Proctologie en endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les grands principes de l’examen proctologique sous anesthésie générale
  • Préciser l’apport du vidéo‑coloscope dans l’exploration du canal anal
  • Connaître les formes cliniques et les traitements médicaux des principales pathologies en proctologie
  • Connaître les traitements instrumentaux et la petite chirurgie proctologie, réalisable en fin de coloscopie

Conflits d’intéret

ALT ne déclare aucun conflit d’intérêt
AG ne déclare aucun conflit d’intérêt

 

Mots-clés : hémorroïdes, fissure, anale, dysplasies anales, carcinome épidermoïde du canal anal

 

Introduction

Le cadre de la coloscopie sous anesthésie générale offre un abord très favorable à l’examen proctologique et à un certain nombre d’actes techniques simples. L’examen du canal anal doit faire partie de la coloscopie, sa description n’est pas toujours précisée dans les comptes rendus pourtant de nombreuses lésions sont accessibles à la haute définition et au traitement tout en permettant une meilleure acceptabilité pour le patient. Nous allons vous décrire les modalités de cet examen, ses avantages et ses limites.

L’examen proctologique

Le matériel

Le vidéo-coloscope seul permet déjà une exploration précise du canal anal. L’ajout d’un capuchon (type « capuchon de dissection ») permet de stabiliser le coloscope dans le canal anal et d’ouvrir ce dernier. Une lampe sur pied ou l’aide d’une tierce personne tenant le coloscope allumé à distance du patient, permettant un bon éclairage de la marge anale est indispensable. Un anuscope, branché à une source lumineuse, reste utile en complément du coloscope, pour mieux exposer le canal anal et offre un abord pour les gestes thérapeutiques. Enfin, un écarteur (type « écarteur de Parks »), offrira la meilleure exposition et le meilleur abord thérapeutique.

La position

La position du décubitus latéral utilisée pour réaliser la coloscopie permet une exposition satisfaisante de l’anus, à condition de veiller à une bonne flexion des genoux vers l’abdomen et à ce que les fesses du patient soient au bord de la table de bloc. La position gynécologique offre également une très bonne exposition.

L’examen clinique (sous anesthésie générale)

Il se décompose en 3 temps :

  • Le 1er temps est celui de l’exploration de la marge anale, qui nécessite d’écarter les plis radiés de l’anus afin d’observer la forme et la fermeture de l’anus, les hémorroïdes externes, la présence d’une fissure, d’une ulcération, de cicatrices, d’un prolapsus rectal ou hémorroïdaire interne, de condylomes, la distance ano-vulvaire. On s’aide d’une palpation digitale pour rechercher une masse
    évocatrice, par exemple, d’une pathologie néoplasique ou suppurative.
  • Le 2e temps est celui du toucher ano-rectal, qui étudie l’existence d’une sténose anale, d’une masse ou d’une induration du canal anal ou du bas rectum.
  • Le 3e temps est celui de l’exploration visuelle du canal anal, par anuscopie ou à l’aide du vidéo-coloscope. Il permet d’analyser les hémorroïdes internes, les condylomes, la dysplasie anale, les lésions tumorales, les papilles, les ulcérations anales.

Les limites du cadre de l’endoscopie

L’évaluation du stade de prolapsus hémorroïdaire peut être sous-évaluée sous anesthésie générale par l’impossibilité pour le patient de pousser. À l’inverse, l’évaluation de la sévérité de la maladie hémorroïdaire peut aussi être surévaluée du fait de la préparation colique récente, pourvoyeuse de crise fluxionnaire.

L’exploration des pathologies fonctionnelles et douloureuses n’est pas adaptée à un examen sous anesthésie générale du fait de l’impossibilité d’évaluer le tonus de repos, de faire un examen dynamique (contraction, poussée) ou de faire signaler par le patient une zone élective douloureuse.

Pathologies et therapeutiques

Maladie hémorroïdaire [1]

Les manifestations cliniques, aussi fréquentes soient-elles, sont non spécifiques, raison pour laquelle un examen clinique est indispensable. La coloscopie est proposée en cas de rectorragies afin d’éliminer une origine colorectale. L’anesthésie est donc l’occasion d’évaluer la maladie hémorroïdaire et/ou de proposer un premier traitement si les rectorragies sont invalidantes. En cas d’échec du traitement médical qui est toujours proposé en première intention, il peut être utile de recourir à un traitement instrumental.

Au décours de la coloscopie, la ligature élastique est le choix le plus accessible en salle d’endoscopie, par l’utilisation d’un ligateur à usage unique et de l’aspiration. La relaxation du canal anal en rapport avec l’anesthésie générale facilite le geste et le repérage de la ligne pectinée. En cas de mauvaise tolérance de ce traitement, la voie veineuse en place permettra de soulager rapidement le patient.

Thrombose hémorroïdaire externe [1]

Elle peut être déclenchée par la purge et dans ce cas son traitement reste médical, en cas d’échec du traitement ou de persistance d’une thrombose gênante par sa taille, un geste de thrombectomie peut être proposé au décours de la coloscopie. Les indications sont limitées : absence d’œdème, thrombose unique et source d’une gêne.

La thrombectomie aura un effet antalgique et accélérera le processus de cicatrisation mais ne modifiera pas l’histoire naturelle de la maladie. En l’absence de douleur, elle peut se discuter pour prévenir la formation d’une marisque séquellaire disgracieuse bien qu’il y ait toujours un risque de marisque post-opératoire.

Marisque

La marisque est une séquelle de poussée inflammatoire ou de thrombose hémorroïdaire externe. Elle est le plus souvent asymptomatique mais peut être responsable de prurit, d’une gêne esthétique ou de difficultés à l’hygiène intime.

En l’absence de pathologie hémorroïdaire interne associée, si la marisque est symptomatique (ou pour des raisons esthétiques), une exérèse simple est envisageable. La demande esthétique est à pondérer, car le patient doit être prévenu du risque de marisque résiduelle post opératoire, en particulier en cas d’œdème. L’absence d’injection d’un anesthésique local permis par l’anesthésie générale va faciliter la calibration de la taille de résection.

Condylomes anaux et dysplasie anale [2, 3]

Les condylomes anaux sont des lésions cutanées dues aux papillomavirus (HPV). Les condylomes peuvent siéger sur la peau péri-anale et à l’intérieur du canal anal. Certains sérotypes d’HPV ont un potentiel de dégénérescence (HPV 16 et 18 notamment) : survenue de carcinomes épidermoïdes après un passage par des lésions dysplasiques (AIN 1 [bas grade], 2 et 3 [haut grade]). L’histoire naturelle reste cependant mal connue. Ils présentent soit un aspect en relief (condylome acuminé ou « crête de coq »), soit un aspect plan. Ils sont le plus souvent asymptomatiques. Il existe 2 situations principales :

  • Découverte fortuite ou par le patient de condylomes, généralement acuminés.
  • Dépistage de la dysplasie anale dans une population à risque de cancer du canal anal : VIH + (si homosexuel masculin, antécédents de dysplasie du col utérin, antécédent de condylomes ano-génitaux).

L’application d’acide acétique dilué à 3 % permet d’optimiser l’examen (« blanchissement » des lésions). Une lésion ulcérée, bourgeonnante, érythémateuse, maculo-papuleuse ou résistante au traitement est suspecte de néoplasie.

La difficulté réside dans les dysplasies anales dont le diagnostic est difficile à l’œil nu, en raison de leur caractère plan. Leur diagnostic est indispensable chez les patients à risque de cancer du canal anal (3è cause de décès de patients séropositifs). Actuellement, le dépistage se fait par anuscopie simple annuelle suivi en cas de suspicion d’AIN par anuscopie haute résolution. Cet examen qui utilise la technique de la colposcopie est difficile d’accès dans certaines régions et pas toujours bien toléré (position génupectorale, application de colorants irritants et examen long). L’utilisation d’un coloscope ou gastroscope haute définition en bloc d’endoscopie permet d’obtenir un grossissement suffisant de la muqueuse du canal anal, le canal opérateur une application facile au cathéter spray de l’acide acétique puis du lugol, l’ajout d’un capuchon va stabiliser le tube et permettre une exploration minutieuse de l’ensemble du canal anal, cet examen est réalisable sous anesthésie, ce qui permettra un traitement concomitant si nécessaire par électrocoagulation à la pince chaude. Aucune étude pour l’instant n’a comparé l’anuscopie haute résolution à l’exploration haute définition du canal anal, mais cette dernière reste supérieure pour la détection des AIN à l’anuscopie simple. C’est donc une technique amenée à se développer afin de dépister les patients à risque élevé du cancer épidermoïde du canal anal.

Figure 1. AIN 3 : lésion plane jaune moutarde, anuscopie haute définition

Figure 1. AIN 3 : lésion plane jaune moutarde, anuscopie haute définition

Papille hypertrophique

La papille hypertrophique est une pathologie bénigne. Elle peut être secondaire à une fissure anale ou toute autre inflammation d’une papille de la ligne pectinée (après une thrombose, en post-opératoire par exemple). Son caractère induré et sa situation sur la ligne pectinée la rend très inconfortable avec des sensations de corps étranger dans le canal anal ou l’entretien d’une ulcération secondaire. En cas de gros prolapsus hémorroïdaire associé, l’hémorroïdectomie du paquet concerné est le traitement de choix, la résection simple de cette papille exposant au risque de récidive. Mais si la papille est isolée, sa résection est possible à l’anse diathermique à l’aide d’un courant endocoupe et en stabilisant le tube à l’aide d’un cap de mucosectomie pour éviter la brûlure des tissus adjacents. Attention cette technique requiert que le côlon soit purgé, car les fermentations coliques sont inflammables en particulier si vous obturez le canal anal avec le cap. C’est donc une bonne technique en fin de coloscopie. La résection chirurgicale au bistouri électrique après la mise en place d’un écarteur est aussi possible, elle relève plutôt de la chirurgie proctologique.

Figure 2. Condolylome acuminé AIN2 : répartition hétérogène du colorant, anuscopie haute définition

Figure 2. Condolylome acuminé AIN2 : répartition hétérogène du colorant, anuscopie haute définition

Figure 3. Condolyme acuminé AIN2 : réparation hétérogène du colorant, anuscopie haute définition

Figure 3. Condolyme acuminé AIN2 : réparation hétérogène du colorant, anuscopie haute définition

Fissure anale [4]

Elle est responsable de douleurs défécatoires pouvant persister plusieurs heures après la défécation, accompagnées de rectorragies. Au déplissement des plis radiés, on découvre une ulcération en forme de raquette, parallèle aux plis radiés, postérieure (85 % des cas) ou antérieure. L’anesthésie générale lors de la coloscopie lève l’hypertonie anale et en facilite le diagnostic. La fissure anale peut aussi être secondaire à la purge, elle est dans ce cas assez superficielle et répond facilement au traitement médical.

Parfois, c’est la marisque secondaire postérieure qui retient les selles dans le lit de la fissure ce qui conduit à l’échec des traitements médicaux. La résection dans ce cas au bistouri à lame de ce capuchon afin d’obtenir une plaie de drainage est facilement réalisable en fin de coloscopie permettant un soulagement rapide du patient par la cicatrisation de la fissure.

Figure 4. Papille hypertrophique post crise d’hémorroïde

Figure 4. Papille hypertrophique post crise d’hémorroïde

Figure 5. Papille hypertrophique source de fissure

Figure 5. Papille hypertrophique source de fissure

Figure 6. Fissure anale jeune

Figure 6. Fissure anale jeune

Figure 7. Fissure anale cicatrisée

Figure 7. Fissure anale cicatrisée

Tumeurs anales et autres pathologies

Lorsqu’elles sont de petite taille leur diagnostic n’est pas aisé car l’exploration du canal anal par l’endoscope sans cap n’accède pas aux creux des plis radiés, les plis apparaissent de manière très grossis, et la rétrovision rectale, si elle explore bien le bas rectum, ­n’accède pas au canal anal. La rectorragie est une indication fréquente de coloscopie mais aussi un des premiers symptômes des tumeurs du canal anal. La maladie hémorroïdaire touche un patient sur 2 et c’est parfois l’arbre qui cache la forêt. Dans cette indication, il est donc important de compléter la coloscopie par une exploration du canal anal, en ajoutant un cap ou par une anuscopie à l’aide d’un anuscope à usage unique dans lequel vous pouvez poser votre coloscope pour apporter de la lumière et utiliser le grossissement du zoom. Ces tumeurs sont très diverses : le carcinome épidermoïde qui débute le plus souvent sur la ligne pectinée est le plus fréquent, les tumeurs infectieuses (syphillis…) en forte augmentation ces dernières années.

Conclusion

Le cadre de la coloscopie et de l’anesthésie générale est une situation idéale pour l’examen clinique et le traitement de nombreuses pathologies proctologiques : traitements instrumentaux des hémorroïdes, électrocoagulation de condylomes, exérèse de marisque ou de papille hypertrophique, et éventuellement le traitement de fissure. Le dépistage des AIN et la surveillance des AIN3 par l’endoscopie représentent une opportunité d’optimisation de la prévention du carcinome épidermoïde du canal anal dans les populations à risque élevé. Pour le confort du patient et la qualité des soins, ces actes doivent êtres effectués lors de l’anesthésie générale si une coloscopie est indiquée !

Références

  1. Société nationale française de colo-proctologie. Recommandations pour la pratique clinique du traitement de la maladie hémorroïdaire. SNFCP éditions, 5 rue des petits pres 91490 Milly la forêt. 2013 Mai
  2. Scheinfeld N, Lehman DS. An evidence based review of medical and surgical treatments of genital warts. Dermatol Online J. 2006 Mar;12(3):1087-2108.
  3. Lacey CJN, Woodhall SC, Ross J. European guideline for the management of anogenital warts 2012. 3. J Eur Acad Dermatol Venereol  2013 Mar;27(3):263-70
  4. Perry WB, Dykes SL, Buie WD, Rafferty JF; Standards Practice Task Force of the American Society of Colon and Rectal Surgeons. Practice parameters for the managment of anal fissures (3rd revision). Dis Colon Rectum. 2010 Aug;53(8):1110-15