Chirurgie hémorroïdaire : le choix des armes

POST’U 2018

Gastro-entérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les différentes méthodes chirurgicales et leur efficacité sur les symptômes d’appel
  • Connaître la morbidité et les facteurs de risque de complications de la chirurgie hémorroïdaire
  • Décrire les méthodes d’avenir qui pourraient limiter la morbidité et les séquelles
  • Quand doit-on proposer une hémorroïdectomie pédiculaire plutôt qu’un traitement conservateur ?

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. Le traitement chirurgical de la maladie hémorroïdaire le plus performant reste, à moyen et long terme, la chirurgie ouverte ; mais au prix d’une morbidité significativement plus élevée, qui doit faire discuter avec le patient des alternatives.
  2. Toutes les méthodes chirurgicales ont une efficacité similaire sur le contrôle des symptômes cardinaux de la maladie (saignement, prolapsus), mais au prix d’un taux de récidive à court et moyen terme plus élevé pour les techniques mini invasives.
  3. Les troubles de la continence, latents ou préalables à la chirurgie, doivent orienter vers une approche la moins morbide possible, notamment en privilégiant les traitements instrumentaux.
  4. La chirurgie est possible sous aspirine. Sous AVK, elle est envisageable si le bénéfice attendu est élevé au regard d’un risque important en cas d’abstention. La substitution par une HBPM est plus risquée que le maintien d’un INR < 2.5. La période de risque hémorragique post opératoire est plus courte qu’avec les traitements instrumentaux répétés.
  5. La prise en compte des souhaits du patient reste un critère de choix essentiel pour cette maladie majoritairement bénigne.

Conflits d’intérêts
Aucun

Mots-clés : hémorroïdectomie, stratégie thérapeutique, anopexie, HAL doppler

Introduction

La maladie hémorroïdaire implique une structure anatomique composée de deux formations physiologiques : le plexus hémorroïdaire interne et le plexus sous cutané externe. Il s’agit d’une maladie bénigne qui se développe sous l’influence de plusieurs facteurs, notamment l’âge. Elle est en grande partie de nature dégénérative et se traduit par de multiples symptômes dont la spécificité peut être variable.

Ces symptômes sont un saignement au moment de la défécation, une extériorisation des structures internes (prolapsus), un gonflement des structures externes, un suintement, un inconfort ou plus rarement une douleur (en dehors des paroxysmes liés à des phénomènes thrombotiques). Ils peuvent exister séparément ou se combiner, y compris dans le temps, aboutissant à des présentations cliniques variées. Ils ont en commun d’altérer la qualité de vie dont l’amélioration constitue au final l’objectif principal du traitement. Les moyens pour l’atteindre dépendent des symptômes considérés. Ces derniers doivent être précisément définis avant le traitement. D’autant que, pour beaucoup de patients, tout symptôme ressenti au niveau de l’anus, est étiqueté « hémorroïdaire ». Le contrat thérapeutique doit être défini. L’imputation d’un symptôme à une maladie hémorroïdaire est donc un point central du traitement chirurgical qui n’a pour objectif ni la normali­sation anatomique ni l’allongement de l’espérance de vie. La question est donc de choisir son arme en fonction de la cible.

Lecture critique des données disponibles

Les recommandations sont basées sur les données de la littérature. Elles sont construites à partir de publications sélectionnées sur leur qualité méthodologique. Avec les méta analyses, elles permettent de formuler des conseils de pratique standardisés, sous forme soit d’un catalogue de solutions, soit d’un arbre décisionnel [1]. Mais la praticité reste imparfaite face à ­l’extrême diversité des situations cliniques. La rigueur méthodologique ne signifie pas nécessairement que les critères de sélection des patients – donc l’indication opératoire – soient pertinents. Ainsi, même dans des essais randomisés à fort niveau de preuve, les critères de sélection les plus courants sont :

  • un diagnostic (maladie hémorroïdaire) sans autre précision ;
  • le grade de la maladie selon l’échelle dite de Goligher ; dans ce cas l’indication est exclusivement basée sur une anomalie anatomique, le prolapsus, et ne concerne que la ­maladie interne ;
  • l’échec des traitements préalables ;
  • voire un score peu référencé (Hemorrhoids Severity Score).

Les résultats sont exploités après regroupement, toutes indications confondues. De ce fait, ce qui altère individuellement la qualité de vie des patients et son évolution n’est pas connu. Ces essais comparent des méthodes chirurgicales et s’intéressent plus aux conséquences du geste lui-même (douleur, incontinence) qu’à l’objectif initial.

Ce qui pose également le problème de la définition de la récidive. Autrement dit un traitement efficace doit-il obligatoirement être définitif ? Dans la mesure où l’on est face à une maladie dégénérative, il est concevable de prendre en charge la pathologie de façon progressive et de proposer des traitements peu morbides, mais éventuellement renouvelables. Cela est d’autant plus envisageable que la maladie est souvent fluctuante dans le temps en fonction de divers facteurs interférant : l’âge, les grossesses, les cycles menstruels, les accouchements, le transit (donc la qualité d’une diététique adaptée) et l’efficacité des traitements antérieurs. Les essais n’envisagent jamais une prise en charge sous cet angle.

Un choix EBM impossible ?

Il faut rappeler qu’historiquement l’EBM (Evidence Base Medecine) ne fait pas exclusivement appel aux données de la littérature mais inclut dans le choix thérapeutique tout à la fois ­l’expérience du médecin et le souhait du patient. Ces deux paramètres sont particulièrement importants pour une maladie bénigne et sont d’ailleurs repris dans les recommandations de prise en charge de la maladie hémorroïdaire au Royaume-Uni (https://www.nice.org.uk/guidance/ipg342/evidence/overview-pdf-
495498349).

Par conséquent au moment de choisir son arme, il faut bien définir ses cibles, les hiérarchiser avant de définir le moyen de les atteindre.

Trois types de traitement sont à considérer. Ils peuvent être combinés. Le traitement médical, le traitement instrumental et le traitement chirurgical. Nous ne nous intéresserons qu’au traitement chirurgical isolément ; les ­combinaisons n’ayant jamais été évaluées.

Ils ont peu évolué au cours des 10 dernières années en dehors de l’apparition de la ligature artérielle sous contrôle doppler associée à des mucopexies (HAL-Doppler). Ce qui est en cours d’évaluation et qui constitue la prochaine étape est le traitement par vaporisation locale des plexus, soit au moyen d’une sonde laser, soit par radio fréquence.

Efficacité sur les symptômes

Les traitements chirurgicaux ne sont efficaces que sur les symptômes qui sont en lien direct avec les hémorroïdes.

Le symptôme le plus facilement accessible à une évaluation est le prolapsus. On peut accepter qu’il s’agisse de la plainte principale pour les grades 4 ou les grades 3 (Figure 1). Pour les grades 2, les études qui évaluent l’efficacité du traitement uniquement sur ce critère posent problème si elles se basent uniquement sur le contrôle d’un prolapsus non ou peu perceptible (Figure 2).

Figure 1. Hémorroïdes internes grade 4

Figure 2. Hémorroïdes internes grade 2

Toutes les procédures chirurgicales sont efficaces à court terme (< 1 an). Pour faire simple, les techniques d’excision sont plus efficaces sur le contrôle du prolapsus que les techniques mini invasives [2]. L’anopexie est plus efficace que la ligature artérielle sous contrôle doppler ; à l’inverse les taux de complications et les douleurs sont inversement proportionnelles à cette efficacité. Plus le prolapsus est de bas grade (grade 2/3) plus on fera appel à une technique mini invasive. Pour les grades 4, il est désormais bien établi que les techniques mini invasives exposent à un taux de récidive anatomique rédhibitoires pouvant atteindre 50 %, parfois au prix d’un coût plus élevé [3].

Pour le saignement, la prise en charge médicale par enrichissement en fibres du régime alimentaire obtient un contrôle du saignement dans près de 50 % des cas [4]. Ce résultat ne se maintient pas nécessairement sur le long terme, mais c’est également le cas pour la chirurgie. Toutes les techniques dans les essais randomisés avec bon niveau de preuve montrent un contrôle identique des saignements. Le taux de récidive des saignements augmente au fur et à mesure du suivi pour atteindre 43 % à 17 ans dans une étude de niveau 2 [5, 6]. Pour autant il n’est pas établi qu’une reprise du saignement constitue un échec du traitement.

En dehors des symptômes cardinaux que sont le prolapsus et le saignement, les autres symptômes étudiés dans la littérature sont :

  • la douleur anale (ou l’inconfort),
  • le prurit,
  • le suintement (pas toujours clairement séparé de l’incontinence).

Dans les séries qui ont évalué la fréquence des plaintes ano-rectales en population, ces 3 symptômes arrivent respectivement en 2e, 3e et 4e position [7, 8]. Leur incidence est supérieure à celle de la maladie hémorroïdaire ; par conséquent il existe un risque réel à systématiquement lier ces symptômes à une maladie hémorroïdaire. Si le lien est plausible, surtout dans les formes évoluées (Figure 3), il reste aléatoire et doit être distingué de l’incontinence passive. D’autant plus que la maladie hémorroïdaire partage avec l’incontinence un certain nombre de points communs : constipation chronique, multiparité, troubles de la statique du périnée. Le patient doit être prévenu de cette ambiguïté. Il est intéressant de noter que le risque d’insatisfaction après chirurgie est augmenté quand l’indication réside dans un problème d’hygiène locale [9]. Il n’y a pas ­d’impact connu sur le transit de la chirurgie hémorroïdaire en dehors des dyschésies induites par une séquelle comme une sténose ou une fissure.

Figure 3. Hémorroïdes grade 3 suintantes

L’histoire de la maladie

Il n’y a pas d’étude longitudinale portant sur les fluctuations naturelles de la maladie. L’impression globale est une évolution similaire à celle d’une maladie dégénérative et donc, une augmentation des symptômes et une dégradation anatomique avec le temps. Mais compte tenu du caractère bénin de la maladie il ne s’agit, sauf exception, jamais d’une indication d’urgence. Ces exceptions sont :

  • une anémie aiguë,
  • une polythrombose non contrôlée médicalement,
  • un prolapsus thrombosé irréductible.

La résection pédiculaire est recom­mandée dans ces cas même si quelques publications ont montré la faisabilité de l’anopexie dans ces circonstances.

En cas de thrombose, qu’elle soit externe ou interne, à la phase aiguë, il est recommandé de recourir à un traitement médical. La répétition des épisodes de thromboses peut conduire à une chirurgie « préventive » des crises. Seule la chirurgie ouverte est logique dans cette indication car elle seule a la capacité d’exciser le plexus hémorroïdaire externe.

Un problème plus spécifique, mais rarement abordé, est celui de la maladie mixte. La composante externe peut réaliser des tableaux cliniques d’autant plus difficile à distinguer que les phénomènes de thromboses peuvent régresser tout en constituant la pathologie prédominante du patient qui se plaint d’une douleur, d’une tuméfaction avec peu de saignement (Figures 4 et 5). Aussi quand l’interrogatoire trouve dans l’histoire du patient des épisodes de thromboses cela doit conduire à privilégier une technique d’excision. Compte tenu d’une sévérité variable en terme d’intensité et ­d’extension, il n’y a pas de conseils systématisés dans la littérature.

Figure 4. Aspect fluxionnaire circulaire des hémorroïdes externes

Figure 5. Maladie hémorroïdaire mixte

Le terrain

Les anticoagulants (AC) et les anti­agrégants plaquettaires (AAP) sont par nature des facteurs aggravants du risque hémorragique post opératoire [10]. Ce risque ne se concrétise pas systématiquement. De sa fréquence et de son abondance dépendent le choix d’arrêter ou non le traitement. Les saignements rectaux représentent près du tiers des saignements digestifs sous anticoagulants [11]. Au-delà de 45 ans, la moitié de la population occidentale prend un anticoagulant ou un anti agrégant. La question est donc importante.

Deux situations sont à envisager. Soit l’indication thérapeutique est le saignement lui-même, soit il s’agit d’une indication pour un autre symptôme à commencer par le prolapsus.

En cas de saignement, la première étape est de rediscuter du bien fondé du traitement (AC/AAP) pour l’arrêter transitoirement ou définitivement. On peut aussi réduire le risque en réduisant le traitement : baisse de l’objectif d’anti coagulation avec une réduction de l’INR, réduction du dosage de l’aspirine. Si les symptômes persistent ­malgré l’adaptation des AC/AAP, ­l’option chirurgicale est à envisager sans passer par l’étape instrumentale car, au final, la période de risque hémorragique est plus longue en cas de traitement instrumental répété qu’en cas de chirurgie. Encore faut-il admettre qu’un degré minime de saignements est acceptable sous traitement AC/AAP ; ce seuil d’acceptabilité n’est jamais défini ni discuté dans la littérature (apparition d’une anémie, d’une carence en fer ?).

En cas de prolapsus, l’indication ou l’interruption avec ou sans substitution doit être discuté avec le cardiologue, notamment pour évaluer le caractère impératif d’une anti coagulation permanente.

Mais qu’est-il possible d’envisager ? Bien qu’il n’existe pas de recommandation spécifique à la chirurgie proctologique, tous les gestes chirurgicaux sont envisageable sous AAP (aspirine) hors clopidogrel, prasugrel ou association les incluant.

Une chirurgie sous AVK est probablement moins risquée qu’une chirurgie après substitution [12]. Pour réduire le risque hémorragique il est envisageable d’adapter la technique. L’utilisation d’un fusion tissulaire par ligasure dans les hémorroïdectomies ouvertes et la ligature artérielle doppler pour les techniques mini invasives sont associées dans une revue récente avec une réduction du risque hémorragique [2]. Dans une étude rétrospective sur 106 patients, l’utilisation du THD n’augmente pas le risque hémorragique par rapport aux patients sans traitement [13]. Mais la majorité des patients traités étaient sous AAP ; 100 % des patients sous NACO ont ­saigné et les 2/3 des AVK (les effectifs sont petits). L’idéal n’existe pas. Peut-être que les cardiologues devraient, avant d’instaurer une anti coagulation, réaliser un dépistage du cancer colique et une prise en charge des hémorroïdes. Stratégie d’autant plus logique qu’il s’agit des mêmes tranches d’âge dans la population. Mais dans la pratique le recours à une technique ouverte avec fusion tissulaire pour les grades 4 et un THD pour les grades 3 est envisageable sous anti coagulation (AVK) classique adaptée, sans substitution, au prix dans ce dernier cas d’une augmentation du taux de récidive et d’un coût un peu plus élevé de la procédure. L’environnement médical doit être adapté de façon à pouvoir gérer le risque hémorragique, à commencer par l’information du patient.

Les patients incontinents avant la chirurgie courent le risque d’une aggravation de leur incontinence [14] ; ou d’une apparition chez ceux ayant des facteurs de risque. Il faut donc envisager la chirurgie avec prudence en cas de facteurs de risques (Tableau I).

Diarrhée chronique (syndrome de l’intestin irritable)
Dénervation périnéale latente par :

  • constipation distale chronique,
  • antécédents de traumatismes obstétricaux (enfant de gros poids, dystocie)
Rupture sphinctérienne asymptomatique :

  • chirurgie préalable pour fistule
  • traumatismes obstétricaux : déchirure périnéale, assistance instrumentale (forceps)
Incontinence urinaire
Prolapsus génital

Tableau I. Facteurs de risque d’une incontinence latente pouvant devenir symptomatique après chirurgie hémorroïdaire

Peut-être faut-il alors favoriser tout ce qui va limiter le risque sphinctérien (avis d’expert) : que ce soit par dilatation (anopexie), par lésions directes (anopexie, hémorroïdectomie ouverte)[15, 16]. Même si en terme d’incontinence, aucune technique ne présente un sur risque validé [2]. À l’évidence une sphinctérotomie ne doit pas être associée. Le principal message ici est de bien penser à colliger l’ensemble des antécédents, y compris ces risques sous jacents, afin de les intégrer aux critères de décision. D’autant que dans la pratique, c’est la crainte de la survenue d’une incontinence qui semble être un facteur de réticence à la chirurgie chez de nombreux patients. Rappelons qu’en cas de colopathie fonctionnelle, le taux de patients non satisfaits de leur intervention est augmenté de même que le risque d’incontinence est accru en cas de sexe féminin [6, 9].

Il faut mettre en balance le risque de troubles de la continence et une procédure alternative. Soit en recourant à des procédures instrumentales moins efficaces mais moins morbides [17] ; soit en discutant d’une combinaison de geste. L’association d’une résection uni pédiculaire avec un traitement instrumental peut constituer une alternative ; mais cette stratégie multimodale n’est actuellement pas référencée. Ce qu’il faudrait au final, c’est un essai qui évalue une stratégie et non pas une technique. Ce qui n’a pas été fait à ce jour. Le recours aux ligatures élastiques dans ce cas est une alternative à dis­cuter, d’autant qu’un essai récent a montré une efficacité similaire THD/ligature [17]. Même si la ligature devait être répétée ; elle était en tout cas moins morbide.

Les lésions associées

La fissure partage une prise en charge assez similaire. Malgré une tendance à proposer une chirurgie en cas de pathologie associée, le bénéfice de la chirurgie par rapport à cette indication n’est pas établi [1]. En cas d’hypertrophie papillaire symptomatique, la seule possibilité est la chirurgie ouverte (Figures 6 et 7).

Figure 6. Hypertrophie papillaire

Figure 7. Hypertrophie papillaire accouchée à la marge

La demande et les contraintes du patient

La demande n’est pas toujours for­mulée de façon complète. Certains symptômes ne sont pas toujours formulés (incontinence) ; certains objectifs sont refoulés (aspect cosmétique) ; certaines problématiques sont masquées (sexualité anale).

Dans ce dernier cas, le risque de sténose doit être précisé, risque plus important en cas de résection pédi­culaire ; les risques de lésions du partenaire par persistance d’agrafes au décours d’une anopexie doit rendre l’indication prudente. La reprise de l’activité sexuelle n’est autorisée qu’après un examen post opératoire confirmant l’absence d’agrafes extériorisées dans le canal anal.

Enfin certains patients peuvent ­accepter une moindre efficacité à court terme jugeant que le bénéfice d’une moindre immobilisation est supérieure à celle d’un résultat complet et définitif. Il y a des arguments forts pour prendre en considération cette dimension : la durée plus courte de l’arrêt de travail en cas de technique mini invasive ; le taux de récidive de saignements élevés même en cas de procédure ouverte.

Là encore on retrouve les limites de la définition de la récidive surtout dans le cas d’une maladie dégénérative.

Si le patient accepte un geste avec un taux de rechute plus élevé, ce qui n’a pas été évalué c’est l’impact sur la récidive de l’optimisation de la prise en charge médicale post-opératoire : lutte contre les troubles du transit, contrôle d’une constipation distale. Le message à faire passer au patient, c’est que le traitement ne lui fait pas faire l’économie d’une prise en charge de sa diététique et de son hygiène de vie.

Quelle technique avec quel résultat ?

Pour évaluer ou recommander une technique, il y a plusieurs difficultés. Tout d’abord, dans la littérature, les comparaisons se font au cours d’études randomisées par paire (comparaison de deux traitements). Il n’y a pas ­d’évaluation de stratégies multi­modales.

En dehors des difficultés inhérentes aux séries chirurgicales (reproductibilité du geste, opérateurs multiples, courbe d’apprentissage), il y a celles liées à la multiplicité des techniques : photo coagulation laser et non ligature lors d’une procédure sous contrôle doppler ; ligature artérielle aveugle (sans contrôle doppler) ; fluctuation notable dans le nombre de mucopexies associées à la ligature artérielle ; vaporisation externe ; coagulation tissulaire par sonde laser sous muqueuse ou par radiofréquence. Pour cette mise au point, on s’en tient aux techniques évaluées ; c’est-à-dire la chirurgie ouverte ou semi fermée (CO), la suspension du prolapsus à la pince (dite anopexie de Longo) et la ligature artérielle sous contrôle doppler avec mucopexie (HAL-Doppler).

Le tableau II résume les principaux critères de choix de la technique avec une classification obtenue par la méthode de la méta analyse en réseau qui permet de s’affranchir plus nettement des biais introduits par les méta analyses par appariement simple [2].

Efficacité symptomatique Aspirine AVK Rechute IA Ambulatoire
(et durée hospitalisation)
Complications
Prolapsus Saign. Autre Contrôle thrombose Rétention U Hémorragie 2 % Fissure/impaction Douleurs
Ouverte (Milligan et Morgan ou semi fermée) xxx xx ns xxx xxx xx x ns x xx XX xxx xxx
Suspension à la pince
(tout modèle de pince)
xx xx ns na xxx x xx ns Xx (AT court) x xx x xx
Ligature artérielle Doppler avec mucopexie x xx ns na xxx xxx Xxx OR .785 ns xxx x x x x

Tableau II. Résultats et complications des 3 procédures chirurgicales les plus courantes en France

En terme d’efficacité il n’y a pas de différence significative dans le contrôle du saignement entre les 3 méthodes chirurgicales retenues, ni en ce qui concerne la douleur préopératoire ou le prurit. En revanche le contrôle du prolapsus est meilleur dans les exérèses puis dans les agrafages, que pour le THD. Si on privilégie l’efficacité, on constate que la résection classique reste à ce jour la méthode la plus efficace, d’autant que c’est la seule qui contrôle les thromboses externes et qui, en terme de rechute globale, est la plus performante. Mais c’est aussi elle qui au regard du taux de complications, est aussi la plus morbide, celle qui s’accompagne de l’arrêt des activités habituelles la plus longue ou de la douleur à J1 et J7 la plus forte. De ce fait et de façon assez logique, elle est celle qui s’accompagne du taux d’échec de la chirurgie ambulatoire programmée le plus fort.

Il n’y a pas d’impact sur le risque ­d’incontinence de la méthode choisie.

La chirurgie d’excision pratiquée avec des outils comme le scalpel Harmonic® ou le Ligasure® réduit la morbidité par rapport à la chirurgie ouverte et à l’anopexie.

Conclusion

Au total on voit donc que le choix n’est jamais binaire. Ce qui explique la difficile systématisation des traitements par un arbre décisionnel. La prise en charge des hémorroïdes est un authentique problème complexe. C’est-à-dire que pour une situation donnée (le patient et sa qualité de vie), il existe plusieurs solutions applicables dont certaines sont contradictoires. Il n’existe pas de procédure analytique unique apportant une solution univoque. Pour réduire les aléas liés à des informations incomplètes, il faut donc regrouper les critères de choix qui ne peuvent se résumer à [prolapsus > 2 + échec du traitement médico-­instrumental]. Le problème est ­complexe mais pas nécessairement compliqué. Ces critères sont résumés dans le tableau III. La hiérarchisation de ces objectifs avec le patient permet alors de choisir la procédure la mieux adaptée.

La nature du symptômes :

  • prolapsus
  • saignement
  • autre (inconfort, suintement sans incontinence, prurit ?)
  • et donc la nature des hémorroïdes impliquées : externe et/ou internes.
L’efficacité des traitements préalables
Le terrain (en dehors des facteurs de risque non spécifique de mauvais résultats chirurgicaux comme le diabète, l’obésité, la non compliance aux instructions) :

  • les anticoagulants
  • l’incontinence avérée ou latente
  • les pathologies associées
La demande du patient :

  • traitement à visée radicale (définitive)
  • composante esthétique
  • présence d’une sexualité anale
  • minimisation d’un effet secondaire (douleurs)
  • minimisation de l’immobilisation
L’histoire naturelle de la maladie chez le patient :

  • notamment l’existence de thromboses externes
  • l’âge du patient
L’efficacité et la morbidité « prévisible » de la méthode retenue

Tableau III. Les critères de choix des armes

L’avenir

Le développement d’une technique universelle n’est pas encore à l’ordre du jour. La technique qui constitue actuellement la modernité est la coagulation par cavitation des plexus internes, soit par laser soit par radio fréquence. Appliquée sur plusieurs centaines de patients, elle n’a pas à ce jour donné lieu à une publication à fort niveau de preuve. Ses limites sont là encore la prise en charge uniquement de la maladie interne ; uniquement des grades 3, voire 2, et pas des grades 4 ; la recherche principale d’une plus grande simplicité et d’une plus grande rapidité et non d’une efficacité supérieure. Compte tenu de l’arsenal déjà disponible, il faudra qu’elle soit comparée à la ligature élastique et au THD/anopexie avant de pouvoir en faire un standard.

L’ambulatoire

Toute la chirurgie hémorroïdaire est réalisable en ambulatoire [18]. Le frein principal à la généralisation est organisationnel ; en dehors bien sur de contre-indications qui ne sont pas spécifiques à la chirurgie hémorroïdaire. Les principales causes de l’échec et donc du maintien du patient dans l’unité ambulatoire ou de son retour précoce sont la rétention urinaire, une douleur mal contrôlée par le protocole standard et les saignements précoces. La ligature artérielle doppler est la technique qui a le plus faible taux d’échec.

Références

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