Le traitement de l’hépatite C en 2016

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les indications du traitement (qui traiter, évaluation pré-thérapeutique)
  • Connaître les différentes associations médicamenteuses et leurs résultats
  • Connaître les conditions de prise en charge par l’assurance maladie
  • Connaître le suivi du traitement (clinique, biologique, virologique)
  • Connaître le suivi après le traitement

Le traitement de l’hépatite virale chronique C s’est profondément modifié ces dernières années avec l’apparition de nouveaux agents antiviraux directs, disponibles par voie orale, très efficaces et globalement bien tolérés. Leur objectif est l’obtention d’une éradication virale, globalement obtenue dans plus de 90 % des cas.

Les indications du traitement

L’accès universel au traitement est un objectif clair, recommandé par les différentes sociétés savantes européennes et françaises et l’objectif est d’éradiquer l’hépatite C avant 2025. L’impact sur la morbi-mortalité serait alors maximal [1]. En raison du coût élevé des traitements, il existe actuellement en France une priorisation de l’accès au traitement pour des populations bien définies : patients ayant une atteinte hépatique sévère, manifestations extra-hépatiques et co-infection par le VIH.

Évaluation pré-thérapeutique

L’évaluation pré-thérapeutique doit s’attacher à recenser les co-morbidités qui peuvent avoir un impact sur la progression de l’histoire naturelle de l’hépatite C ou limiter l’espérance de vie, ainsi que les co-médications. Sur le plan virologique, il faut demander systématiquement des sérologies VIH et hépatite B, une charge virale VHC ainsi qu’un génotype viral. La détermination du sous-type viral (en particulier génotype 1a versus 1b) est importante car il influence le choix des schémas thérapeutiques. Il ne faut pas hésiter à contrôler le génotype quand celui-ci est très ancien (souvent avant 2005) car les erreurs de sous-typage étaient fréquentes avec les anciennes techniques de génotypage. L’évaluation de la sévérité de la maladie hépatique est primordiale. Le score de fibrose va déterminer l’accès au traitement d’une part, et conditionner le type de surveillance d’autre part. Elle repose sur l’utilisation des tests non invasifs de fibrose, principalement le Fibrotest®, le Fibromètre® et le Fibroscan®. Un avis d’expert sur l’utilisation des tests de fibrose est disponible sur le site de l’AFEF (www.afef.asso.fr). Un test (soit sanguin, soit élastométrique) doit au départ être utilisé. Si celui-ci est fiable (les critères de fiabilité doivent absolument être respectés) et en faveur d’un score de fibrose F3 ou F4, il faut retenir le diagnostic d’hépatite C sévère et poser l’indication de traitement antiviral. La réalisation d’un deuxième test non invasif (pour avoir un test sanguin et un test élastographique) est utile pour les valeurs intermédiaires. En cas de discordance entre deux tests, le test le plus sévère est pris en compte au bénéfice du patient. S’il existe une cirrhose la réalisation d’une échographie-doppler hépatique tous les 6 mois doit être réalisée pour le dépistage du carcinome hépato-cellulaire selon les recommandations européennes et françaises [2]. Une gastroscopie à la recherche de signes d’hypertension portale doit également être effectuée. Récemment, la conférence BAVENO VI a recommandé de ne pas effectuer de gastroscopie chez les malades ayant des plaquettes > 150 G/L et une élasticité hépatique < 20 kPa), car la probabilité de détecter des varices de stade > I est dans ce cas nulle [3].

Conditions de prise en charge par l’assurance maladie

Les modalités de prise en charge de l’hépatite C par les nouveaux antiviraux directs ont été précisées par une lettre d’instruction publiée au journal officiel le 30 avril 2015. Les indications de traitement doivent être validées en réunion de concertation multidisciplinaire. Celles-ci ont été mises en place au départ dans les centres experts hépatite. Plusieurs centres en ayant fait la demande ont également obtenu des ARS un agrément pour la tenue de RCP. La prise en charge par l’assurance maladie est conditionnée par une validation de l’indication thérapeutique en RCP dans la limite des indications précisées dans le Tableau I. D’après le texte officiel, le score de fibrose F2 sévère est défini au cas par cas et doit tenir compte de l’état clinique du patient et des tests non invasifs de fibrose dont les résultats à deux reprises concordent pour prédire une évolutivité de la fibrose. En pratique, il paraît légitime de retenir le score de fibrose F2 sévère lorsque deux tests différents (sanguins et élastométriques) sont en faveur d’un score F2, ou s’il existe une aggravation d’un même test au cours du temps, en particulier lorsqu’il existe un ou plusieurs facteurs de progression de la fibrose (syndrome métabolique, stéatose, alcool, génotype 3, âge > 50 ans).

Tableau I. Indications thérapeutiques justifiant d’une prise en charge par l’assurance maladie

Adultes ayant un score de fibrose F3 ou F4
Adultes ayant un score de fibrose F2 sévère*
Adulte atteint d’hépatite chronique C co-infecté VIH quel que soit le score de fibrose
Adulte atteint d’hépatite chronique C avec cryoglobulinémie symptomatique
Adulte atteint d’hépatite chronique C avec lymphome B associé au VHC
* définition spécifiée dans le texte.

Associations médicamenteuses et résultats

Principes généraux du traitement

L’objectif du traitement est l’obtention d’une éradication virale. Celle-ci est affirmée par la persistance d’un ARN du VHC indétectable 12 semaines après la fin du traitement [RVS12]. Les molécules antivirales actuellement disponibles ciblent différents domaines du virus indispensables à la réplication virale. Les antiprotéases [simeprevir, paritaprévir] ciblent le domaine NS3. Leur efficacité (au moins pour les molécules de première génération) est limitée aux génotypes 1 et 4. Les inhibiteurs de NS5A (daclatasvir, ledipasvir, ombitasvir) inhibent le complexe NS5A qui est indispensable à la fonction de la polymérase. Leur efficacité sur les différents génotypes est variable selon les molécules. Alors que le daclatasvir est pangénotypique, l’efficacité du ledipasvir est limitée aux génotypes 1, 4 , 5 et 6. Les inhibiteurs de NS5B inhibent la polymérase virale. Ils peuvent être nucléosidiques (sofosbuvir) ou non nucléosidiques (dasabuvir). Le sofosbuvir est pangénotypique et a une barrière très élevée contre la résistance.

Le principe du traitement de l’hépatite C repose sur une combinaison d’au moins deux molécules, pour une durée de 12 à 24 semaines, avec ou sans ribavirine selon les schémas thérapeutiques et les profils des patients (Fig. 1). La seule exception (pour l’instant) est le génotype 2, pour lequel la combinaison sofosbuvir + ribavirine peut être utilisée. Pour les autres génotypes, le sofosbuvir, doit être combiné à un inhibiteur de NS5A (daclatasvir ou ledipasvir) ou à un inhibiteur de protéase (simeprevir). Lorsque l’inhibiteur de NS5A est le dasabuvir dont la barrière contre la résistance est moins élevée, il faut alors associer au moins deux molécules (paritaprévir boosté par le ritonavir et ombitasvir) pour pallier le risque de mutations de résistance.

Combinaisons thérapeutiques disponibles en 2016

Figure 1. Combinaisons thérapeutiques disponibles en 2016

Sofosbuvir + ribavirine

La seule indication de cette combinaison est le génotype 2. Dans l’étude de phase III VALENCE les chances de RVS12 étaient de 94 % chez les non cirrhotiques et 82 % chez les cirrhotiques avec une durée de traitement de 12 semaines [4]. Une durée de traitement plus longue de 24 semaines a donc été retenue dans les recommandations de l’AFEF de février 2016 (www.afef.asso.fr). Il faut noter que des résultats inférieurs ont été rapportés dans des études de vraie vie (TARGET) et que cette combinaison devrait prochainement être abandonnée, en particulier lorsque le velpatasvir (anti-NS5a de deuxième génération) sera disponible.

Sofosbuvir + Ledipasvir

Cette combinaison est disponible sous la forme d’un comprimé unique. Les études de phase III (ION-1 et ION-2) ont montré que chez les malades non cirrhotiques de génotype 1, les taux de RVS12 avec le schéma recommandé de 12 semaines de traitement sans ribavirine étaient de 99 % chez les malades naïfs et de 95 % chez les malades en échec de traitement préalable par Peg-IFNa + ribavirine avec ou sans antiprotéase de première génération (télaprévir ou bocéprévir) [5]. L’étude ION-3 a également montré qu’une durée de traitement courte de 8 semaines donnait des résultats similaires chez les malades non cirrhotiques naïfs ayant une charge virale initiale < 6 MUI/ml [6]. Ces résultats ont récemment été confirmés dans plusieurs études en vie réelle. Ainsi les taux de succès étaient dans la cohorte TARGET de 97 % que la durée de traitement soit de 8 ou 12 semaines [7]. Cette durée courte de traitement est donc une option raisonnable, au moins chez les malades non cirrhotiques, naïfs de traitement et ayant une charge virale < 6 MUI/ml.

Chez les malades cirrhotiques de génotype 1, l’analyse poolée des essais de phase II et III suggère qu’il existe un bénéfice à ajouter la ribavirine si la durée de traitement est de 12 semaines chez les malades en échec où le bénéfice atteint 6 % (Fig. 2) [8]. Ainsi, les taux de RVS sont de 96 % pour un traitement de 12 semaines avec ribavirine, versus 98 % chez les malades traités 24 semaines sans ribavirine. Le bénéfice lié à l’utilisation de la ribavirine pour la durée de 12 semaines, même si elle est numériquement faible, a été confirmé par les études américaines de vraie vie. En l’absence de contre-indication à la ribavirine, le schéma 12 semaines de traitement avec ribavirine est donc la meilleure option thérapeutique chez les malades cirrhotiques en échec. En revanche, il n’existe pas de bénéfice évident chez les malades naïfs de traitement, pour lesquels une combinaison sofosbuvir + ledipasvir pendant 12 semaines est suffisante (en dehors du cas particulier de la cirrhose avancée ou décompensée).

Chez les malades de génotype 4,5 et 6 les données d’efficacité de la combinaison sofosbuvir + ledipasvir sont beaucoup plus limitées. Les résultats sont toutefois très similaires à ceux observés pour le génotype 1, et les schémas thérapeutiques sont globalement similaires. Il n’existe toutefois aucune donnée avec les traitements courts de 8 semaines qui ne doivent donc pas être utilisés chez les malades de génotype 4, 5 et 6.

Analyse poolée des malades cirrhotiques traités par sofosbuvir + ledipasvir : intérêt de la ribavirine (+ 6 %) chez les malades en échec traités 12 semaines

Figure 2. Analyse poolée des malades cirrhotiques traités par sofosbuvir + ledipasvir : intérêt de la ribavirine (+ 6 %) chez les malades en échec traités 12 semaines

Sofosbuvir + Daclatasvir

Chez les malades de génotype 1, les résultats de la combinaison sofosbuvir + daclatasvir sont globalement similaires à ceux observés avec sofosbuvir + ledipasvir. Les données sont toutefois plus limitées et proviennent essentiellement de la cohorte de vraie vie HEPATHER [9]. Dans cette étude, les taux de RVS étaient de 100 % chez les non cirrhotiques, de 97 % chez les cirrhotiques traités 12 semaines avec ribavirine (toutefois sur un faible effectif) et de 100 % chez les cirrhotiques traités 24 semaines sans ribavirine. Dans ses dernières recommandations de février 2016, l’AFEF a retenu les schémas de 12 semaines sans ribavirine chez les non cirrhotiques et de 24 semaines sans ribavirine chez les cirrhotiques.

Un atout majeur du daclatasvir est son efficacité sur le génotype 3. L’étude de phase III ALLY-3 a montré que les taux de RVS 12 de la combinaison sofosbuvir + daclatasvir pendant 12 semaines étaient de 96 % chez les malades non cirrhotiques [10]. Il s’agit donc aujourd’hui du schéma de référence chez ces malades. En revanche, les résultats étaient très inférieurs chez les malades cirrhotiques, avec un taux de RVS de 63 %. Les données de l’ATU de cohorte française très récemment présentées ont confirmé que la combinaison sofosbuvir + daclatasvir pendant 12 semaines donnaient des résultats insuffisants chez les cirrhotiques (taux de RVS12 de 70 %) [11]. Les résultats étaient supérieurs lorsque la durée du traitement était de 24 semaines, sans différence selon que les malades aient reçu ou non de la ribavirine (RVS12 de 81 % et 86 %, respectivement). Le nombre de malades ayant reçu 12 semaines de traitement avec ribavirine était trop faible dans cette cohorte pour tirer des conclusions. L’étude randomisée ALLY-3+ a testé cette combinaison avec ribavirine pendant 12 ou 16 semaines chez des malades F3 et F4 naïfs ou pré-traités [12]. Chez les cirrhotiques, le taux de RVS12 était globalement de 89 %, sans différence entre les durées de 12 et 16 semaines. Même s’ils doivent être pris avec précaution, ces résultats suggèrent qu’il est possible d’appliquer chez les malades cirrhotiques de génotype 3 la même stratégie qu’avec le génotype 1 : 12 semaines de traitement avec ribavirine ou 24 semaines sans ribavirine. Les dernières recommandations de l’AFEF ont toutefois estimé que le niveau de preuve était insuffisant et n’ont retenu que le schéma 24 semaines sans ribavirine.

Il faut enfin noter que cette combinaison est efficace sur le génotype 2 et peut être utilisée chez les malades ayant une contre-indication à la ribavirine et ne pouvant pas recevoir le schéma de référence sofosbuvir+ribavirine.

Sofosbuvir + Simeprevir

Cette combinaison a été évaluée chez les malades non cirrhotiques de génotype 1 dans l’étude randomisée OPTIMIST-1 qui a comparé les durées de traitement de 12 et 8 semaines [13]. Les taux de RVS étaient de 97 % dans le bras 12 semaine de traitement, sans différence entre les sous types 1a et 1b, et entre les malades naïfs et pré-traités. Les taux de RVS étaient plus faibles dans le bras 8 semaines (85 %). Il s’agit donc d’un schéma efficace lorsque la durée de 12 semaines est utilisée. Les recommandations de l’AFEF ont néanmoins restreint ce schéma aux seuls patients naïfs de génotype 1b. Chez les malades cirrhotiques, l’étude de phase III OPTIMIST-2 utilisant la même combinaison pendant 12 semaines sans ribavirine a montré des taux de RVS de 88 % chez les malades naïfs et 79 % chez les pré-traités [14]. Ces taux sont donc insuffisants pour envisager cette stratégie chez les cirrhotiques.

Paritaprevir/r + Ombitasvir + Dasabuvir

Plusieurs études randomisées de phase III ayant inclus un grand nombre de malades ont évalué cette combinaison qui est efficace pour le génotype 1. Il faut noter que le sous-type viral a une influence sur les résultats. Chez les malades non cirrhotiques, les taux de RVS12 sont pour le génotype 1b de l’ordre de 99 % sans nécessité d’ajouter la ribavirine avec une durée de traitement de 12 semaines [15]. Pour le génotype 1a les taux de RVS étaient dans l’étude PEARL IV de 97 % chez les malades recevant de la ribavirine et de 90 % chez ceux n’en recevant pas [16]. Pour les malades cirrhotiques, l’étude TURQUOISE II a comparé les durées de traitement de 12 et de 24 semaines, tous les malades recevant de la ribavirine [17]. Les taux de RVS étaient de 100 % chez les malades de génotype 1b. Pour le génotype 1a, le taux de RVS était de 93 %, avec un bénéfice en faveur de la durée de 24 semaines chez les malades en échec de bithérapie pegylée. Récemment, l’étude TURQUOISE III a confirmé l’excellente efficacité de cette combinaison chez les cirrhotiques de génotype 1b, avec un nouveau un taux de RVS de 100 % pour une durée de traitement de 12 semaines sans ribavirine [18]. Les recommandations pour cette combinaison sont donc d’utiliser 12 semaines de traitement sans ribavirine chez tous les malades de génotype 1b, 12 semaines avec ribavirine chez ceux de génotype 1a et 24 semaines avec ribavirine chez les cirrhotiques en échec de traitement préalable.

Paritaprevir/r + Ombitasvir

Cette combinaison, issue de la précédente mais simplifiée, est très efficace sur le génotype 4. Les étude de phase III ont montré des taux de RVS de 100 % chez les non cirrhotiques et de 96 % chez les cirrhotiques avec une durée de traitement de 12 semaines en association avec la ribavirine [19, 20].

Gestion des échecs thérapeutiques aux antiviraux directs

Les malades en échec de traitement par bocéprévir ou télaprévir doivent être traités par une combinaison sofosbuvir et inhibiteur de NS5a. La gestion des échecs aux combinaisons actuelles est en revanche plus complexe. Ces échecs sont le plus souvent liés à l’émergence de mutations de résistance. Celles survenant dans la région NS5a ont la particularité de persister dans le temps. Les principes généraux du retraitement consistent à utiliser une combinaison basée sur le sofosbuvir (dont la barrière contre la résistance est très élevée), et à utiliser une ou deux autres molécules comprenant au moins une sans résistance croisée (par exemple sofosbuvir + ledipasvir en cas d’échec à sofosbuvir + simeprevir, ou sofosbuvir + simeprévir ± daclatasvir en cas d’échec à sofosbuvir + ledipasvir). Il faut noter que pour la plupart des mutations les nouveaux inhibiteurs de NS5a à venir (elbasvir, velpatasvir) auront des résistances croisées. Dans tous les cas, ces dossiers doivent être discutés en RCP avec un virologue expert, recherche des mutations de résistance avant le retraitement. Dans la mesure du possible, ces malades doivent être inclus dans des essais cliniques.

Suivi du traitement

Avant de débuter le traitement, la consultation initiale doit s’attacher à recenser précisément les comorbidités et les co-médications. En présence d’une cirrhose décompensée, l’avis d’un centre de transplantation est nécessaire. La présence d’une insuffisance rénale sévère (DFG < 30 ml/min) justifie une prise en charge spécifique en évitant d’utiliser le sofosbuvir dont l’élimination est rénale. En cas d’antécédents de cardiopathie, une consultation de cardiologie est indispensable. Des cas de bradycardie sévères ont en effet été rapportés, en particulier chez des malades cirrhotiques recevant de l’amiodarone qui doit être interrompue au minimum 6 mois avant le début du traitement. Les facteurs de progression de la fibrose (syndrome métabolique, alcool) doivent être recherchés et pris en charge, car leur présence aura un impact pronostique après obtention d’une éradication virale. Des programmes d’éducation thérapeutique peuvent avoir ici une place importante. Les co-médications devront être soigneusement recherchées et les interactions médicamenteuses potentielles systématiquement vérifiées. La présence d’un pharmacien en RCP et l’utilisation de bases de données (http://www.hep-druginteractions.org/) ont une grande utilité. Certaines co-médications jugées banales peuvent avoir un impact négatif sur l’efficacité du traitement. À titre d’exemple, les inhibiteurs de la pompe à protons semblent diminuer l’efficacité de la combinaison sofosbuvir + ledipasvir (le ledipasvir étant absorbé en milieu acide) [7]. Ils doivent soit être interrompus (ce peut être l’occasion de vérifier la pertinence de la prescription), soit s’ils sont indispensables administrés en même temps que le traitement antiviral.

Une fois le traitement débuté, une consultation médicale est nécessaire au minimum toutes les 4 semaines jusqu’à la fin du traitement. Elle a pour but de vérifier la tolérance du traitement, la prise éventuelle de co-médications ayant des interactions médicamenteuses, ainsi que l’observance thérapeutique. Sur le plan biologique un bilan comprenant tests hépatiques, NFS-plaquettes et créatininémie doit systématiquement être fait 4 semaines après le début du traitement, et répété toutes les 4 semaines pendant toute la durée du traitement chez les malades cirrhotiques. Si la ribavirine est utilisée, l’hémogramme devra être contrôlé toutes les 4 semaines. En cas d’anémie (hémoglobine > 10 g/dL) la dose de ribavirine doit être diminuée par paliers de 200 mg. Cette diminution ne semble pas avoir d’impact sur les chances de succès et la durée du traitement ne doit pas être prolongée pour autant. Il n’y a pas d’indication à utiliser l’érythropoïétine. L’efficacité virologique du traitement doit être vérifiée au minimum par la réalisation d’une charge virale à S4 et à la fin du traitement. Le principal intérêt de la charge virale à S4 est de vérifier l’observance thérapeutique. Il faut noter que les cinétiques virales ne sont pas prédictives des chances de succès thérapeutique et ne doivent pas être utilisées pour ajuster la durée du traitement, y compris lorsqu’une durée courte de 8 semaines a été décidée (combinaison sofosbuvir + ledipasvir) [7].

Suivi après traitement

L’éradication virale peut être affirmée par l’absence ARN viral détectable 12 semaines après la fin du traitement. La réalisation d’un contrôle 4 semaines après la fin du traitement est trop précoce car des rechutes (bien que rares) sont possibles entre 4 et 12 semaines post-traitement [21]. Bien que le risque de rechute soit exceptionnel au-delà de la semaine 12 post-traitement (il s’agit alors plutôt de recontamination chez des sujets ayant des conduites à risque), la réalisation d’une dernière recherche de l’ARN du VHC 48 semaines après la fin du traitement reste recommandée. Chez les malades cirrhotiques et chez ceux ayant une fibrose F3 il est néces

saire de poursuivre une surveillance périodique semestrielle échographique pour le dépistage du carcinome hépato-cellulaire (CHC). L’éradication virale s’accompagne en effet d’une réduction du risque de CHC mais celui-ci n’est pas annulé. Le contrôle des tests non-invasifs de fibrose en particulier par Fibroscan® est souvent effectué. Néanmoins, ce contrôle n’est aujourd’hui pas informatif car aucune étude n’a démontré que l’amélioration de l’élasticité du foie post-traitement était réellement associée à une amélioration de la fibrose, et que l’obtention de valeurs en-dessous du seul F3 était associée à une annulation du risque de cancer. La surveillance des varices endoscopiques des varices œsophagiennes peut enfin être espacée (tous les 2 ans si varices de stade I et tous les 3 ans en l’absence de varice d’après les recommandations BAVENO VI [3].

Conclusion

Les progrès majeurs récemment accomplis permettent d’envisager une éradication du VHC chez la plupart des malades avec l’utilisation de traitements antiviraux administrés par voie orale et bien tolérés. De nouvelles molécules pangénotypiques (telles que le velpatasvir) pourraient permettre de simplifier encore les schémas thérapeutiques dans un futur proche. L’accès au traitement pour tous les malades et le dépistage seront des enjeux majeurs pour l’avenir.

Références

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  3. De Franchis R et al. Expanding consensus in portal hypertension: report of the Baveno VI consensus workshop: stratifying risk and individualizig care for portal hypertension. J Hepatol 2015.
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Les Cinq points forts

  1. Les indications de traitement actuelles sont restreintes aux malades ayant une fibrose F2 sévère, F3 et F4, des manifestations extra-hépatiques sévères (cryoglobulinémie et lymphome) ou une co-infection VIH. Elles sont conditionnées par une validation en RCP virologique.
  2. Le stade de fibrose est déterminant pour l’indication de traitement, le choix du schéma thérapeutique et les modalités de surveillance. Lorsqu’il est difficile de trancher entre les scores F3 et F4, les schémas thérapeutiques spécifiques de la cirrhose doivent être appliqués pour le bénéfice du patient.
  3. Lorsqu’un schéma thérapeutique à base de sofosbuvir est utilisé pour un malade ayant un génotype 1, 3, 4 ou 5, la durée du traitement est de 12 (parfois 8) semaines sans ribavirine chez les non cirrhotiques et de 12 semaines avec ribavirine chez les malades cirrhotiques. Si la ribavirine est contre-indiquée, la durée du traitement doit être étendue à 24 semaines.
  4. La durée du traitement antiviral n’est pas influencée par les évènements per-thérapeutiques tels qu’une cinétique de décroissance virale lente ou une réduction des doses de ribavirine
  5. Le dépistage échographique semestriel du carcinome hépato-cellulaire doit être poursuivi après éradication virale chez les malades ayant une fibrose F3 ou F4 quelle que soit l’évolution des tests non invasifs de fibrose