Les nouvelles molécules orales dans les MICI

POST’U 2018

MICI

Objectifs pédagogiques

  • Connaître le mode d’action des ces molécules
  • Connaître le résultat des essais cliniques
  • Connaître les principaux effets secondaires attendus
  • Discuter la place de ces molécules dans la future stratégie de prise en charge des MICI

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les nouvelles petites molécules, une seconde révolution thérapeutique en marche dans les MICI

Historiquement, le traitement médical des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) reposait sur les petites molécules. Celles-ci étaient représentées par les corticoïdes, les immunosuppresseurs (azathioprine, 6-mercaptopurine et methotexate) et les aminosalicylés [1]. L’introduction des anti-TNF à la fin des années 1990 a révolutionné la prise en charge médicale des patients avec une MICI. En parallèle, les objectifs thérapeutiques ont été modifiés : la rémission clinique a laissé place à la cicatrisation muqueuse et à la rémission profonde [2]. Ces vingt dernières années, la recherche médicale s’est concentrée sur le développement de grosses molécules (biothérapies) telles que les anticorps monoclonaux anti-TNF (infliximab [3, 4], adalimumab [5,6], certolizumab pegol [7, 8] et golimumab [9]) et plus récemment les anticorps dirigés contre d’autres cibles (vedolizumab [10, 11] et ustekinumab [12]).

Cependant, ces anticorps monoclonaux ont de nombreuses limites en termes d’efficacité, d’effets secondaires et de coût. Environ un patient sur deux est en rémission à 5 ans [13, 14]. Une perte de réponse significative (entre 13 % et 25 % par an) est constatée au fil du temps sous anti-TNF [15-17]. Tous les anticorps monoclonaux sont immunogènes, ce qui explique en grande partie cette perte de réponse [18]. Une combothérapie reste le meilleur moyen de prévenir la formation d’anticorps [19, 20]. Néanmoins, l’utilisation d’une combothérapie soulève d’autres problèmes : l’augmentation du risque d’infections opportunistes et du risque de cancers [21]. D’autre part, l’absence de traitement curatif dans les MICI implique une utilisation au long cours des biothérapies, des traitements qui restent coûteux malgré l’arrivée des biosimilaires. Enfin, ces biothérapies nécessitent une administration parentérale (intraveineuse ou sous cutanée) contraignante chez des patients.

Pour toutes ces raisons, il est devenu nécessaire de développer des traitements moins coûteux, administrés oralement et non immunogènes. Ainsi, il existe un intérêt grandissant pour de nouvelles petites molécules.

Qu’est-ce qu’une petite molécule ?

Petite molécule Biothérapie
Poids moléculaire (Da) < 1000 > 1000
Structure chimique Petit composé organique Protéine
Localisation de la cible Intracellulaire Extracellulaire
Mécanisme d’action Inhibition d’un récepteur ou d’une enzyme Réduction
Voie d’administration Orale Parentérale
Distribution Variable Limitée au plasma et aux liquides extracellulaires
Dégradation Métabolisme Protéolyse
Demi-vie plasmatique Courte Longue
Immunogénicité Non-immunogène Potentiellement immunogène
Interactions médicamenteuses Possible Rare
Toxicité Toxicité spécifique liée aux composants ou aux métabolites Toxicité médiée par les récepteurs
Production Synthèse chimique Production biologique
Coût de production Variable Élevée
Génériques Identique Biosimilaire

Tableau I. Différence entre les petites molécules et les biothérapies [22]

Les différentes nouvelles molécules orales

Les inhibiteurs de Janus kinases (JAK) et les modulateurs des récepteurs des sphingosines-1-phosphate (S1P) sont les molécules étant au stade le plus avancé du développement clinique et la tofacitinib pourrait avoir une AMM dans la RCH dans les prochaines semaines. D’autres AMM sont attendues à l’horizon 2020 pour les inhibiteurs spécifiques de JAK1 et les modulateurs de S1P.

Figure 1. La voie de signalisation JAK [22]

Les inhibiteurs de Janus kinases (anti-JAK)

Les Janus kinases (JAK) correspondent à 4 tyrosines kinases intracellulaires : JAK1, JAK2, JAK3 et tyrosine kinase 2 [23]. Des cytokines se lient à des récepteurs dépourvus d’activité tyrosines kinase propre mais constitutionnellement liés à JAK, cette liaison active les protéines JAK. La phosphorylation des protéines JAK active les protéines STAT qui vont se transloquer dans le noyau et réguler l’expression de différents gènes [24]. L’inhibition de la voie de signalisation JAK- STAT permet de bloquer la production de cytokines pro-inflammatoires dont le TNF α, de bloquer d’autres voies de l’inflammation et de réguler l’immunité innée et adaptative. Ainsi, plusieurs cytokines et plusieurs voies de l’inflammation sont bloquées simultanément contrairement aux biothérapies qui n’ont qu’une cible unique [25]. Les tyrosines kinases peuvent être inhibées selon différents degrés en fonction du type de molécule anti-JAK utilisé.

Tofacitinib : un inhibiteur Pan-Janus kinase sur le point d’obtenir une AMM dans la RCH

Le tofacitinib (laboratoires Pfizer) est un anti-JAK non sélectif, il inhibe à la fois JAK1, JAK 2 et JAK3 et il bloque l’action de nombreuses cytokines pro-inflammatoires entraînant une immunosuppression profonde : l’interleukine (IL)-2, IL-4, IL-6, IL-7, IL-9, IL-15, IL-21 and interferon (IFN)-γ [26]. C’est la 1re molécule orale anti-JAK qui a été utilisée dans les essais cliniques et qui a été autorisée par les agences américaine (FDA) et européenne (EMA) du médicament pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.

Ce traitement administré en deux prises quotidiennes de 10 mg a montré une efficacité dans la RCH modérée à sévère pour obtenir une rémission à la semaine 8 dans les 2 études de phase III menés sur plus de 1 000 patients (OCTAVE I et II) [27, 28]. La rémission clinique à la semaine 8 (objectif principal) était supérieure dans le groupe tofacitinib dans les deux études (18,5 % vs 8,2 %, p = 0,007, et 16,6 % vs 3,6 %, p = 0,0005). La cicatrisation muqueuse (score Mayo endoscopique ≤ 1) à la semaine 8 était observée chez un peu plus de 30 % des patients sous tofacitinib matin et soir versus 15 % chez les patients sous placebo. Le bénéfice du tofacitinib semblait comparable pour les patients naïfs d’anti-TNF et les patients en échec d’anti TNF (environ la moitié des inclusions).

L’action du tofacitinib est rapide, significative à la semaine 2 pour le MAYO partiel.

Les résultats de l’étude de maintien (OCTAVE Sustain) [28], chez les patients répondeurs au tofacitinib des études OCTAVE I et II, ont confirmé l’efficacité du tofacitinib à 10 mg (2/j) avec, à la semaine 52, un taux de 40 % de rémission complète soutenu versus 11 % pour le bras placebo.

Récemment une méta-analyse a montré que le tofacitinib avait une efficacité similaire à celle des anti-TNF pour induire une rémission clinique (Communication personnelle).

Les essais dans la MC n’ont pas mis en évidence de bénéfice du tofacitinib sur la réponse clinique à 4 semaines par rapport au placebo lors de la phase d’induction [29, 30]. Un problème de dose et/ou de critère de jugement principal pourrait expliquer ces résultats décevants.

Les principaux effets indésirables étaient l’apparition de dyslipidémies avec une hausse du LDL et du HDL cholestérol mais sans majoration du risque cardiovasculaire. De plus, ces effets indésirables sont réversibles à l’arrêt du traitement. Il a également été observé des élévations modérées de la créatinine. Les infections étaient numériquement, mais non significativement, plus fréquentes, dans le groupe tofactinib (voies aériennes supérieures, voies urinaires, infections grippales). Une réactivation des infections liées au virus varicelle-zona était observée sous traitement par tofacitinib par rapport au placebo. La question de la vaccination de ces patients avant de débuter le tofacitinib va donc se poser. Les premières données cliniques ne montrent pas d’augmentation du risque de cancer (0,85 pour 100 patients année) notamment de lymphome chez les patients traités pour une polyarthrite rhumatoïde [31]. Cependant, pour définir le risque carcinologique, des études sur de grandes cohortes avec un long suivi sont nécessaires.

Filgotinib et upadacitinib : des inhibiteurs sélectifs de Janus kinases 1 aux résultats prometteurs dans la maladie de Crohn

Une inhibition sélective de JAK1 pourrait améliorer le profil de tolérance en comparaison au tofacitinib, mais ceci reste à démontrer. Le filgotinib (laboratoires GILEAD) et l’upadacitinib (laboratoires Abbvie) inhibent spécifiquement JAK1 et bloquent la différenciation des cellules lymphocytaires vers les voies Th1 et Th2. Le filgotinib a été étudié pour la MC avec une prise orale unique de 200 mg/j avec des résultats prometteurs.

L’essai FITZROY de phase IIb [32] a évalué l’efficacité et la sécurité d’emploi du filgotinib dans la MC modérée à sévère définie comme une maladie active cliniquement (Crohn’s disease activity index (CDAI) 220-450) et endoscopiquement (Simple Endoscopic Score for Crohn’s Disease (SES CD) ≥ 7 ou SES CD ≥ 4 pour une atteinte iléale isolée) chez des patients naïfs ou exposés aux anti-TNF. Cette étude a inclu 174 patients atteints de MC. La rémission clinique était évaluée à la semaine 10 (objectif principal) avec 47 % de rémission dans le bras filgotinib versus 23 % pour le placebo (p = 0,008). Les patients naïfs d’anti TNF avaient une meilleure réponse clinique au filgotinib (60 % pour le filgotinib vs 13 % pour le placebo) par rapport aux patients déjà exposés aux anti TNF (37 % pour le filgotinib vs 29 % pour le placebo). La réponse endoscopique (diminution de 50 % du SES CD) à la semaine 10 était toutefois relativement faible avec seulement 25 % des patients traités par filgotinib contre 14 % avec le placebo. Concernant les effets secondaires, seuls 3 % des patients avaient eu une infection sévère sous filgotinib. Un essai clinique avec un plus grand nombre de patients inclus est nécessaire pour mieux définir le profil de tolérance et les effets secondaires du traitement.

Plus récemment, les données d’efficacité de l’upadacitinib dans l’essai de phase 2 CELEST dans la MC réfractaire aux anti-TNF (Sandborn et al. DDW 2017 ; Peyrin-Biroulet et al. UEGW 2017) sont revenus très prometteurs tant sur le plan de la rémission endoscopique que clinique. Le filgotinib et l’upadacitinib sont ou vont être testés dans la MC et la RCH dans des essais de phase 2b/3. D’autres molécules spécifiques de JAK 1 ou 3 sont développées dans les MICI.

Figure 2. Mécanismes d’action du tofacitinib et du filgotinib [22]

Les modulateurs des récepteurs des sphingosines-1-phosphate (S1P)

Le fingolimod a été le premier modulateur de S1P à obtenir une AMM dans une pathologie humaine, à savoir la sclérose en plaques en 2010. Il s’agit d’un modulateur de SIP non sélectif. Ces molécules peuvent être classées dans la catégorie des molécules anti-adhésion comme le natalizumab et le vedolizumab. Comme le natalizumab, le développement du fingolimod a été ralenti par la survenue de quelques cas de leucoencéphalite multifocale progressive, ce qui n’est pas acceptable dans la sclérose en plaques, mais qui l’est encore moins dans les MICI. Des inhibiteurs plus sélectifs ont donc été développés dans les MICI.

Les S1P sont des sphingolipides qui se lient spécifiquement à 5 récepteurs (S1P1–5). Le groupe S1P-récepteur régule de nombreuses fonctions cellulaires telles que la fonction cardiaque, la perméabilité vasculaire ou la circulation des lymphocytes. Les S1P jouent un rôle important dans la séquestration des lymphocytes dans les ganglions lymphatiques et dans la migration des lymphocytes vers la circulation. L’expression du récepteur S1P1 sur les lymphocytes effecteurs régule leur mouvement entre la lymphe et les ganglions lymphatiques en fonction du gradient S1P [33]. Les ganglions lymphatiques ont un faible taux de S1P alors que le sang et la lymphe ont un niveau élevé de S1P. Le gradient S1P entraîne une migration du lymphocyte T vers la circulation. Les modulateurs des récepteurs de S1P permettent une séquestration des lymphocytes activés dans les ganglions lymphatiques et réduisent ainsi leur circulation dans le tractus gastro-intestinal [34].

Il existe comme pour les JAK kinases plusieurs sous-unités de récepteurs S1P de 1 à 5, avec des effets variables en fonction du sous-type régulé avec de nombreux effets secondaires en cas de régulation des sous-types 2 et 4 associés à des risques cardiovasculaires, pulmonaires et théoriques de cancer, d’où la nécessité de molécules sélectives.

Ozanimod : modulateur spécifique du récepteur des sphingosine-1-phosphate 1 (S1P1)

L’ozanimod (laboratoires CELGENE) est un agoniste spécifique des récepteurs S1P des sous-types 1 et 5 impliqués spécifiquement dans la régulation immune. Il a été initialement étudié pour la sclérose en plaques.

L’étude TOUCHSTONE de phase II [35] a évalué l’efficacité et la sécurité d’emploi de ozanimod en phase d’induction et de maintenance pour la RCH modérée à sévère. Cent quatre-vingt-dix-sept patients ont été randomisés pour recevoir l’ozanimod 0,5 mg ou 1 mg ou le placebo pendant 32 semaines. La rémission clinique à la semaine 8 (objectif primaire) était légèrement supérieure au placebo pour l’ozanimod 1mg (16 % vs 6 %, p = 0,048). La cicatrisation muqueuse à la semaine 8 était observée chez 34 % des patients traités par ozanimod 1 mg contre 12 % pour le bras placebo (p = 0,02). Parmi les 197 patients de la phase d’induction, 103 patients ont été suivis jusqu’à la semaine 32 en phase de maintenance. Une différence significative en termes de rémission clinique et de cicatrisation muqueuse était observée quelle que soit la posologie de l’ozanimod par rapport au placebo. L’ozanimod était associée à une meilleure réponse histologique (score de Geboes ≤ 2) à la semaine 8 et 32. Concernant le risque de lymphopénie, une diminution entre 32 et 49 % des lymphocytes était retrouvée chez les patients traités par ozanimod. Aucune lymphopénie de stade 4 (lymphocytes < 0,2 × 109/L) ou complication infectieuse n’ont été rapportées. Le risque de toxicité cardiaque méritera une attention toute particulière.

Une étude de phase II est actuellement menée pour évaluer l’efficacité de l’ozanimod dans la MC et une étude de phase III va débuter dans la RCH. L’autre modulateur de S1P1 le plus avancé est l’etrasimod (laboratoires ARENA) dont les résultats de l’étude de phase II seront présentés lors de l’UEGW 2018. L’amiselimod a quant à lui été abandonné par les laboratoires BIOGEN pour des raisons de priorité dans leur « pipeline » et donc rendu aux laboratoires Mitsubishi qui comptent le développer uniquement dans la sclérose en plaques.

Figure 3. (A) Voie de signalisation du S1P1. (B) Mécanisme d’action du Ozanimod [22]

Laquinimod

Le mécanisme d’action et les cibles moléculaires du laquinimod ne sont pas bien connus. Le médicament module les cellules présentatrices d’antigène et dirige les cellules T vers un profil anti-inflammatoire Th2 (entraînant une augmentation d’IL-4, IL-10 et TGF-β) et les éloigne d’un profil pro-inflammatoire Th1 et Th17 (entraînant une baisse de TNF-α, IFN-γ, IL-12 et IL-17) [36]. Le laquinimod semble également avoir un effet neuroprotecteur direct.

L’efficacité clinique du laquinimod à 8 semaines a été étudiée dans un essai de phase IIa chez des patients atteints de MC modérée à sévère définie par un CDAI entre 220 et 450 et une CRP > 5 mg/L ou une activité endoscopique sous la forme d’ulcérations [37]. Cent dix-sept patients ont été randomisés pour recevoir du laquinimod 0,5 mg, 1 mg, 1,5 mg ou 2 mg/jour, et 63 patients ont reçu le placebo. Étonnamment, la posologie la plus faible du laquinimod avait les meilleurs résultats en termes de rémission clinique. Les effets secondaires rapportés étaient une poussée de MC, des migraines, des douleurs abdominales et une élévation des taux sanguins d’amylase pancréatique. Une étude de phase III avec des faibles doses de laquinimod dans la MC est en cours. Aucune étude n’a été réalisée pour l’instant pour évaluer l’efficacité de ce traitement dans la RCH.

La voie du transforming growth factor-β1 (TGF-β1) : les anti Smad

Le TGF-β1 est une cytokine qui est exprimée dans l’intestin et qui joue un rôle essentiel dans les différentes voies de signalisation de l’inflammation. Lors de la liaison du TGF-β1 à son récepteur, un hétérodimère composé des sous unités de type I (TGF-βRI) et de type II (TGF-βRII) se forme. La phosphorylation de TGF-βRI provoque son activation qui conduit à la phosphorylation des molécules de signalisation en aval : Smad 2 et Smad 3 [38].

Un membre régulateur de la famille Smad : Smad 7, joue un rôle d’inhibiteur de la voie du TGF-β1 par liaison au récepteur TGF-βRI. Il entraîne une dégradation de TGF-βRI et donc empêche la phosphorylation de Smad 2 et Smad 3. Ainsi les gènes inflammatoires continuent d’être exprimés. La dérégulation du TGF-β1 dans la MC serait liée à une surexpression de Smad 7 [39].

Mongersen (oligonucléotide antisense Smad 7), du stade des promesses à celui de la déception

Le mongersen est un oligonucléotide qui se lie à l’ARN messager de Smad 7 et induit la dégradation de ce dernier par un mécanisme antisense. C’est un médicament pH-dépendant, administré par voie orale, qui se libère dans l’iléon distal et le côlon droit avec une action locale et très peu de passage systémique résultant en une très bonne tolérance du médicament [40].

L’efficacité du mongersen a été étudiée dans un essai de phase II chez 166 patients atteints d’une MC iléale ou colique droite modérée ou sévère (CDAI 220-400) [41] . Les patients étaient randomisés en 4 bras : mongersen 10 mg, 40 mg ou 160 mg/j et placebo pendant 2 semaines. La rémission clinique était évaluée à 2 semaines. Les deux dosages les plus élevés du mongersen avaient les meilleurs résultats en termes de rémission clinique par rapport au placebo (65 % and 55 % vs 10 %, p < 0.001). La faiblesse de cette étude réside dans le fait qu’il n’y avait pas dévaluation endoscopique et que de façon surprenante de nombreux patients à l’inclusion avaient une CRP normale.

Une étude de phase IIb en ouvert a évalué le mongersen 160 mg/j chez 163 patients atteints d’une MC active en endoscopie [42]. À la semaine 12, 37 % des patients avaient une diminution de 25 % du score SES-CD et 15 % des patients avaient une diminution de 50 % du score SES-CD. La tolérance du traitement était bonne avec un taux d’effets secondaires identique dans le bras mongersen que dans le bras placebo. Il existait une réserve quant au risque potentiel pro fibrosant du mongersen. En effet, le TGF-β1 stimule également les fibroblastes et donc la production de fibrose [43, 44]. Un traitement anti-Smad 7 pourrait théoriquement induire de la fibrose et donc entraîner des sténoses. Un essai mené chez 15 patients avec une MC semble avoir éliminé ce risque [45]. Malheureusement et comme pressenti par la communauté scientifique internationale, l’analyse intermédiaire de l’essai de phase III mené dans la MC montré que le mongersen n’était pas plus efficace que le placebo, faisant mentir la règle selon laquelle un essai de phase II positif dans les MICI est dans l’immense majorité des cas également positif lors de la phase III. Dans la foulée, Celgene a annoncé la fin du développement de cette molécule dans les MICI (communiqué de presse). On nous aurait menti lors de l’essai de phase II ?

Figure 4. (A) Voie de signalisation du TGF-b1. (B) Mécanisme d’action du mongersen [22]

Quelle place pour les nouvelles molécules orales dans les algorithmes de traitement des MICI ?

Les anti-JAK semblent avoir un profil d’efficacité similaire à celui des biothérapies et c’est ainsi que le tofacitinib pourrait obtenir très prochainement une AMM dans la RCH. Le risque infectieux, dose-dépendant, semble identique au placebo en dehors des infections au virus varicelle-zona. Ces traitements vont donc permettre d’élargir les possibilités thérapeutiques lors d’une perte de réponse aux traitements conventionnels actuels. Les modulateurs de S1P sont l’autre classe de petites molécules la plus prometteuse dans les MICI. Ils ont déjà fait la preuve de leur efficacité dans la sclérose en plaques et il est encore trop tôt pour se prononcer de façon définitive sur leur efficacité dans les MICI même si les résultats de l’essai de phase II dans la RCH avec l’ozanimod semblent prometteurs.

Dans les MICI, jusqu’à deux tiers des patients sont non répondeurs primaires et un patient sur 10 est en perte de réponse chaque année au traitement par anti-TNF. Ces patients sont moins susceptibles de répondre au vedolizumab ou à l’ustekinumab. Les petites molécules représentent une alternative à ces traitements. Leur place exacte reste encore à définir mais le fait qu’elles soient en général aussi efficaces chez les patients naïfs de biothérapies que ceux chez ceux en échec de ces traitements est un avantage majeur, en plus de leur administration orale, même si l’observance à long terme des traitements oraux dans les MICI est connue pour être relativement faible. Un autre avantage de ces petites molécules est l’absence d’immunogénicité qui serait associée à un risque très faible de perte de réponse. Viendra alors la question du remboursement de ces molécules qui (malheureusement) va nous dicter le moment où elles peuvent être utilisées. Comme pour le vedolizumab et l’ustekinumab, la France devrait être un des seuls pays européens à ne rembourser ces molécules qu’en cas d’échec des anti-TNF en l’absence d’essai clinique les comparant aux anticorps monoclonaux.

Références

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