FMC-HGE UEGW 2012 : « Troubles fonctionnels »

Troubles moteurs œsophagiens

Les patients âgés et neurologiques ont fréquemment des troubles de la déglutition responsables d’une dénutrition. Un travail mené sur 119 patients hospitalisés pour AVC (63 patients), maladie neurovégétative (15 patients), et âge avancé (41 patients) a montré qu’un screening basé sur un interrogatoire dédié et la réponse clinique à l’ingestion de liquides de viscosité variable permettait un diagnostic aussi performant que l’étude de la déglutition par radio cinéma. Ce screening permettrait ainsi d’améliorer leur prise en en charge nutritionnelle (Rofes OP076).

Une équipe brésilienne avait déjà étudié l’efficacité de la neurostimulation du  sphincter inferieur de l’œsophage (système EndoStim implanté par cœlioscopie) chez 19 patients souffrant d’un RGO avec réponse partielle aux IPP. Ce travail montrait une augmentation de la pression de repos du SIO, une diminution de l'exposition acide de l’œsophage distal et une amélioration des symptômes de RGO. Le travail post-hoc a cette fois porté sur l’évaluation au niveau de l’œsophage proximal. Elle concernait 7 des 19 patients. Avec 12 mois de recul, la pHmétrie notait cette fois une normalisation de l’exposition acide chez ces 7 patients. Cela se faisait sans effet indésirable notable et notamment sans dysphagie, éructations bloquées ni diarrhée. Elle pourrait être une alternative thérapeutique à la chirurgie anti reflux (Rodriguez OP080).

Reflux gastro-œsophagien

Les patients avec RGO rapportent parfois une diminution de la perception du goût attribuée à une altération des papilles par le reflux. Une équipe transalpine a mené une étude originale comparant 32 patients reflueurs et 20 sujets « sains ». Tous les patients avaient un test standardisé chimique pour évaluer leur capacité identifier le sucré, le salé, l’amer et l’acide avec, pour chacun d'entre eux, un score d’intensité de chaque goût (échelle visuelle).

Les patients ayant un RGO avaient une modification de la perception du goût significativement plus élevée que les sujets sains (22 vs 13 %). Ceci était significativement plus fréquent chez les femmes. Les patients avec un RGO avaient cependant une meilleure perception du goût acide et une moindre pour le salé. Ceci laisserait supposer une sensibilisation de certains récepteurs pour le goût acide (Verlezza OP 120).

La chirurgie anti reflux par fundo-plicature permet de diminuer rapidement le nombre de relaxations transitoires du SIO (RTSIO) et de réduire la distensibilité de la jonction œsogastrique, contrôlant ainsi le RGO. Pour savoir si ces effets persistaient dans le long terme une équipe néerlandaise a comparé 18 patients opérés par fundo-plicature 7 ans auparavant et 10 patients traités médicalement pour un RGO. L’évaluation se faisait par manométrie haute résolution et pH-impédancemétrie pendant 90 minutes ; la distensibilité de la jonction œsogastrique était évaluée à l'aide d'un ballon dilatateur gonflé de 20 à 50 ml.

Les patients opérés avaient moins de reflux (1 vs 13 reflux, p<0,001) et moins de RTSIO (6 contre 13, p<0,001). que les patients traités médicalement. Les RTSIO étaient plus souvent associés à un reflux acide chez les patients non opérés comparativement aux patients opérés. La distensibilité de la jonction œsogastrique était significativement moins importante après chirurgie que chez les patients non opérés.

Au total, plus de 5 ans après la chirurgie anti reflux, les patients avaient toujours moins de reflux acides avec moins de RTSIO et une moindre distensibilité de la jonction œsogastrique comparé aux patients traités médicalement pour un RGO. Ces données suggèrent que les effets de la fundo-plicature sur la jonction de gastrique persistent à long terme et pourraient expliquer le contrôle du RGO. Sur le plan physiopathologique, les reflux surviennent surtout lors des RTSIO qui restent le mécanisme le plus important de récidive, plus de cinq ans après la chirurgie (Kessing OP122).

Ce travail montre le rôle et l’efficacité de la chirurgie anti reflux dans le contrôle du RGO à long terme. Il est dommage que l’évaluation fonctionnelle se soit limitée à une étude de 90 minutes plutôt que 24 heures et qu’il ne soit pas précisé s’il s’agissait de reflux symptomatiques ou pas.

Symposium: Modern medical and chirurgical management of difficult GORD

Il est rappelé dans la démarche diagnostique du reflux gastro œsophagien résistant l’importance la pHmétrie associée à l’impédancemétrie des 24 heures pour différencier les différents types de reflux (Sifrim IP049). Ces explorations fonctionnelles doivent se faire sans puis avec IPP afin de préciser le type de reflux (acide ou non acides, fonctionnel) et d’optimiser ainsi le traitement (Tutuian IP 049).

La prise en charge des manifestations extra digestives (toux, asthme) du reflux gastro-œsophagien reste difficile (Zerbib IP050). La pharyngite postérieure ne doit plus faire évoquer un RGO, cette constatation étant fréquente lors d’un examen ORL chez un patient asymptomatique. Il faut toujours tenir compte dans la démarche diagnostique de la présence ou non de manifestations typiques de RGO. La gastroscopie doit être réalisée de façon systématique. En fonction du résultat, une pHmétrie (+/-impédancemétrie) des 24 heures sera réalisée d’abord sans IPP puis en fonction des cas sous IPP.

En l’absence de symptômes typiques de RGO, le traitement empirique par IPP ne doit plus être fait, son efficacité étant égale à celle du placebo (30 %).

Les patients avec manifestations extra digestives de RGO à type de toux pouvant bénéficier d'une chirurgie anti reflux seraient ceux résistants à un traitement par IPP optimal avec une pH/impédancemétrie des 24 heures sous traitement positif.

La manométrie œsophagienne reste incontournable avant toute chirurgie anti-reflux afin d’éliminer un trouble moteur qui serait aggravé par la chirurgie. Les patients candidats sont ceux restants symptomatiques (reflux acide ou non acide) avec une pHmétrie avec impédancemétrie des 24 heures positive sous IPP. L’intervention souvent réalisée sous cœlioscopie est préférable dans un centre expert pour limiter au maximum les complications (Attwood IP 051). Le RGO étant une maladie fonctionnelle (et donc bénigne), Lundell (IP 052) a rappelé que les indications de la chirurgie devaient être réfléchies, les complications pouvant être graves. En effet à côté du classique gas-bloating et de la dysphagie (souvent transitoire ou simplement traitée par dilatation endoscopique) le risque majeur était l’ascension intra-thoracique du montage anti-reflux. Les signes d’appel sont alors des douleurs rétro sternales spontanées ou lors de l’alimentation, associée à une dysphagie. Ils imposent une reprise chirurgicale rapide.

Symposium: Assessment and treatment of motility disorders: medical and surgical issues

Le radio cinéma reste un examen incontournable dans l’analyse des troubles de la déglutition (Clave IP063). Il permet de différencier les phénomènes d’inhalation, aspiration et pénétration respectivement en rapport avec les maladies neurologiques dégénératives, l’âge avancé et les accidents vasculaires cérébraux. Cet examen oriente ainsi la prise en charge thérapeutique, différente en fonction de l’étiologie (Rééducation, injection de toxine botulique, antidépresseurs, chirurgie)

Tutuian (IP063) a rappelé l’intérêt de la manométrie haute résolution dans la prise en charge des troubles moteurs de l’œsophage. Grace aux 36 capteurs que comporte la sonde, l’analyse de chaque déglutition se fait du pharynx à la jonction œsogastrique, permettant une nouvelle approche séméiologique. La classification de Chicago permet une meilleure compréhension des troubles moteurs et optimise ainsi leur prise en charge thérapeutique.

Dans la prise en charge des troubles moteurs de l’estomac P. Ducrotté (IP065) a insisté sur la gastroparésie dont la cause principale reste le diabète. Si le diagnostic positif se fait classiquement par la mesure d’évacuation gastrique d’un repas par scintigraphie avec double marquage des solides et liquides, une option, plus simple, reste le cliché d’abdomen sans préparation à intervalles réguliers (H0, H2, H4 et H6) après ingestion de marqueurs radio opaques. La persistance de marqueurs à la 6ème heure traduisant une gastroparésie. La prise en charge thérapeutique implique le contrôle glycémique et les règles hygiéno-diététiques (fractionnement des repas, réduction des apports en lipides, mastication efficace). Les agents pharmacologiques restent décevants avec une efficacité inconstante notamment sur le long terme : dompéridone peu efficace, prucalopride inefficace, érythromycine surtout efficace en intraveineux (mais avec phénomène de tachyphylaxie et interactions médicamenteuses pouvant induire des troubles cardiaques). La neurostimulation gastrique montre des résultats encourageants, du moins dans les études ouvertes. La solution chirurgicale reste l’exception.

Symposium : Management of enterocutaneous fistula

La prise en charge des fistules entéro cutanées dans la maladie de Crohn doit être rigoureuse du fait de sa morbidité et de sa mortalité. Un mot à retenir : SNAP! Prise en charge du Sepsis et des lésions cutanées (Skin), apports Nutritionnels et hydro électrolytiques optimaux, évaluation Anatomique de la fistule (par IRM) et Planification de la réparation chirurgicale à distance (au moins 6 mois et au mieux un an)

Les fistules survenant surtout après une résection chirurgicale il est conseillé de privilégier les centres experts, éviter les anastomoses manuelles et les interventions trop longues (+ 180 mn) avec déperditions sanguines supérieures à 300 ml (Gabe et Hahnloser).

Symposium: Functional GI disorders: from children to adults

L’épidémiologie du syndrome de l’intestin irritable reste difficile à évaluer du fait de l’hétérogénéité des critères retenus en fonctions des zones géographiques. Il y n’a aucune donnée en Amérique centrale, et peu en Amérique du sud, Afrique, Asie du sud et Australie. La prévalence globale est de 11%.
Concernant la constipation une méta analyse en 2011 a retenu une prévalence globale de 14% (la plus faible en Asie du sud-est, 11% et la plus élevée en Amérique du sud, 18%), augmentant avec l’âge, plus fréquente chez la femme (OR : 2,2) et dans les milieux socio-économiques défavorisés (à l’inverse du SII pour ce point).
Le passage d’un trouble fonctionnel (œsophagien, gastrique, intestinal) à un autre est la règle plutôt que l’exception chez un patient donné. Dans 1/3 des cas on observe une résolution spontanée des symptômes, dans 1/3 des cas une stabilité de leur intensité et dans 1/3 des cas une modification des symptômes. Ceci expliquerait la difficulté à classer les patients avec les critères de Rome III (Talley IP095).

Concernant les troubles fonctionnels gastro-intestinaux chez l’enfant et l’adulte, Staiano (IP096) rappelle que les enfants dyspeptiques ont un plus grand risque à l’adolescence et l’âge adulte de développer une anxiété et une dépression avec une altération de la qualité de vie. De même, les enfants dont les parents ont des troubles fonctionnels digestifs, une anxiété, une dépression et une tendance à la somatisation ont plus de risque de développer des troubles fonctionnels gastro-intestinaux. Le risque est 3,5 fois plus important s’il s’agit de la mère.
Les signes d’alerte de l’origine organique de la dyspepsie chez l’enfant sont les douleurs nocturnes, calmées par anti acides et l’ingestion d’aliments. Il existe une relation entre un BMI élevé et la constipation chez l’enfant comme chez l’adulte.

Les douleurs abdominales récurrentes de l’enfant persistent chez 20 à 30 % des patients. Ils développent alors plus souvent des phénomènes de somatisation, d’anxiété et de compulsion obsessionnelle (Benninga IP097). Une gastroscopie normale ne rassure pas l’enfant qui continue à ressentir les douleurs.
Leur prise en charge repose sur l’hypnose et l’attitude des parents vis à vis de l’enfant : il faut éviter la multiplication des consultations et accepter la part psychologique et sociale des troubles. Les régimes, probiotiques ou autres agents pharmacologiques sont peu efficaces.

 

 Thierry Higuero (Beausoleil / Monaco)