Agents anti TNF-alpha dans le traitement des MICI

Introduction

Le récent développement des thérapeutiques issues de la biotechnologie a le potentiel, à terme, de modifier radicalement le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Au cours des dernières années, la recherche thérapeutique a été fortement stimulée par les progrès faits dans la compréhension de l’immunopathologie des MICI et par les informations apportées par les souches murines invalidées (knock out) pour un gène déterminé. Ces connaissances relayées par l’essor de la biotechnologie ont permis l’apparition de nouveaux médicaments caractérisés par une action sélective sur l’inflammation et l’immunité, utilisés dans les MICI et dans d’autres maladies inflammatoires chroniques, la polyarthrite rhumatoïde notamment : anticorps monoclonaux humanisés, oligonucléotides anti-sens, cytokines immunomodulatrices recombinantes humaines, récepteurs solubles. Les agents anti-TNF-a constituent la première de ces nouvelles thérapeutiques.

TNF-a et diverses classes d’agents anti-TNF-a

»  Le TNF-a

Le TNF-a est une cytokine pro-inflammatoire produite par les macrophages et à un moindre degré par les lymphocytes T [1]. Son gène est situé sur le chromosome 6, au voisinage du complexe majeur d’histocompatibilité. Sa transcription est activée par le NFkB (Nuclear Factor kappa B). Le TNF-a est synthétisé sous la forme d’un propeptide (26-kilodaltons) inséré dans la membrane cellulaire et dont le clivage par une métalloprotéinase [2] libère un peptide TNF-a (17-kilodaltons) qui s’agrège en complexes tri-moléculaires [1]; il quitte ensuite la cellule vers les sites effecteurs où il se fixe grâce à deux récepteurs transmembranaires (p55 et p75). La régulation de la production et des fonctions du TNF-a est complexe et fait intervenir de nombreux agents modulateurs dont certaines cytokines, telles l’IL-4, IL-6, IL-10, IL-11, IL-13, le TGF (Transforming Growth Factor) qui inhibent la production de TNF-a et le NFk>B qui l’active. Chacun de ces agents peut avoir un intérêt dans le traitement des maladies inflammatoires. Dans ce qui suit, nous nous limiterons aux agents anti-TNF-a déjà utilisés dans les MICI humaines.

Le TNF-a est impliqué dans de nombreuses pathologies chroniques telles l’autoimmunité, la réaction du greffon contre l’hôte, les maladies inflammatoires intestinales et rhumatologiques ainsi que la cachexie du cancer et le SIDA.

Le TNF-a joue un rôle central dans le développement de l’inflammation. Sa production est accrue dans les MICI : des macrophages isolés de la lamina propria en muqueuse pathologique en synthétisent en excès [3], fait corroboré par l’augmentation des taux muqueux du mARN de cette cytokine, montrée par les techniques de PCR, d’hybridation in situ et de culture d’organe [4]. Il exerce son activité pro-inflammatoire sur la muqueuse intestinale par de nombreux mécanismes, résumés dans le tableau I. En outre, il est pyrogène et induit la résorption osseuse.

» Les différentes classes d’anti-TNF-a (tableau II)

Anticorps monoclonaux. Deux anticorps monoclonaux anti-TNF-a ont été expérimentés dans la maladie de Crohn (MC) à ce jour : (a) le premier est un anticorps chimérique (murin et humain), dénommé infliximab (commercialisé sous le nom de Rémicade®, produit par Centocor et distribué en Europe par Sherring-Plough. Il est constitué du domaine variable d’une immunoglobuline de souris (porteur de l’activité anticorps) et du fragment constant d’une IgG1 humaine (Figure 1) : ces deux constituants représentent respectivement 25 et 75% de la molécule d’infliximab. Sa demi-vie est de 10 à 14 jours et, après une injection unique, on détecte sa présence dans le sérum pendant 8 à 12 semaines. (b) le second anticorps monoclonal chimérique, fabriqué par Celltech et dénommé CDP571, est humain à 95% et murin à 5%. La fraction d’origine murine se limite aux régions de complémentarité responsable de la fixation de l’antigène, le reste de la molécule provenant d’une IgG4 humaine.

Autres agents biologiques anti-TNF-a. L’étanercept (produit par Immunex sous le nom d’Enbrel®) est constitué de récepteurs solubles p75 du TNF-a liés, en une protéine de fusion, au fragment Fc d’une IgG1 humaine. Les récepteurs solubles entrent en compétition avec les récepteurs cellulaires et diminuent les effets du TNF-a. Surtout testé en rhumatologie, son évaluation dans les MICI en est à ses débuts [5]. Enfin, on a récemment fait les premiers pas vers l’élaboration d’un vaccin anti-TNF-a.

Agents anti-TNF-a non biologiques. Présumés réduire la synthèse du TNF-a, ils comportent (a) les anti-métallo-protéinases qui inhibent le clivage du propeptide précurseur de la cytokine telle la pentoxifylline. (b) Le thalidomide réduit l’expression du TNF-a au moins in vitro, en déstabilisant son ARN messager. En outre, il a une activité inhibitrice sur les lymphocytes auxiliaires qui participent au processus inflammatoire, diminue l’expression de l’interleukine 12, freine l’action des intégrines, diminue la migration leucocytaire et inhibe l’angiogénèse, tous effets potentiellement intéressants pour le traitement de MICI.

Les essais thérapeutiques contrôlés ont surtout concerné l’infliximab et plus récemment le CDP751 dans la maladie de Crohn.

Anticorps monoclonaux anti-TNF-a dans les MICI

»  L’infliximab®

L’infliximab® a récemment obtenu l’AMM en France pour : (a) les formes actives sévères de MC, après échec des corticoïdes et/ou des immunosuppresseurs : une injection (5 mg/kg) est autorisée; (b) les formes fistulisées de MC, "ne répondant pas au traitement conventionnel approprié et bien conduit" : 3 injections (5 mg/kg) sont préconisées à J0, 2 et 6 semaines. (c) Un "retraitement" est autorisé en cas de rechute symptomatique, s’il est effectué dans les 14 semaines suivant le premier cycle de traitement.

Le produit se présente dans un flacon contenant 100 mg d’infliximab®, sous forme d’un lyophilisat qui doit être reconstitué avec du sérum physiologique. La perfusion dure environ 2 heures (parfois plus, en cas de réaction d’intolérance). Elle doit être réalisée en milieu hospitalier, disposant d’un matériel de réanimation, en présence d’un médecin spécialisé dans le traitement de la maladie. Une surveillance pendant la perfusion et au décours (2 heures) est nécessaire.

Efficacité thérapeutique

L’infliximab a été testé dans des formes actives et sévères de MC et des formes compliquées de fistules. Sa capacité à maintenir la rémission qu’il avait induite a aussi été évaluée.

Maladie de Crohn active, sévère, réfractaire

Après deux études ouvertes encourageantes [6, 7], un premier essai thérapeutique contrôlé contre placebo [8] a été conduit dans des formes "réfractaires" de MC – le caractère réfractaire étant défini de façon assez large comme une absence d’amélioration malgré un traitement par 5-ASA, corticoïdes ou azathioprine. L’infliximab, utilisé aux posologies de 5 à 20 mg/kg en une seule perfusion, a permis d’obtenir 4 semaines plus tard une rémission clinique complète (Crohn’s disease activity index –CDAI- < 150) chez 33% des malades contre 4% dans le groupe placebo (p = 0,005). Il n’y a pas d’effet dose-réponse, les résultats ayant tendance à être meilleurs avec la dose de 5 mg/kg (Fig. 2 et 3). Une amélioration symptomatique modeste (baisse du CDAI > 70 points) a été observée dans 65% des cas avec l’infliximab®, contre 17% avec le placebo (p < 0,001). L’effet du traitement se manifeste dès la 2e semaine. En cas de résistance à une première dose d’infliximab®, l’administration d’une seconde dose donnera encore 12% de réponses. Une troisième dose n’est pas indiquée en cas de résistance confirmée. Des résultats favorables de l’infliximab® ont aussi été rapportés de façon préliminaire dans les formes réfractaires de MC de l’enfant [9].

L’évolution des lésions endoscopiques de 30 patients de l’essai précédent (dont 8 dans le groupe placebo) a été évaluée [10] à l’inclusion et 4 semaines après la perfusion d’infliximab®, en utilisant le CDEIS élaboré par le GETAID [11]. Une amélioration significative fut notée dans le groupe traité (5,3± 4,4 à la 4e semaine vs 13,0 ± 7,1 à l’inclusion) et non avec le placebo (8,4± 6,3 vs – 7,5 ± 5,4); améliorations, endoscopique et clinique (CDAI) étaient bien corrélées. La proportion de rémissions endoscopiques n’est pas donnée. L’amélioration histologique fut également très significative dans le groupe traité, avec diminution marquée des signes d’inflammation aiguë ou chronique, mais persistance des remaniements architecturaux. Les auteurs insistent sur la rapidité et l’importance de l’amélioration morphologique, jusqu’alors jamais rapportée, même avec les corticoïdes.

Maintien de la rémission induite par l’infliximab®

Ceci a fait l’objet d’un deuxième essai [12] prolongeant le précédent. Les patients qui avaient "répondu" au traitement (baisse d’au moins 70 points du CDAI, 4 semaines après une injection d’infliximab® ou de placebo) entrèrent dans une étude de re-traitement. Les 73 patients inclus furent randomisés, 8 semaines après la dernière injection du protocole précédent, un bras recevant 4 injections d’infliximab® (10 mg/kg), l’autre bras 4 injections de placebo, une toutes les 8 semaines. A l’inclusion, 74% des malades étaient en situation de "réponse" et 38% de rémission complète (RC : CDAI < 150). L’évaluation fut faite à la 44e semaine, soit 8 semaines après la dernière injection.

Seuls 67% des malades ont reçu les 4 injections prévues, du fait de l’échec du traitement (12 dans le groupe placebo et 4 avec l’infliximab®) ou d’effets indésirables (6 dans le groupe infliximab®). Globalement, 62% des malades sous infliximab® et 37% de ceux sous placebo (p = 0,16) ont maintenu la réponse clinique. Un résultat plus favorable à l’infliximab® fut observé en termes de rémissions cliniques : à la 44e semaine, 52,9% des malades retraités par infliximab étaient en rémission clinique contre 20% sous placebo (p = 0,013). Le résultat tendait à être meilleur chez les patients recevant de l’azathioprine/6-MP (75% de réponses à la semaine 44 vs 50% en l’absence de ce traitement).

Maladie de Crohn compliquéede fistules

Le troisième essai a porté sur des malades souffrant d’une MC compliquée de fistules [13]. Il constitue le premier travail d’envergure sur le traitement de cette situation. L’essai a inclus 94 patients qui présentaient une ou des fistules anopérinéales (n = 85; 90%) ou entérocutanées (n = 9) depuis au moins 3 mois. Les patients reçurent 3 injections de placebo ou d’infliximab® (5 ou 10 mg/kg) à 0, 2 et 6 semaines, chronologie dont la logique n’apparaît pas clairement. Les drains furent enlevés à l’inclusion. Une diminution d’au moins 50% du nombre de fistules actives (notées à 2 visites successives) fut observée dans 68, 56 et 26% des cas respectivement avec les doses de 5 et 10 mg/kg d’infliximab® et le placebo (p = 0,002). Les taux de fermeture complète furent de 55%, 38% et 13% respectivement (p = 0,001). Le temps médian d’apparition de l’effet du traitement a été de 14 jours (extrêmes : 14 à 42 jours). La durée médiane de la réponse (temps durant lequel les fistules sont restées fermées) a été d’environ 3 mois (extrêmes : 57 à 113 jours). L’analyse de sous groupe indique un bénéfice plus marqué chez les hommes, en cas de fistule unique et en l’absence de traitement par azathioprine ou 6-MP. Cette étude démontre donc un effet rapide (mais bref) de l’infliximab® dans les fistules de MC dans près d’un cas sur deux. Il reste à trouver un traitement permettant de maintenir ce résultat.

Divers

On sait encore peu de l’effet de l’infliximab® sur les manifestations extradigestives des MICI. Des expériences préliminaires ont montré de bons résultats dans les arthrites périphériques, le rhumatisme axial, et le pyoderma gangrenosum (D’Haens, communication personnelle). Un effet favorable a été rapporté chez 7 malades ayant révélé une MC active ou fistulisante après anastomose iléoanale pour "RCH" [14]. On ignore si l’administration d’infliximab® pourrait avoir un intérêt (ou des risques) en période péri-opératoire en cas de MC très active afin de réduire le risque de récidive précoce. On a rapporté un effet positif dans 2 cas de MC périnéale, métastatique, après proctectomie.

Effets secondaires

Nous traiterons ici des effets secondaires de l’infliximab® (tableau III), quelle que soit la maladie pour laquelle il a été prescrit (polyarthrite rhumatoïde et MC essentiellement).

Réactions d’intolérance. Les intolérances à l’infliximab® sont bien exposées dans une revue récente [15]. Elles surviennent au cours des perfusions (16% vs 10% avec le placebo), obligeant rarement à interrompre le traitement, mais incitant à ralentir les perfusions ou à adjoindre un antihistaminique. Deux tiers de ces réactions sont légères et non spécifiques (céphalées, nausées, douleurs abdominales, flushes); 20% intéressaient les sphères cardiovasculaires et respiratoires; un prurit ou un urticaire furent rapporté dans 15% des cas. Enfin, 2% des intolérances appartenaient à deux des catégories décrites. L’incidence de ces réactions semble avoir été réduite depuis l’utilisation de lyophilisats.

Infections. On a rapporté une fréquence un peu accrue d’infections, notamment respiratoires; il faut noter que la présence d’une infection évolutive (notamment d’un abcès lié à la MC) constitue une contre-indication à l’utilisation d’infliximab®. Des cas de tuberculose ont été récemment observés après traitement par l’infliximab®, incitant à dépister cette infection dans les mois suivant le traitement.

Sténoses intestinales. Plusieurs cas d’occlusion intestinale ont été rapportés sous infliximab® [16]. Sur une série récente de 10 cas dont 4 avaient une sténose déjà connue, tous les malades durent être opérés 5 semaines en moyenne après la perfusion. L’obstruction siégeait sur une anastomose iléocolique, l’intestin grêle, le côlon et une stomie dans 3, 5, 1 et 1 cas respectivement. Ces faits doivent rendre prudent dans la prescription d’infliximab® chez des malades ayant une sténose intestinale.

Immunogénicité. L’apparition d’anticorps humains antichimère (HACA pour Human Anti Chimæric Antibodies) fut notée chez 13% des malades traités pour MC et jusqu’à 50% de ceux traités pour polyarthrite rhumatoïde. L’incidence des HACA était moindre en cas de traitement concomitant par des immunosuppresseurs (azathioprine, 6-mercaptopurine ou méthotrexate). La présence d’HACA sériques est sans conséquence apparente sur la tolérance et le maintien de l’efficacité au cours des essais. Il faut toutefois signaler que des réactions d’hypersensibilité tardive (comportant des signes de maladie sérique), associés à une forte élévation des HACAs, ont été observées dans près de 25% des cas au cours de la polyarthrite rhumatoïde, à l’occasion de retraitements effectués plusieurs années après une première injection. Cette observation conduit à déconseiller l’utilisation d’infliximab® chez les patients déjà traités par ce produit depuis plus de 14 semaines, ce qui pourrait constituer une limitation sérieuse dans la pratique. L’utilisation d’une couverture par des corticoïdes intraveineux pendant la perfusion d’infliximab serait peut-être utile.

Apparition d’anticorps anti-DNA double brin. Elle a été notée chez 9% des malades traités pour MC et pour polyarthrite rhumatoïde, persistant dans 3% des cas, avec deux observations de syndromes lupiques (une dans la MC, l’autre dans la polyarthrite rhumatoïde). Les symptômes des deux malades disparurent sous corticoïdes (Centocor).

Lymphome. Six des 771 malades traités par infliximab® au cours des essais thérapeutiques ont développé un lymphome (Tableau IV); un cas supplémentaire a été observé après mise du médicament sur le marché [17]. Ils avaient tous reçu des immunosuppresseurs avant ou au moment de l’administration d’infliximab®. L’un d’entre eux n’avait reçu qu’une seule injection d’infliximab®. Depuis un peu plus d’un an, plus de 20 000 malades ont été traités par l’infliximab® pour une MC : on ignore actuellement si de nouveaux cas d’hémopathie sont survenus. L’imputabilité de ces lymphomes à l’infliximab® n’est pas établie.

» Le CDP571

Cet anticorps monoclonal a fait récemment l’objet de 2 essais thérapeutiques contrôlés dans la MC, publiés sous forme de résumés [18, 19]. Le premier [18] concerne 169 malades souffrant de MC modérément à sévèrement active (CDAI compris entre 220 et 450). Les auteurs ont testé 2 doses de CDP571 (10 et 20 mg/kg) administrées à intervalles différents (semaines 0, 8 et 16, ou semaines 0 et 12). A la deuxième semaine, la proportion de patients améliorés (diminution du CDAI de 70 points ou plus) fut de 27, 54 et 37% dans les groupes ayant reçu respectivement le placebo, les doses de 10 (p = 0.005) et de 20 mg/kg (p = 0.256) de CDP571. Le taux de rémission n’est pas donné. Le meilleur intervalle entre perfusion de l’anticorps semble être de 12 semaines. Le second essai testant le CDP571 concerne 71 malades souffrant d’une MC chronique active, cortico-dépendante [19] avec comme critère de jugement principal le sevrage en stéroïdes et la non-survenue d’une poussée (CDAI > 220). L’anticorps (ou le placebo) a été administré à la dose de 20 mg/kg à la semaine 0 puis à 10 mg/kg à la semaine 8. La dose de corticoïdes a été progressivement réduite à zéro. A la semaine 40, 17/39 (43.6%) et 7/32 (21.9%) des malades ayant reçu le CDP571 et le placebo respectivement, n’avaient pas eu de poussée (p = 0.049). La moitié des malades ayant des fistules eurent une réponse favorable sous CDP571 contre 15% dans le groupe placebo.

Rectocolite hémorragique

Un seul essai, aux résultats décevants, a été mené à bien [20]; d’autres sont en cours.

Les effets indésirables du CDP571sont encore mal connus. La plus forte humanisation de l’anticorps laisse présager une moindre immunogénicité et une meilleure tolérance. Dans les essais contrôlés récents [18, 19], la fréquence des réactions pendant la perfusion n’étaient pas supérieure à celle observée sous placebo. Des anticorps anti-chimère furent trouvés chez 2,6 à 9% des malades. Des anticorps anti DNA double brin furent notés dans environ 7% des cas.

Autres agents anti-TNF-a

Les anti-métallo-protéinases, peu étudiées, n’ont pas fait preuve d’efficacité dans les MICI : un essai de l’une d’elles, la pentoxifylline dans la MC a été négatif [21]. Le thalidomide, connu pour son efficacité dans le traitement des aphtes, a donné des résultats intéressants dans deux études pilote sur des malades ayant une MC chronique active ou compliquée de fistules à des posologies allant de 50 à 300 mg/j [22, 23]. Dans notre expérience préliminaire, il semble utile pour prolonger les rémissions induites par l’infliximab. Toutefois, sa tératogénicité et le risque de neuropathie périphérique en limitent l’usage. Des analogues du thalidomide, inhibant la production de TNF-a ont une plus forte activité et une moindre toxicité, donc un potentiel thérapeutique dans les MICI [1].

Conclusion

Au total, l’infliximab constitue une thérapeutique efficace et bien tolérée à court terme dans ses deux principales indications que sont les MC compliquées de fistules et réfractaires. Dans ce dernier cas, il doit permettre d’attendre le début de l’action des immunosuppresseurs classiques (azathioprine/6-mercaptopurine ou méthotrexate) en réduisant les besoins en stéroïdes. Son effet étant rapide, parfois spectaculaire, une autre indication, hors-AMM, pourrait être les poussées de MICI en cas de contre-indication des corticoïdes. Malgré l’immense effort de marketing mis en œuvre avant comme après son lancement, l’infliximab n’est cependant pas la drogue miracle attendue pour la MC. Son efficacité n’intéresse que 50% des malades, probable rançon de la grande spécificité de sa cible; ceci suggère une hétérogénéité des malades quant au rôle joué par le TNF-a dans les mécanismes de la MC. Autre inconvénient majeur : la brièveté des rémissions et améliorations induites. En outre, la fréquence du développement de forts taux d’HACA en cas de ré-utilisation tardive rend le traitement d’entretien par l’infliximab difficile. Enfin, il reste beaucoup à apprendre sur les effets secondaires à long terme de l’infliximab et l’éventuelle responsabilité du produit dans le développement de lymphomes doit être éclaircie.

Son prix est certes élevé : 4 580 FF pour une ampoule de 100 mg de Rémicade soit 41 000 FF pour le traitement d’un patient ayant une fistule. Toutefois, une évaluation globale du coût d’un traitement par l’infliximab® doit aussi prendre en compte le coût des thérapeutiques classiques, notamment de la chirurgie ainsi que l’économie engendrée par la brièveté des hospitalisations : il est fort possible qu’il se révèle moins cher que ne le suggère le coût unitaire du produit.

Enfin, il est clair que l’infliximab® et le CDP571 ne constituent que les premiers d’une série de médicaments dérivés de la biotechnologie et destinés aux maladies inflammatoires : de nombreuses autres molécules ont déjà été testées dans ces affections (interleukine-10, et 11, anti molécules d’adhésion, protéine de fusion anti-récepteurs du TNF-a). L’irruption de ces molécules coûteuses constitue une percée dans le traitement de nombreuses maladies inflammatoires (dont les MICI) : il est urgent que les pouvoirs publics fournissent les crédits nécessaires à ces thérapeutiques modernes.

 

RÉFÉRENCES

  • 1. -KONSTANTINOS AP, TARGAN SR. – Tumor necrosis factor : biology and therapeutic inhibitors Gastroenterology 2000; 119 : 1148-1157.
  • 2. -BLACK RA, RAUCH CT, KOZLOSKY CJ, et al. – A metalloproteinase disintegrin that releases tumor-necrosis factor-a. Nature 1997; 385 : 729-33.
  • 3. -REIMUND JM, WITTERSHEIM C, DUMONT S, MULLER CD, BAUMANN R, POINDRON P et al. – Mucosal inflammatory cytokine production by intestinal biopsies in patients with ulcerative colitis and Crohn’s disease. J Clin Immunol 1996; 16 : 144-50.
  • 4. -MacDONALD TT, MONTELEONE G, PENDER SL. – Recent developments in the immunology of inflammatory bowel disease. Scand J Immunol 2000; 51 : 2-9.
  • 5. D’HAENS G, SWIJSEN C, NOMAN M, LEMMENS L, GEBOES K, RUTGEERTS P. – Etanercept (TNF receptor fusion protein, Enbrel) is effective and well tolerated in active refractory Crohn’s disease : results of a single center pilot trial. Gastroenterology 2000; 118 : A3600.
  • 6. -VAN DULLEMEN HM, VAN DEVENTER SJH, HOMMES DW, BIJL HA, JANSEN J, TYTGAT GN et al. – Treatment of Crohn’s disease with anti-tumor necrosis factor chimeric monoclonal antibody. Gastroenterology 1995; 109 : 129-35.
  • 7. -VAN DEVENTER S, TARGAN SR, RUTGEERTS P, HANAUER SB et al. – A multicenter trial of cA2 anti-TNF chimeric monoclonal antibody in patients with active CD. Gastroenterology 1996; 110 : A962.
  • 8. -TARGAN SR, RUTGEERTS P, HANAUER SB, SANDER JH, VAN DEVENTER SJH, MAYER L et al. – A multicenter trial of anti-tumor necrosis factor antibody (cA2) for treatment of patients with active Crohn’s disease. N Engl J Med 1997; 337 : 1029-35.
  • 9. -KUGATHASAN S, WERLIN SL, MARTINEZ A, RIVERA MT, HEIKENEN JB, BINION DG. – Prolonged duration of response to infliximab in early but not late pediatric Crohn’s disease. Am J Gastroenterol 2000; 95 : 3189-94.
  • 10. -D’HAENS G, VAN DEVENTER S, VAN HOGEZAND R et al. – Endoscopic and histologic healing with infliximab anti-tumor necrosis factor antibodies in Crohn’s disease : a european multicenter trial. Gastroenterology 1999; 116 : 1029-34.
  • 11. -Groupe d’études thérapeutiques des affections inflammatoires du tube digestif (GETAID) presented by Mary JY and Modigliani R. – Development and validation of an endoscopic index of the severity for Crohn’s disease : a prospective multicentre study. Gut 1989; 30 : 983-9.
  • 12. -RUTGEERTS P, D’HAENS G, TARGAN S, VASILIAUSKAS E, HANAUER SB, PRESENT DH et al. – Efficacy and safety of retreatment with anti-tumor necrosis factor antibody (Infliximab) to maintain remission in Crohn’s disease. Gastroenterology 1999; 117 : 761-9.
  • 13. -PRESENT DH, RUTGEERTS P, TARGAN S, HANAUER SB, MAYER L, VAN HOZEGAND RA et al. – Infliximab for the treatment of fistulas in patients with Crohn’s disease. New Engl J Med 1999; 340 : 1398-405.
  • 14. -RICART E, PANACCIONE R, LOFTUS EV, TREMAINE WJ, SANDBORN WJ. – Successful management of Crohn’s disease of the ileoanal pouch with infliximab. Gastroenterology 1999; 117 : 429-32.
  • 15. -BELL SJ, KAMM. MA. – Review article : the clinical role of anti-TNFa antibody treatment in Crohn’s disease. Aliment Pharmacol Ther 2000; 501-14.
  • 16. -TOY L, SCHERL E, KORNBLUTH A, MARION J, GREENSTEIN A, AGUS, S GERSON C et al. – Complete bowel obstruction following initial response to infliximab therapy for Crohn’s disease : a series of a newly described complication. Gastroenterology 2000; 118 : A2974.
  • 17. -BICKSTON SJ, LICHTENSTEIN GR, ARSENEAU KO et al. – The relationship between infliximab treatment and lymphoma in Crohn’s disease. Gastroenterology 1999; 117 : 1433-7.
  • 18. -SANDBORN WJ, TARGAN SR, HANAUER SB, PRESENT DH, SUTHERLAND LR, KAMM MA et al. – Randomized controlled trial of CDP571, a humanized antibody to TNF-a in moderately to severely active Crohn’s disease. Gastroenterology 2000; 118 : A3598.
  • 19. -FEAGAN BG, WILLIAM J. SANDBORN WJ, J. P. BAKER JP, F. COMINELLI F, SUTHERLAND LR et al. – A randomized, double-blind, placebo-controlled, multi-center trial of the engineered human antibody to TNF (CDP571) for steroid sparing and maintenance of remission in patients with steroid-dependent Crohn’s disease. Gastroenterology 2000; 118 : A3599.
  • 20. -EVANS RC, CLARKE L, HEATH P, MORRIS AI, RHODES JM. – Treatment of ulcerative colitis with an engineered human anti-TNFalpha antibody CDP571. Aliment Pharmacol Ther. 1997; 11 : 1031-5.
  • 21. -BAUDITZ J, HAEMLING J, ORTNER M, LOCHS H, RAEDLER A, SCHREIBER S. – Treatment with tumour necrosis factor inhibitor oxpentifylline does not improve corticosteroid dependent chronic active Crohn’s disease. Gut 1997; 40 : 470-474.
  • 22. -VASILIAUSKAS EA, KAM LY, ABREU-MARTIN MT, HASSARD PV, PAPADAKIS KA, YANG H et al. – An open-label pilot study of low-dose thalidomide in chronically active, steroid-dependent Crohn’s disease. Gastroenterology 1999; 117 : 1278-1287
  • 23. -EHRENPREIS ED, KANE SV, COHEN LB, COHEN RD, HANAUER SB. – Thalidomide therapy for patients with refractory Crohn’s disease : an open-label trial. Gastroenterology 1999; 117 : 1271-1277.