Les polyposes recto-coliques

Introduction

Les polyposes rectocoliques posent plusieurs problèmes : celui de leur diagnostic histologique, des lésions associées, du risque de cancérisation, de complications, de lésions associées et de leur transmission à la descendance.

Existe-t-il une ou plusieurs polyposes :

Il existe de nombreuses formes de polypose rectocolique. La poly-adénomatose rectocolique (PAF) est la plus fréquente et celle dont le pronostic est le plus grave. Mais il en existe d’autres :

  • polyposes hamartomateuses (Syndrome de Peutz-Jeghers) ;
  • polyposes juvéniles ;
  • syndrome de Kronkhite-Canada ;
  • polyposes hyperplasiques ;
  • syndrome de Cowden ;
  • polyposes lymphoïdes.

Ces polyposes ont des aspects cliniques, endoscopiques, histologiques et évolutifs différents. Certaines sont très rares (Syndrome de Cowden), d’autres plus fréquentes. Leur mode de transmission est différent.

La polypose adénomateuse familiale

C’est la plus fréquente. Il s’agit d’une maladie à transmission autosomale dominante à forte pénétrance. Cependant, il existe des formes atténuées (environ 10 %) chez qui les adénomes apparaissent tardivement et/ou le risque de cancer colorectal est tardif. La PAF est responsable d’environ 1 % des cancers colo-rectaux. Elle est 5 fois moins fréquente que le syndrome HNPCC. Elle survient chez environ 1 sujet sur 7 à 10 000. Elle se caractérise par l’existence de plus de 100 adénomes colo-rectaux et son caractère familial. Cependant, 20 % des cas de PAF observés sont des néomutants, c’est-à-dire des malades sans antécédents familiaux. Elle est secondaire à une mutation du gène APC (adenomatous polyposis coli). Il existe plus de 200 mutations différentes. Le gène APC code pour une protéine de 2843 acide aminés et la mutation a pour conséquence la synthèse d’une protéine tronquée dans la majorité des cas. Il existe actuellement des tests génétiques efficaces à près de 90 %, qui devraient être systématiquement réalisés chez les enfants nés dans des familles de PAF et proposés aux collatéraux. Le site de la mutation détermine la forme évolutive de la PAF, forme atténuées, formes diffuses, présence ou non de manifestations pigmentaires rétiniennes (taches noires au fond d’il). En effet, chez environ 70 % des PAF, il existe des lésions au fond d’il qui chez un enfant issue d’une famille de PAF présentant ces anomalies est pratiquement la preuve de l’atteinte génétique. Ces anomalies peuvent être observées dès la naissance ou plus tard dans la petite enfance. Dans ces familles, un examen du fond d’il doit être réalisé chez les enfants et les collatéraux, par un ophtalmologiste averti du motif de la recherche et de cette pathologie. L’apparition des adénomes est rare avant 10 ans et les premières coloscopies doivent être réalisées à partir de 11 ans.

Les PAF peuvent présenter des atteintes extra-digestives autrefois rassemblées sous le nom de Syndrome de Gardner qui n’a plus de raisons d’être compte tenu de l’identité génétique des malades avec et sans anomalies extra-digestives. Ces lésions comportent des tumeurs desmoïdes abdominales, des ostéomes mandibulaires, d’exostoses et de kystes sébacés multiples. D’autres manifestations tumorales peuvent également être observées : des hépatoblastomes, des cancers papillaires de la thyroïde et des tumeurs cérébrales dans le cadre du syndrome de TURCOT.

Comment traiter ?

Le traitement idéal de la PAF est la colo-proctectomie totale avec anastomose iléo-anale, idéalement en 1 temps. L’âge de la chirurgie doit être choisi en fonction de l’évolutivité de la maladie, de la croissance de l’enfant et de sa scolarité. Mais les atteintes coliques ne résument pas les lésions digestives des PAF.

  • Des lésions gastriques peuvent être observées : des adénomes (4 %), mais surtout des dysplasies glandulo-kystiques des glandes fundiques (18 à 30 % des cas), lésions vues le plus souvent en rétro-vision. Ces dernières ne comportent aucun risque néoplasique et ne justifient donc aucune surveillance.
  • Des lésions duodénales, à type d’adénome, surtout péripapillaire ou de la papille (29 %), avec un risque de cancérisation à distance de l’ordre de 4 %. Ces lésions duodénales s’observent dans environ 50 % des cas et justifient une surveillance endoscopique systématique réalisée avec un appareil à vision latérale et la réalisation de biopsies systématiques. Un premier examen doit être réalisé avant la colectomie, puis régulièrement (1 fois par an en cas de lésion, tous les 3 ou 4 ans en l’absence de lésion).
  • Des adénomes apparaissant au niveau du réservoir chez environ 50 % des malades opérés. L’apparition de ces adénomes est progressive après l’intervention. Plusieurs cas de dysplasie sévère ont été rapportés, ce qui là encore, justifie la surveillance endoscopique et histologique.

Existe-t-il un traitement médical des adénomes extra-coliques ?

Le sulindac a été proposé il y longtemps dans le traitement des adénomes colo-rectaux récidivants. Dans les PAF, ce traitement ne se conçoit qu’après chirurgie colo-rectale. Son efficacité dans les formes duodénales et papillaires est faible (moins de 20 %) et ne se traduit que par une diminution de la taille des lésions. Récemment, un anti COX-2 (célécoxib) a montré une certaine efficacité dans le traitement des lésions duodénales et a obtenu une AMM à forte dose dans cette indication. Il reste à voir ses effets à long terme et à apprécier sa tolérance hors protocole. Il n’existe aucun traitement des tumeurs desmoïdes (radiothérapie, chimiothérapie, anti-inflammatoires non stéroïdiens et progestérone). La chirurgie ne doit être indiquée que la main forcée, car le risque de récidive à court terme est proche de 100 %.

Polyposes non adénomateuses

» Le syndrome de PEUTZ-JEGHERS

Il associe une pigmentation cutanée et des polypes hamartomateux gastriques coliques et au niveau de l’intestin grêle. Les lésions cutanées peuvent apparaître dans la petite enfance.

Elles se localisent au niveau des orifices : nez, lèvres, aux mains et aux pieds et dans la région anale et génitale. Les polypes augmentent progressivement de volume et peuvent entraîner des complications occlusives par invagination ou des hémorragies graves lors de leur nécrose. Des carcinomes ont été rapportés, sans doute développés à partir de foyers d’adénomes. D’autres tumeurs s’observent après 50 ans : cancers du testicule, kystes ovariens, cancers du sein parfois bilatéral d’emblée, cancers du pancréas et des voies biliaires. Le gène n’est pas encore identifié. Sa transmission se fait sur un mode dominant à pénétrance variable. Le traitement est endoscopique ou chirurgical.

La surveillance des sujets à risque est difficile.

» Les polyposes juvéniles

Elles font partie des hamartomatoses. Les polypes sont caractérisés par une hypertrophie de la lamina propria, et des glandes kystiques dilatées. Ces lésions s’observent habituellement dans l’enfance. On distingue les formes gastriques pures, les formes coliques et les formes mixtes. La maladie se révèle dans l’enfance par des complications : hémorragies, occlusions par invagination ou obstruction.

Ultérieurement, ils peuvent se compliquer par l’apparition de cancers rectaux ou coliques, développés à partir de petits foyers d’adénome. Dans certains cas de polypose juvénile, une colectomie totale est parfois nécessaire dans l’enfance. Le gène candidat est situé sur le chromosome 10.

» Le syndrome de KRONKHITE-Canada

C’est une polypose hamartomateuse associée à une atrophie voire une chute des ongles, une alopécie totale, une pigmentation cutanéo-muqueuse, une diarrhée avec malabsorption et entéropathie exsudative. Les polypes sont retrouvés de l’estomac au rectum. Il existe un faible risque de malignité du fait de la présence de foyers d’adénome.

» Le syndrome de COWDEN ou polypose hamartomateuse

Il s’agit d’une maladie génétique rare (moins de 150 cas) qui associe des polypes hamartomateux de l’estomac, du grêle, et du côlon ; une acanthose glycogénique de l’sophage, des papules faciales, une kératose acrale, et une papillomatose buccale et génitale. Cette affection est associée à de nombreux cancers extra-digestifs : sein, thyroïde, génitaux chez la femme. Sa transmission se fait sur le mode autosomal dominant à forte pénétrance. Le risque principal est le cancer du sein et de la thyroïde. Les cancers coliques sont rares.

» La polypose lymphoïde

Elle se caractérise par la présence de multiples follicules lymphoïdes hyperplasiques dans le rectum, le côlon et parfois dans l’iléon terminal. Cette affection bénigne n’entraîne habituellement aucun symptôme. Elle disparaît spontanément. Cette lésion ne doit pas être confondue avec la polypose lymphomateuse.