Prise en charge des tumeurs kystiques du pancréas

POST’U 2018

Pancréas

Objectifs pédagogiques

  • Connaître l’histoire naturelle des principales tumeurs kystiques du pancréas
  • Connaître les modalités diagnostiques de ces tumeurs
  • Connaître le principe de la prise en charge de ces tumeurs

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. Les tumeurs kystiques pancréatiques sont fréquentes et le plus souvent de découverte fortuite.
  2. L’IRM avec CP-IRM parfaitement techniquée a un rôle majeur pour le diagnostic et la surveillance des TKP.
  3. L’écho-endoscopie avec prélèvement est indiquée en cas de doute diagnostique pour des lésions kystiques de plus de 15 mm de diamètre et lorsqu’il existe des signes inquiétants à l’imagerie.
  4. Les signes dits « inquiétants » ne sont pas très performants pour évaluer le pronostic des TKP. En revanche, les signes à « haut-risque de malignité » sont très prédictifs d’une évolution péjorative.
  5. Les patients présentant une tumeur kystique ayant un potentiel de dégénérescence, doivent faire l’objet d’une surveillance par imagerie, au mieux non irradiante, tant qu’une chirurgie prophylactique du risque de dégénérescence peut être proposée.

Conflits d’intérêts
Aucun

Connaître l’histoire naturelle des principales TKP

Les lésions kystiques du pancréas (LKP) sont fréquentes puisque leur prévalence est estimée à 3 % à 50 ans, entre 10 et 15 % à 75 ans et à plus de 20 % après 80 ans [1]. Il s’agit avant tout de TIPMP des canaux secondaires, de pseudo-kystes et de cystadénomes séreux. Il est primordial de différencier les différentes LKP car certaines sont des lésions pré-cancéreuses (TKPPC) : TIPMP, cystadénome mucineux, rares TNE kystiques tandis que pour d’autres, le risque de dégénérescence est nul ou exceptionnel (TKP bénigne) : cystadénome séreux, pseudo-kyste pancréatique, lymphangiome kystique, rare kyste simple et exceptionnel kyste lympho-épithélial. Quant à la tumeur solide et pseudo-papillaire (TSPP), elle est avant tout solide avec quelques plages liquidiennes nécrotiques. L’histoire naturelle des TKPPC est mal connue. Une réunion d’experts qui a repris et mis à jour, un travail comparable effectué en 2006 a publié ses conclusions en 2012 et défini des signes qui permettent d’estimer le risque d’évolution vers le cancer de ces TKPPC ainsi que les modalités de surveillance [2].

Ces signes ont été classifiés en deux groupes distincts : les signes dits « inquiétants » et les signes dits « à haut risque de malignité » (Tableau I). Depuis cette publication, ces signes ont été évalués et ils ont montré leur limite puisque 60 à 80 % des patients présentant des signes « inquiétants » et qui ont été opérés n’avaient pas de lésion cancéreuse [3]. De plus, 97 % des patients présentant ces mêmes signes « inquiétants » et qui n’avaient pas été opérés étaient vivants sans cancer pancréatique, à cinq ans [4]. A contrario, les patients ayant des signes « à haut-risque de malignité » avaient effectivement un fort risque d’évolution vers le cancer à quatre ans [4]. Le processus évolutif amenant les TKPPC bénignes vers le cancer est vraisemblablement lent (supérieur à 5 ans), et son risque de survenue à 10 ans a été évalué à 10 % pour les TIPMP des canaux secondaires [5]. Malgré ce risque faible, les TKPPC diagnostiquées chez les patients opérables nécessitent une surveillance au long cours, car c’est la seule manière de prévenir la survenue du cancer pancréatique dans cette population, en proposant une chirurgie prophylactique en cas d’évolution péjorative.

Tumeurs kystiques pré-cancéreuses (TKPC)
Les signes « inquiétants » Les signes « à haut risque »
Diamètre du canal pancréatique principal entre 5 et 9 mm Diamètre du canal pancréatique principal > 10 mm
Kyste > 3 cm de diamètre
Nodule mural intra-kystique prenant le contraste < 5 mm de diamètre
Épaississement de la paroi kystique prenant le contraste Nodule mural intra-kystique prenant le contraste > 5 mm de diamètre
Modification abrupte du diamètre du canal pancréatique principal avec atrophie du parenchyme d’amont
Existence d’une adénopathie supra-centimétrique
Évolution rapide de la taille du kyste dont le diamètre augmente de plus de 5 mm en 2 ans
Élévation inexpliquée du CA 19-9 Ictère associé à un syndrome de masse de la tête du pancréas

Tableau I : les critères de mauvais pronostic des TKPC selon les recommandations actualisées du groupe d’experts de la société internationale de pancréatologie

Connaître les modalités diagnostiques des tumeurs kystiques pancréatiques

Les TKP sont diagnostiquées le plus souvent fortuitement au décours d’une imagerie abdominale (échographie ou TDM, plus rarement IRM ou écho-endoscopie) effectuée pour un autre motif. Le contexte clinique peut orienter : une femme jeune par exemple, chez qui est mise en évidence une volumineuse lésion kystique et solide de la queue du pancréas, est vraisemblablement porteuse d’une tumeur solide et pseudo-papillaire du pancréas (TSPP). La découverte d’une LKP dans les suites d’une pancréatite aiguë ou chez un patient ayant une pancréatite chronique douloureuse, doit évoquer en premier lieu un pseudo-kyste.

L’imagerie peut être caractéristique de tel ou tel diagnostic de TKP : la CP-IRM permet d’affirmer le diagnostic de TIPMP des canaux secondaires lorsqu’elle met en évidence une ou plusieurs images kystiques qui se raccordent, par l’intermédiaire d’un canal communicant, au canal pancréatique principal. Il faut cependant se méfier des surestimations de communication entre une lésion kystique du pancréas et le canal pancréatique principal à la CP-IRM, lorsque le canal communicant entre la formation kystique et le canal pancréatique principal n’est pas clairement visible et qu’il y a simplement un contact entre la formation kystique et le canal pancréatique principal. Une dilatation régulière de plus de 6 mm de diamètre du canal pancréatique principal surtout si elle est suspendue évoque fortement une TIPMP du canal pancréatique principal. L’aspect en nid d’abeille observé en échographie ou au scanner injecté est extrêmement évocateur d’un cystadénome séreux.

Lorsque le contexte clinique et l’aspect radiologique ne permettent pas de conclure et que le diamètre de la formation kystique est supérieur ou égal à 15 mm, une écho-endoscopie avec prélèvement et analyse du liquide recueilli est souvent indiquée, lorsque cela concerne un patient en bon état général susceptible d’être opéré s’il en était besoin. L’analyse du liquide recueilli est en faveur d’une lésion mucineuse (TIPMP ou cystadénome mucineux) lorsque ce liquide est épais et visqueux (string test positif) et/ou que le dosage de l’ACE est supérieur à 200 ng/ml. A contrario, lorsque le liquide est clair, eau de roche, fluide et que l’ACE est inférieur à 5 ng/ml, le diagnostic de cystadénome séreux macrokystique ou oligokystique est plus vraisemblable [6]. Cependant, la précision diagnostique de ce bilan associant IRM, écho-endoscopie et dosage biochimique du liquide intra-kystique pour différencier une TKP bénigne d’une TKPPC est loin d’être parfaite, de l’ordre de 70 % [6]. Quant à l’étude cytologique du liquide recueilli, elle est rarement contributive (30 %) en l’absence de nodule mural, ou de paroi épaissie que l’on peut biopsier une fois la formation kystique vidangée. L’endo-microscopie confocale, réalisée au cours de la ponction, pourrait améliorer le diagnostic des cystadénomes séreux macro-kystiques qui est le principal diagnostic différentiel des TIPMP sans canal communicant visualisé ou des cystadénomes mucineux à paroi fine. La précision diagnostique, la sensibilité, la spécificité et les valeurs prédictives positives et négatives de cette méthode étaient respectivement de 87 %, 69 %, 100 %, 100 % et 82 % dans une étude publiée, qui démontrait également une excellente corrélation inter-observateurs (K = 0,77) [7]. Enfin, l’analyse des mutations de l’ADN retrouvé dans le liquide kystique est vraisemblablement très intéressante bien qu’absolument pas de pratique courante actuellement, puisqu’elle permettrait de différencier les TKP bénignes des TKPPC dans plus de 90 % des cas [8].

Connaître le principe de la prise en charge des TKP

La prise en charge des TKP varie selon leur nature et donc leur pronostic. Lorsque le risque d’évolution néoplasique est nul (kyste simple, pseudo-kyste, kyste lympho-épithélial, lymphangiome kystique) ou exceptionnel (cystadénome séreux), il n’y a a priori aucune indication opératoire sauf en cas de compression d’une structure noble, notamment la voie biliaire principale ou le canal pancréatique principal, avec un retentissement biologique (choléstase chronique) ou clinique (ictère, pancréatite aiguë à rechute associée à un obstacle canalaire pancréatique). Habituellement donc, une simple surveillance par imagerie non irradiante (échographie lorsque cela est possible ou IRM si besoin) est proposée avec des intervalles de 3 ans. Une révision récente [9] du consensus de 2012 [2] par le même groupe d’experts de la société internationale de pancréatologie a été récemment publiée. Les TKPPC de moins de 5 mm de diamètre de découverte fortuite ne nécessitent aucun complément d’examen. Un contrôle par imagerie non irradiante sera proposé tous les trois ans s’il n’y a pas de modification significative au cours de l’évolution. En cas de TKPPC de plus de 5 mm de diamètre, une IRM pancréatique avec CP-IRM est indiquée. Quant à l’écho-endoscopie, elle n’est indiquée que lorsque la TKPPC s’associe à un ou plusieurs signes « inquiétants » : un diamètre du canal pancréatique principal entre 5 et 9 mm, un kyste de plus de 3 cm de diamètre, un épaississement de la paroi kystique prenant le contraste, l’existence d’un nodule mural intra-kystique prenant le contraste mais mesurant moins de 5 mm de diamètre, une évolution rapide de la taille du kyste dont le diamètre augmente de plus de 5 mm en deux ans, une modification abrupte du diamètre du canal pancréatique principal avec atrophie du parenchyme d’amont, l’existence d’une adénopathie supracentimétrique en imagerie, ou bien une élévation inexpliquée du CA 19-9. Une résection chirurgicale doit être proposée d’emblée en cas de signe de « haut-risque de malignité » : diamètre du canal pancréatique principal supérieur à 10 mm, présence d’un nodule mural prenant le contraste de plus de 5 mm de diamètre, présence d’un ictère s’il s’associe à un syndrome de masse de la tête du pancréas. Les modalités de surveillance sont comparables à celles proposées en 2012 [2]. En cas de TKPPC de moins d’un cm de diamètre, une IRM avec CP-IRM doit être réalisée six mois plus tard, puis tous les deux ans en l’absence de modification significative. En cas de TKPPC de 1 à 2 cm de diamètre, une IRM avec CP-IRM à six mois, puis tous les ans pendant deux ans, puis tous les deux ans est indiquée en l’absence de modification significative. En cas de TKPPC mesurant entre 2 et 3 cm, une écho-endoscopie doit être réalisée à trois ou six mois puis une IRM avec CP-IRM doit alterner avec une écho-endoscopie réalisée l’année suivante, chacun des examens étant réalisé tous les deux ans. Un traitement chirurgical doit être envisagé sans urgence chez les patients jeunes en bon état général dont on sait que la surveillance devra être très prolongée. En cas de TKPPC de plus de 3 cm de diamètre, une IRM avec CP-IRM doit être proposée en alternance avec une écho-endoscopie tous les six mois. Un traitement chirurgical prophylactique est fortement recommandé chez les patients à longue expérience de vie.

Références

  1. High prevalence of pancreatic cysts detected by screening magnetic resonance imaging examinations. De Jong K, Nio CY, Hermans JJ et al. Clin Gastroenterol Hepatol 2010;8: 806-11
  2. International consensus guidelines 2012 for the management of IPMN and MCN of the pancreas.Tanaka M, Fernández-del Castillo C, Adsay V et al. Pancreatology. 2012 May-Jun;12(3):183-97
  3. Prediction of malignancy in cystic neoplasms of the pancreas: a population-based cohort study. Wu BU, Sampath K, Berberian CE et al. Am J Gastroenterol 2014;109:121-9
  4. Low progression of intraductal papillary mucinous neoplasms with worrisome features and high-risk stigmata undergoing non-operative management : a mid-term follow-up analysis. Crippa S, Bassi C, Salvia R et al. Gut. 2017 Mar;66(3):495-506.
  5. Long-term Risk of Pancreatic Malignancy in Patients With Branch Duct Intraductal Papillary Mucinous Neoplasm in a Referral Center. Pergolini I, Sahora K, Ferrone CR et al. Gastroenterology. 2017 Nov;153(5):1284-94.
  6. Cyst fluid biomarkers for intraductal papillary mucinous neoplasms of the pancreas: a critical review from the international expert meeting on pancreatic branch-duct-intraductal papillary mucinous neoplasms Maker AV, Carrara S, Jamieson NB, J Am Coll Surg. 2015 Feb;220(2):243-53.
  7. A novel approach to the diagnosis of pancreatic serous cystadenoma: needle-based confocal laser endomicroscopy. Napoléon B, Lemaistre AI, Pujol B et al. Endoscopy. 2015 Jan;47(1):26-32.
  8. A combination of molecular markers and clinical features improve the classification of pancreatic cysts. Springer S, Wang Y, Dal Molin M et al. Gastroenterology. 2015 Nov;149(6):1501-10
  9. Revisions of international consensus Fukuoka guidelines for the management of IPMN of the pancreas. Tanaka M, Fernández-Del Castillo C, Kamisawa T et al. Pancreatology. 2017Sep-Oct;17(5):738-53.