FMC-HGE UEGW 2012 : « Cancérologie »

Les communications portant sur le diagnostic précoce et le traitement endoscopique des tumeurs superficielles digestives ont été nombreuses lors de ce congrès. La radiofréquence est une technique récente développée en endoscopie pour le traitement des lésions superficielles de l’œsophage. Cette technique consiste à détruire en superficie la muqueuse œsophagienne (jusqu’à la musculaire muqueuse) où siège un endobrachyoesophage (EBO) en délivrant une énergie de 12 J/cm2. La destruction peut être circonférentielle avec un ballon, sur lequel sont fixées des électrodes, et qui est gonflé dans la lumière œsophagienne (HALO 360, BAARx, Covidien) ; ou focale avec une plateforme fixée au bout distal de l’endoscope et appliquée sur la zone à détruire comme un îlot ou une languette d’EBO (système HALO 90). Les séances sont répétées tous les 2 à 3 mois jusqu’à disparition des lésions. Dans la littérature, de nombreux articles ont montré que le taux de réponse complète en termes de destruction de la dysplasie et de la métaplasie intestinale était élevé, de plus de 90%. En France, l’indication de la radiofréquence est un EBO plan avec une dysplasie de haut grade (DHG) SANS lésion nodulaire. Lorsqu’il existe une lésion nodulaire au sein d’un EBO circonférentiel, le traitement combiné consiste à réséquer la zone surélevée par mucosectomie ou dissection sous-muqueuse, afin de connaître avec exactitude l’infiltration en profondeur, et de compléter le geste 2 mois après par une radiofréquence. Phoa et al ont communiqué les résultats d’une étude multicentrique prospective européenne évaluant cette stratégie chez 132 patients avec un EBO circonférentiel compliqués d’une dysplasie de haut garde ou d’un adénocarcinome superficiel (EURO-II) (Phoa – OP072). Aucune complication majeure n’est survenue. L’analyse a montré une excellente efficacité du traitement avec une réponse complète sur la dysplasie dans 96% des cas et sur la métaplasie intestinale dans 93% des cas avec un recul de 9 mois (analyse per protocole). Parmi les 5 patients pour lesquels la réponse complète n’a pas été possible, 1 a été traité par chirurgie complémentaire (pT1sm1G2) et les 4 autres ont eu un traitement endoscopique hors protocole.
Les bons résultats de la radiofréquence sont à nuancer par l’étude de Carausu et al chez 32 patients, qui montre que pour les EBO long (médiane : 7 cm [3-15]), alors que le taux d’éradication de la dysplasie est de 100%, celui de la métaplasie intestinale à 11 mois est moins bon (68,8%) avec un taux de complications important (30%) (Carausu-PO118). Ces complications sont à court terme des douleurs rétrosternale, une fièvre ; ou à long terme une dysphagie avec une sténose chez 8 patients sur 32, toutes traitées par dilatation endoscopique.
Dans l’étude de Van Vilsteren et al, les patients mauvais répondeurs à 3 mois d’une radiofréquence circonférentielle, définis par une régression de l’EBO inférieure à 50%, ont : 1/ un taux de réponse complète en fin d’étude pour la dysplasie et la métaplasie inférieur à celui des bons répondeurs à 3 mois, 2/ plus de séances de radiofréquence et 3/ une période de traitement plus longue (Van Vilsteren-OP071). Les facteurs prédictifs d’une mauvaise réponse à 3 mois sont: la présence d’une métaplasie intestinale sur la cicatrice après résection muqueuse, l’ancienneté de la dysplasie compliquant l’EBO et l’existence d’un rétrécissement œsophagien avant la radiofréquence.

D’autres communications se sont intéressées aux cancers digestifs infiltrant la sous-muqueuse pour lesquels une chirurgie complémentaire est théoriquement indiquée. Le traitement curatif endoscopique, pour les tumeurs de l’œsophage, concerne les lésions limitées à la muqueuse superficielle (pT1m1 et pT1m2), sans envahissement de la musculaire muqueuse, pour lesquels le risque d’envahissement ganglionnaire et nul. Avec le développement récent des techniques endoscopiques, comme la dissection sous-muqueuse (ESD), la taille des lésions réséquées endoscopiquement est de plus en plus grande et le nombre de tumeurs envahissant la sous-muqueuse est plus important. Le suivi après dissection sous-muqueuse de carcinomes épidermoïde superficiels l’œsophage chez 295 patients a fait l’objet d’une communication orale. Le suivi médian est de 64 mois (36-154). La morbidité est faible (une seule perforation retardée soit 0,3%) et la mortalité nulle. La survie spécifique à 3 ans est excellente pour les tumeurs intra-muqueuses (100%), mais aussi pour les tumeurs envahissant la sous-muqueuse, classées sm1 et sm2, traitées par radio-chimiothérapie complémentaire (80 et 100%, respectivement) (Takahashi – OP439).

Concernant les néoplasies colorectales, lorsqu’il existe envahissement de la sous-muqueuse (pT1sm2 : envahissement du tiers moyen), un traitement chirurgical doit être discuté. Trois équipes ont étudié les facteurs de mauvais pronostiques de ces tumeurs. Le but est d’identifier les tumeurs ayant le meilleur pronostic et qui pourraient être simplement surveillées. La présence d’emboles vasculaires sur la pièce d’exérèse est clairement liée à une augmentation du risque d’envahissement ganglionnaire et de rechute ou d’évolution métastatique (respectivement : OR=31,2 et OR=14,6, p<0,05) (Casseras-OP418). La résection incomplète de la tumeur (R1 : marges positives) est liée à une risque d’envahissement ganglionnaire plus important (Saito-OP419). Une étude Japonaise sur 480 patients opérés pour une tumeur colique ou rectale avec envahissement de la sous-muqueuse a montré que la présence de facteurs comme l’aspect bourgeonnant de la tumeur, l’existence d’emboles vasculaires et le caractère peu différentié est liée à un risque d’envahissement ganglionnaire plus important (15,4%) par rapport à l’absence de ces critères (1,4%). Lorsqu’aucun des critères n’est présent et malgré un envahissement de la sous-muqueuse, les auteurs proposent une simple surveillance endoscopique (Miyachi-OP417).

L’association entre obésité et cancer a souvent été abordée lors de ce congrès. IL est bien établi que le risque de cancer digestif est augmenté chez les patients obèses (cancer du foie OR=1,9, œsophage OR=1,5 à 2,9, du colon OR=1,4). Les mécanismes impliqués dans cette augmentation du risque de cancer sont nombreux : l’existence d’une inflammation chronique (libération d’adipocytokines), la sécrétion de métabolismes toxiques (lactates) en réponse à l’excès d’apport de nutriments, les changements hormonaux compensatoires (insuline et œstrogènes)… Il est important de mieux comprendre l’association entre obésité et lésions précancéreuse pour mieux identifier les patients à risque élevé. Une étude a ainsi analysé le lien entre Indice de Masse Corporel (IMC) et adénomes coliques avancés (taille supérieure à 1 cm, ou présence d'un contingent villeux, ou présence de lésion de dysplasie de haut grade ou de carcinome in situ) (Singhal-OP096). Les patients obèses (BMI entre 30 et 40) ont dans cette étude un taux de détection des adénomes coliques avancés supérieur à ceux des patients non obèses (BMI<25) ou en simple surpoids (BMI entre 25 et 30) (respectivement 20%, 14% et 14%, p<0,05). De plus, ce taux est plus élevé pour les hommes obèses ou en surpoids. D’autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats et pour adapter le rythme de la surveillance coloscopique chez les patients obèses.

 

Gabriel Rahmi, Service d’hépato-gastro-entérologie et endoscopie digestive, HEGP, Paris