« PET-scan » : quelles indications ?

Aspects généraux de la technique

La tomographie d’émission à positron (TEP ou " PET-scan" pour les anglo-saxons) est une technique d’imagerie fonctionnelle qui possède un important potentiel diagnostique et dont le développement est incontournable dans les années à venir en cancérologie. Actuellement, elle utilise en clinique courante un seul traceur, le18-fluoro-2-désoxyglucose (18FDG). Celui-ci est un analogue du glucose et s’accumule dans les cellules dont le métabolisme est augmenté sous forme de 18-fluoro-2-désoxyglucose-6-phosphate. Cette accumulation se retrouve dans les cellules malignes d’un bon nombre de cancers et est en relation directe avec leur potentiel évolutif. On l’observe également sur les processus cicatriciels, inflammatoires, infectieux ainsi qu’au niveau des muscles striés ou lisses lorsqu’ils sont soumis à des efforts ou à des contractures et elles peuvent être à l’origine de faux positifs. En revanche, cette accumulation est un apport très important aux images anatomiques qui ne permettent pas toujours de trancher en particulier au niveau des adénopathies entre atteinte métastatique et hypertrophie réactionnelle. En effet, l’augmentation de la taille d’un ganglion ne signifie pas forcément sa nature métastatique. Par ailleurs, une taille normale n’est pas synonyme d’absence d’atteinte secondaire. L’avenir de l’imagerie en cancérologie apparaît aujourd’hui pleinement orientée vers l’imagerie multimodalité associant la tomographie d’émission à positron aux méthodes anatomiques d’imagerie (TDM,IRM) [13]. Cette démarche diagnostique en imagerie médicale permettra d’obtenir l’optimum de la sensibilité et de la spécificité en ce qui concerne les bilans d’extension corps entier des pathologies malignes, de permettre la différenciation dans un certain nombre de cas entre une pathologie maligne ou bénigne, de différencier les récidives de la maladie des phénomènes cicatriciels de manière précoce et d’obtenir des renseignements précis sur l’efficacité des traitements proposés (radiothérapie, chimiothérapie…) (Fig. 1). Aux bilans d’extension plus précis qu’offre la méthode, il faut ajouter la possibilité d’une chirurgie avec détection per-opératoire du tissu néoplasique à l’aide de 18FDG qui devrait dans un certain nombre de cas, permettre une meilleure curabilité de la maladie.

Aujourd’hui les industriels de l’imagerie ont parfaitement compris cette évolution et vont proposer autour de chacune des technologies de la tomographie d’émission, la possibilité d’une imagerie multimodalité avec la TDM.

Le matériel de détection est en pleine évolution. Classiquement, on oppose les caméras à scintillation adaptées pour la détection des positrons par coïncidence (caméras TEDC) aux appareils dits " dédiés " qui sont de deux types : les " Ring-PET " composés pour l’un des modèles de 576 détecteurs de germanate de bismuth (BGO) répartis sur 32 anneaux et les appareils type " QUEST " construits à partir de six cristaux de NaI.

Le matériel dédié ne peut faire que de la détection de coïncidence, possède une meilleure sensibilité et permet de réaliser la quantification des fixations. Le matériel TEDC peut être utilisé pour toute la médecine nucléaire classique, il possède une sensibilité moindre et ne permet pas de quantification des fixations. La différence de coût peut varier selon les modèles choisis par un facteur de 2 à 4. S’il apparaît évident de tendre vers des équipements " dédiés " en particulier pour des raisons de sensibilité et pour quantifier les fixations, les caméras TEDC ne sont pas sans intérêt et peuvent même être un excellent compromis pour démarrer cette technique au sein d’un hôpital. En effet, dans une étude [21] portant sur 70 patients tous porteurs d’une pathologie maligne, l’équipe de F. FAZIO de l’Université de Milan a pu mettre en évidence 122 lésions hyper métaboliques avec une TEP dédiée de type " Ring-PET " contre 103 lésions hyper métaboliques avec une caméra TEDC. Il ne constate aucune différence au niveau de la tête et du cou pour des lésions de taille comprise entre 5,7 et 31 mm. Au niveau thoracique, 10 lésions ont été trouvées au " Ring-PET " et non retrouvées avec la caméra TEDC : il s’agit d’une métastase osseuse de taille indéterminée et de neuf lésions (1 nodule pulmonaire isolé, 2 nodules du sein, 5 ganglions médiastinaux et 1 ganglion axillaire) toutes de taille inférieure ou égale à 10 mm. Au niveau de l’abdomen et du pelvis, 9 lésions n’ont pas été retrouvées par la caméra TEDC : il s’agit de 5 ganglions lombo-aortiques de taille 10-14 mm, d’une métastase hépatique de 18 mm et de 3 métastases osseuses de taille indéterminée. La sensibilité relative des caméras TEDC par rapport au " Ring-PET " apparaît être dans cet article de 100 % au niveau de la tête et du cou, de 85 % au niveau du thorax et de 80 % au niveau de l’abdomen et du pelvis. Toujours dans cette étude, sur les 70 patients étudiés, on note une différence de stadification chez 4 patients (5,7 %) : une patiente présentant un cancer du sein avec 2 nodules de 6 et 8 mm, un patient avec une métastase hépatique de 18 mm d’un mélanome, un patient avec un lymphome et un patient avec un nodule pulmonaire isolé de 10 mm.

L’association TEP-TDM est retrouvée au niveau des trois technologies:
– TEDC-TDM avec l’Hawkeye de Général Electric
– QUEST-TDM avec le Positrace de Général Electric-SMV
– Ring-PET-TDM avec le Biograph de Siemens.

Les indications du " PET-scan " en hépato-gastro-entérologie

Les principales utilisations de la TEP en gastroentérologie [1, 2, 4, 8, 10, 15-17, 22, 23] sont d’une part la mise en évidence de récidives précoces des cancers colo-rectaux devant une augmentation débutante de l’ACE ou la suspicion d’une récidive locale qui n’a pas fait sa preuve avec les moyens diagnostiques traditionnels, d’autre part les bilans avant hépatectomie afin de vérifier s’il n’existe pas de localisation extra-hépatique qui serait une contre-indication à la chirurgie. L’intérêt dans le premier cas est la mise en évidence d’une récidive souvent locale et extra-luminale accessible à la chirurgie et qu’il convient de prouver au sein d’un tissu fibreux cicatriciel. Dans le deuxième cas, la TEP apparaissant plus sensible et plus spécifique que la TDM pour la détection des métastases hépatiques (sensibilité 100 % versus 87 %, spécificité 98 % versus 91 %) mais surtout pour les lésions extra hépatiques (ganglions mésentériques ou lombo-aortiques, métastases pulmonaires). Ainsi, selon les auteurs, la TEP pourrait éviter entre 25 et 40 % d’interventions chirurgicales de ce type. Une méta-analyse [14] réalisée avec des critères médico-économiques très stricts a montré que la prise en charge des cancers colorectaux a été modifiée dans 29 % des cas par la TEP.

Si l’AMM du 18FDG a été donnée en France et en gastro-entérologie pour rechercher les récidives des cancers colo-rectaux, la TEP se révèle très intéressante dans un certain nombre d’autres pathologies malignes digestives.

Dans les cancers de l’œsophage et de l’estomac [9, 16, 20, 24], plusieurs études comparatives entre la tomodensitométrie et la TEP ont été réalisées. Il semble que les deux techniques aient des performances sensiblement équivalentes avec peut-être une sensibilité un peu meilleure de la TEP quant à la détection des tumeurs primitives, des ganglions péri-œsophagiens et péri-gastriques et des métastases hépatiques et à distance. Dans l’étude de la résécabilité des tumeurs, l’association des deux techniques permet d’arriver à une exactitude diagnostique de 92 % ce qui aurait diminuer la chirurgie de 90 %.

Dans les tumeurs primitives du foie ou carcinomes hépato-cellulaires [5, 7, 19, 26, 28-30], la sensibilité de la PET est très médiocre (55 %) par rapport à la tomodensitométrie (90 %). La fixation tissulaire du 18FDG semble cependant être en relation avec le degré de différenciation de la tumeur, avec le degré d’expression de la p53 et le taux d’AFP. Pour certains auteurs, associée à la TDM, la TEP pourrait avoir une utilité dans le pronostic de la maladie. En revanche, elle n’a aucun intérêt dans le diagnostic différentiel des lésions focales du foie chez les patients atteints d’hépatite chronique C.

La TEP est par ailleurs une excellente technique dans le diagnostic des masses pancréatiques [3, 6, 11, 12, 15, 16, 18, 25, 31]. En dehors des pancréatites aiguës qui fixent le 18FDG, la possibilité de différencier pancréatite chronique et adénocarcinome pancréatique est plus fiable en TEP qu’en TDM avec des sensibilités et des spécificités respectivement de 92 % et 85 % versus 65 % et 61 %. La TEP permet également d’identifier avec plus de précision les métastases à distance. En revanche, la mise en évidence des tumeurs neuro-endocrines est souvent médiocre et l’utilisation d’analogues de la somatostatine est préférable pour la détection de ce type de tumeurs.

En annexe et à titre d’illustration, sept cas cliniques (Fig. 2 à 8) sont rapportés avec les images de 18FDG obtenues avec une caméra TEDC au CHU de Limoges.

Conclusion

La TEP apparaît aujourd’hui comme une technique incontournable en cancérologie. Associée aux autres modalités d’imagerie, elle permettra des bilans très précis dans la stadification initiale et les récurrences d’un grand nombre d’affections malignes. Elle permettra probablement, comme le montre un certain nombre de publications américaines, des économies substantielles obtenues essentiellement en évitant des chirurgies inutiles. En cas de chirurgie possible, on pourra utiliser des sondes per-opératoires dans le but d’obtenir une exérèse complète. L’importance de la fixation du 18FDG étant directement liée à l’évolutivité des lésions, la TEP apparaît également comme un excellent moyen de contrôle de l’efficacité d’une chimiothérapie et ceci dès la première ou deuxième cure [27].

 

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