Trucs et astuces pour les gros polypes coliques (hors dissection)

POST’U 2018

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les indications et les principales étapes de l’exérèse
  • Savoir prévenir et gérer les complications

Les 5 points forts

  1. L’exérèse des gros polypes par polypectomie ou mucosectomie nécessite un matériel adapté : insufflateur CO2, anses et cathéters aiguilles différents, pompe de lavage et matériels pour différentes techniques d’hémostase….
  2. La connaissance des différents modes de courant et la maîtrise des réglages du bistouri est indispensable ; il faut privilégier le courant mixte (Endocoupe Pulscut).
  3. La réalisation d’une hémostase préventive (anse largable, clip, injection de sérum adrénaliné ou méthodes combinées) diminue le risque hémorragique lors de l’exérèse de polypes à large pédicule ou à tête volumineuse.
  4. Les polypes plans (ou sessiles étalés) peuvent être réséqués par mucosectomie. La résection en « monobloc » doit être privilégiée et est indispensable en cas de doute sur la nature bénigne du polype ; dans ce cas, si elle ne semble pas possible (> à 2 cm), la dissection sous-muqueuse doit être envisagée.
  5. Les hémorragies post-polypectomie peuvent être contrôlées efficacement par clip ou en utilisant une pince thermocoagulante. Les perforations post-polypectomies sont le plus souvent traitées par fermeture endoscopique.

Abréviations : Sérum physiologique : SP

Mots-clés : polypectomie, mucosectomie, hémostase

Les progrès techniques endoscopiques permettent actuellement la résection de polypes de grande taille pédiculés ou sessiles. Les techniques de résection sont nombreuses, avec des variations d’efficacité en termes de résection complète en monobloc en fonction de la forme, de la taille, de la localisation du polype et bien sûr de l’expérience de l’opérateur.

Les procédures de polypectomie et mucosectomie sont en évolution constante grâce à l’apport d’améliorations techniques (endocoupe, matériel ancillaire, générateurs…) et de la compétence des endoscopistes et infirmiers (formation et diffusion des techniques). Elles nécessitent un matériel adapté pour leur réalisation et pour le traitement de leurs complications.

Prérequis

La consultation d’anesthésie, la gestion des médicaments antiagrégants et anticoagulants, l’information et le consentement éclairé du patient, une équipe médicale et infirmière expérimentée dans le maniement des différents matériels (endoscopes, anses, générateur, CO2 et systèmes d’hémostase…) sont les prérequis indispensables qui conditionnent la bonne réalisation de l’acte endoscopique et de la résection.

L’ensemble du matériel doit être prêt et vérifié (check list) avant le début de l’examen.

Les étapes de caractérisation (classification KUDO, NICE ou PARIS) et si besoin de marquage de la lésion sont cruciales pour décider de la résécabilité. Il ne faut réséquer que ce qui peut l’être et qui doit l’être. Certaines situations difficiles doivent savoir faire renoncer, au moins momentanément, et si besoin reprogrammer le geste ou adresser le patient à un centre expert.

Au moment de la résection, le positionnement de la lésion entre 17 et 19 h est fondamental avec un endoscope stable et sans boucle. On pourra s’aider de la rétrovision dans le caecum et le rectum.

Figure 1.

Polypes pédiculés

Idéalement, la tête du polype doit pendre vers l’endoscope, ce qui facilite l’ensemble des manœuvres préventives (anse largable, clip, injection) et la mise en place de l’anse diathermique (Technique en avançant l’anse et l’endoscope). Il peut être utile de s’aider pour faire basculer la tête d’un lavage abondant (la technique du sous-marin).

La réalisation d’une hémostase préventive peut être indiquée quand le diamètre du pédicule est supérieur à 5 mm ou celui de la tête supérieure à 20 mm. En l’absence de geste d’hémostase préventive, il est noté 15 % d’hémorragie différée versus 2.7 % après la pose d’une anse largable et 2.9 % après l’injection de Sérum Physiologique (SP) adrénaliné [1].

L’injection de SP adrénaliné au 1/10 000, de quelques ml jusqu’à 50 ml peut se faire dans n’importe quelle partie du tube digestif, sans contre-indication « d’organe » ni complication à type d’ischémie ou de nécrose. Elle est aussi efficace en hémostase préventive que les autres techniques et permet, par vasoconstriction, de diminuer le diamètre de la tête du polype. L’injection de SP adrénaline associé à l’une des deux autres techniques préventives est statistiquement supérieure à l’injection d’adrénaline seule [2]. La pose de clips préventifs au niveau de la base du pédicule est une alternative à l’anse largable avec une efficacité similaire [3]. La pose de clips de 13 et 16 mm permet d’assurer une hémostase préventive des pédicules de plus de 10 mm avec un seul clip.

L’association de l’injection de SP adrénaliné et de la pose d’un clip à la base du pédicule du polype réséqué est une technique non évaluée mais pratique et rassurante dans les cas de volumineux polypes difficilement accessibles à une anse largable.

Pour la résection, les anses rigides tressées ou compressées ont une meilleure préhension. Leur diamètre doit être adapté à celui de la tête du polype. La forme de l’anse n’a que peu d’intérêt dans ce genre de polype. La présence de picots ou de griffes permet une meilleure préhension. La rotation de l’anse permet dans certaines situations anatomiques de compenser un positionnement difficile. Le positionnement de l’anse se fait avec la technique dite en « avançant » l’anse quand la tête du polype se présente en premier et en « reculant » quand le pied est en premier, d’autant plus que la tête est mal visible. L’anse doit être placée au-dessus du dispositif d’hémostase préventif sans être à son contact.

L’utilisation d’un courant mixte (Endocoupe) avec alternance de section et de coagulation et calcul automatique des doses à délivrer (Bistouri intelligent) est devenue le standard recommandé. Néanmoins la bonne connaissance de son générateur avec l’utilisation des différents paramètres est un élément indispensable et trop souvent méconnu de l’endoscopiste. En dehors de la puissance, il est possible de régler la durée et l’intervalle de coupe et de coagulation afin d’obtenir, soit une pré-coagulation forcée (effet 150 W), soit une soft coagulation pour une hémostase à la pince en cas de saignement [4].

En cas d’incarcération de l’anse, il est nécessaire, soit de ré-ouvrir totalement l’anse et de remonter l’ensemble anse-coloscope au-dessus du polype, soit de modifier le courant en s’orientant vers un courant de coupe pure, en modulant l’effet coupe, l’intervalle, la durée et la section de coupe [4].

Polypes sessiles et plans : mucosectomies

La mucosectomie permet l’exérèse de polypes plans ou sessiles en créant un plan de coupe entre la muqueuse et la musculeuse par l’expansion de la sous-muqueuse après l’injection d’un soluté. La mucosectomie est la technique de référence pour l’exérèse en monobloc (si diamètre < 25 mm) des lésions sessiles PARIS Is/IIa/IIb. La résection peut être réalisée en peace meal pour des lésions à extension latérale (latéral spread tumours LST) de type granuleux dont le risque d’invasion de la sous-muqueuse est inférieur à 7 % alors qu’elle doit être évitée en cas de LST non granuleuse dont le risque d’invasion de la sous-muqueuse avoisine les 15 %.

Il faut savoir renoncer ou reconsidérer une mucosectomie si la lésion est suspecte de dégénérescence avec risque d’atteinte ganglionnaire. Cet envahissement se traduit souvent endoscopiquement par une absence ou un soulèvement partiel lors de l’injection (sensibilité et valeur prédictive positive du signe égales à 60 % et 80 % respectivement). À la classification de PARIS il faut rajouter celle de KUDO analysant le Pit pattern après coloration vitale ou virtuelle (le type V s’accompagne d’un risque d’envahissement sous-muqueux de 40 %).

Figure 2.

Solutés à injecter

Le plus utilisé est le Sérum Physiologique, dont la résorption rapide peut gêner l’exérèse du polype. Les produits visqueux, plus onéreux [5], augmentent le taux de résection monobloc, diminuent le risque de complications et le temps d’intervention. Comme le confirment les résultats d’une méta-analyse comparant les différents solutés à injecter [5], le Voluvenâ présente toutes ces caractéristiques avec une augmentation nette du taux de résection en bloc et une diminution significative du risque d’hémorragie après mucosectomie des lésions supérieures à 20 mm, le tout avec un coût raisonnable.

Il est recommandé de colorer le soluté utilisé avec de l’indigo carmin stérile à une concentration de 0.2 à 0.5 %, pour accentuer le contraste entre les différentes couches, faire ressortir les vaisseaux et préciser les berges latérales dans les lésions planes. L’adjonction d’adrénaline est controversée mais son efficacité est avancée dans certaines études, son utilisation au 1/10 000 réduisant le saignement actif. De ce fait, afin de limiter le risque de saignement retardé, il est conseillé de fermer par clip ou de réaliser une hémostase à la pince chaude.

Le bon volume à injecter est celui qui permet un soulèvement complet de la lésion. L’injection du produit doit débuter dès l’insertion de l’aiguille dans la muqueuse en enfonçant cette dernière progressivement pour trouver idéalement le plan sous-muqueux (aspect en vessie de poisson) avant la musculeuse. La première injection doit se faire sur l’arrière du polype pour éviter sa bascule derrière un pli et au contraire le soulever vers l’endoscope. En cas de lésion de moins de 20 mm de diamètre, une injection centrale unique est souvent suffisante.

Résection

L’anse doit être adaptée en taille, débordant de quelques millimètres la lésion et d’autant plus rigide que la lésion est plane et fine. L’anse doit être initialement appliquée fermée au pôle supérieur de la lésion puis, tout en maintenant la pointe de l’anse sur la muqueuse, elle est ouverte progressivement tout autour de la lésion puis refermée en prenant soin d’englober la totalité du polype, la préemption pouvant se faire en aspiration pour diminuer la tension pariétale. La souplesse du tissu capturé doit être appréciée par des mouvements d’aller et retour vérifiant la mobilité de l’ensemble du polype par rapport à la paroi [4].

Un courant mixte (endocoupe) doit être appliqué durant la même séquence sans jamais lever le pied de la pédale jaune jusqu’à la section complète du polype (cf. polypectomie).

Il est indispensable de toujours examiner la zone de résection à la recherche d’une perforation (Target signe) mais aussi le versant sous-muqueux de la pièce d’exérèse à la recherche de musculeuse (tache blanche sur la sous-muqueuse colorée en bleu).

Complications

Hémorragie immédiate et retardée

L’hémostase d’un saignement immédiat est facilitée par l’utilisation de la pompe de lavage qui permet de bien visualiser la zone hémorragique. Les résultats sont identiques quelle que soit la technique utilisée, mais en évitant le clip (risque de diffusion thermique) si la résection n’est pas complètement terminée. Il faut dans ce cas privilégier l’hémostase à la pince chaude utilisant un courant de soft coagulation.

La prévention du saignement retardé fait appel à la fermeture de la plaie de mucosectomie par des clips, d’autant plus utiles que le patient est en cours de relais d’une quelconque anticoagulation ou sous traitement antiagrégant plaquettaire.

Perforation

En cas de perforation sur la zone de mucosectomie, l’utilisation de clips standards ou plus rarement de type OVESCO en fonction du diamètre de la taille et de la localisation de la perforation est remarquablement efficace. (Efficacité identique).

Références

  1. Di Giorgio P, De Luca L, Calcagno G, et al. Detachable snare vs epinephrine injection in the prevention of post polypectomy bleeding a randomized and controlled study. Endoscopy 2004;36:860-3.
  2. Kouklakis G, Mpoumponaris A, Gatopoulo A, et al. Endoscopic resection of large pedunculated colonic polyps and risk of post polypectomy bleeding with adrenaline injection vs endoloop and hemoclip: a prospective and randomized study. Surg Endosc 2009;23: 2732-7.
  3. Vaillant E, Dray X. Trucs et astuces pour polypectomies et mucosectomies coliques. Videodigest. Acta Endosc. 2016;46:312-9.
  4. Pioche M, Jacques J. Polypectomie, mucosectomie, dissection sous muqueuse : trucs et astuces. Universités d’endoscopie 2015. IFRED SFED. SNFGE. CREGG.
  5. Maire F. Mucosectomie colique : quel soluté injecter ? Résultats d’une méta-analyse. Hepato-gastro (John Libbey) Mai 2017 Vol 24-N°5:528-31.