Le Portage inactif du VHB

POST’U 2018

Hépatologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaitre la définition d’un portage inactif du VHB
  • Connaitre son histoire naturelle
  • Connaitre les modalités de surveillance
  • Place du titrage de l’AgHBs dans la caractérisation et le suivi du portage inactif
  • Connaître les Indications du traitement pré emptif

Testez-vous

Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

Testez vos connaissances sur le sujet.

Les 5 points forts

  1. Le diagnostic d’Infection Chronique (IC) VHB Ag HBe- (ex portage inactif) ne peut être posé sur une seule évaluation mais après au moins un an de surveillance biologique.
  2. La forme la plus typique de l’IC VHB Ag HBe- associe un taux de transaminases normal, un taux d’ADN VHB < 2000 UI/ml, une évaluation de la fibrose par Fibroscan < 5-6 KPa et un dosage de l’AgHBs < 1000 UI/ml.
  3. La progression de la fibrose et la survenue d’un carcinome hépatocellulaire sont exceptionnelles en dehors de présence de facteurs de comorbidités hépatiques.
  4. Une surveillance annuelle des patients est recommandée pour rechercher une éventuelle réactivation ou vérifier la perte de l’antigène HBs.
  5. Le traitement antiviral n’est pas indiqué sauf en cas d’instauration d’un traitement immunosuppresseur (traitement préemptif).

Conflits d’intérêts
AbbVie, MSD, BMS, GSK, Gilead, Janssen, Intercept, Roche, Bayer, Bohringer Ingelheim, Genfit

L’infection par le virus de l’hépatite B reste un problème majeur de santé publique responsable d’une morbidité et d’une mortalité importantes [1].

Environ 240 millions de personnes dans le monde sont porteurs chroniques du VHB avec des variations géographiques importantes de prévalence. Celle-ci décroît dans un certain nombre de pays de forte endémie du fait des améliorations socio-économiques, de la vaccination universelle et sans doute aussi du fait de l’efficacité des traitements antiviraux.

Par ailleurs, la prévalence élevée du VHB chez les populations de migrants et de réfugiés modifie la prévalence et l’incidence du VHB dans certains pays européens comme l’Italie et l’Allemagne. La mortalité liée au VHB en rapport avec les cirrhoses et les carcinomes hépatocellulaires a augmenté entre 1990 et 2013 de 33 % responsable de plus de 686 000 décès en 2013 [2].

L’infection chronique par le virus B est un processus dynamique reflétant les interactions entre le VHB et la réponse immunitaire de l’hôte et les patients infectés par le VHB n’ont pas tous une hépatite chronique B.

Les récentes recommandations EASL ont défini une nouvelle terminologie pour définir les différentes phases de l’histoire naturelle du VHB. Le portage inactif du VHB devient donc l’infection chronique VHB AgHBe négatif (IC VHB Ag HBe-) [1].

L’histoire naturelle du VHB peut être divisée en cinq phases reposant d’une part sur la présence d’une infection ou d’une hépatite et d’autre part sur la présence ou l’absence de l’Ag HBe (Figure 1). Les patients Ag HBe négatifs (Ac anti HBe positifs) représentent le plus grand nombre des patients infectés par le VHB dans le monde. Au sein de ce groupe, la distinction entre les patients infectés (ex. porteurs inactifs du VHB) et ceux présentant une hépatite est parfois difficile.

Figure 1 : Histoire naturelle de l’infection par le VHB (nouvelle terminologie, EASL 2017{European Association for the Study of the Liver. Electronic address, 2017 #76})

Auteurs
(Réf.)
Pays Nombre
de patients
Homme
(%)
Âge médian
(années)
Suivi
(années)
Perte Ag HBs (%) Réactivation
VHB (%)
CHC
(%)
De Franchis [12] Italie 68 81 31 10,8 15 4,4 0
Villeneuve [27] Canada 200 81 29 16 0,7/an 0,5 0
Martinot-Peignoux [14] France 38 54 34 3,2 3,5 2,6 ND
Hsu [28] Taiwan 189 79 32 8,2 4,8 ND 1,6
Manno [13] Italie 296 78 36 30 32 2,1 0,7
Fattovich [29] Italie 40 63 30 23 45 0 5
Habersetzer [30] France 109 ND ND 6 10 ND ND
Brouwer [22] International 189 55 44,2 7,1 22 3 0,5
Castera [6] France 82 54 36,2 2 ND 0,2 0
Wong GLH [31] Hong Kong 244 51 48 3,7 ND 0,8 ND
Ngo [4] France 265 ND ND 4 ND ND 0
Magalhaes[45] Portugal 100 47 48,7 4,6 4 10 0

Tableau I. Histoire naturelle des patients avec une IC VHB Ag HBe- dans les cohortes de suivi à long terme (d’après Invernizzi F. et al. [3] modifié)

Définition de l’infection chronique VHB Ag HBe négatif (ex portage inactif)

L’infection chronique VHB B Ag HBe négatif (IC VHB Ag HBe-) est caractérisée chez les patients Ag HBs positif par la présence des Ac anti HBe, d’un ADN VHB indétectable ou < 2 000 UI/ml et des transaminases normales, qui doivent être confirmés de façon trimestrielle au cours de la première année de suivi [3]. Ces patients ont en général un titre faible d’Ag HBs (< 1 000 UI/ml) et aucune lésion hépatique nécrotico-inflammatoire ou de fibrose.

Les patients ayant une charge virale comprise entre 2 000 et 20 000 UI/ml avec des transaminases normales, des lésions hépatiques nécrotico-inflammatoires et une fibrose minime, sont aussi considérés comme ayant un infection chronique VHB Ag HBe ­négatif [1].

Cette définition repose en partie sur le bilan initial de l’infection chronique par le VHB (Figure 2). Ce bilan comprend d’une part un interrogatoire à la recherche des modes de transmission, un examen physique et les marqueurs du VHB (Ag HBs, Ac anti HBc, Ac anti HBs) et d’autre part un bilan de l’entourage familial et sexuel afin de réaliser une vaccination contre le VHB en cas de négativité des marqueurs sérologiques du VHB. L’évaluation de l’atteinte hépatique est capitale pour essayer de préciser au mieux la phase de l’histoire naturelle du VHB dans laquelle se trouve le patient qui va déterminer son suivi, son éventuel traitement et sa surveillance. Cette évaluation comprend un examen clinique à la recherche de signe d’hépatopathie, un bilan biologique comprenant une numération formule plaquettes, un TP avec INR, ASAT, ALAT, GGT, PAL, bilirubine, albumine et gammaglobulines, alpha fœto protéine et une échographie abdominale.

Figure 2 : Bilan initial à réaliser chez un patient porteur du VHB.

Sur le plan virologique, la détermination de l’ag HBe, de l’Ac anti HBe et de l’ADN du VHB est essentielle pour déterminer la phase de l‘infection chronique par le VHB.

Par ailleurs, l’évaluation des comorbidités (alcool, maladies métaboliques et auto immunité) est également essentielle pour éliminer une autre cause de maladie chronique du foie, de même que l’existence d’une coinfection par le virus Delta, le VHC ou le VIH.

L’évaluation de la fibrose et de l’activité nécrotico-inflammatoire est une étape importante pour définir l’IC VHB Ag HBe- et la différencier de l’hépatite chronique Ag HBe négatif.

Les récentes recommandations de l’EASL suggèrent d’utiliser les tests non invasifs d’évaluation de la fibrose. Plusieurs études sur des cohortes prospectives, suivies pendant 4 à 10 ans, ont évalué l’intérêt du Fibrotest®, du Fibromètre®, de l’APRI et du Fib-4 pour le diagnostic de l’absence de fibrose ou d’une fibrose minime qui définissent l’IC VHB Ag HBe- [4-6]. Ces études montrent que les patients avec une IC VHB Ag HBe- ont une valeur médiane plus basse de ces tests par rapport aux patients ayant une hépatite chronique B Ag HBe négatif. Ces tests permettent de beaucoup mieux identifier les IC VHB AgHBe- que la seule association de transaminases normales et d’un ADN VHB < 2 000 UI/ml [4-6]. L’élasticité hépatique par Fibroscan® a été largement évaluée dans des cohortes prospectives transversales ou de suivi longitudinal. L’élasticité hépatique moyenne ou médiane des patients ayant une IC VHB Ag HBe- est comparable à celle des témoins sains et significativement plus basse que celle observée chez les patients ayant une hépatite chronique Ag HBe négatif [5-10]. Une étude prospective française portant sur 329 patients dont 201 IC VHB Ag HBe- a comparé l’élasticité hépatique par Fibroscan® et l’évaluation de la fibrose par APRI et Fibrotest® [6]. Elle confirme la bonne performance diagnostique des trois méthodes d’évaluation pour définir les patients IC VHB Ag HBe- mais montre que l’élasticité hépatique est moins fluctuante dans le temps que les tests APRI ou Fibrotest®. De façon globale, les études montrent que les patients ayant une élasticité hépatique inférieure à 5-6 kPa ont une fibrose nulle ou minime [11]. Cepen­dant les patients ayant des transaminases normales, un ADN VHB < 2 000 UI/ml et une élasticité hépatique > 7,2 kPa doivent être surveillés dans le temps et chez ceux dont la valeur d’élasticité ne diminue pas, une autre cause d’hépatopathie doit être recherchée et la biopsie hépatique s’impose pour débuter éventuellement un ­traitement antiviral [6].

Très peu d’études ont évalué l’histologie hépatique par biopsie hépatique pour évaluer la fibrose chez les patients avec une IC VHB Ag HBe- car celle-ci n’est pas recommandée. L’histologie hépatique chez 248/260 (95 %) des patients ayant une IC VHB Ag HBe- était normale ou montrait des lésions minimes sans cirrhose [12-16].

Place du titrage de l’Ag HBs dans la caractérisation
et le suivi du portage inactif

Il est difficile, sur la seule normalité des transaminases et de l’ADN VHB < 2 000 UI/ml et sur une seule détermination, de différencier les patients ayant une IC VHB Ag HBe- de ceux ayant une hépatite chronique Ag HBe négatif [3].

Après un an de suivi, avec une détermination trimestrielle des transaminases et de l’ADN VHB, près de deux tiers des patients initialement identifiés comme des IC VHB Ag HBe- étaient confirmés. Le reste des patients présentaient une hépatite chronique Ag HBe négatif, avec une fluctuation de la charge virale et des transaminases, nécessitant un traitement antiviral [12-13, 17].

Par ailleurs, un certain nombre de patients avec des transaminases normales de façon répétée, présentent des fluctuations de l’ADN VHB entre 2 000 et 20 000 UI/ml tout en restant d’authentiques IC VHB Ag HBe- [15].

Plusieurs études, essentiellement européennes, ont évalué l’intérêt du titrage de l’Ag HBs pour le diagnostic d’IC VHB Ag HBe-. Dans une première étude, chez des patients de génotype D, avec un suivi mensuel des transaminases et de la virémie pendant un an, la combinaison d’un Ag HBs < 1 000 UI/ml et d’un ADN VHB < 2 000 UI/ml avait une performance diagnostiquée de 94,3 % et une valeur prédictive positive de 87,3 % sur une seule détermination pour identifier les patients ayant une IC VHB Ag HBe- [17]. Des résultats compa­rables ont été observés dans une étude française [18]. À l’inverse dans une étude taiwanaise de suivi à long terme, cette combinaison pour le diagnostic d’IC VHB Ag HBe- avait une faible sensibilité de 54 % et une faible spécificité de 56 % [19]. De même, chez des patients de génotype B et C dans la cohorte REVEAL cette combinaison avait une performance diagnostique de 78 % avec une valeur prédictive positive de 83 % [20]. Ces différences peuvent être liées d’une part à des génotypes VHB différents et d’autre part à des différences dans le suivi et aussi dans la fréquence de la surveillance. Dans une petite étude asiatique chez 40 patients de génotype C, une valeur seuil de 50 UI/ml pour l’Ag HBs identifiait les IC VHB Ag HBe- avec une spécificité de 100 % [21]. Une grande étude rétrospective dans 8 centres de référence répartis dans le monde portant sur 292 patients Ag HBe négatifs avec initialement des transaminases normales et un ADN VHB < 20 000 UI /ml, suivis sur une période médiane de 8 ans, a étudié la valeur prédictive de la titration de l’Ag HBs [22]. Le titre d’Ag HBs était évalué par l’une des deux méthodes commercialisées : méthode Architect (Abbott laboratories, Abbott Park, IL) ou la méthode Elecsys (Roche Diagnostics, India­napolis, IN). Ces deux méthodes ont une excellente corrélation [23, 24]. La combinaison d’un Ag HBs < 1 000 UI/ml et d’un ADN VHB < 2 000 UI/ml identifiait les IC VHB Ag HBe- pendant toute la période de suivi avec une spécificité de 88 %, une valeur prédictive positive de 92 % et une performance diagnostique de 71 %. La meilleure combinaison en termes de spécificité et de valeur prédictive positive dans cette étude était l’association d’un Ag HBs < 100 UI/ml et d’un ADN VHB < 2 000 UI/ml avec une spécificité de 98 % et une valeur prédictive de 97 %, quel que soit le génotype du VHB [22].

Cette étude a confirmé la valeur de la combinaison Ag HBs < 1 000 UI/ml et ADN VHB < 2 000 UI/ml pour identifier les IC VHB Ag HBe- car seulement 3 % des patients présentant ces caractéristiques ont eu une réactivation après trois années de suivi [22]. Cette étude, par ailleurs, identifiait d’une part des vrais « porteurs inactifs » avec un Ag HBs < 100 UI /ml, un ADN VHB ≤ 2 000 UI/ml, des transaminases normales, et des patients en « rémission VHB » avec un Ag HBs entre 100 et 1 000 UI/ml, un ADN VHB ≤ 2 000 UI/ml et des transaminases normales et d’autre part des porteurs actifs avec un Ag HBs > 1 000 UI/ml ou un ADN VHB > 2 000 UI/ml.

Enfin, une étude récente a montré chez 147 patients Ag HBe négatifs suivis à trois reprises pendant un an, que l’association initiale d’un Ag HBs ≤ 1 000 UI/ml, un ADN VHB ≤ 2 000 UI/ml et d’une élasticité hépatique par fibroscan ≤ 6,2 kPa identifiait correctement les IC VHB Ag HBe- avec une sensibilité de 96,4 %, une spécificité et une valeur prédictive positive de 100 % et une performance diagnostique de 97,5 % [10].

Toutes ces études démontrent l’intérêt du titrage de l’Ag HBs par les méthodes Architect ou Elecsys pour aider à identifier précocement les IC VHB Ag HBe-.

Au cours du suivi des patients Ag HBe négatifs avec un ADN VHB < 1 000 UI/ml, une diminution annuelle de ≥ 0,3 log UI/ml est associée à une ­clairance de l’Ag HBs avec une valeur prédictive positive de 89 % [18].

Dans une autre étude, chez les patients ayant un ADN VHB < 5 000 UI/ml, une diminution ≥ 0,5 log UI/ml en un an est associée à une forte probabilité de maintenir le statut d’IC VHB Ag HBe-dans les années suivantes [22].

Au-delà du titrage de l’Ag HBs, plusieurs études récentes ont étudié l’intérêt du titrage de l’antigène du core (Ag HBcr) pour identifier les IC VHB Ag HBe-. Le titrage de l’Ag HBcr semble plus discriminant que le titrage de l’Ag HBs pour identifier les patients ayant une IC VHB Ag HBe- chez les patients avec un ADN VHB ≤ 2 000 UI/ml quel que soit le génotype VHB alors que le titrage de l’Ag HBs était utile uniquement chez les patients de génotype D [25]. Les patients ayant un titre d’Ag HBcr < 3,87 log UI/ml avaient peu de chance de développer une réactivation avec une valeur prédictive positive de 75 % et négative de 90,7 % [26].

Histoire naturelle du porteur inactif

Les IC VHB Ag HBe-, du fait du contrôle immunologique de l’infection, ont un excellent pronostic à long terme avec une faible activité nécrotico-inflammatoire, peu de progression de la fibrose, un faible risque de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire et un taux élevé de perte de l’Ag HBs [12-14, 22, 27-30].

Les patients ayant une IC VHB Ag HBe- n’ont pas de progression des lésions nécrotico-inflammatoires ou de fibrose comme le montre une étude grecque sur 95 patients biopsiés après 4 ans de suivi [15]. Une étude française a montré que l’élasticité hépatique par Fibroscan® était très stable chez 82 patients pendant un suivi médian de 22 mois [6].

Ces résultats ont été confirmés dans une étude asiatique chez 244 patients répondant à la définition des IC VHB Ag HBe-. Après 44 mois de suivi, seuls 3 % des patients avaient une augmentation > 30 % de leur élasticité hépatique [31].

Dans les études incluant uniquement des patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe- avec une définition stricte, la réactivation du VHB est rare et les élévations de transaminases rapportées sont souvent en rapport avec d’autres cofacteurs ( alcool, syndrome métabolique, diabète…) [12-13, 27]. Certaines études ont rapporté des taux de réactivation plus élevés [28, 32-34]. Ces différences peuvent s’expliquer par des définitions virologiques et biochimiques moins strictes des IC VHB Ag HBe- et par des différences régionales ou de génotype.

La perte spontanée de l’Ag HBs est observée chez 0,7-1,9 % des patients par an, habituellement chez des patients ayant eu un ADN VHB indétectable pendant plusieurs années avec une perte cumulative de l’Ag HBs entre 32 % à 45 % chez les patients caucasiens suivis pendant plus de 20 ans [12-14, 27-30]. La perte de l’Ag HBs est associée au titre initial de l’Ag HBs. Après 10 ans de suivi, les patients ayant un titre d’Ag HBs < 100 UI/ml ont vingt fois plus de chance de perte l’Ag HBs que les patients ayant initialement un titre de l’Ag HBs > 1 000 UI/ml [22].

Le risque de développer une cirrhose ou un carcinome hépatocellulaire est très faible. Le risque de développer une cirrhose est < 0,1 par 100 personne/année [3]. L’incidence du carcinome hépatocellulaire dans une récente méta-analyse est de 0,05 par 100 personnes/année sans différence géographique après ajustement sur l’âge : 0,03 par 100 personnes/année en Europe, 0,17 en Amérique du Nord et Océanie et 0,06 en Asie du Sud-Est [35]. Ces incidences peuvent être augmentées par des cofacteurs liés à une consommation excessive d’alcool, un syndrome métabolique ou une co-infection VIH ou VHC [13, 28-29]. La mortalité hépatique chez les patients ayant une IC VHB Ag HBe- est faible avec une incidence de 0,03 par 100 personnes/année [32]. Dans une étude avec un suivi de 30 ans le risque de maladie hépatique significative ainsi que la morbidité et la mortalité hépatiques étaient comparables chez les patients ayant une IC VHB Ag HBe- par rapport à une population non infectée par le VHB.

Les modalités de surveillance

Le diagnostic initial d’une IC VHB Ag HBe- est parfois facile chez les patients ayant des transaminases normales, un ADN VHB < 2 000 UI/ml, un titre d’Ag HBs < 1 000 UI/ml et une élasticité hépatique < 6,2 kPa, mais il est souvent plus difficile et pendant la première année il convient de faire une surveillance des transaminases et de l’ADN VHB tous les trimestres afin de confirmer le diagnostic.

Les patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe- avec un ADN VHB < 2 000 UI/ml et qui n’ont pas d’indication à un traitement qu’il soit préemptif ou non, doivent être surveillés tous les 6 à 12 mois pour les transaminases [1]. Une évaluation de la fibrose et de l’ADN VHB doit être réalisée tous les 2 ans si le titre de l’Ag HBs > 1 000 UI/ml et tous les 3 ans si le titre d’Ag HBs < 1 000 UI/ml. Par contre les patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe- avec un ADN VHB > 2 000 UI /ml et qui n’ont pas d’indication au traitement doivent être surveillés tous les 3 mois dans la ­première année puis tous les 6 mois ensuite pour les transaminases et de façon annuelle pour l’ADN VHB et l’évaluation de la fibrose pendant 3 ans. S’ils n’ont pas d’indication de traitement, la surveillance ensuite est identique à celle des patients ayant un ADN VHB < 2 000 UI /ml [1].

Les indications du traitement préemptif

Le traitement antiviral n’est pas indiqué chez les patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe-. Une étude contrôlée a montré, chez 91 patients avec ADN VHB < 2 000 UI/ml, l’absence d’intérêt du traitement par interféron pegylé plus analogue (adéfovir ou ténofovir) pendant 48 semaines en termes de négativation de l’Ag HBs (5 patients) ou de séroconversion HBs (2 patients) par rapport au groupe contrôle [36]. Cependant, les récentes recommandations de l’EASL proposent que les patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe-, ayant des antécédents familiaux de cirrhose, de carcinome hépatocellulaire ou porteurs de manifestations extra hépatiques, puissent être traités par analogues même si tous critères d’indication au traitement ne sont pas réunis [1].

Par ailleurs, les professionnels de santé pratiquant des actes à risque d’accident d’exposition au sang ayant une IC VHB Ag HBe- avec une charge virale > 200 UI/ml doivent être traités par analogue afin de réduire le risque de transmission selon les recommandations de L’EASL [1]. Le taux de virémie qui doit conduire à un traitement préventif varie d’un pays à l’autre entre 200 et 10 000 UI/ml en France d’après les dernières recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique [37]. Enfin, les patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe- et d’une infection par le VIH doivent être traités avec un traitement antirétroviral comprenant du ténofovir (TDF ou TAF). De même, les patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe- et transplantés d’organes doivent être traités par analogues ténofovir ou entécavir.

Les patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe- recevant une chimiothérapie ou un traitement immunosuppresseur y compris les corticothérapies prolongées de plus d’un mois, les immunothérapies par des anticorps ciblés doivent être traités par les analogues entécavir ou ténofovir [38-41]. Une réactivation du VHB chez ces patients peut entraîner une élévation des transaminases et de la charge virale, voire une hépatite fulminante ou une hépatite chronique rapidement progressive.

Le risque de réactivation est différent selon les traitements immunosuppresseurs utilisés et peut être classé en élevé (> 10 %), modéré (1-10 %) ou faible (> 1 %) [42] [43]. Le risque de réactivation est plus important chez les patients recevant une chimiothérapie pour les hémopathies malignes et chez les transplantés de moelle, mais il peut aussi s’observer chez les patients sous chimiothérapie pour des tumeurs solides, chez les transplantés d’organes et chez ceux recevant un traitement immunosuppresseur pour des maladies inflammatoires digestives, rhumatismales ou dermatologiques [38]. La réactivation du VHB a un impact sur la survie et la prise en charge du patient car elle peut aboutir à un traitement suboptimal en limitant l’utilisation des immunosuppresseurs.

Le traitement préemptif par analogues doit être débuté avant ou en même temps que le traitement immuno­suppresseur et doit être poursuivi 12 à 18 mois (pour le rituximab) après ­l’arrêt du traitement immunosuppresseur ou de la chimiothérapie et celui-ci ne peut être arrêté que chez les patients dont la maladie sous-jacente est en rémission complète.

Lors du traitement préemptif et dans les 12 mois suivant son arrêt, les patients doivent être surveillés sur la fonction hépatique et la charge virale tous les 3 à 6 mois. Il ne faut pas oublier que beaucoup de réactivations s’observent après l’arrêt des traitements par analogue.

Les patients porteurs d’une IC VHB Ag HBe- et coinfectés par le VHC doivent être surveillés tous les mois pendant le traitement du VHC par les antiviraux directs et dans les trois mois qui suivent l’arrêt du traitement afin de dépister une éventuelle réactivation virale. Une méta-analyse récente a montré que les réactivations VHB sont plus précoces et plus fréquentes avec les traitements par antiviraux directs par rapport aux traitements par Interféron [44]. Par ailleurs l’EASL recommande un traitement préemptif par analogue [1].

Conclusion

L’IC VHB Ag HBe- (ex portage inactif du VHB) reste souvent difficile à différencier de l’hépatite chronique Ag HBe négatif sur une évaluation unique. Le diagnostic nécessite au-delà des transaminases normales et de l’ADN VHB < 2 000 UI/ml, l’évaluation non invasive de la fibrose par les tests sériques ou mieux par le Fibroscan® et le titrage de l’Ag HBs. Si l’élasticité hépatique par Fibroscan® est < 5-6 kPa et que le titre de l’Ag HBs est < 1 000 UI/ml, le diagnostic d’IC VHB Ag HBe- peut être porté avec une excellente performance diagnostique. Cet état étant dynamique, le suivi au long cours est nécessaire pour dépister soit la perte de l’Ag HBs et la séroconversion HBs soit une éventuelle réactivation qui reste rare. L’histoire naturelle de l’IC VHB Ag HBe- est bénigne avec une progression vers la fibrose ou le CHC qui reste exceptionnelle en dehors de la présence de facteurs de comorbidités. Le traitement antiviral n’est pas indiqué en dehors de situations particulières. Par contre, cette population doit bénéficier d’un traitement préemptif dès qu’un traitement immunosuppresseur est indiqué pour une autre affection pour éviter tout risque de réactivation.

Références

  1. European Association for the Study of the Liver. Electronic addresse, European Association for the Study of the L. EASL 2017 Clinical Practice Guidelines on the management of hepatitis B virus infection. J Hepatol 2017;67:370-98.
  2. Stanaway JD, Flaxman AD, Naghavi M, Fitzmaurice C, Vos T, Abubakar I, et al. The global burden of viral hepatitis from 1990 to 2013: findings from the Global Burden of Disease Study 2013. Lancet 2016;388:
    1081-8.
  3. Invernizzi F, Vigano M, Grossi G, Lampertico P. The prognosis and management of inactive HBV carriers. Liver Int 2016;36 Suppl 1:
    100-4.
  4. Ngo Y, Benhamou Y, Thibault V, Ingiliz P, Munteanu M, Lebray P, et al. An accurate definition of the status of inactive hepatitis B virus carrier by a combination of biomarkers (FibroTest-ActiTest) and viral load. PLoS One 2008;3:e2573.
  5. Poynard T, Vergniol J, Ngo Y, Foucher J, Thibault V, Munteanu M, et al. Staging chronic hepatitis B into seven categories, defining inactive carriers and assessing treatment impact using a fibrosis biomarker (Fibro­Test(R)) and elastography (FibroScan(R)). J Hepatol 2014;61:994-1003.
  6. Castera L, Bernard PH, Le Bail B, Foucher J, Trimoulet P, Merrouche W, et al. Transient elastography and biomarkers for liver fibrosis assessment and follow-up of inactive hepatitis B carriers. Aliment Pharmacol Ther 2011;33:455-65.
  7. Oliveri F, Coco B, Ciccorossi P, Colombatto P, Romagnoli V, Cherubini B, et al. Liver stiffness in the hepatitis B virus carrier: a non-invasive marker of liver disease influenced by the pattern of transaminases. World J Gastro­enterol 2008;14:6154-62.
  8. Maimone S, Calvaruso V, Pleguezuelo M, Squadrito G, Amaddeo G, Jacobs M, et al. An evaluation of transient elastography in the discrimination of HBeAg-negative disease from inactive hepatitis B carriers. J Viral Hepat 2009;16:769-74.
  9. Marcellin P, Ziol M, Bedossa P, Douvin C, Poupon R, de Ledinghen V, et al. Non-invasive assessment of liver fibrosis by stiffness measurement in patients with chronic hepatitis B. Liver Int 2009;29:242-7.
  10. Maimone S, Caccamo G, Squadrito G, Alibrandi A, Saffioti F, Spinella R, et al. A ­combination of different diagnostic tools allows identification of inactive hepatitis B virus carriers at a single time point evaluation. Liver Int 2017;37:362-8.
  11. European Association for Study of L, Asociacion Latinoamericana para el Estudio del H. EASL-ALEH Clinical Practice Guidelines: Non-invasive tests for evaluation of liver disease severity and prognosis. J Hepatol 2015;63:237-64.
  12. de Franchis R, Meucci G, Vecchi M, Tatarella M, Colombo M, Del Ninno E, et al. The natural history of asymptomatic hepatitis B surface antigen carriers. Ann Intern Med 1993;118:
    191-4.
  13. Manno M, Camma C, Schepis F, Bassi F, Gelmini R, Giannini F, et al. Natural history of chronic HBV carriers in northern Italy: ­morbidity and mortality after 30 years. Gastroenterology 2004;127:756-63.
  14. Martinot-Peignoux M, Boyer N, Colombat M, Akremi R, Pham BN, Ollivier S, et al. Serum hepatitis B virus DNA levels and liver histology in inactive HBsAg carriers. J Hepatol 2002;36:543-6.
  15. Zacharakis GH, Koskinas J, Kotsiou S, Papoutselis M, Tzara F, Vafeiadis N, et al. Natural history of chronic HBV infection: a cohort study with up to 12 years follow-up in North Greece (part of the Interreg I-II/EC-project). J Med Virol 2005;77:173-9.
  16. Velasco M, Gonzalez-Ceron M, de la Fuente C, Ruiz A, Donoso S, Katz R. Clinical and pathological study of asymptomatic HBsAg carriers in Chile. Gut 1978;19:569-71.
  17. Brunetto MR, Oliveri F, Colombatto P, Moriconi F, Ciccorossi P, Coco B, et al. Hepatitis B surface antigen serum levels help to distinguish active from inactive hepatitis B virus genotype D carriers. Gastroenterology 2010;139:483-90.
  18. Martinot-Peignoux M, Lapalus M, Laouenan C, Lada O, Netto-Cardoso AC, Boyer N, et al. Prediction of disease reactivation in asymptomatic hepatitis B e antigen-negative chronic hepatitis B patients using baseline serum measurements of HBsAg and HBV-DNA. J Clin Virol 2013;58:401-7.
  19. Tseng TC, Liu CJ, Yang HC, Su TH, Wang CC, Chen CL, et al. Serum hepatitis B surface antigen levels help predict disease progression in patients with low hepatitis B virus loads. Hepatology 2013;57:441-50.
  20. Liu J, Yang HI, Lee MH, Jen CL, Batrla-Utermann R, Lu SN, et al. Serum Levels of Hepatitis B Surface Antigen and DNA Can Predict Inactive Carriers With Low Risk of Disease Progression. Hepatology 2016;64:
    381-9.
  21. Yim SY, Um SH, Jung JY, Seo YS, Yim HJ, Ryu HS, et al. Role of hepatitis B surface antigen (HBsAg) in identifying true inactive HBsAg carriers infected with genotype C hepatitis B virus. J Clin Gastroenterol 2014;48:
    166-71.
  22. Brouwer WP, Chan HL, Brunetto MR, Martinot-Peignoux M, Arends P, Cornberg M, et al. Repeated Measurements of Hepatitis B Surface Antigen Identify Carriers of Inactive HBV During Long-term Follow-up. Clin Gastroenterol Hepatol 2016;14:1481-9 e1485.
  23. Sonneveld MJ, Rijckborst V, Boucher CA, Zwang L, Beersma MF, Hansen BE, et al. A comparison of two assays for quantification of Hepatitis B surface Antigen in patients with chronic hepatitis B. J Clin Virol 2011;
    51:175-8.
  24. Maylin S, Boyd A, Martinot-Peignoux M, Delaugerre C, Bagnard G, Lapalus M, et al. Quantification of hepatitis B e antigen between Elecsys HBeAg and Architect HBeAg assays among patients infected with hepatitis B virus. J Clin Virol 2013;56:306-11.
  25. Riveiro-Barciela M, Bes M, Rodriguez-Frias F, Tabernero D, Ruiz A, Casillas R, et al. Serum hepatitis B core-related antigen is more accurate than hepatitis B surface antigen to identify inactive carriers, regardless of hepatitis B virus genotype. Clin Microbiol Infect 2017.
  26. Maasoumy B, Wiegand SB, Jaroszewicz J, Bremer B, Lehmann P, Deterding K, et al. Hepatitis B core-related antigen (HBcrAg) levels in the natural history of hepatitis B virus infection in a large European cohort predominantly infected with genotypes A and D. Clin Microbiol Infect 2015;21:606 e601-610.
  27. Villeneuve JP, Desrochers M, Infante-Rivard C, Willems B, Raymond G, Bourcier M, et al. A long-term follow-up study of asymptomatic hepatitis B surface antigen-positive carriers in Montreal. Gastroenterology 1994;106:
    1000-5.
  28. Hsu YS, Chien RN, Yeh CT, Sheen IS, Chiou HY, Chu CM, et al. Long-term outcome after spontaneous HBeAg seroconversion in patients with chronic hepatitis B. Hepatology 2002;35:1522-7.
  29. Fattovich G, Olivari N, Pasino M, D’Onofrio M, Martone E, Donato F. Long-term outcome of chronic hepatitis B in Caucasian patients: mortality after 25 years. Gut 2008;57:84-90.
  30. Habersetzer F, Moenne-Loccoz R, Meyer N, Schvoerer E, Simo-Noumbissie P, Dritsas S, et al. Loss of hepatitis B surface antigen in a real-life clinical cohort of patients with chronic hepatitis B virus infection. Liver Int 2015;
    35:130-9.
  31. Wong GL, Chan HL, Yu Z, Chan HY, Tse CH, Wong VW. Liver fibrosis progression is uncommon in patients with inactive chronic hepatitis B: a prospective cohort study with paired transient elastography examination. J Gastroenterol Hepatol 2013;28:1842-8.
  32. Fattovich G, Bortolotti F, Donato F. Natural history of chronic hepatitis B: special emphasis on disease progression and prognostic factors. J Hepatol 2008;48:335-2.
  33. Chu CM, Liaw YF. Incidence and risk factors of progression to cirrhosis in inactive carriers of hepatitis B virus. Am J Gastroenterol 2009;104:1693-9.
  34. Papatheodoridis GV, Chrysanthos N, Hadziyannis E, Cholongitas E, Manesis EK. Longitudinal changes in serum HBV DNA levels and predictors of progression during the natural course of HBeAg-negative chronic hepatitis B virus infection. J Viral Hepat 2008;15:434-41.
  35. Raffetti E, Fattovich G, Donato F. Incidence of hepatocellular carcinoma in untreated subjects with chronic hepatitis B: a systematic review and meta-analysis. Liver Int 2016;
    36:1239-51.
  36. de Niet A, Jansen L, Stelma F, Willemse SB, Kuiken SD, Weijer S, et al. Peg-interferon plus nucleotide analogue treatment versus no treatment in patients with chronic hepatitis B with a low viral load: a randomised controlled, open-label trial. Lancet Gastroenterol Hepatol 2017;2:576-84.
  37. Publique HCdlS. Prévention de la transmission soignant-soigné des virus hématogènes VHB, VHC, VIH.. Avis et Rapports HCSP 2011;Juin 2011:1-37.
  38. Hwang JP, Lok AS. Management of patients with hepatitis B who require immunosuppressive therapy. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2014;11:209-19.
  39. Hoofnagle JH. Reactivation of hepatitis B. Hepatology 2009;49:S156-65.
  40. Marzano A, Angelucci E, Andreone P, Brunetto M, Bruno R, Burra P, et al. Prophylaxis and treatment of hepatitis B in immunocompromised patients. Dig Liver Dis 2007;39:
    397-408.
  41. Vigano M, Mangia G, Lampertico P. Management of patients with overt or resolved hepatitis B virus infection undergoing rituximab therapy. Expert Opin Biol Ther 2014;14:1019-31.
  42. Papatheodoridis GV, Manolakopoulos S, Liaw YF, Lok A. Follow-up and indications for liver biopsy in HBeAg-negative chronic hepatitis B virus infection with persistently normal ALT: a systematic review. J Hepatol 2012;
    57:196-202.
  43. Reddy KR, Beavers KL, Hammond SP, Lim JK, Falck-Ytter YT, American Gastroenterological Association I. American Gastroenterological Association Institute guideline on the prevention and treatment of hepatitis B virus reactivation during immunosuppressive drug therapy. Gastroenterology 2015;148:215-9; quiz e216-217.
  44. Chen G, Wang C, Chen J, Ji D, Wang Y, Wu V, et al. Hepatitis B reactivation in hepatitis B and C coinfected patients treated with antiviral agents: A systematic review and meta-analysis. Hepatology 2017;66:13-26.
  45. Magalhaes MJ, Pedroto I. Hepatitis B Virus Inactive Carriers: Which Follow-up Strategy? GE Port J Gastroenterol 2015;22:47-51.