demandé aux techniques d’imagerie en coupe face à une sténose est de mesurer la composante inflammatoire et fibreuse. Dans la seule étude publiée évaluant l’apport de la TDM dans cette situation avec comme juge de paix l’examen anatomopathologique de la pièce ­opératoire, il était montré que ­l’épaisseur pariétale, le rehaussement pariétal, le signe du peigne et la présence d’adénopathies étaient corrélés à la présence de lésions inflammatoires anatomiques [17]. En revanche, aucun signe n’était décrit pour évaluer la composante fibreuse des lésions, et seul l’item « présence ou absence de sténose » était relevé. Ce flou ­s’explique probablement par l’absence de consensus sur la définition d’une sténose. Si cette définition peut être relativement simple pour un endoscopiste qui notera rétrécissement non franchissable ou difficilement franchissable de la lumière intestinale, il n’en est pas de même pour les examens radiologiques où la définition n’est pas consensuelle ; il s’agit le plus souvent d’un épaississement de la paroi intestinale (> 4 mm) associé à un rétrécissement de la lumière en regard, la notion de dilatation de l’intestin grêle n’étant pas reconnue de façon claire comme signe radiologique de sténose, bien qu’elle apparaisse dans certaines études [18,19]. De plus, l’ancienne opposition entre fibrose et inflam­mation a été complètement remise en question dans un travail récent, ­portant sur 53 patients opérés pour maladie de Crohn ayant subi au ­préalable une IRM, dans lequel nous avons montré qu’il existait en fait une association positive et non pas inverse entre fibrose et inflammation, c’est-à-dire que plus la composante anatomopathologique « fibrose » était ­importante, et plus la composante « inflammation » l’était [13] (figure 4). Ce travail a retrouvé que les signes IRM significativement corrélés à ­l’inflammation anatomique étaient l’épaisseur pariétale, l’hypersignal en T2, l’intensité du rehaussement au temps parenchymateux, l’aspect en couche de ce rehaussement, le signe du peigne et la présence d’abcès et/ou fistule, alors que d’autres signes tels la présence de ganglions et la ­sclérolipomatose ne l’étaient pas. Les ­résultats, en ce qui concerne l’inflammation, ont été confirmés par d’autres [12]. En revanche, les signes radiologiques que nous avons ­retrouvés significativement associés à la présence d’une fibrose, à savoir l’épaississement pariétal, l’hypersignal en T2, le signe du peigne et la présence de fistules n’ont pas été reproduits par d’autres qui n’ont pas retrouvé de ­corrélation entre l’épaisseur pariétale et l’hypersignal en T2 en cas de fibrose alors qu’ils retrouvaient un aspect en couche [12]. Cette différence peut être liée à des différences entre les groupes étudiés : en particulier, Punwani et al. [12] ont utilisé seulement deux items de fibrose (présent et absent) alors que nous en avons utilisé trois (grades 0, 1 et 2), et par ailleurs, ils ont utilisé trois items de type de rehaussement alors que nous n’en avons utilisé que deux. Un travail d’homogénéisation est en cours.

Ainsi, les techniques d’imagerie en coupe ont une bonne précision pour la détection des sténoses et apportent des informations utiles à la prise en charge. Il est important de noter qu’en cas de sténose coexistent des lésions inflammatoires et de fibrose et étant donné l’absence de distinction fiable entre ces deux entités, il est généra­lement considéré qu’en présence de signes inflammatoires, un traitement médical plutôt que chirurgical peut être proposé en première ligne.

L’étude CREOLE conduite par le GETAID a pour but de rechercher des facteurs prédictifs en entéroIRM (± ECT de contraste) d’échec d’un traitement par anti-TNF en cas de sténose symptomatique du grêle compliquant une maladie de Crohn. Les résultats de cette étude qui a inclus plus de 120 patients sont attendus début 2013 et devraient ainsi permettre d’iden­tifier radiologiquement les patients chez lesquels un traitement médical peut être proposé plutôt qu’un ­traitement chirurgical (Bouhnik et al. communication personnelle).

Figure 4. Inflammation et fibrose sont positivement corrélées dans les sténoses de maladie de Crohn [13]

Apport de l’imagerie dans la prise en charge des abcès de la maladie de Crohn

Les abcès intra-abdominaux ou ­pelviens surviennent chez 10 à 30 % des patients atteints de MC, secondairement à une inflammation trans­murale de la paroi intestinale qui aboutit à une perforation avec sup­puration intrapéritonéale. La survenue d’une telle complication est un évé­nement majeur dans l’évolution de la MC augmentant sa morbidité et ­exposant le patient à des compli­cations septiques [19]. Chez un patient atteint de MC et présentant une douleur abdominale inhabituelle associée à de la fièvre, un abcès intra-abdominal doit être rapidement suspecté. En cas de suspicion d’abcès, le consensus européen sur le diagnostic et la prise en charge de la maladie de Crohn recommande la réalisation d’une TDM ou d’une IRM (figure 2d), la précision diagnostique de l’ECT étant plus faible [19]. Les sensibilités et spéci­ficités des techniques d’imagerie en coupe pour la détection des fistules et des abcès compliquant une MC sont données dans le tableau 2 [11]. La combinaison systématique de ­plusieurs modalités diagnostiques n’améliore pas significativement la précision ­diagnostique pour la détection des abcès intra-abdominaux, mais la TDM ou l’IRM peut être utilisée pour ­confirmer des lésions douteuses en ECT (consensus imaging in IBD, ECCO 2012).

La prise en charge initiale consiste à traiter l’infection au moyen d’antibiotiques à large spectre par voie intraveineuse associés à un drainage de la collection abcédée [20]. Le drainage radioguidé par voie percutanée a démontré son efficacité et sa moindre morbidité par rapport au drainage chirurgical [21]. Il devra toujours être envisagé, notamment si la collection dépasse 30 à 40 mm de grand axe et est accessible radiologiquement. Dans les autres cas, soit l’antibiothérapie seule est efficace et on en reste là, soit ce n’est pas le cas ou la collection est volumineuse et un drainage chirur­gical doit être envisagé. Lorsque ­l’évolution de cette première phase est favorable sous antibiothérapie plus ou moins drainage, la plupart des auteurs recommandent un contrôle de la ­résolution complète de l’abcès par imagerie avec retrait du drain dans les quinze premiers jours.

Si cette prise en charge initiale est consensuelle et confirmée par les récentes recommandations de l’European Crohn’s & Colitis Organisation (ECCO) (drainage radiologique ou chirurgical de l’abcès associé à une antibiothérapie), la suite à donner à cette complication reste controversée, et la proposition d’une résection chirurgicale de l’intestin malade à ­distance n’est proposée que « si nécessaire », traduisant l’absence totale de consensus obtenu dans cette situation (grade C) [20].

L’utilisation des anti-TNFa (infliximab et adalimumab) chez les patients atteints de MC du grêle après réso­lution complète de l’abcès pourrait représenter une alternative à la chirurgie. Ainsi, l’étude en cours du GETAID dénommée « MICA » (Predictive Factors of Anti-TNF Failure in Luminal Crohn’s Disease Complicated by Abscess: A multicenter, prospective, observational cohort study) a pour objectif d’évaluer l’efficacité et la tolérance d’un traitement par anti-TNF débuté immédiatement au décours d’un traitement par antibiotique et drainage radiologique en cas d’abcès abdominal compliquant une maladie de Crohn, avec pour objectifs l’identification de facteurs IRM prédictifs de la réponse au traitement.

Intérêt de l’imagerie dans l’évaluation de la réponse thérapeutique

L’imagerie a la capacité de confirmer la présence de lésions inflammatoires, même lorsque les symptômes sont absents ou équivoques, et de fournir des mesures objectives de la réponse au traitement. En effet, même en cas d’amélioration clinique, l’inflam­mation peut persister et être détectée par endoscopie et/ou imagerie. Ce point est d’autant plus important qu’il est maintenant démontré que la ­présence ou la persistance de lésions inflammatoires intestinales est un ­facteur de risque de poussée, d’hospitalisation, de chirurgie et probablement de cancer rectocolique aussi bien au cours de la RCH que de la MC. En pratique clinique, c’est actuellement l’iléocoloscopie qui est le plus souvent effectuée pour détecter les lésions inflammatoires intestinales, notamment car les marqueurs cliniques et biologiques sont insuffisants, en dehors peut-être de la calprotectine fécale [3] mais qui est actuellement peu utilisée car non prise en charge. Aussi, si la cicatrisation muqueuse évaluée par endoscopie peut être considérée comme un objectif ­thérapeutique ultime au cours de la RCH qui est une affection localisée à la muqueuse, celle-ci devrait être considérée comme l’objectif minimal à atteindre chez les patients atteints de maladie de Crohn, qui est une maladie transmurale. Ceci sous entend que l’évaluation de l’amélioration ou la guérison des lésions devrait ­s’accompagner d’une normalisation de toute les lésions de la paroi intestinale. Ce concept a donné lieu à une ­recommandation de l’IOIBD (Inter­national Organization for the Study of Inflammatory Bowel Diseases) publiée en 2009 considérant qu’un traitement efficace au cours des MICI ne doit pas se limiter à la cicatrisation des lésions muqueuses, mais plutôt viser la cicatrisation de l’ensemble de la paroi intestinale [2]. Parallèlement à ceci, le développement des biothérapies et des immunosuppresseurs a accru le recours aux techniques d’imagerie pour apprécier l’inflammation et son évolution au delà du champ de ­l’endoscope. Des études rétrospectives et prospectives évaluant l’impact sur la prise en charge clinique de la découverte de lésion non ou pauci symptomatiques par TDM ou IRM chez des patients atteints de MC ont estimé qu’elle aboutissait à un changement de stratégie chez environ 50 % des patients [22,23]. De plus, les ­techniques d’imagerie en coupe sont devenues un instrument de mesure incontournable dans certains essais thérapeutiques internationaux prenant en compte la destruction intestinale et sa progression chez un patient donné [24,25].

Une étude rétrospective récente de la Mayo Clinic (Rochester, Minesotta, USA) réalisée chez 63 patients atteints de MC a évalué l’intérêt de la TDM dans le suivi des patients traités par infliximab [26]. L’amélioration était définie comme une diminution de l’intensité ou de la longueur de ­l’atteinte lésionnelle sans aggravation d’autres paramètres. Les patients étaient classés comme répondeurs (toutes les lésions améliorées), répondeurs partiels (certaines lésions améliorées) ou non-répondeurs (aggra­vation ou absence de changements dans toutes les lésions). Le temps médian entre la TDM initiale et le ­premier suivi TDM était de 356 jours (IQ 215-630). Vingt-huit (44 %) patients étaient répondeurs, 12 (19 %) étaient répondeurs partiels et 23 (37 %) étaient non-répondeurs. La cicatri­sation des lésions se faisait sur un mode centripète (de l’extérieur vers l’intérieur de la paroi) et jusqu’à 25 % des patients qui répondaient au traitement médical par infliximab avaient complètement normalisé le segment atteint. Seul le signe du peigne était associé à la réponse au traitement. La réponse radiologique n’était pas ­corrélée aux symptômes, ni à l’aspect endoscopique et à la CRP au moment de la seconde TDM. Les auteurs ­considéraient que la TDM pourrait être utilisée comme une approche complémentaire pour identifier la guérison ou la cicatrisation pariétale, l’inflammation n’étant pas détectée par les autres méthodes disponibles.

Deux études présentées en congrès en 2011 et disponibles uniquement sous forme d’abstract ont évalué l’intérêt de l’imagerie dans la réponse au ­traitement au cours de la maladie de Crohn. L’équipe de Barcelone a ainsi montré une variation du score IRM « MaRIA » corrélée à celle du CDEIS chez des patients recevant un traitement d’induction par corticoïdes et/ou anti-TNF au cours de la maladie de Crohn iléocolique [27]. L’étude multicentrique ACTIF a souligné le long délai nécessaire à la normalisation de l’imagerie après traitement par anti-TNF chez les patients atteints de ­maladie de Crohn du grêle, avec dans 15 % des cas l’absence de restitution ad integrum des lésions radiologiques, probablement en raison de la persistance des lésions fibreuses [28]. Le score utilisé dans ce travail n’a cependant jamais été validé et un indice IRM destiné à évaluer l’activité inflam­matoire de la maladie de Crohn du grêle est actuellement en cours de construction au sein du GETAID et devrait être disponible en 2012 (Bouhnik et al. Communication personnelle). Il apparaît ainsi que l’IRM et l’ECT, méthodes d’imagerie en coupe non invasives et dépourvues de rayonnement ionisants, pourraient être ­utilisées pour évaluer la guérison et/ou la réponse au traitement chez les patients atteints de MICI [1].

Conclusion

Les techniques d’imagerie en coupe ont connu un essor considérable et sont devenues indispensables à la prise en charge des patients atteints de MICI. Ces techniques sont fiables pour évaluer la présence de lésions inflammatoires et les complications des MICI. Des travaux en cours visent à évaluer la reproductibilité de ces signes, notamment afin de valider des scores radiologiques qui devraient permettre de mieux suivre l’évolution des lésions, et définir des facteurs pronostics prédictifs de l’évolution sous traitement. Le rapport bénéfice risque de ces techniques est très largement en faveur de leur diffusion, avec un bémol cependant pour la TDM, associée à un risque théorique d’irradiation trop importante chez ces patients souvent jeunes et nécessitant des examens répétés, mais qui pourrait se lever par le développement de la TDM à faible radiation.

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Les 5 points forts

  1. L’imagerie en coupe par TDM est l’examen de choix pour la détection des complications (colectasie, perforation) en cas de poussée sévère de colite inflammatoire.
  2. Les signes radiologiques caractéristiques de la présence d’inflammation de l’intestin en IRM et TDM sont l’épaississement pariétal, le rehaussement pariétal (intensité et aspect stratifié) et le signe du peigne (hyperhémie mésentérique) ; la présence d’adénomégalies et la sclérolipomatose ne sont pas associées à l’inflammation.
  3. Les examens radiologiques (Échographie, TDM, IRM) ­permettent le plus souvent de porter le diagnostic de sténose intestinale, de préciser son caractère unique ou multiple, sa longueur et son retentissement sur le segment intestinal d’amont. Ils permettent d’évaluer ­l’importance de l’inflammation, mais pas celle de la fibrose. De plus, il existe une ­corrélation positive entre fibrose et inflammation.
  4. En raison de ses performances et de sa disponibilité, la TDM est l’examen de choix pour le diagnostic d’abcès intra-abdominal.
  5. Les résultats des examens d’imagerie en coupe aboutissent à un ­changement de stratégie thérapeutique chez environ 50 % des patients atteints de MICI peu symptomatiques.