Traitement des hémorroïdes : intervention de Longo versus traitement endoscopique

Les hémorroïdes sont classiquement divisées en 2 plexus [1]. Le plexus hémorroïdaire sous-cutané externe et le plexus hémorroïdaire sous muqueux interne. Ils sont séparés par la ligne pectinée, frontière entre une zone glandulaire et une zone épithéliale. Les hémorroïdes sont donc des structures physiologiques existant chez tout individu mais responsables de troubles cliniques favorisés par certaines circonstances : constipation, diarrhée, grossesse et accouchement [2]. Le plexus hémorroïdaire interne, communément appelé hémorroïdes internes, donne lieu à un prolapsus et à des saignements; sa pathologie n’est pas douloureuse. Le plexus sous-cutané donne lieu essentiellement à des thromboses, douloureuses, marginales, et ne saignant pas. L’intervention dite de Longo (ou anopexie circulaire par agrafage) [3] ou les méthodes instrumentales ne s’adressent qu’à la maladie hémorroïdaire interne.

Les principes et le but du traitement de la maladie hémorroïdaire

Les hémorroïdes participent à la continence fine en assurant une fermeture étanche du canal anal. Elles sont responsables d’environ 15% de la pression régnant dans le canal anal au repos [4]. Etant des structures anatomiques normales, elles ne doivent être traitées que si elles sont clairement responsables de symptômes. Le traitement doit dans la mesure du possible respecter cette structure normale et la laisser aussi intacte que possible. La maladie hémorroïdaire est une affection bénigne; le traitement ne doit donc pas aggraver le pronostic spontané de la maladie. Ceci est essentiel à considérer notamment avant la mise en route d’un traitement chirurgical. Le traitement doit être basé sur un diagnostic précis. On ne peut donc pas se passer d’un examen clinique. Un examen superficiel ou absent est à l’origine d’erreur diagnostique et d’inefficacité thérapeutique. Cette évidence est d’autant plus essentielle à rappeler que le diagnostic en proctologie est simple à faire dans la majorité des cas, ne nécessitant pas d’autre examen qu’un examen clinique compétent.

Le but du traitement n’est pas de rétablir une anatomie normale, mais simplement de supprimer durablement les symptômes. Pour atteindre ce but, le traitement doit agir sur la mobilisation du plexus hémorroïdaire et lutter contre les facteurs favorisant l’expression de la maladie (notamment par le traitement des troubles du transit). La chirurgie à type hémorroïdectomie a pour objectif de retirer définitivement la structure hémorroïdaire responsable des symptômes.

Les traitements endoscopiques

» Principes

Le tissu de soutien conjonctif qui supporte la structure hémorroïdaire subit une involution fibreuse. Cette altération entraîne une laxité anormale de ces moyens de fixation. Le plexus hémorroïdaire n’est plus attaché aux couches profondes et devient mobile [5]. Cette mobilité excessive entraîne la dilatation du plexus qui n’est plus contenu par son appareil de soutien et son prolapsus dans le canal anal puis à la marge. Au cours des efforts défécatoires, la pression intra-rectale a tendance à aggraver le processus. Au maximum, les différentes structures peuvent se rompre et la structure hémorroïdaire est prolabée en permanence. Finalement, la mobilisation et la distension des plexus entraînent une fragilisation de la muqueuse qui les recouvre.

Les traitements endoscopiques sont des méthodes instrumentales et ambulatoires qui sont effectuées à travers un anuscope. Elles ont toutes pour effet de provoquer à l’apex du paquet hémorroïdaire mobile, un point de sclérose qui fixe la muqueuse et la sous-muqueuse au plan musculaire sous-jacent. Le but n’est pas de détruire le paquet hémorroïdaire, mais de le repositionner dans le canal anal en le fixant par une cicatrice fibreuse. Ce sont des méthodes qui agissent sur la cause même des symptômes, les hémorroïdes conservant leur rôle physiologique et se trouvant protégées des agressions mécaniques d’étirement. On dispose de plusieurs méthodes pour obtenir cette cicatrice fibreuse : sclérose chimique (injection sclérosante), cicatricielle (ligature élastique), thermique (coagulation infrarouge). D’autres méthodes comme l’électrocoagulation monopolaire à courant direct (ultroïd‚), l’électrocoagulation bipolaire ou la cryothérapie n’ont pas été évaluées suffisamment.

» Résultats

Parmi les traitements endoscopiques disponibles, les plus utilisés en France sont aussi ceux qui ont été validés dans la littérature : les injections sclérosantes, la photo coagulation infrarouge et la ligature élastique [6-7]. Les deux premiers sont principalement indiqués dans les hémorroïdes de grade 1 à 2. La plus grande efficacité sur le prolapsus de la ligature élastique qui réduit également le volume des plexus la font proposer plutôt dans les grades 2 et 3 [8].

Dans la maladie hémorroïdaire grade 1 et 2, les symptômes prédominants sont les saignements et un prolapsus modéré. Quelle que soit la méthode, l’efficacité à court terme est la même pour ces différents traitements, sans différence significative, aux environs de 80%. A plus long terme, l’efficacité se maintient plus nettement avec la ligature élastique dont les résultats initiaux se maintiennent dans plus de 80% des cas; ce bénéfice semble d’autant plus marqué que le symptôme de départ était un prolapsus. Cette efficacité est néanmoins à tempérer par l’évaluation des complications; les complications graves étant potentiellement plus sévères et plus fréquentes avec la ligature élastique [9] [10]. Ainsi les complications sévères incluent les hémorragies par chute d’escarre imposant une hémostase chirurgicale, les infections sévères dont des cellulites pelviennes.

L’anopexie circulairepar agrafage ou « méthode de Longo »

» Principes

La technique de l’anopexie est un geste intermédiaire entre la chirurgie et les traitements endoscopiques.

Sur son principe, elle se rapproche des traitements endoscopiques; le but décrit par les auteurs [3] est de corriger le prolapsus muqueux associé à la maladie hémorroïdaire interne. Au cours de ce geste, on effectue une résection circulaire transversale de la muqueuse de la partie haute du canal anal puis une suture muco-muqueuse qui rétablit la continuité. La section de la muqueuse et de la sous muqueuse dans le même temps, interrompt les branches sous muqueuses de l’artère rectale supérieure destinées au canal anal et aux hémorroïdes internes. Le résultat attendu est un repositionnement intra-canalaire des hémorroïdes et la réduction de leur taille par réduction de l’apport sanguin.

Sur sa réalisation pratique, elle se rapproche d’un geste chirurgical, car l’anopexie est effectuée sous anesthésie au moins loco-régionale, le plus souvent encore lors d’une brève hospitalisation, dans un bloc opératoire, par un opérateur entraîné aux techniques chirurgicales proctologiques et pouvant donc parer aux complications immédiates du geste. Excision et suture sont réalisées en seul temps grâce à un dispositif automatique proposé par la société Ethicon EndoSurgery®, dédié à ce type d’intervention.

» Résultats

Sur ses indications validées, l’anopexie se rapproche de la chirurgie puisque cette méthode a été jusqu’à présent dédiée au traitement des maladies hémorroïdaires au moins de grade 3, ce qui est logique compte tenu de son principe. Mais on ne dispose pas encore d’informations sur le maintien des résultats à long terme.

Dans l’étude de Roswell [11], le total au 8 e jour des scores quotidiens de douleur était de 20,67 vs 44,27 en faveur de l’anopexie (p=0,0003). La durée moyenne de séjour était respectivement de 1,0 jours vs 2,8 jours (p<0,0001) et la reprise d’activité 2 fois plus rapide dans le groupe traité par la méthode de Longo que par la chirurgie classique (8,1 jours vs 16,9 jours, p < 0,005). Dans l’étude de Mehigan [12], la douleur moyenne des groupes sur 10 jours était de 2,1 dans le groupe anopexie vs 6,5 dans le groupe Milligan et Morgan (p <0,001). La conservation des plexus hémorroïdaires pourrait participer à une diminution de l’incidence des incontinences post-hémorroïdectomie. Il n’y a pas d’incontinence anale décrite malgré la présence sur certaines pièces anatomopathologiques de tissu musculaire lisse; mais les effectifs sont petits. La nature des effets secondaires et leur fréquence est comparable dans les 2 séries. La complication immédiate la plus classique est la survenue d’un saignement peropératoire ou post-opératoire précoce. On peut craindre une augmentation du nombre d’hémorroïdectomies, liée à la diffusion de cette technique qui ne serait pas bénéfique à la prise en charge d’une maladie résolument bénigne et médicale. On peut considérer que son bénéfice en terme de douleur postopératoire est validé et que le bénéfice médico-économique est possible mais non démontré. L’évolution immédiate donne des résultats comparables en terme de satisfaction des patients.

Conclusion

Pour traiter une maladie hémorroïdaire, il faut rassembler un certain nombre d’informations et de critères : les hémorroïdes doivent être symptomatiques; il faut connaître l’histoire de la maladie et ses facteurs déclenchants car chaque patient est différent et les symptômes sont volontiers spontanément fluctuants; la nature de la maladie (maladie interne, externe ou mixte); il faut évaluer le grade de la maladie; il faut définir le symptôme prédominant sur lequel on évaluera l’efficacité du traitement et enfin il faut connaître les souhaits du patient préalablement informé.

Les méthodes instrumentales sont bien adaptées aux premières étapes du traitement, en venant à moindre coût compléter le traitement médical qui reste la première étape de la prise en charge [5]. L’anopexie par agrafage s’adresse à des maladies en moyenne plus évoluées, et si l’on voulait mettre en route un essai, ce serait pour comparer la ligature élastique et l’anopexie dans les grades 3. Il est essentiel de se souvenir que l’anopexie ne traite que la maladie hémorroïdaire interne. En cas de maladie mixte, la simplicité des techniques endoscopiques qui sont réalisées au cabinet reste un argument puissant pour les utiliser de façon préférentielle avant, en cas d’échec, le recours à une hémorroïdectomie classique. Les bénéfices de l’anopexie, validés sur la douleur postopératoire et le taux de satisfaction immédiate, méritent d’être validés par un suivi à long terme permettant d’intégrer sans réserve cette technique à l’arsenal thérapeutique de la maladie hémorroïdaire.

 

REFERENCES

  • 1. -SMITH LE. – Anal hemorrhoids . Neth J Med 1990; 37 Suppl 1 : S22-32.
  • 2. -DENIS J. – Etude numérique de quelques facteurs éthiopathogéniques des troubles hémorroïdaires de l’adulte . Arch Fr Mal App Dig 1976; 65 (7) : 529-36.
  • 3. -LONGO A. Treatment of hemorrhoids disease by reduction of mucosa and hemorrhoidal prolaspe with a circular suturing device : a new procedure. In 6 th World congress of endoscopic Surgery. 1998. Rome.
  • 4. -LESTAR B, PENNINCKX F, KERREMANS R. – The composition of anal basal pressure. An in vivo and in vitro study in man . Int J Colorectal Dis 1989; 4 (2) : 118-22.
  • 5. -LODER PB, KAMM MA, NICHOLLS RJ, PHILLIPS RK. – Haemorrhoids : pathology, pathophysiology and aetiology . Br J Surg 1994; 81 (7) : 946-54.
  • 6. -SIM AJ, MURIE JA, MACKENZIE I. – Three year follow-up study on the treatment of first and second degree hemorrhoids by sclerosant injection or rubber band ligation . Surg Gynecol Obstet 1983; 157 (6) : 534-6.
  • 7. -JOHANSON JF, RIMM A. – Optimal nonsurgical treatment of hemorrhoids : a comparative analysis of infrared coagulation, rubber band ligation, and injection sclerotherapy . Am J Gastroenterol 1992; 87 (11) : 1600-6.
  • 8. -MacRAE HM, McLEOD RS. – Comparison of hemorrhoidal treatment modalities. A meta-analysis . Dis Colon Rectum 1995; 38 (7) : 687-94.
  • 9. -BAT L, MELZER E, KOLER M, DREZNICK Z, SHEMESH E. – Complications of rubber band ligation of symptomatic internal hemorrhoids . Dis Colon Rectum 1993; 36 (3) : 287-90.
  • 10. -RUSSELL TR, DONOHUE JH. – Hemorrhoidal banding. A warning . Dis Colon Rectum 1985; 28 (5) : 291-3.
  • 11. -ROSWELL, BELLO M, HEMINGWAY DM. – Circonferential mucosectomy (staple haemorrhoidectomy) versus conventional haemorrhoidectomy : randomised controlled trial . Lancet 2000; 355 : 779-81.
  • 12. -MEHIGAN BJ, MONSON JRT, HARTLEY JE. – Stapling procedure for haemorrhoids versus Milligan-Morgan haemorrhoidectomy : randomised control trial . Lancet 2000; 355 : 782-5.