Maladie coeliaque : de l’enfance à l’âge adulte

Objectifs

  • Connaître la pathologie chez l’enfant
  • Connaître les spécificités de la pathologie chez l’adolescent
  • Savoir quelle information transmettre à l’hépato gastroentérologue adulte et comment

Introduction

Le passage de l’adolescence à l’âge adulte pose les questions suivantes chez les patients atteints de maladie coeliaque :

  1. Une maladie cœliaque découverte à l’âge de 18 mois chez un enfant qui a suivi un régime strict jusqu’à la puberté justifie-t-elle l’exclusion du gluten toute la vie durant ?
  2. Si le régime sans gluten est commencé tôt dans l’enfance, l’acquisition d’une tolérance partielle est-elle possible à l’âge adulte ?
  3. Les enfants d’aujourd’hui bénéficieront-ils dans 10, 20 ou 30 ans d’un traitement médicamenteux ou d’une désensibilisation leur permettant de manger du gluten ?

Définitions

La maladie cœliaque était classiquement définie chez l’enfant,  comme une entéropathie chronique avec atrophie villositaire secondaire à une réponsef imfmunitaire inappropriée de la muqueuse intestinale à la gliadine du blé, de l’orge et du seigle. A côté de cette forme typique du nourrisson dont le diagnostic repose sur l’analyse histologique d’une biopsie intestinale, le développement de marqueurs sérologiques a révélé l’incidence élevée des formes frustes, pauci-symptomatiques, silencieuses voire latentes, faisant de la maladie cœliaque et des manifestations non digestives de l’intolérance au gluten des pathologies fréquentes. Ce sont ces formes qui sont les plus fréquentes chez l’adolescent et l’adulte.  Ce changement de visage de la maladie coeliaque s’accompagne d’une évolution des stratégies diagnostiques mais également de la définition de la maladie elle-même. Actuellement, la maladie coeliaque doit être comprise comme une maladie dysimmunitaire systémique, initiée par la gliadine et les prolamines proches, survenant chez des sujets génétiquement prédisposés, et caractérisée par la combinaison variable de manifestations cliniques diverses, d’anticorps spécifiques et d’une entéropathie chez les personnes ayant le phénotype HLA DQ2 ou DQ8 [1].

Physiopathologie

Le gluten n’est toxique que chez des sujets génétiquement prédisposés [2].  Nous ingérons habituellement 10 à 15 g de gluten par jour. Les séquences peptidiques toxiques de la gliadine, sont relativement résistantes aux capacités enzymatiques digestives et peuvent parvenir intactes au contact de la muqueuse intestinale. Ces fragments sont alors absorbés par l’épithélium et arrivent dans le chorion au contact de la transglutaminase tissulaire dont ils sont des substrats de par leur richesse en glutamine.

La transglutaminase transforme par désamidation, les glutamines chargées positivement en résidus d’acides glutamiques, chargés négativement. Ceci permet alors leur liaison aux poches à peptides, chargées positivement, des molécules HLA DQ2 ou DQ8 qui sont situées à la surface des cellules présentatrices d’antigènes. Ces peptides désamidés sont reconnus par les lymphocytes T CD4+ intestinaux qui produisent alors des cytokines comme l’interféron g, l’IL 4 et le TNF a, responsables des lésions d’inflammation et d’atrophie villositaire [3].

Plus de 90% des malades coeliaques expriment le génotype HLA DQ2, alors que 5 à 10% restant possèdent le génotype DQ8. Cette prédisposition est toutefois fréquente, concernant 30 à 40 % de la population générale, suggérant l’implication d’autres facteurs. Des facteurs non génétiques interviennent également dans l’évolution de la maladie coeliaque en particulier chez le jeune enfant [4]. Les infections intestinales, notamment à adénovirus et à rotavirus qui altèrent la barrière intestinale avec une atrophie partielle de la muqueuse, entraineraient une augmentation de la perméabilité, de l’expression d’HLA DQ et de la concentration de transglutaminase tissulaire, favorisant ainsi le développement de la maladie. Une exposition à la gliadine in utero ou via le lait de mère, les facteurs immuno-modulateurs du lait maternel, la quantité et l’âge d’introduction du gluten jouent également un rôle important. L’introduction du gluten avant 3 mois ou après 7 mois est associée à une augmentation de la prévalence de la maladie coeliaque sous toutes ses formes. Les conseils actuels sont d’introduire le gluten en faible quantité entre 4 et 6 mois pendant la poursuite de l’allaitement maternel [5].

Epidémiologie

La prévalence se situe entre 1/2500 et 1/3000 pour les formes symptomatiques classiques, mais la majorité des formes sont silencieuses ont une symptomatologie atypique et sont souvent méconnues [4]. Les études séro-épidémiologiques suggèrent que pour chaque cas de maladie coeliaque diagnostiquée il existerait 3 à 7 cas non diagnostiqués [6]. Dans les pays occidentaux, la prévalence de la maladie coeliaque se situe entre 0,7 et 2% dans la population générale, mais elle est de 3 à 6% chez les diabétiques de type 1, de 10 à 20% chez les apparentés du premier degré d’un sujet coeliaque, de 3 à 15% chez les sujets ayant une anémie ferriprive, de 1 à 3% en cas d’ostéoporose [4]. La fréquence varie selon l’origine ethnique. Des incidences proches de celles de l’Europe ou les Etats-Unis sont notées en Afrique du Nord, au Moyen-Orient ou en Inde. En revanche, la maladie coeliaque est quasiment inconnue en Asie du Sud Est et en Afrique noire.

L’incidence, le nombre de nouveaux cas par an rapportés à la population, de la maladie coeliaque a augmenté de façon importante durant les 30 dernières années, passant de 2-3 à 9 voire 13 nouveaux cas pour 100000 habitants et par an [7]. Cette augmentation d’incidence avec le temps reflète probablement davantage reconnaissance des formes atypiques et silencieuses grâce aux tests sérologiques. Des différences de prévalence de gènes de prédisposition et des modalités de la diversification alimentaire (introduction plus précoce ou plus tardive du gluten) pourraient également expliquer des variations géographiques et dans le temps de l’incidence de la maladie [6].

Clinique : le nouveau visage de la maladie coeliaque [8,9]

La maladie coeliaque est progressivement passée du statut de maladie digestive rare du nourrisson à celui de maladie systémique fréquente touchant tous les âges de la vie [10].

Dans sa forme classique, la maladie coeliaque débute chez un nourrisson de plus de 6 mois, quelques semaines après l’introduction du gluten dans l’alimentation. Elle se manifeste par une diarrhée chronique avec des selles abondantes en « bouse de vache », accompagnée d’une anorexie, d’une apathie. L’examen clinique montre un météorisme abdominal et des signes de dénutrition avec une fonte des masses musculaires et du tissu adipeux. Le retentissement nutritionnel est confirmé par la cassure de la courbe de poids, parfois associée à un ralentissement secondaire de la vitesse de croissance staturale. Les deux dernières décennies ont révélé l’existence de formes atypiques ou frustes qui s’avèrent plus fréquentes que la forme classique. Elles peuvent correspondre à des symptômes digestifs modérés, ou à des signes extra-digestifs (tableau I), et doivent maintenant être connues des médecins traitants et recherchées par la sérologie.

  1. Selles irrégulières
  2. Constipation chronique
  3. Appétit diminué
  4. Douleurs abdominales récidivantes
  5. Prise de poids médiocre
  6. Retard de croissance
  7. Retard pubertaire, aménorrhée
  8. Fatigue chronique
  9. Anémie ferriprive réfractaire
  10. Douleurs osseuses, fractures sur ostéopénie
  11. Syndrome hémorragique
  12. Aphtose buccale récidivante
  13. Hypoplasie de l’émail dentaire
  14. Eruption herpétiforme
  15. Augmentation des transaminases

Tableau I : Symptômes frustes ou atypiques pouvant révéler une maladie coeliaque

De nombreuses pathologies peuvent être associées à la maladie coeliaque (Tableau II) et peuvent conduire à son diagnostic ou apparaitre au cours de son suivi [9].

  1. Diabète de type I
  2. Déficit en IgA
  3. Trisomie 21
  4. Syndrome de Turner
  5. Syndrome de Williams
  6. Hépatite et cholangiopathies auto-immunes
  7. Thyroïdite auto-immune
  8. Apparentés de 1er degré

Tableau II : Situations à risque augmenté de maladie coeliaque

Diagnostic

Des perturbations biologiques orientent généralement, mais pas toujours, vers un syndrome de malabsorption.

Les marqueurs sérologiques constituent actuellement la première étape du diagnostic quelle que soit la forme clinique. Ils sont particulièrement utiles en cas de suspicion de maladie coeliaque devant des signes frustes ou atypiques (Tableau I). Les anticorps anti-gliadine, de type IgA et IgG, ont été les premiers mis en évidence dans la maladie coeliaque et largement utilisés pour son diagnostic. Néanmoins, en raison de leur manque de sensibilité et de spécificité, ils ne sont plus recommandés ni remboursés [11]. La recherche d’IgA anti-endomysium (anti-EMA) a une excellente sensibilité et spécificité mais nécessite des techniques d’immunofluorescence indirecte, plus coûteuses. Les anticorps anti-transglutaminase tissulaire (anti-TG2), détectés facilement par une technique ELISA, ont une excellente sensibilité (85 à 98%) et spécificité (94 à 98%). Les recommandations actuelles [1,11] préconisent en première intention le dosage des anticorps IgA anti-TG2 en raison de sa facilité, sa fiabilité et son coût modéré. La recherche des IgA anti-EMA est préconisée en deuxième intention. Il est indispensable d’y associer un dosage pondéral des immunoglobulines car ces tests peuvent être pris en défaut en cas de déficit en IgA (IgA < 0,2 g/l), présent chez environ 2% des sujets intolérants au gluten. Dans ce cas, il est alors recommandé de rechercher les IgG anti-TG2 et IgG anti-EMA, et de réaliser une biopsie intestinale. En cas de marqueurs sérologiques négatifs alors que le tableau clinique est évocateur, ou de discordance entre les différents anticorps, il sera discuté de rechercher les HLA DQ2 /DQ8 et de réaliser une biopsie intestinale si ces derniers sont présents [1].

Le diagnostic est confirmé par la biopsie intestinale, qui doit être réalisée avant toute mise au régime sans gluten. Il est recommandé de prélever, habituellement au cours d’une endoscopie, 4 à 6 prélèvements au niveau du bulbe ou du 2ème duodénum. Celle-ci montre une atrophie villositaire totale ou sub-totale (grades 2 ou 3 de Marsh) (Fig. 1), associée à une hyperplasie des cryptes et une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux (supérieure à 40 %) [12]. Le diagnostic histologique peut être difficile en cas de régime sans gluten débuté de façon intempestive, estompant les lésions caractéristiques. Il faut donc insister auprès des médecins traitants sur la nécessité d’adresser au spécialiste les enfants suspects de maladie coeliaque avant toute modification de l’alimentation. Il faut noter que l’atrophie villositaire n’est pas spécifique de la maladie coeliaque et peut se voir dans d’autres maladies (Tableau III), en revanche une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux au-delà de 35% renforce la valeur prédictive positive en faveur d’une maladie cœliaque.

Figure 1 : Atrophie villositaire totale de la muqueuse intestinale dans la maladie coeliaque.

Figure 1 : Atrophie villositaire totale de la muqueuse intestinale dans la maladie coeliaque

Maladie coeliaque
Intolérance aux protéines du lait de vache
Malnutrition protéino-énergétique
Maladie de Crohn
Causes dysimmunitaires Maladie des chaînes alpha
Déficit en IgA
Hypogammaglobulinémie
HIV
Gastroentérite à éosinophiles
Entéropathies autoimmunes
Réaction du greffon contre l’hôte
Rejet de greffe intestinale
Causes infectieuses Pullulation microbienne
Giardiase
Rotavirus, adénovirus
Cryptosporidiose, microsporidiose, strongyloïdose
Tuberculose
Sprue tropicale
Divers Atrophie micro-villositaire
Dysplasie épithéliale
Abetalipoproteinémie

Tableau III : Principales causes d’atrophie villositaire intestinale

La disparition des signes cliniques et la négativation des anticorps après 12 mois de régime sans gluten viendront confirmer le diagnostic de maladie coeliaque.

La biopsie intestinale reste encore à ce jour l’examen indispensable pour confirmer l’existence d’une maladie cœliaque et indiquer le début d’un régime sans gluten [13].

Toutefois, l’évolution actuelle se fait vers une simplification de la procédure diagnostique, rendue possible grâce à la fiabilité des auto-anticorps et la détermination des groupages HLA. Des études récentes [14,15] montrent que l’histologie confirme toujours le diagnostic chez les enfants ayant un tableau typique et des anticorps anti-TG2 très positifs (supérieurs à 10 fois la limite supérieure de la normale). Dans ces formes classiques, les dernières recommandations proposent de ne pas faire de biopsie intestinale avant la mise au régime sans gluten. Cette démarche doit être expliquée à la famille par un spécialiste en gastro-entérologie pédiatrique, après avoir conforté le diagnostic par la positivité des anticorps anti-EMA et la vérification que le sujet possède bien les déterminants HLA DQ2 ou DQ8 [1]. L’histologie intestinale reste par contre un élément diagnostique incontournable pour les formes avec symptomatologies frustes ou atypiques, ou associées à un déficit en IgA, et les cas douteux (discordance des anticorps, symptômes typiques et sévères avec anticorps négatifs). La haute valeur prédictive négative des gènes de susceptibilité HLA DQ2/DQ8, peut être utile pour écarter le risque d’une maladie coeliaque chez les sujets mis d’emblée sous régime sans gluten, dans les cas douteux (discordance des anticorps, lésions histologiques non typiques) ou dans les populations à risque (Tableau II) [14,15]. En cas de lésions histologiques compatibles avec le diagnostic de maladie coeliaque chez un sujet HLA DQ2/DQ8 négatif, d’autres pathologies intestinales doivent être recherchées (Tableau III).

La figure 2 résume les stratégies diagnostiques à adopter chez les sujets symptomatiques.

Figure 2 : Le modèle de l’iceberg

Figure 2 : Le modèle de l’iceberg

Le spectre de la maladie coeliaque

Le modèle de l’iceberg (Fig. 2) illustre qu’un stade de maladie latente, ne s’exprimant pas sur le plan clinique, précède celui de maladie active [16]. Pendant cette phase de latence, la biopsie intestinale ne montre pas d’atrophie villositaire, mais des signes d’activation immunologique peuvent être présents dans la muqueuse intestinale et les auto-anticorps spécifiques sont présents. Chez ces sujets, des symptômes peuvent apparaître progressivement accompagnés de lésions intestinales, signant le passage à la forme active de la maladie. Cette forme active de la maladie est caractérisée par la présence de symptômes intestinaux ou extra-digestifs, d’une atrophie villositaire avec hyperplasie des cryptes et d’auto-anticorps circulants. Les formes atypiques, faites de symptômes extra-digestifs ou digestifs mais non spécifiques, sont les plus fréquentes [10]. La maladie coeliaque silencieuse est caractérisée par la présence d’auto-anticorps dans le sérum, l’existence de lésions histologiques intestinales typiques, chez des sujets HLA-DQ2 ou DQ8 positifs mais asymptomatiques. Un interrogatoire minutieux révèle cependant souvent des signes digestifs frustes ou un déficit de taille chez l’enfant [17]. Ces formes pauci-symptomatiques peuvent s’accompagner de déficits nutritionnels en oligoéléments, minéraux, ou une ostéoporose.

Au cours du temps, il existe une progression plus ou moins rapide de la maladie latente vers la forme silencieuse puis la maladie active qui peut se révéler à tout âge. Parmi la population génétiquement prédisposée (HLA DQ2 ou DQ8), cette évolution est très variable. Certains sujets développent rapidement une maladie bruyante réalisant le tableau classique du petit enfant, d’autres présentent des symptômes plus ou moins typiques pendant l’enfance ou à l’âge adulte voire au 3ème âge, certains adultes sont diagnostiqués devant des complications graves, tandis la majorité restera au stade de maladie coeliaque latente pendant toute la vie. Il a été montré chez les sujets coeliaques adultes non-traités un sur-risque de maladie auto-immune, de cancer du tube digestif, notamment des lymphomes, et une augmentation globale de la mortalité [18,19]. Ce sur-risque est discuté en cas de maladie silencieuse [20].

La figure 3 résume les stratégies diagnostiques à adopter chez les sujets symptomatiques.

Figure 3 : Arbre diagnostic devant des symptômes compatibles avec une maladie coeliaque (modifié d’après [1]).

* ne pas écarter le diagnostic de maladie coeliaque en cas de déficit en IgA (<0.2 g/l), d’âge inférieur à 2 ans, de faible consommation de gluten, de traitement immunosuppresseur, de symptômes sévères ou de pathologie associée.

** envisager un faux positif des Ac anti-TG2 ou un faux négatif de la biopsie : surveillance clinique, révaluer les Ac, HLA DQ2/DQ8, biopsie.

 *** envisager un faux positif des Ac anti-TG2.

Figure 3 : Arbre diagnostic devant des symptômes compatibles avec une maladie coeliaque (modifié d’après [1]).

Traitement : le régime sans gluten

Actuellement, le traitement demeure exclusivement diététique : le régime sans gluten strict. Celui-ci nécessite d’exclure de l’alimentation tous les aliments naturels ou industriels, contenant des produits dérivés du blé, du seigle, de l’orge. Le riz et le maïs étant permis, la farine de blé peut être remplacée dans de nombreuses circonstances par la maïzena ou la farine de riz. L’ingestion de flocons d’avoine est permise ce qui permet de rendre le régime moins monotone, en particulier pour le petit déjeuner, et contribue à équilibrer un régime sinon trop limité en fibres. L’alimentation peut être normale par ailleurs, hormis une exclusion du lactose parfois nécessaire pendant quelques semaines en cas de diarrhée très sévère. L’aide d’une diététicienne est indispensable à la mise en route du régime. L’Association Française des Intolérants au Gluten (www.afdiag.fr) fournit des informations très utiles pour aider les familles dans le suivi du régime. Malgré une réalisation plus facile en pratique grâce à la disponibilité de nombreux produits sans gluten, le régime retentit sur la vie quotidienne, peut être source de frustration voire de dépression, et est encore souvent vécu comme « désocialisant » notamment chez les adolescents. De nombreuses études chez l’adolescent et l’adulte montrent qu’à terme le régime est mal suivi par 10 à 40% des malades, d’où l’importance de consultations systématiques annuelles ou biannuelles avec le médecin et la diététicienne pour maintenir une bonne observance du régime.

Avec un régime bien conduit, les anticorps disparaissent en un an environ, et doivent rester négatifs. La surveillance d’un enfant sous régime sans gluten doit vérifier le bon état nutritionnel, la régularité de croissance staturo-pondérale, le bon déroulement de la puberté, et la négativité des anticorps.

L’indication du régime sans gluten est indiscutable dans la maladie symptomatique, typique ou atypique. L’effet du régime sans gluten est le plus souvent spectaculaire en particulier chez le petit enfant : en quelques jours les troubles du comportement disparaissent et l’appétit revient, puis les selles se normalisent progressivement ; la courbe pondérale se redresse et l’état trophique s’améliore dans les semaines qui suivent alors que le rattrapage statural est généralement retardé de 2 à 3 mois. Le régime supprime les symptômes et les conséquences de la maladie mais ne la guérit pas, la sensibilité au gluten, en grande partie génétiquement déterminée, persistant probablement toute la vie. Dans de rares cas, la reprise d’un régime normal à l’adolescence ne donne lieu à aucune manifestation clinique ou biologique, mais la rechute peut survenir de façon retardée, notamment après passage à l’âge adulte. Dans les autres cas, la reprise d’une alimentation contenant du gluten est suivie de rechutes biologique et/ou histologique, s’accompagnent de déminéralisation osseuse et exposent à des pathologies associées. La plupart des équipes sont donc favorables au maintien du régime à vie en raison de son effet préventif sur la survenue des principales complications, notamment l’ostéoporose, les maladies auto-immunes et les cancers  [22, 23].

En cas de maladie silencieuse (anticorps positifs et atrophie villositaire), découverte à l’occasion d’un dépistage dans une famille d’un coeliaque ou chez un malade à risque, atteint d’une maladie auto-immune partageant le même terrain génétique (diabète insulino-dépendant, dermatite herpétiforme, …), il convient de rechercher tout signe clinique même minime (douleurs abdominales, asthénie, perte d’appétit, épisodes de diarrhée jugés banals, ralentissement de la croissance…), biologique (anémie, carence en fer, en folates ou en vitamine D) ou osseux (baisse de la minéralisation osseuse mesurée par absorption biphotonique) qui signifieraient que la maladie n’est pas complètement silencieuse et justifieraient la mise sous régime. En l’absence de toute anomalie, le régime peut se discuter car ses effets bénéfiques sur la pathologie associée ou préventifs sur l’apparition d’une maladie active, de maladie auto-immune ou de cancer restent incertains [20]. La décision de ne pas instituer alors de régime, notamment en raison du poids psychologique et social, peut être envisagée mais nécessite alors une surveillance clinique et biologique régulière. La reprise du régime reste néanmoins conseillée après l’âge de 25 ans ou en cas de grossesse [24]. En cas de forme latente (anticorps positifs, absence d’atrophie villositaire), il est proposé une simple surveillance clinique et biologique.

Lors du transfert du patient à un hépato-gastroentérologue à l’âge adulte, il doit être clairement défini si le sujet présente une intolérance persistante justifiant la poursuite prolongée ou définitive d’un régime sans gluten, ou si en raison d’une forme latente ou asymptomatique un régime normal a été continué, ou bien encore si le sujet ne suit pas le régime conseillé et/ou fait de nombreux écarts. Il n’est pas rare que certains pédiatres proposent une réintroduction du gluten à l’adolescence. S’il n’y a pas de rechute clinique immédiate le sujet peut débuter sa vie d’adulte avec un régime normal, son futur gastroentérologue doit en être informé.

Perspectives thérapeutiques [25]

Une des voies thérapeutiques d’avenir serait de traiter les farines par digestion enzymatique des sites toxiques de la gliadine, soit de façon extemporanée soit par ingestion d’enzymes conjointement aux céréales. D’autres pistes paraissent plus lointaines et hasardeuses comme l’inactivation de la TG-2, l’apoptose de lymphocytes spécifiques, la vaccinothérapie … L’approche préventive parait également séduisante, reposant sur la promotion de l’allaitement maternel, l’introduction du gluten entre 4 et 6 mois chez un enfant encore au sein, la vaccination anti-rotavirus, etc…

Conclusion

La maladie coeliaque est une maladie dysimmunitaire systémique, induite par la consommation de gluten chez des sujets génétiquement prédisposés. Le régime sans gluten strict reste actuellement le seul traitement efficace. Bien conduit, il permet une disparition des symptômes et prévient l’apparition de complications comme l’ostéoporose, certaines maladies auto-immunes ou cancers. Cependant de nombreuses situations peuvent conduire à ce que l’adolescent ou le jeune adulte consomme des quantités importantes et répétées de gluten ou suive un régime strictement normal. L’hépato gastroentérologue qui va le prendre en charge par la suite doit en être informé, de façon à assurer un suivi rapproché comprenant, si nécessaire, des contrôles biologiques répétés et une biopsie intestinale.

Références

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  24. Van Koppen EJ, Schweizer JJ, Csizmadia CGDS, Krom Y, Hylkema HB, et al. Long-term health and quality-of-life consequences of mass screening for childhood celiac disease: a 10-year follow-up study. Pediatrics 2009;123:e582-8.
  25. Rashtak S, Murray JA. Review article: coeliac disease, new approaches to therapy. Aliment Pharmacol Ther 2012;35:768-81.

Les 5 points forts

  1. La maladie cœliaque est une maladie systémique fréquente (0,2 à 3 %) touchant tous les âges de la vie.
  2. La maladie peut être latente, avec présence d’anticorps mais sans atrophie villositaire intestinale, pendant de nombreuses années avant de passer éventuellement au stade de maladie active, silencieuse (atrophie villositaire et séropositivité sans signes clinico-biologiques) ou symptomatique.
  3. La forme classique se manifestant par une diarrhée chronique avec dénutrition reste relativement rare chez l’enfant, à coté des formes frustes ou atypiques, qui sont plus fréquentes et souvent méconnues.
  4. Le régime sans gluten ne doit pas être débuté sans certitude diagnostique. Il doit être indiqué par un médecin spécialisé en gastroentérologie. Le régime sans gluten est indiqué devant toute maladie cœliaque symptomatique, typique ou atypique.
  5. Lors du transfert du patient à un hépato gastroentérologue à l’âge adulte, le régime sans gluten doit être poursuivi de manière définitive, et s’il a été arrêté sa reprise doit être discutée en raison du risque élevé de rechute.