Macro-chromo-endoscopie

La macro-chromo-endoscopie est utilisée pour améliorer la sensibilité de l’examen endoscopique standard. Sa méthodologie est variable selon l’organe et le colorant utilisé. Les vidéo-endoscopes à haute définition s’associent à cette technique classique et ouvrent une voie nouvelle et pleine d’espoir à l’endoscopie diagnostique et thérapeutique.

Dysplasie et cancer précoce de l’œsophage: intérêt du Lugol

Malgré la fréquence de la gastroscopie, le diagnostic de cancer superficiel de l’œsophage reste rare en Europe. Le « National Cancer Center » de Tokyo retrouve 42% de cancers au stade T1 alors qu’il est seulement de 4% des cancers de l’œsophage en France.

L’examen doit débuter par une analyse rigoureuse de l’œsophage avec un vidéo-endoscope pour repérer les zones fixées, déprimées, légèrement surélevées ou de couleur anormale. Une coloration prend alors sa place avant la biopsie.

Cette chromo-endoscopie a plusieurs buts :

– diagnostic des lésions non visualisées par l’endoscopie standard,

– confirmation du caractère malin d’une lésion,

– matérialisation des berges de la lésion avant mucosectomie,

– mise en évidence des lésions multifocales.

Si l’utilisation du bleu de Toluïdine se heurte à de multiples problèmes pratiques, le LUGOL à 2% est d’utilisation courante. Il se fixe sur l’épithélium œsophagien normal, non kératinisé, riche en glycogène. Il ne colore pas la muqueuse glandulaire, les érosions et inflammations, la dysplasie et le cancer.

Pour Tanikawa [1], la coloration au Lugol retrouve sur 255 alcooliques, 55 patients avec lésions non colorées dont 10% avec cancer œsophagien superficiel relevant ainsi une relation directe avec la prise d’alcool. Massard [2], souligne l’intérêt du Lugol dans le dépistage des lésions multifocales mais note l’absence d’impact sur la stratégie chirurgicale. Meyer [3], insiste sur le peu d’intérêt de la coloration au Lugol après une observation minutieuse en vidéo-endoscopie dans le dépistage de ce type de cancer superficiel.

Il est difficile à la lecture des différentes études prospectives publiées de recommander une détection systématique chez les sujets alcooliques et tabagiques. En revanche, il est nécessaire de faire un bilan minutieux incluant systématiquement une coloration au Lugol chez les patients porteurs d’un cancer tête et cou.

Chromoendoscopieet endobrachyœsophage (EBO)

Le Lugol trouve essentiellement son intérêt dans la détermination de la limite supérieure de l’EBO (segment court < 3 cm, segment long > 3 cm) et des localisations aberrantes Fenerty [4].

L’indigo carmin de 0,1 à 0,4% n’est pas absorbé. Il permet de détailler les anomalies de reliefs, les irrégularités d’un cancer, aide à faire apparaître l’aspect villeux de la métaplasie intestinale et oriente les biopsies. Stevens [5] insiste sur l’association Lugol-indigo carmin en complément de la vidéoscopie zoom.

Le bleu de méthylène, après lavage de la zone à étudier par N-acétylcystéine (Mucomist® dilué à 50%), permet après deux minutes de biopsier les zones bleues.

La coloration marque la métaplasie intestinale, point de départ privilégié des cancers et permet donc de mieux cibler les biopsies [6-7].

Chromo-endoscopie du côlon

L’indigo carmin associé au cresyl violet est le colorant de référence.

L’endoscopie classique a ses limites pour visualiser certaines lésions. Ainsi, Rex [8] rapporte l’absence de mise en évidence de 24 à 27% de polypes < 6 mm,13% de polypes < 6 à 9 mm et 6% de polypes > 9 mm. Muto [9] souligne la fréquence des lésions planes au Japon : 39% selon Kudo. Ces chiffres sont retrouvés par Rubio, en Suède, et Fujii, en Angleterre.

Axelrad [10] en associant l’indigo carmin à l’endoscopie zoom différencie les polypes hyperplasiques des adénomes avec une sensibilité de 93% et une spécificité de 95%. Brooker, après une étude sur 102 patients, insiste sur l’intérêt de coloration du côlon par secteur. Le japonais Fujii s’étonne du peu d’intérêt dans les pays occidentaux pour les anomalies de relief « fat ou depressed » ainsi que pour les modifications de coloration de la muqueuse. Cet auteur préconise l’utilisation en routine de l’indigo carmin pour dépister les adénomes plans après réduction de la motricité de l’intestin. Après injection de 20 mm d’indigo carmin à 0,2%, la surface et les limites de la lésion sont nettes.

Cette coloration permet également d’étudier certains aspects de la surface et particulièrement les  » crypt patterns  » initialement décrits par Kudo. Fujii, à partir de 5085 lésions a modifié la classification de Kudo en trois grades :

– les types I et II  » Crypt patterns  » caractérisent les polypes non néoplasiques (85%),

– les types III et IV, les polypes adénomateux et carcinomes intra-muqueux (93%),

– le type V correspond très largement aux carcinomes invasifs (98%).

Conclusion

On retiendra :

Deux colorants essentiels : LUGOL et INDIGO CARMIN.

La nécessité d’un programme de dépistage des cancers superficiels de l’œsophage chez les porteurs de lésions tête et cou.

L’incertitude actuelle de l’intérêt des colorants dans la surveillance de l’EBO.

L’avenir de l’endoscopie à haute définition dans le dépistage du traitement des lésions coliques.

 

REFERENCES

  • 1. -BAN S, TOYONAGA A, HARADA H, IKEJIRI N, TANIKAWA K. – Iodine staining for early endoscopic detection of esophageal cancer in alcoholics. Endoscopy 1998; 30 : 253-7.
  • 2. -MASSARD G, DABBAGH A, VETTER D, GASSER B, DUMONT P, WIHLM JM, MORAND G. – Evaluation pré-opératoire des cancers de l’œsophage. Apport des colorations vitales. La presse médicale 1995; 24 : 975-8.
  • 3. -MEYER V, BURTIN P, BOUR B, BLANCHI A, CALES P, OBERTI F et al. – Endoscopic detection of early esophageal cancer in a high-risk population : does Lugol staining improve videoendoscopy. Gastrointestinal Endoscopy 1997; 45 : 480-4.
  • 4. -FENERTY MB. – Tissue staining (chromoscopy) of the gastrointestinal tract. Can J Gastroenterol 1999; 13 : 423-9.
  • 5. -STEVENS PD, LGHTDALE CJ, GREEN PHR, SIEGEL LM, GARCIA-CARRASQUILLO RJ, ROTTERDAM H. – Combined magnification endoscopy with chromoendoscopy for the evaluation of Barrett’s esophagus. Gastrointest Endosc 1994; 40 : 747-9.
  • 6. -CANTO MIF, SETRAKIAN S, PETRAS RE, BLADES E, CHAK A, SIVAK MV Jr. – Methylene blue selectively stains intestinal metaplasia in Barrett’s esophagus. Gastrointestinal Endoscopy 1996; 44 : 1-7.
  • 7. -CANTO MI. – Vital staining and Barrett’s esophagus. Gastrointestinal Endoscopy 1999; 49 : 1-6.
  • 8. -REX DK, SMITT JJ, ULBRIGHT TM, LEHMAN GA. – Distal colonic hyperplastic polyps do not predict proximal adenomas in asymptomatic average-risk subjects. Gastroenterology 1992; 102 : 317-9.
  • 9. -MUTO T, KAMIYA J, SAWAD, KONISHI F, SUGIHARA K, KUBOTA Y, ADACHI M, AGAWA S, SAITO Y, MORIOKA Y. – « Small, flat adenoma » of the large bowel with special reference to its clinicopathologic features. Dis Colon Rectum 1985; 28 : 847-51.
  • 10. -AXELRAD AM, FLEISCHER DE, GELLER AJ, NGUYEN CC, LEWIS JH, AL-KAWAS FH et al. – High-resolution chromoendoscopy for the diagnosis of diminutive colon polyps : implications for colon cancer screening. Gastroenterology 1996; 110 : 1253-8.