Dosages sériques des anti-TNF et de leurs anticorps

Objectifs pédagogiques

  • Comparer les techniques de dosage (reproductibilité et concordance) et le moment de leur réalisation
  • Dans quelles situations ce dosage est-il le plus utile et comment l’interpréter ?
  • Comment adapter le traitement en fonction des dosages ?
  • Y a-t-il une place pour un dosage systématique ?

Abréviations

MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin ;
MC : maladie de Crohn ; RCUH : rectocolite hémorragique ;
IFX : infliximab ; ADA : adalimumab ;
TRI : taux résiduel d’infliximab ;
TRA : taux résiduel d’adalimumab ;
ATI : anticorps anti infliximab ;
AAA : anticorps anti-adalimumab.

L’utilisation des anti-TNF est devenue importante dans la prise en charge des MICI tant dans la maladie de Crohn (MC) que dans la rectocolite hémorragique (RCUH). Leur efficacité a été clairement démontrée dans les essais pivots, tant pour l’infliximab (IFX) que pour l’adalimumab (ADA) dans la MC et la RCH. L’efficacité clinique de ces molécules diminue avec le temps. Pour l’IFX, la perte de réponse clinique est estimée à 13 % par an [1] et pour l’adalimumab à environ 20 % par année [2]. Ainsi donc en pratique clinique, nous sommes confrontés à optimiser nos traitements en augmentant la dose ou raccourcissant les intervalles entre les perfusions ou injections. Cette optimisation permet, chez les patients répondeurs primaires, de récupérer une réponse clinique à court terme dans 70 à 80 % des cas, mais cette rémission ne se maintient à moyen terme que dans moins de 40 % des cas [3]. Il est donc indispensable d’avoir des stratégies personnalisées permettant d’obtenir des taux d’efficacité plus élevés.

De nombreux essais randomisés contrôlés contre placebo et études de cohorte ont montré une association entre taux d’anti-TNF sériques et réponse clinique. Au-delà de la clinique, l’association entre ces taux et l’obtention du contrôle inflammatoire (CRP, calprotectine fécale, cicatrisation muqueuse) est maintenant clairement établie [4]. Inversement, la présence d’anticorps dirigés contre l’anti-TNF est associée à une perte de réponse clinique tant pour l’IFX (ATI) [5] que pour l’ADA (AAA) [6]. Enfin, des taux d’ATI élevés sont associés à un sur-risque de réactions aux perfusions d’IFX.

Dosages des anti-TNF sériques et de leurs anticorps

Comment les doser ?

Les taux d’IFX doivent être dosés juste avant la perfusion d’IFX et sont définis comme taux résiduels (TRI). Pour l’adalimumab, en cas de réponse clinique, les taux sériques sont stables entre deux injections, n’imposant pas de les doser juste avant l’injection d’ADA. Inversement en cas de perte de réponse à la molécule, ces taux doivent être dosés avant l’injection d’ADA (taux résiduels d’adalimumab ou TRA).

Quelles techniques sont possibles ?

La méthode commercialisée et la plus utilisée en France est la technique ELISA. La Figure 1 résume cette technique dite en sandwich, qui permet de doser les taux sériques d’anti-TNF et leurs anticorps. Il existe quelques faux positifs et négatifs (présence de facteur rhumatoïde). La faiblesse principale de cette technique est liée à la difficulté à donner un taux d’anticorps lorsque l’anti-TNF est détectable dans le sérum. En effet, il existe dans le sang des complexes anti-TNF-Ac qui diminuent les taux d’ATI libres dosables. C’est pourquoi certains fabricants ne rendent les Ac qu’en cas d’anti-TNF indétectables.

Technique ELISA Technique ELISA

Figure 1. Technique ELISA pour doser les taux d’anti-TNF et leurs anticorps

Les principales techniques ELISA ont été comparées [7] dans une série de 15 patients. Les résultats étaient non significativement différents dans ce travail, nous proposant d’utiliser la technique la plus facile et la moins coûteuse dans notre pratique.

Des techniques ont tenté de mieux analyser les Ac dirigés contre l’anti-TNF en cas de taux sériques détectables. L’équipe de Ben Horin a mis au point un ELISA avec un antigène particulier (chaîne légère lambda) permettant de séparer ces deux dosages sans gêne technique. Les auteurs ont pu ainsi montrer grâce à cette technique que des ATI permanents apparaissaient très tôt dès le début du schéma d’induction de l’IFX alors que les taux de TRI étaient très élevés [8]. Imaeda et al. [9] ont montré par une technique d’acidification du milieu qu’ils décomplexifiaient certaines complexes et augmentaient les taux d’AAA isolés de 20 % environ.

La technique HMSA (Human Mobility Shift Assay) permet de doser sans interférence les taux d’anti-TNF et leurs Ac (Fig. 2). Cette technique mise au point aux USA (laboratoire Prometheus, San Diego, USA) est pour le moment plus coûteuse et non commercialisée en France. Son intérêt est d’analyser sans erreur les taux d’Ac en cas de taux sériques d’anti-TNF détectables ou élevés. Vande Casteele et al. ont comparé ces deux techniques (ELISA et HMSA) chez 90 patients [10]. Les résultats étaient comparables entre les deux techniques et les auteurs proposaient d’utiliser la technique la plus simple à obtenir en tenant compte du coût.

>Technique HMSA

Figure 2. Technique HMSA permettant de doser séparément les taux sériques d’anti-TNF et leurs anticorps

La technique RAI est essentiellement utilisée par l’équipe de Copenhague. En utilisant un certain degré de radioactivité, elle ne peut être exportable en pratique clinique. Elle permet de pouvoir doser séparément l’anti-TNF et son anticorps. Cette technique n’est utile qu’en cas d’essais cliniques.

Une question majeure est de savoir si ces anticorps individualisés sont fonctionnels, c’est-à-dire neutralisants et donc impactant négativement. Récemment, Steenholdt et al. [11] ont rapporté une technique (RGA) permettant d’analyser le caractère fonctionnel des anticorps isolés et a comparé ces résultats aux autres techniques. Dans cette analyse post hoc ayant inclus 66 patients, les auteurs retrouvaient une forte corrélation entre les ATI isolés par ELISA et RGA mais beaucoup des Ac isolés par technique HMSA ou RAI n’étaient pas retrouvés en technique RGA (Fig. 3). Ces deux techniques surestiment donc les taux d’ATI avec de très nombreux faux positifs.

Comparaison des taux d’ATI isolés en fonction des techniques

Figure 3. Comparaison des taux d’ATI isolés en fonction des techniques [11]

Ces marqueurs sont-ils reproductibles ?

Les différentes techniques de dosage pour l’IFX sont reproductibles. Inversement, les taux d’ADA montrent une grande hétérogénéité inter- et intra-individuelle pour certains, ne permettant pas d’isoler de valeurs seuils d’efficacité. Les nouveaux tests ELISA n’ont pas rapporté cette hétérogénéité dans certaines études et ont permis d’isoler ainsi des seuils avec des valeurs prédictives positives et négatives de 80 % [4, 14].

Quand doser ces marqueurs pharmacologiques ?

Ces marqueurs doivent être dosés pour l’IFX juste avant la nouvelle perfusion d’IFX. Pour l’adalimumab, les taux sont relativement constants entre deux injections et donc le dosage peut être fait à tout moment pour connaître le taux d’ADA sérique. En cas de perte de réponse, il est, inversement, conseillé de le faire au moment de la perte de réponse ou juste avant l’injection.

La technique ELISA ne permet pas de doser séparément le taux sérique d’IFX et ADA. Il est donc conseillé en cas de deuxième ligne d’anti-TNF de doser le taux sérique d’anti-TNF à distance du premier anti-TNF.

De manière opposée, les anticorps anti-ADA et IFX peuvent être dosés séparément sans interactions de dosage. Les taux d’ATI peuvent rester près de 6 mois dans le sang et les AAA près d’un an [12].

Quelle indication majeure pour ces dosages ?

L’indication actuelle recommandée est la perte de réponse sous anti-TNF, permettant ainsi de suggérer un schéma d’optimisation personnalisé en fonction des résultats rapportés.

Afif et al. [13], dans un travail rétrospectif, montraient qu’en l’absence d’ATI avec des TRI indétectables, plus de 80 % des patients présentaient une réponse à l’optimisation thérapeutique de l’IFX. Cette indication est acceptée par tous pour ce type de patients.

En présence d’ATI détectables sans TRI présents, Afif et al. [13] montraient que l’optimisation de l’IFX ne permettait d’obtenir une réponse thérapeutique que dans 18 % des cas, à l’inverse du switch vers l’adalimumab qui, dans ce cas, permettait d’obtenir une réponse favorable dans 80 % des cas. Dans une étude prospective, Paul et al. [14] montraient que, lorsque les taux d’ATI étaient très élevés (> 200 ng/ml dans ce travail), aucun patient ne répondait à l’optimisation de l’IFX. L’impact négatif d’un taux d’ATI élevé vs peu élevé était confirmé par Yanai et al. [15]. À un an, seuls 18 % des patients présentaient une rémission clinique contre 50 % en cas d’ATI bas.

La notion d’ATI permanents vs transitoires (définie rétrospectivement dans les études et donc peu utiles en pratique clinique) a montré son importance. Ungar et al. [8] montraient que la perte de réponse était significativement plus importante sous IFX en présence d’ATI permanents vs transitoires. Dans un travail rétrospectif, Vande Casteele et al. [10] ont rapporté les taux de réponse clinique après optimisation de l’IFX en fonction du type d’ATI ­préalables. En l’absence d’ATI, 94 % des patients étaient en réponse thérapeutique après optimisation de l’IFX vs 68 % en cas d’ATI transitoires (p = NS) vs 16 % en cas d’ATI permanents (p = 0,028 entre ATI permanents et transitoires et p < 0,001 entre ATI permanent et absence d’ATI) (Fig. 4). Une seule étude rétrospective a rapporté des résultats contradictoires, mais le type d’ATI et leur taux n’était pas rapporté [16].

Réponse thérapeutique à l’optimisation de l’IFX chez les patients en perte de réponse en fonction de l’ATI avant l’optimisation

Figure 4. Réponse thérapeutique à l’optimisation de l’IFX chez les patients en perte de réponse en fonctionde l’ATI avant l’optimisation [10]

En présence d’ATI, une seconde possibilité peut être de proposer l’ajout d’un immunosuppresseur chez des patients sous IFX et en perte de réponse clinique. Ben-Horin et al. [17] ont rapporté 5 cas de patients en perte de réponse clinque sous IFX monothérapie avec TRI indétectables et ATI élevés. L’ajout d’IS (thiopurines ou méthotrexate) a normalisé en 6 mois la pharmacocinétique de l’anti-TNF (normalisation des TRI et négativation des ATI) permettant d’obtenir une réponse clinique. Dans un travail prospectif présenté aux JFHOD 2013 [18], nous avions inclus prospectivement 13 patients porteurs de MC et en échec d’IFX à doses classiques. Tous les patients avaient des taux d’ATI très élevés (> 200 ng/ml) sans TRI détectables. Apres ajout d’azathioprine, 6 patients sur 13 (55 %) ont présenté une rémission clinique à 6 mois avec normalisation de la pharmacocinétique et des biomarqueurs. Cette indication n’est intéressante qu’en cas de poussée modérée du fait de l’obtention d’une réponse lente. L’ajout en rhumatologie de méthotrexate orale avait permis d’obtenir ce type de résultats, mais aucune donnée en gastroentérologie ne nous permet actuellement de proposer ce type de molécule en association.

En cas de TRI thérapeutiques, l’optimisation ne paraît pas une solution adéquate. Afif et al. [13] rapportaient un taux de réponse de moins de 20 % après optimisation. Yanai et al. [15] montraient à 12 mois des taux de réponse de moins de 25 % après optimisation alors qu’un changement de classe thérapeutique permettait d’obtenir une réponse clinique durable dans plus de 80 % des cas (p = 0,006). Paul et al., dans un travail prospectif [14], montraient que les taux de réponse clinique après optimisation étaient de 20 % si les TRI étaient thérapeutiques avant optimisation.

C’est pourquoi un algorithme thérapeutique peut être proposé en cas de perte de réponse sous IFX en fonction des taux résiduels et de leurs anticorps (Tableau I).

Perte de réponse clinique ATI négatifs ou transitoires ATI permanents et élevés
TRI thérapeutiques Changement de classe Changement de classe
TRI bas ou indétectables Optimisation de l’IFX Changement d’anti-TNF
ou ajout d’un IS

Tableau I. Algorithme thérapeutique en cas de perte de réponse sous IFX en fonction de la pharmacocinétique de la molécule [14]

 

Deux points majeurs doivent être rappelés avant de discuter de notre modification thérapeutique en cas de perte de réponse :

  1. La perte d’efficacité d’un anti-TNF ne se résume pas à l’apparition d’Ac (effet immunogène). De nombreuses autres possibilités doivent ainsi être discutées. Ainsi, il est indispensable de vérifier que le patient présente une véritable poussée de sa maladie (endoscopie, IRM, CRP, calprotectine fécale) car les TFI sont fréquents (entre 30 et 50 %). Le Tableau II résume les différents mécanismes de perte de réponse à un anti-TNF.
  2. Le choix de l’optimisation de l’IFX : les résultats sont identiques entre une diminution de l’intervalle (toutes les 6 semaines) et une augmentation de la dose (10 mg/kg) toutes les 8 semaines [3].

 

Inflammation non contrôlée de la MICI (taux sériques bas d’anti-TNF)
Perte de réponse liée à la présence d’anticorps anti anti-TNF
Consommation de l’anti-TNF par une inflammation
Clairance non liée à un phénoméne immunogéne
Non observance thérapeutique
Inflammation non contrôlée de la MICI (taux sériques thérapeutiques d’anti-TNF)
Exarcerbation paradoxale par un anti-TNF
Autres mécanismes d’inflammation que le TNF
Inflammation non liée à une poussée de MICI (taux sériques thérapeutiques, CRP élevée)
Infection !
Autres (vascularites, ischémie)
Mécanismes non inflammatoires (taux sériques thérapeutiques, CRP normale)
Sténoses fibreuses
Cancer
TFI
Autres

Tableau II. Mécanismes de perte de réponse à un anti-TNF

Aucune étude n’avait étudié si un tel algorithme pouvait être proposé chez les patients en perte de réponse clinique sous adalimumab. Dans une étude prospective [19], nous avons inclus 82 patients MICI en perte de réponse à l’adalimumab et avions dosé les taux d’ADA sériques avant optimisation et les Ac dirigés contre l’ADA. Tous les patients ont été optimisés par ADA (40 mg/7 J). À 6 mois, les taux de rémission clinique après optimisation étaient de 67 % en cas de TRA bas sans Ac détectables (groupe 1) contre 22 % dans le bras avec TRA thérapeutiques (groupe 2) et moins de 20 % en cas de TRA bas avec présence d’AC détectables (groupe 3) (p < 0,05 entre les groupes 1 et 2 et 1 et 3). Dans le suivi, 52 patients étaient en échec malgré l’optimisation de l’ADA. Les patients étaient traités par IFX et les taux d’ADA et anti ADA étaient dosés avant switch. Les patients avec TRA bas ou indétectables sans AAA avaient des taux de rémission à 6 mois de 22 % seulement (groupe 1). Les taux de rémission clinique au switch était de 12 % en cas de TRA thérapeutiques (groupe 2) alors que ce taux était de 68 % en cas de TRA bas ou indétectables avec AAA positifs (groupe 3) (p < 0,05 entre groupe 1 et 3 et entre groupe 2 et 3).

C’est pourquoi nous proposons un algorithme thérapeutique comparable chez les patients en perte de réponse clinique sous ADA (40mg/14j en SC) (Fig. 5).

Algorithme thérapeutique en fonction de la pharmacocinétique de l’ADA chez les patients en perte de réponse à l’ADA

Figure 5. Algorithme thérapeutique en fonction de la pharmacocinétique de l’ADA chez les patients en perte de réponse à l’ADA [19]

Un problème de coût ?

Actuellement, ces dosages sont hors nomenclature et donc non remboursés en pratique clinique, ce qui en limite l’intérêt en pratique clinique. En France, les dosages par ELISA sont facturés entre 100 et 150 euros à la charge du patient.

À l’inverse, des études ont étudié l’apport coût-économie de ce type de tests. Dans un modèle de Markov, Velayos et al. [20] sur un an ont montré qu’une stratégie thérapeutique basée sur l’optimisation en fonction des taux pharmacologiques était significativement moins coûteuse qu’une stratégie classique basée sur la clinique. Dans une étude randomisée, Steenholdt et al. [21] ont comparé deux stratégies : stratégie d’optimisation basée sur la clinique à une stratégie basée sur l’algorithme rapporté ci-dessus pendant 4 mois. Si les taux de rémission clinique étaient identiques dans les deux bras, il existait un gain économique significatif dans le bras s’aidant des dosages. Dans un travail présenté cette année à l’UEGW (vienne 2014), nous avons comparé, par une modélisation coût économie (modèle par analyse d’événements discrets) deux cohortes de 10 000 patients avec un suivi sur 5 ans. La première cohorte était optimisée en cas de perte de réponse selon les schémas thérapeutiques classiques, la seconde en fonction des taux. En terme économique, l’utilisation des taux a diminué de manière majeure les coûts de santé avec une économie estimée 5 ans de plus de 1 000 000 euros.

Dans l’avenir, d’autres indications potentielles ?

La désescalade thérapeutique paraît être une indication d’avenir pour l’utilisation de la pharmacocinétique des anti-TNF. Plusieurs études ont montré qu’environ 20 % de nos patients peuvent avec succès justifier d’une désescalade soit de dose, augmentation d’intervalle, voire arrêt de l’anti-TNF. Vande Casteele et al. [22], dans l’étude TAXIT, ont étudié l’intérêt du monitoring des taux dans la prise en charge thérapeutique. Avant inclusion, les doses d’anti-TNF devaient être modifiées pour obtenir un taux d’IFX sérique compris entre 3 et 7 microg/ml. Ainsi, 25 % environ des patients avaient avant l’inclusion des TRI au-delà de 7 microg/ml. La baisse de la dose d’IFX ou l’augmentation de l’intervalle dans ce sous-groupe n’a pas été associée à une aggravation clinique ou des biomarqueurs de l’inflammation tant dans la MC que la RCH. De nouvelles études s’imposent pour confirmer et affiner cette indication. Ainsi, que devons-nous penser d’un patient en rémission clinique avec des taux indétectables d’anti-TNF ? Est-il finalement en rémission clinique sans besoin d’anti-TNF avec une indication claire d’arrêt thérapeutique ? A-t-il besoin finalement d’une durée détectable d’IFX sérique plus courte ? Une étude randomisée est en cours pour répondre à cette question.

Le monitoring des anti-TNF [22] a été étudié dans une étude randomisée comparant un groupe de patients dont le taux sérique devait être entre 3 et 7 microg/ml avec modification des doses d’IFX en fonction, à un groupe où les modifications thérapeutiques étaient faits selon la clinique. À un an, les taux de rémission clinique (critère d’analyse principal) étaient comparables (p = NS). Inversement, les taux de recours à la chirurgie (critère d’analyse secondaire) étaient significativement plus bas dans le bras monitoré (p = 0,0038). Dans un travail rétrospectif comparant ces deux stratégies, une équipe américaine [23] a montré une diminution du taux de perte de réponse à l’IFX chez les malades monitorés par les taux sériques, après un an de suivi. L’étude Taylorix du GETAID, actuellement en cours, confirmera ou non l’intérêt d’un monitoring des patients sous IFX.

Il faut rappeler qu’une analyse personnalisée des résultats s’impose car plusieurs hypothèses peuvent expliquer un résultat pharmacologique. Chez un patient en rémission clinique sans taux détectable d’anti-TNF, il est possible que ces résultats soient le témoin d’une mauvaise observance, du début de perte de réponse immunologique ou finalement d’une réponse clinique ne dépendant pas de la molécule.

Le Tableau III résume ces hypothèses.

 

En cas de perte de réponse En cas de rémission
Taux d’anti-TNF indétectables
Ac positifs
Immunisation • Immunisation en cours• Ac transitoires• Efficacité indépendante
de la molécule
Taux d’anti-TNF indétectables
Absence d’Ac
• Non observance• Limite des dosages• Inflammation majeure• Clairance non immune • Non observance• Efficacité indépendante
de la molécule• Immunisation en cours

Tableau III. Interprétation taux d’anti-TNF/Ac en fonction de l’activité clinique : une analyse personnalisée

Quel seuil choisir ?

Manifestement, le seuil des taux d’anti-TNF sériques et des Ac dirigés contre la molécule dépend de la technique utilisée. La plupart des études rapportent pour les TRI des seuils à 3 microg/ml en ELISA [24], à 2 microg/ml en ELISA (technique Theradiag, Marne la Vallée, France) [14], et à 5 microg/ml en HMSA [23]. Il est possible que ce seuil dépende du temps, de l’inflammation et de l’objectif à obtenir. En rhumatologie, plus l’inflammation ou activité clinique est élevée, plus le taux sérique d’adalimumab à obtenir doit être important. Dans une étude sous presse, l’équipe de Louvain [25] montrait que le seuil d’adalimumab était à 4,58 microg/ml à S4 si le but était d’obtenir une réponse à S12 mais à 7 microg/ml si le but était d’obtenir une rémission à S52.

Références

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  2. Gisbert JP, Panes J. Loss of response and requirement of infliximab dose intensification in Crohn’s disease: a review. Am J Gastroenterol 2009;104:760-7.
  3. Kopylov U, Mantzaris GJ, Katsanos KH, et al. The efficacy of shortening the dosing interval to once every six weeks in Crohn’s patients losing response to maintenance dose of infliximab. Aliment Pharmacol Ther 2011;33:349-57.
  4. Roblin X, Marotte H, Rinaudo M, et al. Association Between Pharmacokinetics of Adalimumab and Mucosal Healing in Patients with Inflammatory Bowel Diseases. Clin Gastroenterol Hepatol 2013.
  5. Nanda KS, Cheifetz AS, Moss AC. Impact of antibodies to infliximab on clinical outcomes and serum infliximab levels in patients with inflammatory bowel disease (IBD): a meta-analysis. Am J Gastroenterol 2013;108:40-7.
  6. Paul S, Moreau AC, Del Tedesco E, et al. Pharmacokinetics of adalimumab in inflammatory bowel diseases: a systematic review and meta-analysis. Inflamm Bowel Dis 2014; 20:1288-95.
  7. Vande Casteele N, Buurman DJ, Sturkenboom MG, Kleibeuker JH, Vermeire S, Rispens T, van der Kleij D, Gils A, Dijkstra G. Detection of infliximab levels and anti-infliximab antibodies: a comparison of three different assays. Aliment Pharmacol Ther 2012;36:765-71.
  8. Ungar B, Chowers Y, Yavzori M, et al. The temporal evolution of antidrug antibodies in patients with inflammatory bowel disease treated with infliximab. Gut 2014;63:1258-64.
  9. Imaeda H, Takahashi K, Fujimoto T, et al. Clinical utility of newly developed immunoassays for serum concentrations of adalimumab and anti-adalimumab antibodies in patients with Crohn’s disease. J Gastroenterol 2014;49:100-9.
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  12. Ben-Horin S, Mazor Y, Yanai H, et al. The decline of anti-drug antibody titres after discontinuation of anti-TNFs: implications for predicting re-induction outcome in IBD. Aliment Pharmacol Ther 2012;35:714-22.
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  23. Vaughn B, Martinez-Vazquez M, Patwardhan VR, Moss AC, Sandborn WJ, Cheifetz AS. Proactive Therapeutic Concentration Monitoring of Infliximab May Improve Outcomes for Patients with Inflammatory Bowel Disease: Results from a Pilot Observational Study. Inflamm Bowel Dis 2014 Sept 3.
  24. Ordas I, Feagan BG, Sandborn WJ. Therapeutic drug monitoring of tumor necrosis factor antagonists in inflammatory bowel disease. Clin Gastroenterol Hepatol 2012;10:1079-87.
  25. Baert F, Vande Casteele N, Tops S, et al. Prior response to infliximab and early serum drug concentrations predict effects of adalimumab in ulcerative colitis. Alimentary Pharmacol Therapeutic 2014, Oct 2.

Les Cinq points forts

  1. L’indication principale du dosage des anti-TNF et de leurs anticorps est la perte de réponse aux anti-TNF. Cette indication vient d’être ajoutée aux recommandations ECCO 2014 dans la maladie de Crohn.
  2. Des stratégies fondées sur les taux d’anti-TNF sériques et de leurs anticorps permettent une optimisation personnalisée du traitement.
  3. Les différentes techniques de dosages disponibles paraissent comparables en pratique clinique.
  4. L’intérêt du monitoring régulier du taux d’anti-TNF chez les patients en réponse clinique est débattu.
  5. L’avenir devrait élargir ces indications au moins à la désescalade thérapeutique.