La proctologie à l’UEGW 2013

La proctologie à l’UEGW 2013

David Cuen, Rennes
 
En dehors d’une session symposium sur la prise en charge très générale des grands groupes de pathologies ano-rectales, peu de sessions et de thèmes portant sur la proctologieont été présentés au cours de ces UEGW 2013, en dehors du cancer du rectum, de quelques posters et de la communication orale du Dr Sénéjoux sur les résultats du plug dans la prise en charge des fistules anales de la maladie de Crohn.
 

ÉTUDE PLUG :

Essai multicentrique, ouvert, prospectif, contrôlé, randomisé, en groupes parallèles évaluant l’efficacité et la tolérance de l’obturation par un bouchon de collagène (Surgisis AFP®) dans le traitement des fistules ano-périnéales au cours de la maladie de Crohn.
 
Les fistules ano-périnéales de la maladie de Crohn nécessitent une prise en charge médico-chirurgicale souvent longue et difficile chez ces patients à risque d’incontinence (antécédents de chirurgie anale pour certains, troubles du transit à type de diarrhée et impériosités en rapport avec la maladie de fond), chez qui la préservation sphinctérienne constituel’une des priorités. Il existe aujourd’hui plusieurs types de traitements chirurgicaux d’épargne sphinctérienne, obstruant le trajet fistuleux (à l’aide de matériaux inertes) ou couvrant l’un de ses orifices (orifice interne généralement), toujours réalisés après une première phase de traitement (ou « refroidissement ») par drainage avec sétons de la suppuration ano-périnéale d’une durée variable (souvent de plusieurs mois).
 
Le lambeau rectal d’avancement constitue la technique d’épargne sphinctérienne la plus ancienne et la plus utilisée, et consiste en un recouvrement de l’orifice interne du trajet fistuleux situé dans le canal anal (ou le bas rectum) par un lambeau de la paroi rectale (constitué des muqueuse, sous-muqueuse et musculeuse rectale) préalablement découpé en U puis suturé en regard de l’orifice interne. Bien que largement réalisée, cette technique n’a pour autant fait l’objet d’aucune évaluation dans le cadre spécifique des fistules ano-périnéales de la maladie de Crohn, et son efficacité reste variable selon les séries (entre 40 et 80% de succès (1, 2).
 
Plus récemment, l’utilisation de colle biologique (constituée de fibrinogène humain, de facteur XIII humain et d’aprotinine bovine) a permis le traitement du trajet fistuleux par obstruction puis fibrose de celui-ci, sans risque de section sphinctérienne. Les résultats de l’encollage sont cependant variables dans la littérature. Une étude récente du GETAID retrouvait une rémission complète chez 38% des patients traités par colle, contre 16% dans le groupe contrôle (3) ; tandis qu’une autre étude montrait près de 66% de succès, durable après 6 mois (4). Ce traitement semble néanmoins moins efficace en cas de fistules courtes (< 3,5 cm) et ano ou recto-vaginales.
 
Le plug constitue une nouvelle technique de comblement du trajet fistuleux, et consiste en la mise en place d’un cône de sous-muqueuse de porc lyophilisédans le trajet fistuleux préalablement drainé par séton, générant une réaction inflammatoire locale avec colonisation du plug par des fibroblastes, aboutissant à la fibrose du trajet fistuleux. Si les résultats initiaux étaient encourageants, avec un taux de réussite de 83%(5),des études plus récentes ont montré des résultats plus mitigés avec des taux de succès variant de 20 à 50% (6-8).Enfin, parmi ces études d’évaluation de cette nouvelle technique, aucune ne portait spécifiquement sur des patients porteurs de fistules dans le cadre d’une maladie de Crohn.
 
Pour ces raisons, le groupe GETAID a mené une étude multicentrique, contrôlée et randomisée, comparant le plug contre l’ablation seule du séton, chez 106 patients porteurs de fistule(s) ano-périnéale(s) de Crohn drainée(s) depuis plus de 1 mois.
Cette étude présentée au cours de ces UEGW 2013 confirme les résultats décevants du plug avec des taux de succès (défini par obstruction du trajet fistuleux à 12 semaines sans récidive d’écoulement, douleur ou abcès) de 31,5% (17/54) contre 23,1% (12/52) dans le groupe contrôle. Les résultats en fonction du type de fistule (simple ou complexe) étaient par ailleurs identiques dans les deux groupes (p=0,52).

Références bibliographiques :

  1. Hyman N. Endoanal advancement flap repair for complex anorectal fistulas. Am J Surg. 1999 ;178(4):337-40.
  2. Mizrahi N, Wexner SD, Zmora O, Da Silva G, Efron J, Weiss EG, et al. Endorectal advancement flap: are there predictors of failure? Dis Colon Rectum.2002 ;45(12):1616-21.
  3. Grimaud JC MN, Siproudhis L. Fibrine glue injection for perianal fistulas in Crohn’s disease: a randomized controlled trial. Gut2006.
  4. Adams T, Yang J, Kondylis LA, Kondylis PD. Long-term outlook after successful fibrin glue ablation of cryptoglandular transsphincteric fistula-in-ano. Dis Colon Rectum. 2008 ;51(10):1488-90.
  5. Champagne BJ, O'Connor LM, Ferguson M, Orangio GR, Schertzer ME, Armstrong DN. Efficacy of anal fistula plug in closure of cryptoglandular fistulas: long-term follow-up. Dis Colon Rectum. 2006 ;49(12):1817-21.
  6. Lawes DA, Efron JE, Abbas M, Heppell J, Young-Fadok TM. Early experience with the bioabsorbable anal fistula plug. World J Surg. 2008 ;32(6):1157-9.
  7. Christoforidis D, Etzioni DA, Goldberg SM, Madoff RD, Mellgren A. Treatment of complex anal fistulas with the collagen fistula plug. Dis Colon Rectum. 2008 ;51(10):1482-7.
  8. Thekkinkattil DK, Botterill I, Ambrose NS, Lundby L, Sagar PM, Buntzen S, et al. Efficacy of the anal fistula plug in complex anorectal fistulae. Colorectal Dis. 2009 ;11(6):584-7.

Étude présentée aux UEGW 2013 :

Sénéjoux A, Siproudhis L, Abramowitz L, Munoz-Bongrand N,  Desseaux K, Bouguen G, et al.   Randomized controlled trial comparing seton removal alone or in association with anal fistula plug in fistulising ano-perineal Crohn's disease.
 

DYSPLASIE ANALE

Anuscopie haute résolution :

L’augmentation des incidences du carcinome épidermoïde (CE) et des lésions dysplasiques anales (anal intraepithelial neoplasia ouAIN) induites par le Papillomavirus Humain (HPV) chez les patients infectés par le VIH, malgré l’avènement du traitement par HAART (Highly Active Anti Retroviral Therapy), justifie la mise en place d’un dépistage des lésions dysplasiques de haut grade (AIN 2-3 histologique ou HSIL cytologique) chez ces populations à risque.
Ce dépistage, aujourd’hui développé à partir du modèle du dépistage des lésions cervicales chez la femme, par la réalisation d’une cytologie anale, suivie d’une anuscopie haute résolution (AHR) avec biopsies en cas d’anomalie, permettrait de détecter et de traiter des lésions d’AIN à un stade plus précoce, et pourrait avoir un impact bénéfique sur l’incidence du cancer anal et des AIN chez ces patients à risque.
Cependant, pour de nombreuses raisons, la place de ce dépistage chez ces populations reste débattue et ne fait l’objet d’aucune recommandation internationale. En effet, de larges études sont nécessaires pour définir un modèle de dépistage optimal, fiable, reproductible et standardisé, mais également dans le but d’établir des schémas thérapeutiques adaptés et efficaces en termes de diminution d’incidence et de mortalité par cancer anal.
Bien que la cytologie anale soit aujourd’hui l’examen le plus simple et le plus disponible pour ce dépistage, ses performances diagnostiques restent limitées, et toute anomalie cytologique nécessite confirmation par la réalisation complémentaire d’une AHR avec biopsies multiples. Cependant, si l’AHR représente aujourd’hui  l’examen de référence pour le diagnostic des AIN, sa faible diffusion,  sa difficulté d’apprentissage et l’hétérogénéité de ses résultats dans la littérature (avec des sensibilités variant de 69 à 93%, pour une spécificité entre 32 et 64% (1)) limitent sa validation dans une telle démarche de dépistage.
 
Dans cette ambiance, plusieurs études évaluant les performances de l’AHR ont été présentées sous forme de poster lors des UEGW 2013 :
 
– La première (A), réalisée par l’équipe de Rennes, présentait les résultats de 107 AHR réalisées chez 70 patients infectés par le VIH présentant initialement des anomalies cytologiques. Au cours de ces AHR, des biopsies étaient réalisées systématiquement en zone macroscopiquement pathologiques mais également en zones normales.
Dans cette étude, la sensibilité et la spécificité de l’AHR étaient de 67,9% et 35,7% respectivement pour le diagnostic des lésions d’AIN tous stades confondus, et de 68,7% et 34,7% respectivement pour le diagnostic des lésions de haut grade AIN 2-3.
 
De façon générale, les anomalies macroscopiques étaient associées à des foyers d’AIN dans 61% des cas, et notamment de haut grade AIN 2-3 dans 37,3% des cas. Les zones acidophiles et iodonégatives étaient significativement associées aux lésions d’AIN dans 48,8% et 46,2% des cas respectivement, notamment de haut grade AIN 2-3 dans 26,8% et 28,2% des cas respectivement. Néanmoins, des lésions d’AIN étaient également observées chez la moitié des patients ne présentant pas d’anomalie macroscopique ou de coloration (dont 20% de lésions d’AIN 2-3).
 
– La seconde étude (B) rapportée par l’équipe des Diaconesses, réalisée chez 103 patients (dont 57,3% de VIH positifs) ayant bénéficiés d’un total de 168 AHR avec biopsies,montrait que la présence de lésions macroscopiques de type irrégularités épithéliales, irrégularités vasculaires et lésions planes étaient significativement plus associées aux lésions dysplasiques de haut grade (68,5%, 61,4% et 41,4% respectivement). Par ailleurs, l’association d’anomalies macroscopiques de type irrégularité épithéliale, irrégularité vasculaire et anomalie des colorations vitales (iodonégativité et acidophilie) était prédictive de lésions dysplasiques de haut grade dans 68,6%. Cette valeur prédictive était supérieure à celle retrouvée en cas de simple acidophilie isolée (43,2%) ou en cas d’association entre irrégularité épithéliale et anomalie de coloration (62,2%).
 
Ainsi, l’AHR avec biopsies reste l’examen le plus performant pour le diagnostic des lésions anales intra-épithéliales. Néanmoins, pour être optimale, cette méthode nécessite un apprentissage rigoureux, notamment dans la reconnaissance des lésions macroscopiques élémentaires. En effet, si certaines anomalies macroscopiques sont significativement associées aux foyers dysplasiques, et en particulier de haut grade, leurs associations pourraient être encore plus évocatrices et prédictives de lésions dysplasiques sévères. Toutefois, comme le montre la première étude, la normalité de l’examen  ne permettrait pas d’éliminer la présence de foyers dysplasiques, et il semble nécessaire de réaliser également des biopsies en zones macroscopiquement normales.
 
Histoire naturelle des lésions dysplasiques anales :
 
L’histoire naturelle des AIN est mal connue. En effet, la faible incidence du CE du canal anal et l’absence de mesure de dépistage disponible dans la population générale rendent son analyse en termes d’évolutivité et d’histoire naturelle peu accessible et peu d’études ont été publiées dans cet objectif.
Certains auteurs ont documenté la progression des lésions dysplasiques anales de haut grade AIN 2-3 vers le carcinome anal infiltrant, et il est aujourd’hui bien établi que ces lésions sont les précurseurs du CE du canal anal (2-4). Cependant, les taux et délais de progression des AIN sont encore peu connus, et l’acquisition de telles connaissances nécessite la mise en œuvre d’études épidémiologiques de longues durées.
Quelques données tendent néanmoins à affirmer que l’histoire naturelle des AIN (régression ou progression) serait influencée par l’infection VIH, le potentiel oncogénique de l’infection HPV, la multiplicité des HPV et le statut immunitaire du patient (5).
 
Dans une cohorte de San Francisco, 32% des patients infectés par le VIH indemnes de lésion dysplasique à l’inclusion présentaient des lésions d’AIN 1 à 2 ans, contre 9% chez les patients non infectés. De plus, plus de 50% des patients VIH-positifs présentant des lésions d’AIN 1 à l’inclusion progressaient vers des lésions AIN 2-3 à 2 ans. (6). Dans une autre étude américaine menée chez une population d’homosexuels masculins indemnes de dysplasie et suivis pendant 21 mois, des lésions d’AIN 2-3 étaient apparues chez 15% des patients VIH-positifs, contre 8% des VIH-négatifs (7).
 
Si l’on dispose aujourd’hui de quelques de données relatives à la progression des lésions dysplasiques anale, celles concernant leur régression sont encore plus rares dans la littérature. Néanmoins, il est établi que une fois développées, les lésions de haut grade AIN 2-3 régressent rarement, et ce, même chez les patients immunocompétents ou non infectés par le VIH (8).
Selon une récente étude menée par l’équipe de pelvi-périnéologie du Pr Siproudhis à Rennes (C), et présentée aux UEGW 2013 sous forme de poster, il semble que cette dernière notion ne soit pas tout à fait exact.
Cette étude portant sur une cohorte de 176 patients infectés par le VIH ayant bénéficié d’un dépistage des lésions dysplasiques anales par cytologie et/ou par histologie anale réalisée au cours d’une anuscopie haute résolution, montrait que si près de25,1% des patients indemnes de lésions dysplasiques anales de haut grade à l’inclusion développaient de telles lésions (HSIL ou AIN 2-3) à 18 mois,  ces lésions de haut grade pouvaient également régresser selon les mêmes proportions (25,3% et 17,2% des lésions HSIL et AIN 2-3 respectivement régressaient à 18 mois).
 
Les principaux facteurs associés à la progression des lésions dysplasiques vers des lésions de haut grade étaient la présence de lésions condylomateuses endocanalaires à l’inclusion (p<0,0001), une infection anale multiple par des HPV (>2) (p=0,025), notamment à haut risque de malignité (p=0,01), et en particulier par HPV 16 (p=0,0006).  De façon décevante, aucun facteur n’était significativement associé à la régression dysplasique.
Ces résultats encourageants nécessitent néanmoins d’être validées par des études de larges cohortes de patients VIH suivi prospectivement sur de longs temps de suivi supérieurs à ceux présentés par cette étude (temps moyen de suivi limité à 41 semaines). En effet, une meilleure connaissance de l’histoire naturelle de ces lésions contribuerait à l’établissement d’un programme de dépistage optimal et adapté aux facteurs de risque de progression identifiés.
 

Références bibliographiques :

  1. Chiao EY, Giordano TP, Palefsky JM, Tyring S, El Serag H. Screening HIV-infected individuals for anal cancer precursor lesions: a systematic review. Clin Infect Dis. 2006 ;43(2):223-33.
  2. Kreuter A, Potthoff A, Brockmeyer NH, Gambichler T, Swoboda J, Stucker M, et al. Anal carcinoma in human immunodeficiency virus-positive men: results of a prospective study from Germany. Br J Dermatol. 2010 ;162(6):1269-77
  3. Chin-Hong PV, Palefsky JM. Natural history and clinical management of anal human papillomavirus disease in men and women infected with human immunodeficiency virus. Clin Infect Dis. 2002 ;35(9):1127-34.
  4. Fox PA. Human papillomavirus and anal intraepithelial neoplasia. CurrOpin Infect Dis. 2006 ;19(1):62-6.
  5. Pera M, Sugranes G, Ordi J, Trias M. Association between human papillomavirus infection, premalignant lesions of anal cancer, and the human immunodeficiency virus: prospective study on subjects with condylomataacuminata. Med Clin (Barc). 1999 ;113(1):13-4.
  6. Palefsky JM, Holly EA, Hogeboom CJ, Ralston ML, DaCosta MM, Botts R, et al. Virologic, immunologic, and clinical parameters in the incidence and progression of anal squamous intraepithelial lesions in HIV-positive and HIV-negative homosexual men. J Acquir Immune DeficSyndr Hum Retrovirol. 1998 ;17(4):314-9.
  7. Critchlow CW, Surawicz CM, Holmes KK, Kuypers J, Daling JR, Hawes SE, et al. Prospective study of high grade anal squamous intraepithelial neoplasia in a cohort of homosexual men: influence of HIV infection, immunosuppression and human papillomavirus infection. Aids. 1995 ;9(11):1255-62.
  8.  Palefsky JM, Holly EA, Ralston ML, Jay N, Berry JM, Darragh TM. High incidence of anal high-grade squamous intra-epithelial lesions among HIV-positive and HIV-negative homosexual and bisexual men. Aids. 1998 ;12(5):495-503.
 

Études présentées aux UEGW 2013 :

  1. Siproudhis L, Cuen D, Berkelmans I, Lion A, Wallenhorst T, Marcel K, et al. Screening the anal dysplasia in HIV-positive patients: how efficient is high-resolution anoscopy?
  2. Camus M, Lesage AC, Flejou JF, Atienza P, Etienney I. Wich lesions should be biopsied during HRA ? Prospective descriptive study of simple morphological criteria.
  3. Siproudhis L, Cuen D, Berkelmans I, Lion A, Wallenhorst T, Marcel K, et al. Progress or regress? Natural history of anal dysplasia in HIV-infected patients.

TRANSPLANTATION FECALE :

Bien que décrite pour la première fois en 1958 par Eiseman  et al(1) pour le traitement des colites pseudomembraneuses à Clostridium Difficile, la transplantation fécale (ou bactériothérapie fécale) connait un regain d’intérêt depuis ces dernières années, si bien que cette technique prend la première place des plus intéressantes nouveautés de 2013 selon le Pr JF Colombel.
 
L’appareil digestif humain abrite plus de 300 à 500 espèces de microorganismes avec près de 10¹² bactéries par gramme de selle, constituant ainsi le microbiote intestinal. Celui-ci participe à de nombreux mécanismes tels que la digestion des carbohydrates, le stockage énergétique, les fonctions immunitaires en particulier la lutte contre l’invasion par des agents pathogènes.
 
Les perturbations du microbiote intestinal, en particulier par l’utilisation d’antibiothérapie à large spectre, favorise l’infection à Clostridium Difficile, dont l’incidence ne cesse d’augmenter depuis ces dernières années. Son traitement repose sur la mise en place d’une antibiothérapie par Métronidazole ou Vancomycine, mais il peut être observé près de 35% de récurrence des symptômes  et 65% d’infections récurrentes.
 
L’infusion  d’une suspension liquide de selles constituées de microorganismes intestinaux provenant d’un donneur sain afin de restaurer la flore digestive du patient (apport de Bacteroidetes notamment) constitue une alternative efficace au traitement antibiotique standard.
 
En effet, deux revues systématiques de la littérature récentes montraient que la TF permettait de traiter efficacement près de 90% des patients porteurs d’une infection récurrente à Clostridium difficile(2,3). En 2013, une autre étude retrouvait un taux de guérison de 82% après instillation duodénale d’une solution de selles de donneurs sains, contre 31% après traitement par Vancomycine (4). Ces bons résultats étaient également retrouvés dans une dernière étude portant sur 13 patients atteints de colite à Clostridium Difficile sévère ou compliquée, avec 84% de rémission sans récidive à 90 jours en cas de TF de première intention, voire 92% en cas de traitement préalable par Vancomycine (5).
 
Place de la transplantation fécale dans le traitement des MICI ?
 
De plus en plus de données tendent à démontrer l’influence des perturbations du microbiote intestinal dans la pathogénèse des maladies inflammatoires digestives. Les altérations de sa composition, notamment la réduction de sa diversité avec des déficiences de Bacteroidetes et Firmicutes, seraient en partie responsables de réponses immunes lymphocyte-T dépendantes inappropriées.
 
Face aux excellents résultats dans le cadre des colites à Clostridium Difficile, par la restauration du microbiote intestinal, la TF apporte un nouvel espoir dans le traitement des MICI. Néanmoins, les résultats des différentes études restent mitigés, parfois contradictoires, et il n’existe à l’heure actuelle que peu de preuves de son efficacité dans cette indication.
 
Si une revue de la littérature réalisée par Anderson  et al en 2012 portant sur 24 patients retrouvait de bon résultats, (63% de rémission, 76% de diminution des symptômes digestifs et 76% d’arrêt des traitements après TF) (6), une autre étude de Kump et al parue en 2013 et réalisée chez des patients porteur de RCH modérée à sévère rapportait des résultats décevants après réalisation d’une TF unique (33% de réponse clinique mineure, contre 33% de colectomie, 33% de mise sous Ciclosporine et aucune rémission) (7).
 
En réponse à cette dernière étude décevante, cette même équipe australienne a conduit une nouvelle étude, portant sur une population de patients identique (RCH d’activité modérée à sévère) et dont les résultats préliminaires furent présentés aux UEGW 2013 (8).
 
En proposant un nouveau protocole associant une antibiothérapie préalable à la TF de 10 jours (association de Vancomycine, Paromycine et Nystatine), et la répétition des instillations fécales par recto-sigmoïdoscopie tous les 14 jours (4 TF par patient au total), cette étude rapportait de meilleurs résultats, tant cliniques qu’anatomique, avec un taux de réponse de 54% à 90 jours de la TF (27% de rémission avec score de Mayo ≤2, 27% de rémission partielle avec baisse du score de Mayo d’au moins 3 points, 20% diminution du score de Mayo endoscopique et diminution significative de la corticothérapie systémique de 5 mg en moyenne). Par ailleurs, les effets indésirables se limitaient à des ballonnements et diarrhée rapidement résolutifs dans 20% des cas, sans autre complication chez ces patients immunodéprimés.
 
Enfin une dernière étude présentée au cours de ces UEG W 2013 (9) confirmait une fois de plus l’efficacité de la TF dans le traitement de l’infection par Clostridium Difficile chez 28 patients porteurs de MICI (12 maladies de Crohn et 16 RCH), avec des taux d’éradication de 89,3%,  similaires à ceux rencontrés chez les populations indemnes de MICI, et surtout des taux de rémission clinique de la maladie inflammatoire de 60,7%, parfois prolongée dans 23,5% des cas, sans aucun effet indésirable ou complication, en particulier relative à l’immunodépression.
 
En conclusion, si la transplantation fécale est efficace pour le traitement des infections à Clostridium Difficile, une meilleure connaissance du microbiote intestinal et la réalisation de larges études contrôlées et randomisées d’évaluation de l’efficacité de cette nouvelle méthode dans le traitement des patients porteurs de MICI indemnes d’infection à Clostridium Difficile semble être nécessaire avant validation dans cette indication.
 

Références bibliographiques:

  1. Eiseman B, Silen W, Bascom GS, Kauvar AJ. Fecal enema as an adjunct in the treatment of pseudomembranous enterocolitis. Surgery. 1958 ;44(5):854-9.
  2. Gough E, Shaikh H, Manges AR. Systematic review of intestinal microbiota transplantation (fecal bacteriotherapy) for recurrent Clostridium difficile infection. Clin Infect Dis. 2011 ;53(10):994-1002.
  3. Kassam Z, Lee CH, Yuan Y, Hunt RH. Fecal microbiota transplantation for Clostridium difficile infection: systematic review and meta-analysis. Am J Gastroenterol. 2013 ;108(4):500-8.
  4.  van Nood E, Vrieze A, Nieuwdorp M, Fuentes S, Zoetendal EG, de Vos WM, et al. Duodenal infusion of donor feces for recurrent Clostridium difficile. N Engl J Med. 2013 ;368(5):407-15.
  5. Gallegos-Orozco JF, Paskvan-Gawryletz CD, Gurudu SR, Orenstein R. Successful colonoscopic fecal transplant for severe acute Clostridium difficile pseudomembranous colitis. Rev Gastroenterol Mex. 2012;77(1):40-2.
  6. Anderson JL, Edney RJ, Whelan K. Systematic review: faecal microbiota transplantation in the management of inflammatory bowel disease. Aliment Pharmacol Ther. 2012 ;36(6):503-16.
  7. Kump PK, Grochenig HP, Lackner S, Trajanoski S, Reicht G, Hoffmann KM, et al. Alteration of intestinal dysbiosis by fecal microbiota transplantation does not induce remission in patients with chronic active ulcerative colitis. Inflamm Bowel Dis. 2013 ;19(10):2155-65.

Articles présentés aux UEGW 2013 :

  1. Kump PK, Gröchenig HP, Spindelböck W, Hoffmann M, Gorkiewicz G, Wenzl H, et al. Preliminary clinical results of repeatedly fecal microbiota transplantation (FMT) in chronic active ulcerative colitis.
  2. Borody TJ, Wettstein A, Nowak A, Finlayson S, Leis S. Fecal microbiota transplantation (FMT) eradicates clostridium difficile infection (CDI) in inflammatory bowel disease (IBD).