Apport des biosimilaires et des nouvelles biothérapies dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

Objectifs pédagogiques

  • Biosimilaire : définition, sécurité, résultats cliniques et règles d’utilisation
  • Connaître la place du vedolizumab dans la stratégie thérapeutique de la RCH et de la maladie de Crohn
  • Connaître l’efficacité et la tolérance

Introduction

Les anti-TNF sont des médicaments efficaces dans le traitement d’induction et d’entretien des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Ils ont reçu une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la maladie de Crohn (MC) et de la rectocolite hémorragique (RCH), modérée à sévère, réfractaire aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs. Les anti-TNF représentent un progrès incontestable dans la prise en charge des patients atteints de MICI. Cependant, ils ont leurs limites. Ils sont associés à des effets indésirables parfois sévères (infection, cancer), tout particulièrement lorsqu’ils sont associés aux thiopurines. En second lieu, environ 10 % des malades cessent de répondre aux anti-TNF chaque année. Une proportion importante de ces pertes de réponse est liée à une immunisation contre ces médicaments. L’association de thiopurines aux anti-TNF (combothérapie) augmente leur efficacité et diminue leur immunogénicité, au prix d’une toxicité plus importante. En troisième lieu, leur coût est élevé. Il est d’environ 10 000 euros par an pour un traitement par anti-TNF alors qu’un traitement par azathioprine coûte environ 300 euros par an. Les anti-TNF représentent aujourd’hui l’essentiel du coût des MICI.

Ces dernières années, de nouvelles molécules sont apparues pour traiter les patients atteints de MICI. Elles apportent une réponse à ces problèmes. Le biosimilaire de l’infliximab (commercialisé en France sous le nom d’Inflectra® ou de Remsima®) coûte 30 % moins cher que le Remicade® à l’APHP. Le vedolizumab (Entyvio®) et l’ustekinumab (Stelara®) ciblent deux voies différentes de celle du TNF et constituent un nouveau traitement des MICI.

Le biosimilaire de l’infliximab

Qu’est-ce qu’un biosimilaire ?

Selon la définition de l’ANSM, « c’est un médicament similaire à un médicament biologique (substance qui est produite à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant, ou dérivée de ceux-ci) de référence qui a déjà été autorisé en Europe ». Les médicaments biosimilaires sont évalués par l’agence européenne des médicaments (EMA). Ils doivent avoir des propriétés physicochimiques et biologiques similaires, la même substance et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence. Enfin, l’efficacité et la sécurité d’emploi doivent être équivalentes au médicament de référence. La production des médicaments biologiques est complexe. Elle repose sur des organismes vivants qui ont une variabilité intrinsèque pouvant entraîner des différences de fabrication (parfois entre des lots de produits de la même marque) et par conséquent, de propriétés cliniques. Si bien que le principe de substitution, valable pour les génériques, ne s’applique pas aux biosimilaires. C’est pourquoi l’EMA a délivré une autorisation de mise sur le marché (AMM) sur la base d’une équivalence de résultats thérapeutiques, pas seulement sur la bioéquivalence, comme c’est le cas pour les génériques.

Le biosimilaire de l’infliximab a une structure moléculaire très proche de celle du Remicade®. Des différences de fucosylation entre les deux molécules ont été mises en évidence, pouvant diminuer l’affinité du biosimilaire pour le récepteur au Fc. Cependant, les propriétés physico-chimiques, l’activité biologique, la pharmacocinétique, la toxicité chez l’animal et chez le volontaire sain sont similaires entre le Remicade® et le biosimilaire de l’infliximab.

Efficacité et sécurité d’utilisation des biosimilaires

Deux essais de phase 3, nommés PLANETRA et PLANETAS, ont démontré une efficacité similaire du Remicade® et de son biosimilaire dans la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante, respectivement [1, 2]. Les résultats de la phase d’extension de 48 semaines, pendant laquelle les patients recevant le Remicade® au cours de la phase initiale ont reçu son biosimilaire ont été communiqués. Les deux produits ont une efficacité et une tolérance en tout point semblable, qu’il s’agisse de la réponse clinique, biologique et radiologique.

Les anticorps monoclonaux comme l’infliximab induisent une réaction immunitaire, notamment la formation d’anticorps (appelés ADA, pour Anti Drug Antibody) dirigés contre ces médicaments. Les ADA diminuent l’efficacité et la tolérance des médicaments biologiques. Dans les deux essais sus mentionnés, l’incidence des ADA était similaire chez les patients ayant reçu le biosimilaire et le produit de référence. Le taux d’immunisation était similaire chez les patients qui sont passés du Remicade® au biosimilaire et chez ceux qui ont reçu le biosimilaire pendant toute la durée de l’essai. En résumé, le biosimilaire de l’infliximab a un profil d’immunogénicité semblable à celui de l’anticorps de référence, dans la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante.

Dans les essais PLANETRA et PLANETAS, l’incidence et la sévérité des effets indésirables étaient similaires selon que les patients recevaient le Remicade® ou son biosimilaire. Cependant, les essais de phase 3 ont une puissance insuffisante pour détecter des différences de tolérance entre les deux produits. C’est pourquoi un plan de pharmacovigilance a été mis en place pour le suivi des biosimilaires de l’infliximab.

Ces résultats peuvent-ils être extrapolés aux MICI ?

Cette question fait l’objet d’un débat opposant les partisans du oui [3-5] et du non [6, 7].

Questions sur l’efficacité

Le biosimilaire de l’infliximab est disponible pour traiter les patients atteints de RCH et de MC dans plusieurs pays. Au total, des publications portant sur un total de 518 patients avec MICI traités par le biosimilaire de l’infliximab suggèrent que le biosimilaire de l’infliximab a une efficacité semblable à celle du produit de référence [5]. Cependant, ces données proviennent d’études non contrôlées. Deux essais de non infériorité de phase 3, comparant le Remicade® à son biosimilaire, sont en cours chez les adultes atteints de MC, aux États-Unis et en Norvège. Le premier inclut des patients en phase active. Dans le second, les patients en rémission sous Rémicade sont tirés au sort pour recevoir le même produit ou son biosimilaire.

Questions sur l’immunisation

Dans les essais PLANETRA et PLANETAS, il y avait davantage d’ADA chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde que chez ceux atteints de spondylarthrite ankylosante, ce qui suggère que le taux d’immunisation peut varier d’une maladie à une autre pour le même anticorps monoclonal. D’autre part, dans ces deux essais, l’immunosuppresseur associé à l’infliximab était le Methotrexate alors que dans les MICI, ce sont les thiopurines qui sont le plus souvent prescrites en association avec l’infliximab. Ces données interrogent l’extrapolation des données obtenues dans les essais consacrés aux rhumatismes inflammatoires aux patients atteints de MICI.

Cependant, dans ces deux essais, le taux d’immunisation était similaire entre le produit de référence et son biosimilaire chez les malades avec polyarthrite rhumatoïde et spondylarthrite ankylosante. De plus, les anticorps anti-Remicade® reconnaissent le biosimilaire et inhibent son action à un degré similaire, suggérant que ces deux produits ont une immunogénicité semblable et partagent les mêmes épitopes immunodominants [8].

L’EMA a pris la décision d’autoriser la mise sur le marché du biosimilaire de l’infliximab sur la base de ces données pré-cliniques et cliniques. Elle a accepté le principe de l’extrapolation des résultats obtenus dans les rhumatismes inflammatoires, aux MICI et au psoriasis.

Règles d’utilisation du biosimilaire de l’infiximab en pratique

Le biosimilaire de l’infliximab peut être prescrit aux malades atteints de MC et de RCH. Ses indications sont celles du Remicade®. Les nouveaux malades nécessitant l’infliximab peuvent recevoir le biosimilaire. Les malades traités par le Remicade® peuvent continuer avec ce médicament ou le remplacer par son biosimilaire. Beaucoup de cliniciens sont réticents à la substitution du Remicade® par son biosimilaire chez un malade qui va bien sous Remicade®. Les résultats des essais en cours ­permettront de savoir si cette inquiétude est justifiée ou pas.

Nouvelles biothérapies

Le vedolizumab

Les lymphocytes T jouent un rôle important dans les MICI. La domiciliation des lymphocytes dans l’intestin dépend d’une interaction entre l’hétérodimère α4β7, une glycoprotéine située à la surface des lymphocytes B et T, et la molécule « mucosal addressin-cell adhesion molecule 1 (MAdCAM-1) », située à la surface des cellules endothéliales. Le vedolizumab est une IgG1 monoclonale humanisée dirigée contre α4β7. Il bloque la domiciliation des lymphocytes vers l’intestin. Le MLN 02, l’ancêtre du vedolizumab, s’était montré efficace chez les malades atteints de RCH dans un essai de phase 2. Le natalizumab, un anticorps monoclonal dirigé contre α4, bloque à la fois α4β7 et α4β1, dont dépend la domiciliation des lymphocytes dans le cerveau. Le natalizumab s’est montré efficace dans la MC et la sclérose en plaques mais il a été à l’origine de leucoencéphalopathies multifocales progressives (LEMP). Il n’est pas disponible pour le traitement de la MC en Europe.

Le vedolizumab a été évalué par plusieurs essais de phase 3 ayant inclus plusieurs centaines de malades atteints de RCH ou de MC active, moyenne à sévère.

Efficacité du Vedolizumab dans la RCH

L’essai GEMINI1 a comparé le vedolizumab au placebo [9]. À la 6e semaine, il y avait davantage de répondeurs chez les malades traités par vedolizumab que par placebo (47,1 % vs 25,5 % ; P < 0,001). À la 6e semaine, les taux de rémission (Mayo Clinic score ≤ 2 sans item > 1) et de cicatrisation endoscopique (Mayo score endoscopique < 2) étaient plus élevés avec le vedolizumab qu’avec le placebo (16,9 % vs 5,4 % et 40,9 % vs 24,8 % ; p = 0,001 pour les deux comparaisons). Les malades répondeurs au traitement d’induction par le vedolizumab ont été tirés au sort pour recevoir le vedolizumab en traitement d’entretien, toutes les 4 ou toutes les 8 semaines, ou le placebo. À la 52e semaine, les taux de rémission étaient de 41,8 %, 44,8 % et 15,9 % des patients traités par vedolizumab toutes les 8 semaines, toutes les 4 semaines et par placebo, respectivement (P < 0,001). Les taux de réponse, de cicatrisation endoscopique, de rémission durable et de rémission sans corticoïdes étaient significativement plus élevés avec le vedolizumab qu’avec le placebo. Il n’y avait pas de différence d’efficacité selon que les malades étaient naïfs ou non d’anti TNF avant inclusion dans l’essai. Cet essai montre que le vedolizumab est efficace en traitement d’induction et d’entretien dans la RCH.

Efficacité du Vedolizumab dans la MC

L’essai GEMINI2 a comparé le vedolizumab au placebo [10]. À la 6e semaine, le taux de rémission clinique (co-critère principal, défini par un CDAI<150) était significativement plus élevé dans le bras vedolizumab que dans le bras placebo (14,5 % vs 6,8 % ; P=0.02). Cependant la différence est modeste et le taux de rémission faible dans le bras expérimental. Enfin, le taux de réponse à la 6e semaine (co-critère principal défini par une baisse de 100 points du CDAI) était similaire dans les deux bras de l’essai. À la 52e semaine, les taux de rémission clinique chez les répondeurs au traitement d’induction étaient de 39,0 %, 36,4 % et 21,6 % chez les malades tirés au sort pour recevoir le vedolizumab toutes les 8 semaines, toutes les 4 semaines ou le placebo respectivement (P < 0,001 et P = 0,004 pour les comparaisons entre les deux bras vedolizumab respectivement, vs placebo). À la 52e semaine, les taux de rémission sans corticoïdes et de réponse étaient significativement plus élevés avec le vedolizumab qu’avec le placebo. Les taux de calprotectine fécale n’étaient pas différents chez les malades traités par vedolizumab et par placebo. Il n’y avait pas de différence d’efficacité selon que les malades étaient naïfs ou non d’anti TNF avant inclusion dans l’essai.

Un essai complémentaire nommé Gemini 3 a évalué l’efficacité du vedolizumab en traitement d’induction chez les malades réfractaires ou intolérants aux anti TNF [11]. Le taux de rémission à la 6e semaine (critère principal) n’était pas différent dans le bras placebo et vedolizumab (respectivement 15,2 % et 12,1 % ; P = 0,433). En revanche, la différence était significative à la 10e semaine (26,6 % vs 12,1 %) (P = 0,001).

Ces essais montrent que le vedolizumab est efficace en traitement d’entretien chez les malades répondeurs au traitement d’induction dans la MC. Les résultats du vedolizumab sont moins solides en traitement d’induction de la MC.

Les patients de l’essai GEMINI 2 non répondeurs à la 6e semaine ont reçu du vedolizumab toutes les quatre semaines. À la 10e et à la 14e semaine, 16 % et 22 % des malades traités par vedolizumab et 7 % et 12 % sous placebo ont eu une réponse clinique. Le taux de rémission clinique à la 52e semaine chez les patients non répondeurs à la 6e semaine mais ayant obtenu une réponse à la 10e semaine ou à la 14e semaine, étaient respectivement de 33,3 % et 41,3 %. Ces résultats suggèrent que les malades atteints de MC non répondeurs à la 6e semaine peuvent bénéficier d’une dose supplémentaire de vedolizumab à la 10e semaine. Les patients ayant échappé au vedolizumab toutes les huit semaines dans l’étude GEMINI 2 ont reçu du vedolizumab toutes les quatre semaines. À la 52e semaine, 32 % de ces patients étaient en rémission clinique. Ce résultat suggère que l’augmentation de la dose de vedolizumab améliore les malades atteints de MC ayant cessé de répondre à ce médicament.

Le vedolizumab n’a pas été testé dans les colites aiguës graves et n’est donc pas recommandé dans cette indication.

Tolérance du Vedolizumab

Les essais GEMINI 1, 2 et 3 n’ont pas montré de différence de taux d’effet indésirable entre les bras placebo et vedolizumab. Cependant, dans l’essai GEMINI2, les taux d’infection (incluant les infections sévères) et d’effets indésirables sévères étaient plus élevés chez les malades avec MC qui ont reçu du vedolizumab que du placebo. À ce jour, aucune LEMP n’a été observée chez les malades traités par Vedolizumab. Des réactions d’hypersensibilité à la perfusion, généralement mineures ont été décrites. Les infections ORL telles que les pharyngites, angines et laryngites étaient plus fréquentes avec le vedolizumab qu’avec le placebo. Le taux d’infection opportuniste n’apparaît pas plus élevé avec le vedolizumab qu’avec le placebo.

Dans les essais du programme GEMINI, 4 % des malades traités par vedolizumab se sont immunisés.

Les essais thérapeutiques sous-estiment généralement le taux d’immunisation et n’ont pas la puissance ­suffisante pour évaluer les effets indésirables des médicaments biologiques. Des observations recueillies dans la vraie vie et à long terme sont nécessaires. À ce jour, deux enquêtes portant sur un total de 463 malades (dont 279 avec MC et 180 avec RCH) ont été publiées sous forme d’article [12] ou de résumés (Amiot et al. UEGW 2015). Il apparaît qu’environ la moitié des malades ont une réponse et environ un tiers une rémission sans corticoïdes sous vedolizumab. Le taux ­d’effets indésirables est de 10 à 20 %. La Haute Autorité de Santé (HAS) a demandé au laboratoire Takeda, qui s’y est engagé, un plan de gestion des risques incluant une étude de tolérance comparative avec d’autres agents biologiques dans les MICI.

Utilisation en pratique

Le vedolizumab a obtenu une AMM européenne le 20 mars 2014 pour la RCH et la MC chez les malades ayant une maladie active modérée à sévère et une réponse insuffisante, une perte de réponse ou une intolérance au traitement conventionnel ou à un anti TNF. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) a autorisé le Vedolizumab pour traiter les patients adultes présentant une RCH ou une MC active, modérée à sévère, ayant eu une réponse insuffisante ou une perte de réponse à un traitement conventionnel et par anti-TNF ou ayant été intolérants à ces traitements.

Les contre-indications du vedolizumab sont l’hypersensibilité au principe actif ou à l’un des excipients, une infection sévère, telle que tuberculose, septicémie, infection à CMV ou à Listeria, et la LEMP. Les malades doivent être surveillés pour l’apparition de signes pouvant traduire une LEMP (déficit moteur, troubles visuels et cognitifs).

La prescription est réservée à l’usage hospitalier, aux hépato-gastroentérologues et aux internistes. Le traitement d’induction consiste en une injection de 300 mg (en 30 minutes) suivie d’une perfusion à deux et six semaines puis toutes les huit semaines. Les malades doivent être surveillés pendant deux heures après les deux premières perfusions, une heure après les suivantes. Il est possible d’administrer une injection supplémentaire à la semaine 10 chez les malades atteints de MC non répondeurs à la semaine 6. Une nouvelle évaluation est prévue à la semaine 14. En cas de non réponse, il est recommandé d’arrêter le vedolizumab. En cas de réponse, on peut poursuivre le vedolizumab à la dose de 300 mg toutes les 8 semaines. Dans la RCH, la poursuite du traitement doit être reconsidérée si aucun bénéfice n’est observé à la 10e semaine de traitement. Il est possible et efficace d’optimiser le traitement chez les malades en perte de réponse en administrant le vedolizumab à la dose de 300 mg toutes les 4 semaines.

L’ustekinumab

L’ustekinumab est une igG1 monoclonale humaine dirigée contre la sous unité p40 commune à l’interleukine (IL) 12 et l’IL 23. L’IL12 et l’IL23 sont sécrétés par les cellules dendritiques. L’IL12 stimule la différenciation des lymphocytes T CD4 naïfs en TH1 qui produisent de l’interféron gamma. L’ustekinumab inhibe l’activité de l’IL-12 et de l’IL-23 en bloquant la liaison de ces cytokines à leur récepteur, l’IL-12Rβ1, exprimé à la surface de cellules immunitaires. Depuis 2009, l’ustekinumab a obtenu une AMM européenne dans les indications suivantes :

  • psoriasis en plaques modéré à sévère qui n’a pas répondu, ou qui présente une contre-indication, ou qui est intolérant aux autres traitements systémiques dont la ciclosporine, le méthotrexate (MTX) ou la puvathérapie (psoralène et UVA) ;
  • rhumatisme psoriasique actif chez l’adulte lorsque la réponse à un précédent traitement de fond antirhumatismal non biologique a été insuffisant.

Efficacité dans les MICI

Un essai randomisé de phase 2 a comparé une injection IV de placebo à l’ustekinumab à la dose de 1, 3, et 6 mg/kg chez 526 malades réfractaires aux anti-TNF [13]. Les 145 malades répondeurs à l’ustekinumab à la 6e semaine ont été tirés au sort pour recevoir un placebo ou une injection SC de 90 mg d’ustekinumab à la semaine 8 et 16. Il n’y avait pas plus de malades en rémission avec l’ustekinumab qu’avec le placebo. Les taux de réponse (critère principal) étaient de 36,6 %, 34,1 %, et 39,7 % avec les doses de 1, 3, et 6 mg/kg vs 23,5 % avec le placebo (P = 0,005 pour la comparaison entre le placebo et la dose de 6 mg/kg). Le taux de rémission clinique à la 22e semaine était de 41,7 % avec l’ustekinumab vs. 27,4 % avec le placebo (P = 0,03). Les résultats d’un essai de phase 3 chez les malades réfractaires aux anti-TNF seront communiqués prochainement. Un essai de phase 2b a inclus 628 malades non réfractaires aux anti-TNF qui ont été tirés au sort pour recevoir une injection IV de placebo, d’ustekinumab à la dose de 130 mg, ou à la dose de 6 mg/kg. À la 6e semaine, 55,5 % et 51,7 % des malades traités par la dose de 6 mg/kg et de 130 mg d’ustekinumab étaient répondeurs (critère principal) vs 28,7 % avec le placebo (p < 0,001). À la 8e semaine, 40,2 % et 30,6 % des malades traités par 6 mg/kg et 130 mg d’ustekinumab vs 19,6 % placebo étaient en rémission à la 8e semaine (p ≤ 0,009).

Deux études rétrospectives ouvertes ont rapporté les résultats de l’ustekinumab dans la MC. L’étude canadienne a porté sur 38 malades réfractaires aux anti-TNF [14]. La majorité des malades ont reçu un schéma d’induction par une injection SC de 90 mg à J0, J7, J14 puis un traitement d’entretien par une injection de 90 mg toutes les 8 semaines. 28 des 38 malades (74 %) ont répondu au schéma d’induction. Le taux de réponse à 12 mois était de 9/19 (45 %) incluant 8/9 (89 %) de malades répondeurs à 6 mois. L’étude française du GETAID a porté sur 122 malades consécutifs, réfractaires aux anti-TNF [15]. À trois mois, 79 des 122 malades ont tiré un bénéfice clinique de l’ustekinumab ; 68 % de ces malades ont maintenu ce bénéfice à 12 mois. La prescription d’un immunosuppresseur en association avec l’ustekinumab était associée à un meilleur résultat.

Tolérance de l’ustekinumab

Les caractéristiques cliniques des malades atteints de déficit congénital en IL-12/23p40 et IL-12Rβ1 montrent que l’IL12 et l’IL 23 jouent un rôle important dans l’immunité anti mycobactérie et anti-salmonelle. Cependant, les essais cliniques ne montrent pas d’augmentation du taux d’infection, d’infection sévère ni de tumeur maligne chez malades traités par ustekinumab comparativement aux malades traités par placebo. Des réactions d’hypersensibilité à la perfusion ont été décrites, avec quelques cas d’anaphylaxie. Dans les essais thérapeutiques, 8 % des malades se sont immunisés contre l’ustekinumab.

Utilisation pratique

L’ustekinumab a fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) dans la MC, en décembre 2015. Selon la définition donnée par l’ANSM, « La RTU a pour objet de sécuriser la prescription d’un médicament dans une indication ou des conditions d’utilisation non conformes à son AMM en vue de répondre aux besoins spéciaux d’un patient et dès lors que le rapport bénéfice/risque du médicament est présumé favorable dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées. Elle s’accompagne obligatoirement d’un protocole de suivi des patients traités qui définit les critères de prescription, la procédure de suivi et les conditions de remontée d’information et de suivi. La RTU peut être modifiée, suspendue ou retirée par l’ANSM si les conditions prévues ci-dessus ne sont plus remplies, ou pour des motifs de santé publique. »

La présente RTU est indiquée dans le traitement de la MC active modérée à sévère, chez les adultes en échec à l’infliximab, à l’adalimumab et au védolizumab, ou qui sont intolérants, ou qui ont une contre-indication à ces traitements. La décision de traiter un patient par ustekinumab doit être prise au cours d’une réunion de concertation spécialisée formalisée et tracée. La posologie est variable selon le poids : pour les malades ≤ 55 kg, elle est de 260 mg, pour les malades pesant entre 55 et 86 kg, elle est de 390 mg, pour les malades de plus de 85 kg, elle est de 520 mg. La RTU prévoit d’utiliser la forme IV (et non la forme SC) prévue à cet effet.

Questions non résolues

Mono ou bithérapie ?

Les essais thérapeutiques n’ont pas montré de différence selon que les malades ont été traités par vedolizumab en monothérapie ou associé à un immunosuppresseur. En revanche, les malades atteints de MC recevant des corticoïdes à l’induction ont eu de meilleurs résultats que ceux qui n’en avaient pas.

L’étude rétrospective du GETAID a montré une meilleure efficacité de l’ustekinumab chez les malades le recevant en association avec les immunosuppresseurs. Cette information n’est pas disponible dans les essais randomisés.

Grossesse

Les données chez l’animal ne montrent pas de tératogénicité de ces produits. Les données chez la femme enceinte sont encore trop parcellaires pour tirer une conclusion.

MC fistulisante

Il n’y a pas eu d’essai spécifique du vedolizumab ou de l’ustekinumab chez les malades avec une MC fistulisante. Dans les études publiées, une minorité de malades avaient des fistules anopérinéales. Ils paraissent avoir tiré un bénéfice similaire à celui des patients avec une MC luminale.

Quarante-sept malades inclus dans GEMINI 2 avaient une fistule. Les taux de fermeture des fistules à la semaine 52 étaient respectivement de 41,2 %, 22,7 % et 11,1 % avec le vedolizumab toutes les 8 semaines, toutes les 4 semaines et avec le placebo (P = 0,02 pour la comparaison vedolizumab toutes les 8 semaines vs placebo).

Douze malades avaient une fistule périanale dans l’étude française du GETAID consacrée à l’ustekinumab. Huit d’entre eux ont eu un bénéfice clinique. Dans l’étude canadienne, 3 malades sur les 9 avec une maladie anopérinéale avaient une réponse maintenue un an après le début de la prise en charge.

Taux résiduels

Il y avait une corrélation significative entre le taux résiduel de vedolizumab et l’efficacité en traitement d’induction mais pas en traitement d’entretien.

Il y avait une relation linéaire entre le taux résiduel et la réponse à l’ustekinumab en traitement d’induction.

Place des nouvelles biothérapies dans la stratégie thérapeutique des MICI

Le vedolizumab est indiqué chez les malades atteints de MICI active, modérée à sévère, ayant eu une réponse insuffisante ou une perte de réponse à un traitement conventionnel et par anti-TNF ou ayant été intolérants à ces traitements. Le vedolizumab est donc indiqué chez les malades ayant eu une non réponse primaire aux anti TNF. Chez les malades en perte de réponse à un anti-TNF, il n’y a pas d’essai ayant comparé le vedolizumab à un deuxième anti TNF. On peut s’appuyer sur les résultats des dosages résiduels des anti TNF chez les malades en échec :

  • augmentation de la dose d’anti TNF chez les malades non immunisés ayant des taux résiduels faibles,
  • changement d’anti TNF chez les patients immunisés,
  • changement de classe médicamenteuse (par exemple pour le vedolizumab) chez les malades ayant des taux résiduels élevés. Cependant cette attitude repose sur des études rétrospectives et donc sur un niveau de preuve faible.

L’ustekinumab est aujourd’hui indiqué chez les malades atteints de MC en échec de l’infliximab, de l’adalimumab et du vedolizumab, dans le cadre de la RTU. Il faut attendre les résultats de l’essai UNITI2 et les décisions des autorités régulatrices pour savoir si ses indications seront élargies à l’avenir.

Références

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  15. Wils P, Bouhnik Y, Michetti P, et al. Subcutaneous ustekinumab provides clinical benefit for two-thirds of patients with Crohn’s disease refractory to anti-tumor necrosis factor agents. Clin Gastroenterol Hepatol 2015, sous presse.

Les cinq points forts

  1. Le biosimilaire de l’infliximab a des caractéristiques moléculaires, des propriétés physico-chimiques, une activité biologique, une pharmacocinétique, une toxicité chez l’animal et chez le volontaire sain similaires à celle du produit de référence.
  2. L’efficacité clinique dans la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante, la sécurité d’emploi et l’immunogénicité du biosimilaire sont équivalentes à celle du Remicade®. L’agence européenne du médicament a pris la décision d’autoriser la mise sur le marché du biosimilaire de l’infliximab dans ces deux maladies et dans les MICI.
  3. Le vedolizumab (Entyvio®) est efficace en traitement d’induction et d’entretien chez les malades atteints de RCH, et en traitement d’entretien dans la MC.
  4. Le vedolizumab peut être prescrit chez les patients adultes présentant une RCH ou une MC active, modérée à sévère, ayant eu une intolérance, une réponse insuffisante ou une perte de réponse à un traitement par anti-TNF.
  5. L’ustekinumab (Stelara®) est disponible dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation pour traiter les patients atteints de MC active modérée à sévère, en échec de l’infliximab, de l’adalimumab et du védolizumab, ou qui sont intolérants à ces traitements.