MICI : La boîte à outils du suivi des patients

Objectifs pédagogiques

  • Savoir quand demander et comment interpréter un dosage de CRP et de calprotectine fécale
  • Savoir quand demander et comment interpréter les dosages de médicaments des MICI

Le contrôle optimal de l’activité inflammatoire constitue un enjeu majeur dans les MICI afin de prévenir la rechute et réduire les complications de la maladie ainsi que le risque de chirurgie. Deux marqueurs d’inflammation sont utilisés en routine, l’un systémique, la C- réactive protéine (CRP), l’autre plus récent reflétant l’inflammation intestinale, la calprotectine fécale.

Le suivi régulier de ces 2 marqueurs non invasifs est utile dans les situations suivantes : 1. distinguer une symptomatologie fonctionnelle d’une poussée inflammatoire ; 2. prédire la rechute d’une poussée chez un patient en rémission ; 3. prédire la récidive postopératoire dans la maladie de Crohn ; 4. surveiller la réponse au traitement.

1. Identifier les patients en poussée

La surveillance régulière (tous les 3 mois) de la CRP chez un patient avec une maladie de Crohn en rémission clinique (ou pauci-symptomatique) permet de détecter une maladie mal contrôlée justifiant une intensification ou un changement de traitement. Pour dépister une poussée de MICI, la performance de la calprotectine fécale est supérieure à celle de la CRP et sa corrélation avec la sévérité endoscopique est meilleure pour la calprotectine comparée à celle de la CRP. Un seuil de calprotectine au-dessus de 250 mg/g de selles correspond à des lésions endoscopiques significatives [1].

2. Prédire une rechute

Des données d’une méta-analyse rapportent que le dosage régulier de calprotectine fécale chez un patient en rémission est utile pour prédire le risque de rechute avec une sensibilité de 78 % et une spécificité de 73 % [2]. L’élévation de la calprotectine fécale (au seuil 250 mg/g) annonçant une rechute était plus précoce (autour de 4-6 mois) comparée à celle des taux de CRP (3 mois).

3. Prédire une récidive postopératoire d’une maladie de Crohn opérée

Deux études indépendantes ont rapporté récemment l’intérêt d’une surveillance de la calprotectine fécale en situation postopératoire d’une maladie de Crohn pour distinguer dans l’année postopératoire parmi les patients asymptomatiques, ceux en rémission endoscopique (Rutgeerts i0, i1) de ceux en récidive (> i1). Le seuil retenu de calprotectine dans cette situation postopératoire était de 100 mg/g, seuil au-dessous duquel la valeur prédictive négative de ce marqueur était très bonne (> 93 %) permettant ainsi d’éviter plus d’un tiers d’iléo-coloscopies aux patients [3, 4].

4. Prédire la réponse au traitement

Tandis qu’un taux anormal et répété de CRP peut prédire un risque de perte de réponse sous anti-TNF [5], une normalisation de la calprotectine fécale (seuils ≈ 120 mg/g) en fin d’induction d’un anti-TNF chez des patients en rémission est hautement prédictif d’une rémission prolongée à un an [6]. Dans la colite aiguë grave, l’évolution favorable de la CRP représente un paramètre de réponse au traitement tandis que sa persistance élevée est un ­prédicteur de colectomie.

Les difficultés d’interprétation de la CRP sont doubles : une absence de spécificité et près d’un quart de patients avec maladie de Crohn et une proportion importante de RCH en poussée qui n’élèvent pas leur CRP. L’interprétation de la calprotectine fécale doit prendre en compte l’absence d’autres facteurs d’élévation (infection digestive, cancers digestifs, aspirine, AINS…), la qualité du recueil de selles, et des seuils d’interprétation qui varient selon l’indication du dosage, une variabilité intra- et interindividuelle surtout à des taux élevés et une variabilité en fonction de la méthode de dosage justifiant des mesures à répéter pour confirma­tion si nécessaire et ce dans un même ­laboratoire.

Les dosages des métabolites des immunosuppresseurs thiopurines (azathioprine, 6-mercaptopurine) et des marqueurs pharmacologiques (taux résiduels et anticorps anti-médicaments) des biothérapies anti-TNF sont disponibles.

Dosage des thiopurines  (TPMT, 6-TGN) : Le génotypage de la TPMT permet de dépister les patients mutés homozygotes à très haut risque de myélotoxicité sévère sous azathioprine. Néanmoins, ce dosage n’exclut en rien le risque hématologique lié au traitement et la surveillance régulière de l’hémogramme reste évidemment recommandée. Chez les patients avec une réponse clinique sous azathioprine, le dosage des 6-TGN est inutile. Il permet néanmoins de vérifier, chez le patient en échec primaire sous thiopurines, non seulement l’observance et la possibilité d’optimiser chez certains patients avec des 6-TGN infra-optimaux, la dose de médicament (fenêtre thérapeutique entre 220-450 pmol). Le dosage des 6-TGN se heurte néanmoins à de fortes variations intra-individuelles.

Dosage des anti-TNF : En pratique, les dosages des anti-TNF et leur anticorps sont utiles, à ce jour, dans 2 situations cliniques : la perte de réponse et si l’on envisage une désescalade thérapeutique. De nombreuses études d’association ont montré le lien entre les taux résiduels d’anti-TNF et une meilleure réponse au traitement, une cicatrisation muqueuse et l’intérêt d’un switch intra-classe ou vers une autre classe de biothérapie, voire l’ajout d’un immunosuppresseur en cas de monothérapie chez des patients en perte de réponse. Ces données ont conduit à la proposition d’algorithmes thérapeutiques personnalisés prenant en compte ces marqueurs pharmacologiques en cas d’échappement au traitement et après avoir exclu une autre cause de perte de réponse (complication, intestin irritable…) [7-9]. À partir de ces résultats, le groupe ECCO préconise le dosage des taux résiduels d’anti-TNF et de leurs anticorps en cas de perte de réponse pour guider au mieux pour guider la stratégie d’optimisation et la décision de la meilleure stratégie thérapeutique. Les études d’intervention disponibles, bien que non dénuées de limites, n’ont néanmoins pas démontré formel­lement à ce jour l’intérêt des dosages en cas de perte de réponse sous anti-TNF [10]. La seconde indication des dosages de médicaments anti-TNF est la désescalade thérapeutique qui peut s’envisager chez un patient en rémission prolongée et qui sera associée à une intensification de la surveillance. Ces dosages de médicaments constituent, dans cette situation, une aide à la ­décision.

Références

  1. D’Haens G, Ferrante M, Vermeire S, et al. Fecal calprotectin is a surrogate marker for endoscopic lesions in inflammatory bowel disease. Inflamm Bowel Dis 2012;18:2218-24.
  2. MaoR, Xiao YL, Gao X, et al. Fecal calproetctin in predicting relapse of inflammatory bowel diseases: A meta-analysis of prospective studies. Inflamm Bowel Dis 2012;18:1894-9.
  3. Wright EK, Kamm M, De Cruz P, et al. Measurement of fecal calprotectin improves monitoring and detection of recurrence of Crohn’s disease after surgery. Gastro­enterology 2015;148:938-47.
  4. Boschetti G, Laidet M, Moussata D, et al. Levels of fecal calprotectin are associated with the severity of postoperative endoscopic recurrence in asymptomatic patients with Crohn’s disease. Am J Gastroenterol 2015;110:865-72.
  5. Jürgens M, Mahachie John JM, Cleynen I, et al. Levels of C-reactive protein are associated with response to infliximab therapy in patients with Crohn’s disease. Clin Gastro­enterol Hepatol 2011;9:421-7.
  6. Boschetti G, Garnero P, Moussata D, et al. Accuracies of serum and fecal S100 proteins (calprotectin and calgranulin C) to predict the response to TNF antagonists in patients with Crohn’s disease. Inflamm Bowel Dis 2015;21:331-6.
  7. Ordás I, Feagan BG, Sandborn WJ. Therapeutic drug monitoring of tumor necrosis factor antagonists in inflammatory bowel disease. Clin Gastroenterol Hepatol 2012;10:1079-87.
  8. Roblin X, Rinaudo M, Del Tedesco E, Phelip JM, Genin C, Peyrin-Biroulet L and Paul S. Development of an algorithm incorporating pharmacokinetics of adalimumab in inflammatory bowel diseases. Am J Gastroenterol 2014;109:1250-56.
  9. Yanai H, Lichtenstein L, Assa A et al. Levels of drug and antidrug antibodies are associated with outcome of interventions after loss of response to infliximab or adalimumab. Clin gastroenterol Hepatol 2015;13:522-530.
  10. D’Haens G, Vermeire S, Lambrecht G, Baerty F, Bossuyt P, Nachury M, Buisson A, Bouhnik Y, et al. Drug-concentration versus symptom-driven dose adaptation of infliximab in patients with active Crohn’s disease: a prospective, randomised, multicentre trial (Tailorix). ECCO 2016; CO 62.

Les Quatre points forts

  1. La surveillance régulière (tous les 3 mois) de la CRP chez un patient avec une maladie de Crohn en rémission clinique (ou pauci-symptomatique) permet de détecter une maladie mal contrôlée pouvant justifier une intensification ou un changement de traitement.
  2. La calprotectine fécale est un marqueur de l’inflammation intestinale, plus performant que la CRP. Elle est utile pour distinguer des symptômes d’origine fonctionnelle d’une poussée inflammatoire, prédire une rechute chez un patient en rémission, prédire la récidive endoscopique postopératoire et enfin surveiller la réponse au traitement, notamment aux anti-TNF.
  3. Le dosage des 6-thioguanines (6-TGN) sous traitement de fond par thiopurines peut servir à contrôler l’observance et à adapter la dose en cas d’échec (en intensifiant le traitement pour une cible > 220 pmol/8.108GR) avant un changement vers une biothérapie.
  4. Les dosages des anti-TNF et leur anticorps peuvent être utiles dans 2 situations cliniques : la perte de réponse et la désescalade thérapeutique.

Conflits d’intérêt

MSD, ABBVIE, NORGINE, FERRING, VIFOR PHARMA, NOVARTIS, HOSPIRA, TAKEDA, BMS, JANSSEN