Endoscopie et anti-coagulants ou anti-agrégants : le point de vue du gastro-entérologue

Les dix dernières années ont vu se banaliser la prescription d’anticoagulants et surtout d’antiagrégants au long cours, du fait d’une meilleure prise en compte du risque de thromboses artérielles ou veineuses, et de l’importance de réaliser une prévention efficace chez les patients et même les sujets sains exposés à ce risque du fait de leurs antécédents ou de leurs simples caractéristiques épidémiologiques. Il en résulte l’existence d’une part très significative et de plus en plus importante de population concernée par ces traitements, et susceptible de générer divers problèmes et interrogations lorsqu’une endoscopie digestive est indiquée.

Dans certains cas, c’est à l’occasion d’une hémorragie digestive qui peut être déclenchée ou favorisée par ces traitements que se pose le problème de leur interruption, de leur correction ou de leur substitution.
Le plus souvent, la  » situation classique  » rencontrée en pratique concerne la réalisation ou la programmation d’un acte endoscopique sous anesthésie ou sans anesthésie, dont la nature, le potentiel hémorragique, le délai idéal de réalisation, sont éminemment variables.

La difficulté d’apprécier la consistance réelle du risque hémorragique lié à une procédure donnée réalisée dans ces conditions, tient en partie à sa rareté, à son caractère occasionnel, assez mal prévisible, et déjà insuffisamment documenté dans des conditions  » normales « . L’impact de certains traitements sur l’hémostase est par ailleurs impossible à quantifier par des tests de laboratoire. Il faut aussi souligner le caractère impromptu de la mise en œuvre de certains gestes tels que biopsies multiples ou polypectomie.

L’interruption complète, ou la substitution transitoire d’un traitement antiagrégant (A.A.) ou anticoagulant (A.C.) peut chez certains patients, générer un risque fonctionnel ou vital tout aussi difficile à quantifier. Ce point mérite d’être souligné auprès du gastroentérologue que la pression juridico-sécuritaire polariserait plutôt sur le risque hémorragique lié à l’acte endoscopique réalisé dans un tel contexte. Alors que de très nombreux patients (en particulier sous aspirine ou dérivés) ne posent guère de réel problème pour l’interruption d’une prévention primaire  » épidémiologique « , l’avis du cardiologue ou du chirurgien vasculaire peut devenir indispensable, notamment après chirurgie de revascularisation, prothèse vasculaire ou valvulaire, cardiopathie emboligène, antécédent thrombo-embolique, artériopathie coronarienne, cérébrale ou systémique, pour interrompre, réduire ou substituer un traitement A.A. ou A.C.

Finalement, le rapport bénéfice/risque devrait être évalué au cas par cas, et la diversité des situations envisageables en fonction des patients, des traitements, des gestes prévus et des délais acceptables de réalisation, aussi bien que le manque de données scientifiquement consistantes, rendent difficile la rédaction de  » recommandations  » schématiques simples. Celles ci sont pourtant souhaitées par la profession, et arrivent au premier rang de ses demandes (enquête S.F.E.D. 2000) vraisemblablement pour deux raisons :

  • Nécessité ressentie de disposer de  » référence opposable  » compte tenu de l’accroissement de la pression médico-légale, en cas de complication hémorragique (mais aussi thromboembolique).
  • Participation indispensable de l’anesthésiste qui peut refuser celle-ci [1], ou la conditionner à telle ou telle mesure préalable, s’il a une perception différente du rapport bénéfice risque, en l’absence de référentiel édicté par une société scientifique.

 

Les traitements A.C. et A.A . (vus sous l’angle pratique par le gastroentérologue)

» Anticoagulants

Antivitaminiques K

Généralement prescrits au long cours dans des indications de nécessité, les inconvénients de leur interruption pure et simple sans relais doivent toujours être discutés. Ils induisent une hypocoagulabilité très significative, modérée à profonde, variable mais assez stable dans la durée pour un sujet et un dosage donné, constamment quantifiable par le temps de Quick, exprimé en taux de prothrombine ou en I.N.R. et fonction de ces valeurs. Le risque hémorragique de la sphinctérotomie est par exemple multipliée par 7,8 sous AVK [2]. Cet effet peut être très rapidement corrigé en cas d’urgence, par l’administration intra-veineuse de facteurs de coagulation, généralement d’origine humaine. La dose à injecter dépend du poids du patient, du degré d’hypocoagulabilité initial et du niveau de correction requis.

En dehors de l’urgence, le simple arrêt du traitement 2 à 5 jours, selon le niveau de correction requis, est suffisant. L’administration de vitamine K en perfusion (dont le délai d’action est de 6 heures environ) peut être nécessaire, ou au moins présenter de l’intérêt, essentiellement en cas de procédure biliaire dans un contexte de cholestase prolongée ayant favorisé un surdosage relatif par malabsorption ; dans les autres cas, elle peut être évitée, d’autant qu’elle peut rendre difficile la reprise du traitement anticoagulant pour retrouver la dose optimale.


Héparines de bas poids moléculaire ( H.B.P.M.)

Utilisables en injections sous-cutanées, elles constituent de par leur maniabilité thérapeutique, le relais adéquat de la plupart des traitements par antivitaminiques K, et dans certains cas par antiagrégants, lorsqu’une endoscopie présentant un risque iatrogène hémorragique significatif est programmée. L’hypocoagulabilité qui en résulte, est en effet régressive, en une douzaine d’heures, et il suffit de sauter l’injection précédent le geste à risque pour réaliser celui-ci dans une fenêtre thérapeutique proche de la normocoagulabilité.

On peut aussi, en cas de risque majeur persistant, sauter l’injection suivante, ou plutôt la moduler suivant le degré d’hypocoagulabilité recherché, celui ci pouvant être aisément quantifié par le dosage de l’activité anti Xa, et le temps de céphaline activée. De plus dans le cas tout à fait exceptionnel ou une correction en urgence serait nécessaire, l’action pharmacologique des H.B.P.M. peut toujours être annulée par la protamine (sulfate ou chlorhydrate).

Le retour à l’anticoagulation par antivitaminiques K moins maniables, peut, dans certains cas particulièrement sensibles (risque majeur en cas de chute d’escarre de polypectomie après le retour à domicile), justifier le prolongement du relais H.B.P.M. une dizaine de jours.

Dans le cas de la sphinctérotomie, la reprise de l’anticoagulation par H.B.P.M. après fenêtre thérapeutique ou AVK doit être modulée en fonction du risque d’hémorragie différée.

Un  » chevauchement  » de l’ordre de 3 jours des 2 traitements est nécessaire chez les patients à risque de thrombose lors de l’arrêt puis de la reprise des AVK.

» Antiagrégants
(les plus usuels)

Si certains anti-inflammatoires non stéroïdiens (A.I.N.S.) sont occasionnellement utilisés pour leur action antiagrégante, par exemple le Cébutid [3] (flurbiprofène) intéressant en relais, du fait de la rapide réversibilité de son action inhibitrice sur la cyclooxygénase plaquettaire permettant une normalisation de l’hémostase 4 à 5 heures après son arrêt, les A.A. les plus prescrits en traitement au long cours et  » les plus rencontrés en pratique  » sont l’aspirine et les thiénopyridines (Ticlid, Plavix).

Du fait de leur fixation et (ou) du caractère durable de leur action plaquettaire, l’aspirine, le Ticlid (ticlopidine), et le Plavix (clopidogrel), ont en commun une durée d’action liée à la durée de vie des plaquettes, de l’ordre de 10 à 14 jours. Elle est impossible à annuler rapidement (sauf transfusion de plaquettes). Par contre, 2 types de traitement peuvent dans une certaine mesure la contrebalancer en favorisant la solidité du caillot. Ce sont :

  • L’Exacyl (acide tranexemique) de peu d’intérêt en pratique car l’administration de cette drogue qui s’oppose à la lyse du caillot, doit être commencée 24 h avant le geste et se poursuivre pendant 48 heures.
  • Le Minirin (desmopressine) qui augmente le taux sérique de facteur de Willebrandt endogène disponible, a un délai d’action beaucoup plus rapide, s’il peut être administré par perfusion une demi-heure avant le geste prévu. Cet effet dure 8 heures environ mais le traitement peut être renouvelé.

L’impact des traitements A.A. sur l’agrégabilité plaquettaire et par ce biais sur l’hémostase ne peut être évalué de façon fiable en pratique courante. La mesure du temps de saignement a, en particulier, montré ses limites pour la prédiction du risque hémorragique et n’a pas d’intérêt avant un geste endoscopique effectué dans ce contexte [4,5].

Aspirine

L’effet sur l’hémostase pour la même dose d’aspirine est variable d’un individu à l’autre. Imparfaitement documenté, ce risque réel en chirurgie orthopédique lourde, paraît cependant modéré, dans les différents domaines d’actes interventionnels où il a pu faire l’objet de tentatives d’évaluation [3]. A titre d’exemple, la pratique d’une rachi-anesthésie, domaine  » sensible  » du fait du risque neurologique et médico-légal en cas d’hématome, n’est pas contre indiquée pour la S.F.A.R. chez un patient sous aspirine [3]. Il en va de même en ophtalmologie dans la chirurgie de la cataracte [6]. En pneumologie, le risque hémorragique ne semble pas accru par l’aspirine lors de la fibroscopie bronchique avec biopsies. En endoscopie digestive, l’étude prospective de Schiffman [7] n’objective pas d’accroissement significatif des risques hémorragiques lors de la gastroscopie avec biopsies, et de la polypectomie colique. Un doute persiste quant à l’électrocoagulation à la pince chaude en coloscopie [8] ; le risque ne paraît pas clairement majoré par la prise d’aspirine ou d’ A.I.N.S. pour la sphinctérotomie endoscopique [2].

Thiénopyridines (Ticlid, Plavix)

Sont encore moins bien évalués quant au risque hémorragique qu’ils représentent en cas d’endoscopie diagnostique ou thérapeutique. Ils justifient probablement une plus grande circonspection dans le cadre d’actes endoscopiques à haut risque hémorragique [3].

 

Les actes endoscopiques usuels vus sous l’angle pratique du risque hémorragique

  • L’endoscopie œsogastroduodénale par voie orale présente un risque minimal et la pratique de biopsies conventionnelles, (à la pince) ne paraît guère l’accroître [9] de façon importante (0,03 %). En général, il s’agit alors d’une érosion artériolaire iatrogène, à petit débit, très circonscrite, facile à traiter par injection d’adrénaline s’il y a retard de l’hémostase spontanée.
  • L’endoscopie par voie nasale pose un problème différent, à savoir celui du risque d’épistaxis, complication rare, mais plus difficile à maîtriser par le gastroentérologue en cas de survenue chez un sujet dont l’hémostase est altérée.
  • Lors de la coloscopie, le délai de programmation acceptable rend souvent possible l’arrêt d’un traitement A.A. d’indication  » épidémiologique « , ou le relais par H.B.P.M. ou Cébutid d’un traitement A.A. ou A.C. ; le risque de perforation (et donc de laparotomie sous A.A. ou A.C.) est faible (0,06 % selon l’enquête S.F.E.D. réalisée en 1998) et reste probablement inférieur au risque de thrombose, lui-même variable et mal évalué, en cas d’arrêt complet du traitement.

Pour les biopsies (conventionnelles), la question se pose dans les mêmes termes qu’en endoscopie haute.

Le risque inhérent à la polypectomie sous A.A. ou A.C. est conditionné par la taille, et surtout à l’heure actuelle, par le type anatomique du polype :

  • La résection de polypes pédiculés même volumineux, peut s’envisager grâce aux anses largables type  » endoloop  » qui permettent de façon préventive, l’hémostase mécanique. Pour des lésions pédiculées de petite taille, le risque est réduit par les bistouris actuels à  » endocoupe  » ; en cas de saignement inopiné, même artériolaire, il faut insister sur le caractère circonscrit et localisé favorisant un contrôle rapide de celui-ci par injection d’adrénaline in situ et (ou) pose d’un clip.
  • Par contre, la mucosectomie colique aussi bien que gastrique ou duodénale, de lésions planes ou sessiles expose si elle est étendue, une plus grande surface d’abrasion vasculaire susceptible de saigner d’une ou plusieurs sources artériolaires à clipper (14 cas sur 120 mucosectomies larges dans la casuistique de l’auteur, toutes traitées endoscopiquement, non transfusées) mais aussi en nappe, en cas de troubles de l’hémostase (1 cas ayant dû être transfusé de 2 culots).

Qu’il s’agisse de polypectomie ou de mucosectomie, on peut aussi assister à des saignements différés (jusqu’à 29 jours).

Le risque hémorragique de la sphinctérotomie endoscopique est de 1,4 à 5 %.
Si les A.A. n’augmentent pas de façon nette ce risque dans l’étude de Nelson, celui-ci est accru très significativement sous AVK (multiplié par 7,8) ou sous Héparine chez des dialysés [2].

Le rôle de facteurs anatomiques [10] (Billroth II, diverticule), de la longueur et de l’indication de la sphinctérotomie (sténose oddienne, lithiase cholédocienne) ont aussi été évoqués pour favoriser ce risque. Ces facteurs sont parfois liés (exemple : sphinctérotomie plus large en cas de lithiase, diverticule souvent associé à la lithiase) et il est difficile de les faire ressortir en tant que facteurs indépendants d’hémorragie post sphinctérotomie. Il faut probablement distinguer l’hémorragie différée [2], du saignement perendoscopique immédiat ; ce dernier est un élément prédictif du premier qui peut aussi survenir de façon torpide à distance, en l’absence de saignement significatif initial ; c’est surtout ce risque différé qui serait augmenté par les anticoagulants.

Dans l’expérience de l’auteur portant sur 7000 sphinctérotomies endoscopiques environ, le risque hémorragique paraît globalement plus souvent lié à des facteurs anatomiques tels que la présence d’un diverticule, ou à l’indication (sténose oddienne fibreuse déjà sphinctérotomisée auparavant), qu’à des altérations, parfois majeures de la crase sanguine lors de cas vus en urgence.

L’évaluation du rapport bénéfice/risque peut (et doit) de toutes façons conduire dans certaines situations, à accepter la pratique d’une désobstruction cholédocienne en urgence chez des patients à l’hémostase imparfaitement corrigée. Par exemple, du fait de l’association à une C.I.V.D liée à une angiocholite, ou du fait de la précarité de leur état et d’un risque septique menaçant à brève ou moyenne échéance, ou encore d’un risque vasculaire majeur empêchant l’arrêt du traitement.

Certaines techniques permettent de réduire les risques. Elles conduisent parfois à réaliser le traitement en deux temps si les troubles de la coagulation sont transitoires, exemples :

  • sphinctérotomie incomplète et pose d’une prothèse plastique en cas d’angiocholite associée à des troubles majeurs de l’hémostase, mais dont on peut espérer une correction secondaire autorisant dans une deuxième séance la clearance cholédocienne des calculs, après avoir complété la sphinctérotomie ;
  • sphinctéroclasie au ballonnet pour extraction des calculs, éventuellement précédée de lithotritie, en cas de troubles de l’hémostase chez un sujet qui présente un diverticule de la fenêtre duodénale ;
  • pose de prothèse biliaire métallique sans sphinctérotomie, ou en position cholédocoduodénale transpapillaire. La force d’expansion sur la sphinctérotomie assure dans ce cas, une hémostase très efficace par compression ; à titre indicatif, sur 950 insertions de prothèses biliaires expansibles placées après sphinctérotomie en position transpapillaire, aucun saignement de sphinctérotomie n’a été constaté dans notre unité, contre 2 sur 30 prothèses en position intracholédocienne.

Même en cas d’hémorragie post sphinctérotomie, le site de saignement est très circonscrit, ce qui permet
une maîtrise généralement facile du saignement aigu immédiat par l’injection d’adrénaline diluée (1/10 000 à 1/20 000) au niveau des berges. A titre d’exemple, au cours des 6 dernières années, sur 3 000 sphinctérotomies effectuées par l’auteur, une quarantaine de saignements aigus ont été observés pendant le geste. Tous ont été immédiatement et complètement maîtrisés par l’injection d’adrénaline, y compris chez les patients sous A.A. ou à l’hémostase altérée. Ce traitement a dû être renouvelé dans 6 cas (indépendamment de troubles de l’hémostase) du fait de l’extériorisation de melena ; 2 malades seulement ont dû être transfusés.

Mais le saignement peut aussi être différé. 3 autres hémorragies sont ainsi apparues secondairement, chez des patients qui n’avaient pas saigné pendant la sphinctérotomie, jusqu’à 8 jours après le geste ; 2 de ces patients ont dû être transfusés. Ils ont bénéficié de traitement hémostatique endoscopique ; aucune embolisation radiologique et aucun geste chirurgical n’ont été nécessaires. Ce problème du saignement tardif est donc à considérer, en cas de traitement A.A. et surtout A.C., par exemple dans l’étude de Freeman [2], le risque de saignement tardif atteindrait 10 à 15 % en cas de reprise trop précoce du traitement anticoagulant avant le 3e jour. Il peut aussi être intéressant de corriger au moins partiellement l’hémostase après réalisation d’une sphinctérotomie en urgence, même si elle n’a pas particulièrement saigné.

D’autres procédures endoscopiques génèrent un risque à la fois moins évalué et difficile à maîtriser en cas de survenue : il s’agit de la ponction sous échoendoscopie et des dilatations endoscopiques de l’œsophage ou du tractus digestif.

 

Procédures à faible risque :

  • endoscopie œsogastroduodénale diagnostique avec ou sans biopsie (conventionnelle),
  • coloscopie diagnostique avec ou sans biopsie, résection de polype pédiculé de petite taille, ou avec endoloop,
  • échoendoscopie sans ponction,
  • CPRE diagnostique ou insertion de prothèse sans sphinctérotomie, ou de prothèse expansible transpapillaire,
  • Prothèse métallique expansible du tractus digestif sans dilatation,
  • Entéroscopie,

 

Procédures à risque significatif :

  • sphinctérotomie endoscopique,
  • ampullectomie,
  • mucosectomie ou polypectomie de lésion plane ou sessile de taille > 1,5 cm,
  • macrobiopsie à l’anse,
  • gastrostomie per endoscopique,
  • ponction sous échoendoscopie,
  • dilatation.

 

Cas particuliers :

  • endoscopie digestive par voie nasale (épistaxis ?),
  • procédures d’hémostase (portent sur des lésions vasculaires dont elles peuvent réactiver le saignement mais s’inscrivent souvent dans un contexte d’urgence).
  • biopsies à la  » pince chaude  » (risque discuté) [8].

 

Synthèse et tentative de proposition de recommandations pratiques

Le principe général qui devrait prévaloir est l’évaluation individuelle du rapport bénéfice/risque de l’arrêt ou du maintien du traitement A.A. ou A.C., de l’opportunité d’un éventuel relais et donc de la date de programmation de l’acte endoscopique ; l’avis du cardiologue ou du chirurgien vasculaire est fortement souhaitable lors de cette discussion. Aucune séquence n’est donc a priori critiquable.

Lorsque le traitement A.C. est temporaire (par exemple : thrombophlébite) et l’acte endoscopique  » électif  » (par exemple coloscopie de contrôle ou de dépistage), celui-ci peut et doit, bien sûr, être différé. Dans les autres cas, une schématisation peut se faire selon le type de traitement comme dans les recommandations de l’A.S.G.E. [11] ou selon l’examen, ce qui colle plus aux  » situations rencontrées en pratique  » par le Gastro-Entérologue.

 

Prescription d’une endoscopie digestive haute

Pas d’ajustement thérapeutique particulier à envisager sauf surdosage thérapeutique en AVK (vérifier TP, INR) qu’il faut seulement prendre le temps d’ajuster dans ce cas.

Pour les A.A., le traitement n’est arrêté qu’en cas de prescription  » abusive  » et d’examen non urgent.

Les biopsies conventionnelles peuvent être pratiquées si nécessaire. On peut conseiller de disposer d’adrénaline et de matériel d’injection in situ, ce qui est souhaitable dans tous les blocs d’endoscopie.

On peut rapprocher de cette situation, la programmation d’une échoendoscopie diagnostique.

 

Programmation d’une coloscopie

La coloscopie diagnostique avec ou sans biopsie ne justifie pas d’autre préalable puisqu’elle fait partie des actes à  » faibles risques « . Cependant, le problème de la polypectomie se pose fréquemment et on ne sait pas a priori dans quelle catégorie de risque rentrera finalement l’acte en question.

 

Sous aspirine (ou AINS)

La coloscopie peut s’envisager sans fenêtre thérapeutique, et donc sans délai, avec ou sans biopsie ainsi que la polypectomie. L’usage de l’endoloop est conseillé pour les polypes pédiculés, et il est nécessaire de disposer de matériel d’hémostase endoscopique. La découverte d’un gros polype sessile ou d’une vaste lésion plane (plus de 1,5 cm) peut conduire à reprogrammer le patient pour résection après relais, ou après arrêt, selon avis du cardiologue.

Sous AVK et Thiénopyridines (Plavix, Ticlid)

La coloscopie diagnostique avec ou sans biopsie, peut être envisagée après simple vérification du niveau de décoagulation et de l’absence de surdosage par le TP et l’INR dans le cas d’un traitement par AVK. Cependant, la découverte de polypes risque de conduire à une reprise endoscopique pour résection après relais thérapeutique.
La politique de l’auteur consisterait plutôt à programmer le geste après arrêt ou – le plus souvent – relais thérapeutique : AVK -> HBPM, Thiénopyridine -> HBPM ou Cébutid selon l’avis cardiologique. Un délai de programmation de 4 à 5 jours pour les AVK, d’une dizaine de jours pour les Thiénopyridines est nécessaire dans ce cas mais tous les prolongements thérapeutiques sont alors réalisés au cours du même examen. Une surveillance en milieu hospitalier est instaurée en cas de polypectomie et le retour au traitement initial est discuté au cas par cas en fonction du potentiel hémorragique secondaire du geste thérapeutique effectué.

 

Les recommandations de l’A.S.G.E. [11]

Anticoagulant (AVK) :

  • Procédures  » à faible risque  » : gastro +/- biopsie, colo +/- biopsie, EE, ERCP +/- prothèse, entéroscopie :
      –>OK après vérification TP – INR.
  • Procédures  » à haut risque  » : polypectomie non précisée, sphinctérotomie, mucosectomie, dilatation, GPE, ponction sous EE :
      –> patient à faible risque de thrombose : interruption des AVK 3 à

      5 jours avant,
      –> patient à haut risque de thrombose : relais héparine, fenêtre thérapeutique, reprise  » individualisée « .

Aspirine et AINS :

  • Pas de précautions particulières recommandées en l’absence de risques démontrés.

Thiénopyridines (Plavix, Ticlid) :

  • Data insuffisant pour élaborer des recommandations.

 

REFERENCES

  • 1. DUBOIS O. – Recommandations concernant les relations entre anesthésistes-réanimateurs, chirurgiens et autres spécialistes ou professionnels de santé. Conseil National de l’Ordre 1994.
  • 2. NELSON DB, FREEMAN ML. – Major hemorrhage from endoscopic sphincterotomy : risk factor analysis. J Clin Gastroenterol 1994 ; 19(4) : 283-287.
  • 3. Société Française d’Anesthésie et de Réanimation. Groupe d’Etude sur l’Hémostase et la Thrombose de la Société Française d’Hématologie. Agents Antiplaquettaires et période périopératoire. Conférence d’experts 2001. Texte court.
  • 4. LASNE D. – Le temps de saignement doit-il être mesuré en préopératoire ? STV 2001 ; 6 : 342-347.
  • 5. KOZAK EA, BRATH L. – Do  » Screening  » coagulation tests predict bleeding in patients undergoing fiberoptic bronchoscopy with biopsy ? Chest 1994 ; 106 : 703-705.
  • 6. ASSIA EI, RASKIN T, KAISERMAN I, ROTENSTREICH Y, SEGEV F. – Effect of aspirin intake on bleeding during cataract surgery. J Cataract Refract Surg 1998 ; 24 : 1243-1246.
  • 7. SHIFFMAN ML, FARRET MT, YEE YS. – Risk of bleeding after endoscopic biopsy or polypectomy in patients taking aspirin or other NSAIDs. Gastrointest Endosc 1994 ; 40 : 458-462.
  • 8. DYER WS, QUIGLEY EMM, NOEL SM, CAMACHO KE, MANELA F, ZETTERMAN RK. – Major colonic hemorrhage following electrocoagulation (hot) biopsy of diminutive colonic polyps : relationship to colonic location and low-dose aspirin therapy. Gastrointest Endosc 1991 ; 37 : 361-364.
  • 9. O’LAUGHLIN JC, HOFTIEZER JW, MAHONEY JP, IVEY KJ. – Does aspirin prolong bleeding from gastric biopsies in man ? Gastrointest Endosc 1998 ; 27 : 1-5.
  • 10. FREEMAN ML, NELSON DB, SHERMAN S, HABER GB, HERMAN ME, DORSHER PJ, MOORE JP, FENNERTY MB, RYAN ME, SHAW MJ, LANDE JD, PHELEY AM. – Complications of endoscopic biliary sphincterotomy. N. Engl. J. Med. 1996 ; 335 : 909-918.
  • 11. American Society For Gastrointestinal Endoscopy. Guidelines on the management of anticoagulation and antiplatelet therapy for endoscopic procedures. Gastrointest Endosc 1998 ; 48 : 672-675.

 

REMERCIEMENTS
À Christian FLORENT
À Bertrand NAPOLEON

À Gérard GAY
À Jacques BAYLE