Entéroscopie

Introduction

L’exploration non radiologique de l’intestin grêle a été dominée ces dix dernières années par le développement de la vidéo entéroscopie poussée (VEP).
Cette technique, relativement peu diffusée, permet d’explorer environ 70 à 120 cm de jéjunum proximal et 60 cm d’iléon distal. Les images obtenues sont d’excellente qualité, la progression de l’endoscope dans le tube digestif ainsi que le temps d’examen d’une éventuelle lésion sont parfaitement maîtrisables par l’endoscopiste et la présence d’un canal opérateur permet la réalisation de biopsies et d’actes thérapeutiques.
La vidéo capsule électronique, bien que ne possédant pas ces facultés qui restent l’apanage de la VEP, jouit d’un développement rapide du fait de son caractère non invasif, de son innocuité et de sa capacité à visualiser l’intestin grêle sur toute sa longueur.
Il paraît donc nécessaire de redéfinir en 2003 les indications et l’apport de la VEP.

Indications avec VEP incontournable

Il s’agit essentiellement d’indications où une entéropathie déjà suspectée, localisée dans une portion du grêle accessible à la VEP et ne nécessitant pas de geste chirurgical, doit être soit confirmée (visualisation + biopsies) soit traitée par méthode endoscopique.

  • Image radiologique anormale sur un transit du grêle ou sur un scanner avec entéroclyse : la VEP est contributive dans plus de 70 % des cas soit en infirmant l’anomalie radiologique, soit en visualisant la lésion qui sera biopsiée permettant ainsi de différencier une pathologie tumorale, lymphomateuse, infectieuse ou inflammatoire [1, 2]. Par analogie, de nombreuses anomalies du grêle suspectées par vidéocapsule et situées dans un segment de grêle accessible à la VEP vont devoir être confirmées pour peu que les lésions n’aient pas un aspect typique et ne relèvent pas d’un traitement chirurgical.
  • Diarrhée chronique inexpliquée: en dehors de la maladie cœliaque, la rentabilité diagnostique de la VEP avec biopsies jéjunales paraît très limitée, particulièrement lorsque les biopsies duodénales effectuées au cours d’une endoscopie standard sont normales [3] ; dans les cas de maladies cœliaques sensibles au régime sans gluten la VEP n’a aucun intérêt car les résultats des biopsies jéjunales sont identiques à ceux des biopsies duodénales; par contre en cas de sprue réfractaire, c’est-à-dire résistante à un traitement sans gluten parfaitement suivi, la VEP avec biopsies étagées (microscopie optique et typage lymphocytaire) permet de diagnostiquer chez environ 50 % des malades une jéjunite ulcérée ou un lymphome [4].
  • Maladie de Crohn: la VEP a peu d’intérêt hormis cas particuliers; les entéroscopies per-opératoires totales qui ont été effectuées à l’occasion de gestes de résection visualisent effectivement des lésions éparses dans 65% des cas, mais la majorité de ces lésions sont de petite taille et les lésions significatives ont toujours été préalablement repérées par les examens radiologiques standards ; par ailleurs, l’entéroscopie per-opératoire ne modifie la tactique opératoire que chez 10 % des patients [5].
  • Bilan de polypose digestive: dans la polyadénomatose familiale, la vidéoentéroscopie poussée par voie haute ne doit être réalisée à la recherche d’un adénome du jéjunum proximal que s’il existe des adénomes duodénaux ; dans notre expérience, l’exploration jéjunale ou iléale est relativement difficile avec une intubation grêle peu profonde lorsque les patients ont subi préalablement une colectomie totale ou une duodénopancrétectomie cephalique, probablement du fait d’adhérences. Dans le syndrome de Peutz-Jeghers l’entéroscopie doit être la première fois une entéroscopie per opératoire totale permettant à la fois le repérage et l’exérèse des tumeurs grêles [6].
  • Traitements endoscopiques : le développement de petits matériels adaptés à la longueur de l’entéroscope permet la réalisation de dilatation, de polypectomie, d’injection de produit sclérosant ou d’électro-coagulation plasma-argon. L’electro-coagulation des lésions artério-veineuses grêle est discutée ; elle semble efficace si les lésions sont de taille significative, peu nombreuses et manifestement responsables du saignement digestif ; son efficacité n’est par contre pas démontrée lorsque les lésions sont de petite taille, multiples, et ce d’autant que l’histoire naturelle des angiodysplasies est mal connue (selon Lewis, environ seulement 10 % des angiodysplasies coliques saignent et la non récidive spontanée de l’hémorragie est observée dans près de 44% des cas).

Hémorragies digestives inexpliquées :
VEP et/ou vidéocapsule

Les hémorragies digestives inexpliquées (HDI) sont fréquentes puisqu’elles représentent 3 à 5 % des hémorragies extériorisées et 29 à 52 % des hémorragies occultes avec anémie sidéropénique. L’exploration de ces HDI représente le motif le plus fréquent de recours à la VEP avec une rentabilité globale dans cette indication maintenant bien établie. Actuellement, l’intérêt de la VEP est remise en question par le développement rapide de la vidéocapsule électronique.

A. Résultats acquis de la VEP

Si l’on prend pour référence les séries publiées entre 1996 et 2002 [1, 2, 7, 8, 9, 10, 11] comportant plus de 80 malades, un diagnostic lésionnel est effectué par la VEP dans 50 % des cas (extrêmes: 24 à 70 %), la moitié des lésions mises en évidence étant retrouvée dans des sites digestifs (œsophage, estomac, duodénum, côlon) accessibles aux explorations standards, l’autre moitié étant située au niveau du grêle (extrêmes : 15 à 47 % des patients explorés). Le nombre important de lésions préalablement méconnues ou mal interprétées est retrouvé dans toutes les séries publiées ; cela s’explique probablement par le fait que l’entéroscopie est aussi une gastroscopie et/ou une coloscopie effectuées avec un appareillage de dernière génération, performant, dans des conditions de réalisation optimisées (patient anesthésié, préparation colique soigneuse, examen effectué en dehors de l’urgence), le plus souvent par un petit nombre d’endoscopistes en général expérimentés dans le domaine de l’hémorragie digestive. Par ailleurs, l’obtention au cours d’un même examen de la «certitude» d’un grêle normal amène à retenir la responsabilité «a posteriori» d’anomalies œso-gastriques, duodénales ou coliques, considérées «a priori» comme innocentes.
L’angiodysplasie qu’elle soit gastrique, colique ou grêle est la lésion la plus fréquemment retrouvée chez 6 à 40 % des patients présentant un HDI et représente 27 à 89 % des lésions mises en évidence.
Après les angiodysplasies, ce sont les hernies hiatales compliquées qui représentent les lésions les plus fréquentes ; les tumeurs de l’intestin grêle représentent en fonction des études, jusqu’à 10 % des étiologies de HDI. Dans notre expérience portant sur 154 patients, 6 tumeurs de l’intestin grêle ont été diagnostiquées grâce à la VEP; chez 258 patients explorés par sonde entéroscopique pour HDI, Lewis trouve une tumeur grêle dans 5 % des cas [12]; chez les patients de moins de 50ans, ces tumeurs constituent la première cause d’hémorragie inexpliquée.
Au total, la rentabilité diagnostique lésionnelle est relativement faible, particulièrement au niveau du grêle; il paraît donc important de connaître:
• les facteurs prédictifs de rentabilité;
• ainsi que la significativité des lésions découvertes et par là même, le devenir des patients avec VEP négative, c’est-à-dire sans diagnostic lésionnel.

B. Facteurs prédictifs de rentabilité

SELON LE CARACTERE «OCCULTE» (ANEMIE SIDEROPENIQUE) OU EXTERIORISE DE L’HDI
La rentabilité globale de la VEP dans les séries comportant plus de 80 patients y compris la nôtre, paraît plus élevée dans les cas d’hémorragies extériorisées que dans les cas de sidéropénie occulte ; par contre, il n’y a pas de consensus en ce qui concerne la rentabilité spécifique grêle ; une rentabilité spécifique plus élevée dans les hémorragies extériorisées mises en évidence par certains auteurs [7, étude personnelle] n’est pas retrouvée par d’autres [2, 8].
 
SELON LE TYPE D’EXTERIORISATION
La rentabilité de la VEP en fonction du type d’extériorisation a été peu étudiée ; selon les résultats publiés par Lepère [13] et selon notre propre expérience, en cas de méléna, la VEP par voie haute a une rentabilité diagnostique globale de 43 à 73 % et spécifique grêle de 25 à 33 % ; par contre, la VEP par voie basse a une rentabilité globale de 7 % et spécifique grêle de 2 à 3 % ; pour cette raison, il ne nous paraît pas opportun en cas de méléna d’associer une VEP par voie basse à la VEP par voie haute.
A l’inverse, en cas de rectorragie, la rentabilité globale et spécifique de la VEP par voie haute est très faible (dans notre expérience, la rentabilité spécifique est nulle, qu’il s’agisse de rectorragie pure ou de rectorragie associée à du méléna); dans les mêmes conditions la VEP par voie basse, si elle a une rentabilité globale d’environ 30 à 55 % des cas, présente une rentabilité spécifique grêle très faible de 4 à 9 % en cas de rectorragie pure et de 0 % en cas de rectorragie associée à du méléna ; dans ces conditions, la présence d’une rectorragie pure ou associée à du méléna ne nous semble pas une bonne indication de l’entéroscopie que ce soit par voie haute ou par voie basse, et doit avant tout imposer la réalisation d’une nouvelle coloscopie avec examen de l’iléon terminal.
Au total, alors que, comme d’autres équipes françaises nous avons réalisé de nombreuses entéroscopies par double voie, haute et basse, l’analyse de ces résultats nous amène à l’instar de nos collègues américains, à ne plus réaliser que des entéroscopies par voie haute sauf cas particulier.
 
FACTEURS PREDICTIFS DE RENTABILITE DE LA VEP PAR VOIE HAUTE
Ces facteurs ont été peu étudiés ; selon Lepère [14], en analyse multivariée, il s’agit essentiellement de la présence de méléna et d’une insuffisance rénale chronique en ce qui concerne la rentabilité globale et d’une insuffisance rénale chronique seule en ce qui concerne la rentabilité spécifique. Nous nous sommes intéressés à l’étude des facteurs prédictifs de rentabilité globale de la VEP par voie haute en fonction du caractère extériorisé ou non de l’hémorragie ; en analyse multivariée dans les deux cas, les facteurs prédictifs de rentabilité sont un âge avancé et une hémoglobine basse et dans le cas d’une hémorragie extériorisée, la présence d’un méléna [15]. Il est intéressant de noter que chez la femme, un facteur prédictif de rentabilité élevé de la VEP par voie haute en cas d’anémie occulte, est représenté par la ménopause. Pour cette raison, en cas d’anémie sidéropénique sans extériorisation, nous n’acceptons d’effectuer une VEP par voie haute chez la femme jeune qu’après un bilan gynécologique très exhaustif, l’abondance des menstruations étant très souvent sous-estimée à la fois par les patientes et par les gynécologues. Au total, l’indication idéale de la VEP par voie haute est représentée par le méléna chez le patient âgé de plus de 65 ans, insuffisant rénal, avec trouble de la coagulation et ayant reçu une transfusion de plus de 4 culots globulaires.

C. Significativité des lésions découvertes

Dans notre expérience, portant sur 154 patients, avec un suivi moyen de 52mois, une récidive hémorragique a été observée chez 40,5 % des patients avec un mode de récidive identique dans 93 % des cas.
De même, un taux élevé de récidive hémorragique de 21 à 52 % des cas observés chez les patients ayant subi une entéroscopie totale per-opératoire (considérée comme le gold standard de l’exploration de grêle), avec éventuelle résection chirurgicale de toute lésion anormale, amène à discuter la significativité des lésions découvertes par VEP. A ce jour, une seule étude a été publiée rapportant le taux actuariel de récidive hémorragique selon le type de lésion diagnostiquée chez 105 patients ayant eu une HDI, avec un suivi moyen de 29 mois [11]. A troisans, le taux de récidive hémorragique est de 56 % chez les patients avec malformation artério-veineuse, de 24 % chez les patients avec diagnostic lésionnel autre que celui de malformation artério-veineuse et de 39 % chez les patients chez lesquels aucune lésion n’a été mise en évidence par VEP. La différence entre ces différents groupes est à la limite de la significativité peut-être du fait d’une population étudiée insuffisante. Par ailleurs, il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre les taux de récidive observés dans le groupe anémie sidéropénique occulte et celui du groupe hémorragie extériorisée. En analyse multivariée, les patients avec risque de récidive hémorragique sont ceux ayant eu de multiples épisodes hémorragiques et ceux ayant nécessité des transfusions itératives.

D. Significativité des VEP négatives

Un problème important est représenté par le pourcentage élevé d’environ 50% de «VEP négatives» c’est-à-dire sans mise en évidence d’anomalie lésionnelle ; on peut supposer que dans ces cas, il s’agit soit de patients avec les lésions non visualisables car extra-digestives, ou bien digestives mais fugaces ou invisibles sous muqueuses, soit de patients ayant des lésions non atteintes par l’entéroscope du fait d’une exploration incomplète du grêle. Nous ne disposons que de peu d’information concernant le devenir de ces patients. Deux communications récentes [11, 16] avec un suivi de 29 à 31 mois montrent que chez ce type de patients, un diagnostic étiologique est porté secondairement au cours du suivi dans 15 à 50 % des cas. Dans notre expérience portant sur 71 patients sans diagnostic lésionnel à la VEP, sur un suivi de 53 mois, un diagnostic a été secondairement porté dans 47 % des cas soit par la réalisation d’autres explorations morphologiques (nouvelle VEP, entéroscopie per-opératoire, vidéocapsule) avec mise en évidence de nouvelles lésions grêles, soit par révision du dossier du patient, l’entéroscopie bien que négative étant contributive en attribuant à une lésion déjà connue (diverticules coliques, hémorroïdes), une imputabilité qui n’avait pas été initialement reconnue. Parmi les patients sans aucun diagnostic étiologique au terme du suivi, seuls 37 % d’entre eux ont eu une récidive hémorragique (ces résultats sont tout à fait similaires à ceux rapportés par Sahay [17] qui ne met en évidence une persistance de l’anémie sidéropénique inexpliquée que chez seulement 11 % des patients au terme d’un suivi de 68mois) ; il est intéressant de noter que tous ces patients appartiennent au groupe anémie sidéropénique sans extériorisation et qu’il s’agit dans tous les cas, de femmes dont la moitié n’était pas ménopausée; à l’inverse dans le groupe de patients ayant une hémorragie initialement extériorisée, aucune récidive hémorragique n’est restée inexpliquée au terme du suivi, ceci probablement dû au fait que dans ce groupe de patients tous les moyens (artériographie, entéroscopie per-opératoire, laparotomie) ont été mis en œuvre pour retrouver l’origine du saignement.

E. Impact de la vidéocapsule électronique sur les indications de la VEP

La vidéocapsule électronique (VCE) du fait de ses avantages (innocuité, absence d’anesthésie, exploration complète du grêle), pour peu que son rapport coût-efficacité devienne favorable, devrait être dans l’avenir le moyen idéal d’exploration de la muqueuse grêle ; elle pourrait remplacer le transit du grêle, la scintigraphie au technétium, voire certaines indications d’artériographie, l’entéroscopie gardant des indications spécifiques de confirmation lésionnelle (biopsie) et de traitement endoscopique.
La question n’est pas de savoir si la VCE va remplacer la VEP mais de savoir quand elle doit être proposée par rapport à la VEP.
Le remplacement de la VEP par la vidéocapsule électronique [18] comme examen de première ligne lors de l’exploration des HDI risque en premier lieu de retarder, voire d’aboutir à la disparition de la phase de réévaluation œsogastroduodénale et colique par la vidéoentéroscopie à double voie des auteurs français. Un examen par vidéocapsule ne devrait être proposé qu’après une phase de réévaluation du tractus digestif par gastroscopie-coloscopie présentant les mêmes critères de qualité que ceux fournis par la VEP (endoscope de dernière génération, conditions d’examen optimisées, endoscopistes différents et expérimentés).
L’étude de la sensibilité et de la précision diagnostique de la vidéocapsule par rapport à la VEP est en cours. Pour le moment, on ne dispose que de peu d’études comportant peu de malades avec un suivi très court. Dans les segments de grêle accessibles à la VEP, il semble que la sensibilité de la vidéocapsule soit au mieux égale voire, pour certaines études, inférieure à celle de la VEP. Le gain diagnostique lésionnel de la VCE par rapport à la VEP, estimé environ à 20 %, se fait exclusivement au niveau du jéjunum distal et de l’iléon par la mise en évidence soit de lésions dont la significativité sera peut-être encore à démontrer, soit de saignements actifs. Dès lors, en dehors des situations où un geste chirurgical d’emblée est nécessaire, va se poser le problème dans certains cas de la confirmation lésionnelle et du traitement par entéroscopie soit de type VEP pour les lésions accessibles soit par entéroscopie totale per-opératoire.
Les indications où la VCE pourrait être proposée avant une VEP pourraient être :
a) les HDI chez les patients âgés de moins de 45-50 ans, qu’il s’agisse d’hémorragie extériorisée ou d’anémie sidéropénique, car dans ces cas les principales étiologies sont les tumeurs du grêle, les diverticules de Meckel et la maladie de Crohn,
b) les rectorragies inexpliquées après iléo-coloscopie chez les patients de plus 50 ans, situation où la VEP est très peu rentable.
A l’inverse, la VEP pourrait être effectuée avant un examen par VCE chez les patients âgés ayant un méléna et ce d’autant que la déglobulisation est importante et qu’il existe une insuffisance rénale, situation où la VEP a une rentabilité élevée. On pourrait même imaginer que chez ce type de patient, la VEP devrait être effectuée d’emblée en remplacement de la gastroscopie standard initiale. En cas de normalité de la VEP et de récidive hémorragique, un examen par vidéocapsule électronique serait alors proposé en deuxième intention.

F. Vidéoentéroscopie totale per-opératoire

L’exploration chirurgicale par laparotomie couplée à une entéroscopie per-opératoire totale était jusqu’ici réservée aux HDI graves, récidivantes chez des patients le plus souvent fragiles; le premier temps comporte une exploration chirurgicale qui aboutit à un diagnostic lésionnel dans 25 à 70 % des cas ; il est intéressant de noter que ce diagnostic lésionnel dans certaines publications est de 100 % lorsque le patient est âgé de moins de 50 ans, du fait de la fréquence à cet âge des étiologies tumorales ou diverticulaires de type Meckel. L’entéroscopie totale ensuite effectuée, soit après entérotomie soit plus récemment par voie per-orale à l’aide de vidéo-entéroscope, permet un diagnostic lésionnel supplémentaire de 21 à 62 %, avec au total un diagnostic lésionnel chez 74 à 97 % des patients. Ces résultats sont obtenus au prix de complications (lacération, plaie digestive, iléus post-opératoire, infection des parties molles) dans 13 à 41% des cas, avec jusqu’à 8 % de décès dans certaines séries du fait de l’état général précaire des malades. Dans ce type de population, il a été observé au cours du suivi, des récidives hémorragiques dans 21 à 52 % des cas, posant là encore le problème de la significativité réelle des lésions découvertes.
Dans l’avenir, l’exploration totale du grêle par endoscopie pourrait être réalisée de façon moins agressive, en dehors d’une laparotomie, soit par une méthode d’entéroscopie avec aide d’un double ballon (sur endoscope et sur le sur-tube) en cours d’étude de faisabilité, soit par entéroscopie coelio-guidée.

Notre expérience de cette dernière technique porte sur 12 patients ; sa réalisation nécessite une laparoscopie exploratrice qui, si elle n’est pas contri- butive, est complétée d’une entéroscopie effectuée par voie per orale sans entérotomie ; la progression de l’entéroscope et l’examen conjoint de la muqueuse de la séreuse grêle se font en combinant la poussée de l’endoscope par les gastroentérologues et l’empilement du grêle par le chirurgien. Chez près de la moitié de nos patients (tous les derniers patients explorés), l’iléon distal ainsi que le cæcum ont pu être atteints permettant ainsi un diagnostic lésionnel et un traitement chirurgical définitif dans 50 % des cas. Aucune complication n’a été observée ; les explorations non suivies de traitement chirurgical n’ont nécessité qu’une hospitalisation de 48h [19].

CONCLUSION

La vidéo-entéroscopie poussée garde en 2003 des indications spécifiques (malades sélectionnés, réalisation de biopsies, traitements endoscopiques). Sa place dans l’exploration des hémorragies digestives inexpliquées doit être redéfinie par rapport à la vidéocapusle électronique, les critères de choix étant essentiellement représentés par la disponibilité de tel ou tel appareillage, par l’âge du patient et le type de saignement.
Le développement de la vidéocapsule électronique devrait déboucher sur de nouvelles indications de confirmation lésionnelle ou de traitement soit par vidéoentéroscopie poussée classique soit par entéroscopie per-opératoire.

 

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