Perspectives thérapeutiques dans le syndrome de l’intestin irritable : est-ce pour demain ?

Premier motif de consultation en Gastro-Entérologie et souci quotidien du médecin généraliste, les douleurs abdominales fonctionnelles ont fait l’objet de thérapeutiques diverses mais souvent décevantes par le passé. Au cours de la dernière décennie, le progrès des connaissances et la systématisation de l’approche expérimentale, fondamentale et clinique, a permis d’espérer de nouveaux traitements mieux adaptés à ces patients et mieux évalués par des essais cliniques reposant sur une méthodologie solide. La meilleure définition des syndromes fonctionnels, qui a été réalisée par la publication des critères de Rome et qui est basée sur l’association de symptômes, apporte au clinicien un outil pour un diagnostic plus précis [1]. Les douleurs abdominales apparaissent comme un élément constitutif de nombreux syndromes, en particulier le syndrome de l’intestin irritable et la dyspepsie non ulcéreuse. A côté des douleurs abdominales, les troubles du transit, la constipation ou la diarrhée, et les troubles de l’évacuation des selles constituent une part importante et indispensable pour la définition du syndrome de l’intestin irritable (SII).

D’autre part, la meilleure connaissance de la physiopathologie de ces troubles fonctionnels digestifs et les nombreuses études consacrées à l’exploration de l’axe cerveau-intestin ont permis d’identifier de nombreux neuro-transmetteurs qui, tant sur les voies afférentes d’origine digestive que sur les voies efférentes, contrôlent les fonctions digestives, sécrétoires et motrices.

Bases physiopathologiques et pharmacologiques du SII

Les progrès récents dans la connaissance de la physiopathologie du SII concernent la reconnaissance du rôle des afférences digestives et de l’hypersensibilité viscérale qui caractérise ces patients.

L’axe « cerveau-intestin » met en relation plusieurs niveaux de contrôle des fonctions digestives (Fig. 1). Partant de la paroi intestinale, le premier niveau de contrôle est le plexus myentérique. Celui-ci est en relation avec le ganglion prévertébral et les systèmes sympathique et parasympathique qui constituent les deuxième et troisième niveaux. Enfin, les voies spino-thalamiques et les voies efférentes spinales relient le cerveau supérieur aux niveaux périphériques du contrôle nerveux. D’autre part, le plexus myentérique est en relation étroite avec différents types de cellules inflammatoires ou immunologiques qui sont réactives aux changements de milieu dans la lumière intestinale [2], dont les mastocytes. La dégranulation des mastocytes par une réaction antigénique libère de nombreuses substances paracrines, telles que la sérotonine, l’histamine, les prostaglandines, les leucotriènes et différentes cytokines inflammatoires.

De nombreux travaux ont démontré que les patients présentant un SII avaient des seuils de tolérance plus bas pour la distension que les sujets contrôles. L’hypersensibilité paraît limitée aux sensations d’origine viscérale et être un trouble diffus de tout le tractus digestif. Néanmoins, la corrélation entre sensibilité anormale et symptômes n’a pas été établie de manière certaine. Chez les patients présentant un SII, il existe une corrélation entre les modifications des scores de la perception rectale et l’intensité des douleurs abdominales. L’hypersensibilité viscérale est donc reconnue comme une caractéristique importante du SII. La perception des sensations digestives à un niveau exagéré est elle-même à l’origine de douleurs ou engendre une cascade de réflexes longs ou courts qui déclenchent des événements moteurs, reconnus comme douloureux. Il paraît donc logique de modifier le fonctionnement des afférences digestives en agissant sur les récepteurs des neurotransmetteurs pour diminuer l’intensité des perceptions d’origine digestive et ainsi proposer des traitements des douleurs abdominales fonctionnelles.

Les études de motricité intestinale et colique n’ont par contre jamais permis de mettre en évidence un profil moteur typique des patients présentant des douleurs fonctionnelles [3]. Les anomalies les plus caractéristiques sont plutôt en rapport avec les troubles du transit associés aux douleurs dans le SII. Ainsi, la motricité colique est déséquilibrée chez les patients avec SII et diarrhée, l’activité propulsive survenant sur un côlon dont la motricité est par ailleurs inhibée. Chez les patients avec SII et constipation, on observe plutôt une augmentation de l’activité motrice stationnaire et une diminution de l’activité propulsive, notamment au niveau du côlon sigmoïde. En revanche, les études récentes sur les variations de tonus de l’intestin ou du côlon, mesurées par le barostat, n’ont pas montré de différence entre patients avec SII et contrôles. La cause de ces troubles de la motricité n’est pas connue précisément mais les études chez l’animal ont permis, comme pour la sensibilité, de mettre en évidence le rôle de nombreux neuromédiateurs.

Au niveau des afférences digestives primaires, de nombreux médiateurs sont libérés en réponse à une atteinte tissulaire locale : ions K + , sérotonine, bradykinine, substance P, histamine, prostaglandines (pour revue, voir 4). Ces médiateurs sensibilisent à leur tour des nocicepteurs, localisés au niveau des terminaisons nerveuses sous-muqueuses.

Au niveau de la moelle épinière, de nombreux neuromédiateurs ont aussi été mis en évidence au niveau des voies afférentes d’origine digestive. Parmi ceux-ci, nous retiendrons plus particulièrement les tachykinines (substance P et neurokinines), les dynorphines ou enképhalines, agissant sur les récepteurs k 1 et le glutamate. L’adénosine interagit avec des récepteurs de type A 1 et A 2 et la sérotonine, sur des récepteurs de types 5-HT 1A et 5-HT 3 . Ces mêmes récepteurs peuvent par ailleurs être impliqués dans le transport d’informations, le long des voies antinociceptives descendantes qui agissent comme une sorte de rétro-contrôle pour diminuer l’influx nociceptif vers le système nerveux central. D’autres neuropeptides jouent un rôle moins bien précisé au niveau des voies digestives afférentes : la cholécystokinine, la somatostatine. A l’inverse, des voies antinociceptives descendantes modulent le fonctionnement des afférences digestives pour atténuer la réponse aux événements excitateurs périphériques (Fig. 2).

Les mêmes neuromédiateurs se retrouvent au niveau des voies nerveuses efférentes. Ils exercent par là des effets moteurs qui ont fait l’objet de descriptions détaillées chez l’animal. Les récepteurs de ces neuromédiateurs se trouvent soit sur les terminaisons nerveuses efférentes, soit sur les cellules musculaires elles-mêmes (pour revue, voir 22). Les terminaisons nerveuses contiennent plusieurs neuromédiateurs qui peuvent être co-libérés et exercer des effets multiples. Tous les neurones expriment des récepteurs cholinergiques nicotiniques mais pour les autres neuromédiateurs, la relation entre l’expression de récepteurs spécifiques et leur rôle fonctionnel est mal connue. Les voies de régulation sont donc complexes et les effets pharmacologiques de médicaments agissant à plusieurs niveaux peuvent s’additionner. Ainsi, la motricité intestinale peut être stimulée ou inhibée par des substances qui agissent directement au niveau des cellules musculaires lisses (substances cholinergiques, inhibiteurs des cholinestérases, NO, bloqueurs des canaux calciques de type L). Les récepteurs de la motiline sont également présents sur les cellules musculaires, au niveau du tractus digestif supérieur.

Nouvelles classes thérapeutiques

Les objectifs du traitement des troubles fonctionnels intestinaux, et notamment du syndrome de l’intestin irritable, sont les douleurs abdominales et les troubles du transit. Le ballonnement abdominal est un symptôme fréquemment associé aux précédents, bien qu’il soit considéré comme accessoire, pour la définition du syndrome lui-même [6]. Chacun de ces symptômes peut prédominer chez un patient et constituer, à ses yeux, le but premier du traitement. D’autre part, l’association obligatoire de ces symptômes chez un même patient constitue souvent un obstacle à l’obtention d’une amélioration clinique significative avec un seul médicament. Il est donc impératif de fixer, tant pour les essais cliniques que dans la pratique quotidienne, un objectif clair au traitement instauré. La diminution de l’intensité et de la fréquence des crises douloureuses, la normalisation de la fréquence des selles et des scores de bien-être général sont les mesures les plus fréquemment utilisées dans les essais cliniques (voir plus loin).

» Substances agissant sur les récepteurs de la sérotonine

Les substances agissant sur les récepteurs de la sérotonine ont été parmi les plus étudiées au cours de la dernière décennie et ont compris les molécules les plus proches d’une autorisation de mise sur le marché. Les sous-types de récepteurs les plus étudiés ont été les récepteurs 5-HT 3 et 5-HT 4 , dont les effets sur la motricité et la sensibilité digestives ont été explorés chez l’animal et chez l’homme.

Les antagonistes des récepteurs 5-HT 3 inhibent la motricité intestinale et l’hypersensibilité décrite chez les patients présentant un SII. L’ondansétron provoque un ralentissement du transit colique chez des volontaires sains. Il en va de même pour l’alosétron qui ralentit le transit colique chez les patients avec SII, comme chez les volontaires sains, sans modifier le temps de transit intestinal ni la vidange gastrique. Les antagonistes 5-HT 3 de la sérotonine modifient également les seuils de perception de la distension intra-luminale au niveau du côlon et du rectum. Au niveau du côlon sigmoïde, Prior et Read avaient montré que le granisétron augmentait les seuils de perception de la distension rectale chez des patients présentant un SII avec diarrhée. Hammer et coll. ont montré que l’ondansétron, autre antagoniste des récepteurs 5-HT 3 , ne modifiait ni les seuils de perception de la distension rectale, ni la compliance, c’est-à-dire les propriétés élastiques de la paroi rectale, chez des volontaires sains et chez des patients avec SII et diarrhée. Au niveau du côlon, dans une étude réalisée au moyen d’un barostat électronique et basée sur la mesure de la pression dans le ballonnet de distension, nous n’avons observé aucune modification des seuils de perception et de douleur, définis par la pression de distension mais une augmentation significative du volume du ballonnet de distension, indiquant une augmentation significative de la compliance colique. Enfin, une étude a montré que l’alosétron augmentait l’absorption d’eau au niveau jéjunal. Aucune donnée n’existe au niveau du côlon et la relation entre cet effet et celui sur la sensibilité à la distension n’est pas connue.

Plusieurs essais clinique contrôlés ont démontré l’efficacité de l’alosétron dans le traitement du SII avec prédominance de diarrhée chez la femme. Dans un premier essai incluant des hommes et des femmes atteints de SII avec prédominance de diarrhée, l’alosétron, aux doses quotidiennes de 1 et 4 mg, diminuait la fréquence des selles et en augmentait la consistance. Seule la dose de 4 mg par jour, en deux prises, améliorait de façon significative les douleurs abdominales. Dans cette étude, aucun effet significatif n’était observé chez les hommes. La différence entre la réponse des hommes et des femmes au traitement par l’alosétron n’est pas clairement expliquée. Il pourrait exister une différence de métabolisme de la sérotonine, les femmes en produisant plus. Les études cliniques suivantes ont donc été réalisées uniquement chez des femmes présentant un SII avec prédominance de diarrhée et ont toutes montré une efficacité significativement plus élevée de l’alosétron sur l’impression globale d’amélioration des patients, par rapport à la mébévérine ou par rapport au placebo. Le gain était d’environ 25% de réponses au traitement par rapport au placebo et se maintenait sur toute la durée du traitement. Sur la base de ces essais cliniques, l’alosétron obtint en 2000 l’autorisation de mise sur le marché aux USA et fut prescrit entre avril 2000 et novembre 2000 à environ 350000 patients. En novembre 2000, il fut retiré suite à l’apparition de 49 cas de colite ischémique dont certains ont nécessité des transfusions ou une intervention chirurgicale et d’environ 70 cas de constipation sévère, quelques cas requérant une intervention chirurgicale.

D’autres antagonistes 5-HT 3 sont actuellement en cours de développement, notamment le cilansétron dont les effets sur la motricité colique semblent moins importants que ceux de l’alosétron. Aucun résultat d’essai clinique n’a pour l’instant été publié avec le cilansétron.

Les agonistes des récepteurs 5-HT 4 de la sérotonine exercent une action stimulante sur la motricité digestive en favorisant la libération d’acétylcholine. Le cisapride, agoniste partiel des récepteurs 5-HT 4 a été utilisé pour ses propriétés prokinétiques, dans le traitement du reflux gastro-œsophagien et de la dyspepsie. Récemment, le cisapride a été retiré du marché aux USA et son utilisation, restreinte, en France, aux gastroparésies diabétiques sévères en raison de troubles du rythme cardiaque dus à l’allongement du QT sur l’électrocardiogramme. Quelques études avaient montré un effet prokinétique du cisapride au niveau du tractus digestif bas et une certaine efficacité dans le traitement de la constipation chronique. Deux études récentes, contrôlées en double aveugle ont cependant montré que le cisparide n’apportait aucun bénéfice chez les patients présentant un SII avec constipation.

Le prucalopride est un agoniste complet des récepteurs 5-HT 4 de la sérotonine pour lequel peu d’information est actuellement disponible. Dans une étude chez le volontaire sain, le prucalopride a augmenté significativement la fréquence des selles et accéléré le transit colique mais n’avait aucun effet sur la sensibilité rectale à la distension. Dans une autre étude, chez le volontaire sain, le prucalopride accélérait également le transit colique. Plusieurs études publiées récemment ont également montré l’effet prokinétique du prucalorpide chez les patients présentant une constipation chronique ou un SII avec constipation. Des études cliniques de phase III sont nécessaires afin d’évaluer ses effets sur de plus larges groupes de malades et d’apprécier le risque d’effets secondaires cardiaques.

Enfin, le tégasérod (HTF 919) exerce une activité d’agoniste partiel au niveau du récepteur 5-HT 4 [7]. Cette action se traduit par un effet prokinétique qui a été observé chez l’homme, au niveau du tractus digestif supérieur. Dans une étude scintigraphique, chez des patients avec SII et constipation, le tégasérod accélérait le transit oro-caecal de manière significative et tendait à accélérer le transit colique. Quelques études cliniques ont montré l’efficacité du tégasérod dans le traitement des patients avec SII et constipation. Une première étude de phase III a montré un bénéfice clinique important pour le tégasérod, qui était supérieur au placebo pour améliorer les douleurs abdominales et la constipation chez des patients présentant un SII avec constipation. Une nouvelle étude a confirmé cette impression clinique favorable. En revanche, aucune étude n’a jusqu’à présent démontré un effet du tégasérod sur la sensibilité digestive. Au cours des essais dont les résultats sont disponibles, aucun effet secondaire n’a été observé sur l’électrocardiogramme ni sur les paramètres cardio-vasculaires. Lorsqu’il sera disponible, le tégasérod devrait être prescrit aux patients présentant un SII avec constipation et devrait améliorer les douleurs abdominales et la constipation.

Les antagonistes des récepteurs 5-HT 4 ont également été explorés de manière préliminaire pour le traitement des patients qui présentent un SII. Une seule étude réalisée chez des patients présentant un SII avec diarrhée a montré que le SB-207266A allongeait le temps de transit oro-caecal et diminuait la perception de la distension rectale. Onze des 15 patients traités étaient aussi améliorés sur le plan symptomatique. Pour l’instant, le développement clinique de ce composé n’a pas été poursuivi mais d’autres composés de la même famille pourraient faire l’objet d’investigations dans le futur.

» La fédotozine, agonistedes récepteurs opioïdes k .

La fédotozine agit comme agoniste des récepteurs opiacés de type k , avec une bonne sélectivité. Les études chez l’animal ont permis d’exclure une action centrale [8]. Le développement préclinique et clinique de la fédotozine a permis d’explorer les effets des agonistes k sur la motricité et la sensibilité digestives. Chez l’homme, la fédotozine a peu d’effet sur la motricité digestive, en situation physiologique. Aucune étude n’a montré d’effet clair de la fédotozine sur la motricité colique. Chez les patients avec SII, la fédotozine ne modifie pas le tonus colique.

En revanche, plusieurs publications ont démontré l’implication des récepteurs de type opiacé k dans le fonctionnement des afférences digestives au niveau périphérique. Chez l’homme, la fédotozine diminue la perception de la distension gastrique chez le volontaire sain, alors qu’elle n’a aucun effet sur la compliance, c’est-à-dire la faculté d’adaptation de la paroi gastrique à la distension. Au niveau du côlon, l’effet de la fédotozine a été étudié chez des patients présentant un SII. Sous fédotozine, on observait une diminution significative de la perception de la distension colique, tant pour la première perception de la distension que pour le seuil de douleur, sans que la compliance soit modifiée. La fédotozine exerce donc un effet sur les afférences digestives sans modifier les propriétés élastiques de la paroi colique.

Les études cliniques ont montré une efficacité de la fédotozine pour traiter les douleurs abdominales chez les patients dyspeptiques ou atteints de SII. Aucun effet secondaire significatif ne fut retrouvé. Malgré ces résultats positifs, la fédotozine ne put obtenir l’autorisation de mise sur le marché, les autorités considérant que les différences mises en évidence par rapport au placebo n’étaient pas suffisantes. Le développement de la fédotozine a néanmoins apporté une expérience importante pour la conduite des essais thérapeutiques dans le SII. D’autre part, la documentation du rôle des récepteurs opiacés de type k peut laisser penser que d’autres molécules de cette classe seront évaluées dans ces indications.

» Les antagonistes des récepteurs muscariniques M 3

Les antagonistes muscariniques non sélectifs ont été utilisés depuis longtemps avec une certaine efficacité dans le traitement des troubles fonctionnels intestinaux. Leur utilisation a cependant été limitée en pratique par la fréquence des effets secondaires de nature atropinique. Aussi, une nouvelle classe d’antagonistes muscariniques a été développée, dont la spécificité pour le tractus digestif est plus importante. Ils agissent sur le récepteur muscarinique de type M 3 . Chez l’homme, la zamifenacine, antagoniste muscarinique M 3 , à la dose de 40 mg, inhibe significativement la motricité colique dans la mesure où elle réduit l’amplitude et le nombre des contractions, ainsi que l’index moteur. Quelques patients ont rapporté des effets atropiniques de faible intensité. Aucune étude n’a depuis lors été publiée dans le traitement du SII.

» Les autres neurotransmetteurs

Parmi les nombreux neurotransmetteurs mis en évidence au niveau du plexus myentérique, quelques-uns ont fait l’objet d’études chez l’homme. Ces études ont mis en évidence des effets moteurs et/ou des effets sur la sensibilité digestive, principalement par l’étude des seuils de perception d’une distension intra-luminale (Tableau 1). Celles réalisées sur des modèles d’hypersensibilité chez l’animal ont attiré l’attention sur des molécules comme les tachkykinines, substance P, neurokinines A et B, qui agissent sur les récepteurs NK 1 , NK 2 et NK 3 et dont les antagonistes pourraient inhiber l’activité des afférences digestives. Chez l’animal, les antagonistes NK 2 diminuent la perception de la distension colique.

Les analogues de la somatostatine ont été étudiés pour leurs propriétés antinociceptives, qui s’exercent au niveau de la moelle épinière. Plusieurs études ont montré que l’octréotide diminuait la perception de la distension rectale ou colique, sans modifier la compliance de l’organe. Une étude a montré que l’octréotide ralentissait le transit oro-caecal chez des patients avec SII à prédominance de diarrhée et uneétude clinique a suggéré que l’octréotide, analogue de la somatostatine, pouvait améliorer les symptômes du SII. Toutefois, le risque de lithiase vésiculaire lors des traitements prolongés et la nécessité d’injections sous-cutanées rendent difficile l’utilisation de la somatostatine en pratique clinique.

Le rôle des facteurs psycho-sociaux a été largement reconnu dans la physiopathologie des syndromes fonctionnels digestifs, en particulier du SII [9]. Une revue de consensus, publiée récemment aux USA, comprenait une analyse détaillée des essais contrôlés des différentes formes de psychothérapie et reconnaissait l’utilité des traitements antidépresseurs [10]. A des doses quotidiennes inférieures à celles prescrites pour le traitement anti-dépressif lui-même, les antidépresseurs tricycliques ralentissent la motricité intestinale. A l’inverse, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, tels que la paroxétine, accélèrent le transit, particulièrement au niveau de l’intestin grêle. L’effet des antidépresseurs a également été étudié sur la perception de la distension. Chez les volontaires sains, l’amitriptyline (50 mg/j pendant 21 jours) ne modifiait pas la perception de la distension rectale ni œsophagienne alors qu’elle diminuait la perception d’une électrostimulation cutanée. Chez des patients avec SII, ne répondant pas à une psychothérapie et présentant une hypersensibilité viscérale, l’amitriptyline, à la dose de 50 mg/j, apportait une amélioration des symptômes du SII et élevait les seuils de perception de la distension rectale. La desipramine avait les mêmes effets dans une autre étude. Sur le plan clinique, plusieurs études ont montré l’efficacité des antidépresseurs à dose faible, dans le traitement du SII. Une étude rétrospective a montré que l’utilisation d’antidépresseurs à la dose moyenne de 50 mg/j pour les antidépresseurs tricycliques apportait une rémission des symptômes digestifs dans 81% des cas.

Conclusion

L’impatience des cliniciens à disposer de nouveaux traitements n’est pas comblée pour l’instant par la mise sur le marché des molécules dont les résultats pharmacodynamiques et cliniques ont été exposés ci-dessus. Néanmoins, des espoirs réels existent de voir certaines de ces molécules devenir disponibles prochainement. La duplicité permanente des neurotransmetteurs intervenant dans le fonctionnement des branches afférente et efférente de l’axe cerveau-intestin oblige à considérer également les effets moteurs des nouveaux traitements proposés pour les troubles fonctionnels digestifs. Ceci s’applique plus particulièrement au SII. Le clinicien devra donc bien connaître les effets des médicaments qu’il prescrira et poser un diagnostic précis avant d’entamer le traitement. Pour cela, il pourra être aidé par les outils de diagnostic qui sont proposés, comme les questionnaires publiés avec les critères de Rome. Si les premiers représentants de certaines familles thérapeutiques ont échoué devant les portes de la mise sur le marché ou ont subi des réactions soudaines, devant l’apparition d’effets secondaires graves, on peut espérer que d’autres molécules seront développées, car le support pharmacodynamique et physiopathologique grandit chaque jour pour justifier l’utilisation de ces nouveaux traitements. En revanche, une pharmacovigilance stricte sera nécessaire pour mesurer, après la mise sur le marché, leur bonne tolérance.

 

REFERENCES

  • 1. -DROSSMAN DA. – The functional gastrointestinal disorders and the Rome II process. Gut 1999; 45 : II1-II5.
  • 2. -WOOD JD, ALPERS DH, ANDREWS PLR. – Fundamentals of neurogastroenterology. Gut 1999; 45 : II6-II16.
  • 3. -KELLOW JE, DELVAUX M, AZPIROZ F, CAMILLERI M, QUIGLEY EMM, THOMPSON DG. – Principles of applied neurogastroenterology : physiology/motility-sensation. Gut 1999; 45 : II17-II24.
  • 4. -BUENO L, FIORAMONTI J, DELVAUX M, FREXINOS J. – Mediators and pharmacology of visceral sensitivity : From basic to clinical investigations. Gastroenterology 1997; 112 : 1714-1743.
  • 5. -TACK J. – Receptors of the enteric nervous system : potential targets for drug therapy. Gut 2000; 47 : iv20-iv22.
  • 6. -THOMPSON WG, LONGSTRETH GF, DROSSMAN DA, HEATON KW, IRVINE EJ, MÜLLER-LISSNER SA. – Functional bowel disorders and functional abdominal pain. Gut 1999; 45 : II43-II47.
  • 7. -SCOTT LJ, PERRY CM. TEGASEROD. – Drugs 1999; 5 : 491-496.
  • 8. -DELVAUX M. – Pharmacology and clinical experience with Fedotozine. Exp Opin Invest Drugs 2001; 10 : 97-110.
  • 9. -DROSSMAN DA, CREED FH, OLDEN KW, SVEDLUND J, TONER BB, WHITEHEAD WE. – Psychosocial aspects of functional gastrointestinal disorders. Gut 1999; 45 : II25-II30.
  • 10. -DROSSMAN DA, WHITEHEAD WE, CAMILLERI M. – Irritable bowel syndrome : a technical review for practice guideline development. Gastroenterology 1997; 112 : 2120-2137.