Traitement endoscopique du reflux gastro-œsophagien

Depuis 1999, de nouvelles techniques de traitement endoscopique du reflux gastro-œsophagien apparaissent régulièrement. Une ou deux des ces méthodes vont-elles s’imposer dans les années à venir? Il est certainement trop tôt pour le dire. En tout cas, ce brusque intérêt pour un secteur qui avait été jusqu’ici peu exploré témoigne d’une forte vitalité technologique dans le domaine de l’endoscopie. On doit cela à quelques Géo Trouvetout endoscopistes et à des petites sociétés américaines, ainsi qu’à l’impulsion suscitée par le développement du matériel de chirurgie laparoscopique.

Il y a théoriquement une place pour le traitement endoscopique du RGO (au moins pour les cas simples sans hernie hiatale), car certains patients acceptent mal les IPP au long cours ou la chirurgie quand ils ont connaissance de ses potentielles complications tardives. Les patients pourraient être satisfaits de réduire leur prise d’IPP, sans forcément complètement les arrêter, au prix d’un traitement moins invasif que la chirurgie et sans complications tardives. Pour cela, il faut que la morbidité du traitement endoscopique soit quasi-nulle, que le traitement soit efficace, que ses effets soient durables et économiquement intéressants.

Actuellement, on doit considérer que ce traitement est encore en cours d’évaluation, même si certaines procédures ont reçu une approbation de la FDA ou des autorités européennes pour être commercialisées.

Dans la majorité des protocoles d’évaluation, le but et les indications sont actuellement les mêmes: il s’agit de réduire voire d’arrêter la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) chez des patients présentant un reflux gastro-œsophagien dépendant des IPP mais sans dyskinésie œsophagienne, sans hernie hiatale et en l’absence de muqueuse de Barrett. Les symptômes doivent être calmés par les IPP. En raison de son caractère uniquement endoluminal, le traitement endoscopique ne peut pas repositionner le sphincter et donc corriger la hernie hiatale; et pour l’instant, en raison de l’incertitude concernant la durabilité de ces effets, le traitement endoscopique ne peut pas être recommandé pour un patient présentant un Barrett. Quelques protocoles d’évaluation portent cependant sur des cas de hernie hiatale ou de Barrett.

Nous connaissons à ce jour 9 systèmes: 5 systèmes de suture et agrafage (Bard, Cook, Ndo, Boston Scientific et Olympus); 1 système d’injection (Boston) et un d’implantation (Medtronics); 1 système d’hyperthermie par radiofréquence (Curon).

La suture endoscopique est la technique la plus passionnante pour un endoscopiste et la plus séduisante sur la papier, car elle vise à reproduire à minima le traitement chirurgical: il s’agit de créer une valve muqueuse par des points réalisés à partir de la lumière digestive, le tout sous contrôle endoscopique. La suture présente théoriquement plusieurs avantages: 1) elle est adaptable à chaque cas: le nombre de points et leur positionnement sont fonction des conditions anatomiques; 2) elle est théoriquement réversible par section des points et des effets secondaires à long terme ne sont pas suspectés comme pour l’hyperthermie que nous verrons plus loin; en fait, il est probable qu’il se crée une coalescence des tissus. Pour l’instant, cette réversibilité reste mal connue. 3) si une chirurgie se révèle néanmoins nécessaire, elle n’est pas gênée par le traitement endoscopique. Cinq types de suture plus ou moins dérivées du matériel laparoscopique sont proposées ou au moins annoncées: Bard, Wilson-Cook, Ndo, Boston Scientific, Olympus. En fait pour les 3 derniers, il faut plutôt parler d’agrafage que de suture.

Suture-agrafage

Suture Bard

L’évaluation de la suture Bard est la plus avancée, ayant fait l’objet d’une étude nord-américaine (64 pts), qui a conduit à son approbation par la FDA, et d’une étude anglo-suédoise (142 pts). Le procédé, mis au point par Paul Swain après un long développement, est ingénieux, mais il peut apparaître d’emblée complexe et un peu fastidieux: la préparation du matériel est assez longue, en particulier le calibrage du système de ponction; plusieurs passages d’endoscope sont nécessaires, ce qui impose le positionnement au préalable d’un overtube; enfin deux endoscopes sont indispensables et deux colonnes d’endoscopie sont utiles. Cependant, après une phase de familiarisation, la technique devient rapidement aisée: elle est faite de plusieurs étapes bien codifiées pour lesquelles le rôle de l’assistant est très important. Le temps endoscopique pour la réalisation d’une plicature est de l’ordre de 15 minutes pour un débutant et peut descendre à 5 minutes pour les experts. Le principe est le suivant: la paroi digestive est aspirée dans une capsule creuse fixée à l’extrémité de l’endoscope et est transpercée par une aiguille. Cette aiguille contient une petite pièce métallique reliée à un fil. La petite pièce métallique et le fil franchissent ainsi la paroi et sont ramenés à la bouche. Est ainsi créé un point. Le même fil est utilisé pour créer un second point selon la même technique. Les deux points sont alors rapprochés et liés par une bague en plastique pour former une suture ou plicature [1]. Enfin, les deux fils sont sectionnés dans le même temps à l’aide d’un coupe-fil. Il est conseillé de réaliser plusieurs plicatures. Au départ de 2, le nombre de plicatures recommandées est passé à 3 puis 4 et parfois 6. Ces plicatures sont grossièrement centrées dans leprolongement de la petite courbure et sont disposées de deux façons: soit horizontalement au niveau de la ligne Z (suture circonférentielle), soit verticalement (suture linéaire), la première suture étant située à 2 cm sous la ligne Z et la deuxième au niveau de la ligne Z. La disposition verticale est la plus employée. Rajman et al. [2] recommandent une disposition en spirale des sutures. Le résultat est mieux analysé en rétrovision dans l’estomac que de face: de face, le cardia paraît simplement plus étroit et les points sont assez mal vus mais en rétrovision, les points sont nettement visibles et reproduisent grossièrement la valve du traitement chirurgical.

QUELS SONT LES RESULTATS ?

L’étude nord-américaine a fait l’objet d’une publication en avril dans Gastrointestinal Endoscopy [3]. Soixante-quatre patients ont été traités, 31 par suture circonférentielle et 33 par suture linéaire, et ont été suivis 6 mois. Les critères d’inclusion comportaient outre les critères précédemment cités (symptômes dépendants du traitement antisécrétoire ou antiacide, absence de hernie hiatale), l’absence d’œsophagite de grade supérieur à 2 et l’absence d’obésité. Onze patients ont eu une deuxième séance de suture. Pour 13 patients, les données étaient incomplètes à 6 mois. Les opérateurs n’avaient réalisé que des sutures chez l’animal avant de participer à l’étude, ce qui explique que le temps moyen de suture a été long, de 68 minutes. La fréquence et l’intensité du pyrosis, la fréquence des régurgitations ont été diminués de façon significative à 3 mois et à 6 mois. Bien qu’il n’ait pas été observé de différence significative concernant la pression du sphincter inférieur de l’œsophage, le pourcentage de temps passé à pH <4 (9,6 vs 8,5) et le nombre d’épisodes à pH <4 (158 vs 117) ont été abaissés de façon significative. Soixante-quatre% des patients prenaient à 3 et 6 mois, moins de 4 doses d’antisécrétoires, d’antiacides ou de prokinétiques par mois. Il faut reconnaître que la publication est peu précise quant au type de médicaments utilisés avant et après la suture, ce qui diminue beaucoup l’intérêt de cette publication et affaiblit l’analyse des résultats de la méthode. Les effets secondaires ont été une pharyngite (31%), des vomissements (14%), des douleurs abdominales (14%), des douleurs thoraciques (16%), des effractions muqueuses (3%), une hypoxie (6%), une hémorragie spontanément résolutive (3%) et une perforation (douleur et fièvre avec emphysème médiastinal) qui a été traitée de façon conservatrice. Une perforation a également été observée dans la série de Park et al. [4] et a nécessité un traitement chirurgical. Il n’y a pas d’explication définitive à ce type de complication. Une hypothèse est que le fil peut déchirer les tissus s’il est trop tendu par frottement par exemple dans l’overtube. D’où la nécessité de conduire encore des études de morbidité et l’intérêt de mener en France ces études dans le cadre de la loi Huriet. La seconde incertitude concerne la durabilité de la méthode. Cette durabilité est très probablement liée à la profondeur des points, un point limité à la sous-muqueuse ayant plus de risque d’être éliminé qu’un point transmural. Il n’est pas possible de connaître évidemment chez l’homme la profondeur de pénétration des points. Si l’on fait référence à l’expérience de la mucosectomie, il est probable que le tissu aspiré dans la capsule ne comporte que la muqueuse et la sous-muqueuse et que la plupart des points ne concerne que ces deux couches et ne sont pas transmuraux. D’où un risque d’élimination des points. Cela a été observé en France et rapporté oralement en particulier par Greg Haber (Toronto). La localisation essentiellement sous-muqueuse des points a bien été confirmée par une étude sur l’estomac de porc [5], mais des données objectives cliniques sont manquantes à ce sujet. D’ailleurs, nous sommes un peu surpris de ne pas disposer à ce jour de données avec un suivi de 2 ans et il y avait très peu de présentations sur la suture lors de l’AGA 2002; bien que plus de 3000 patients aient déjà été traités. Certains ont proposé de compléter la suture par une électrocoagulation pour faire adhérer les tissus et augmenter la durabilité [5].
Swain et Park ont conduit une étude anglo-suédoise sur la suture et ont présenté leur série à l’AGA 2000 et à l’AGA 2001 [4]. Swain ayant inventé le matériel, a effectué ses premiers essais sur patients il y a plus de 5 ans, et la durée du suivi est la principale caractéristique de cette série. 142 patients ont été traités par suture linéaire. Le temps moyen de la procédure a été de 30 minutes. Le suivi a été de 3 mois à 5 ans. Le score de DeMeester a été abaissé de façon significative, et en manométrie, la longueur médiane du sphincter inférieur de l’œsophage est passée de 2 à 3 cm (p <0,05) et la pression de ce sphincter de 5 à 8 mm Hg (p <0,05). Le temps passé à pH <4 est passé de 8,4 à 2,7% (p <0,05). Une réduction ou un arrêt de la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons ont été observés chez 84% des patients. Les effets secondaires ont été une perforation déjà citée plus haut, une hypoxie, deux hémorragies mineures et trois dysphagies transitoires. L’absence de dysphagie dans l’étude de Filipi et al. [3] et le caractère transitoire de cette dysphagie dans l’étude de Park et al. [4] constituent évidemment un avantage par rapport à la méthode chirurgicale.
Rajman et al. [7] dans une étude multicentrique, ont élargi les indications: ils ont traité des patients avec une hernie hiatale de plus de 2 cm de hauteur ou avec un Barrett. Il n’a pas été observé de différences significatives de résultats avec le groupe aux indications plus classiques mais il faut noter que les effectifs étaient faibles.

Suture Wilson-Cook (ESD)

Pour l’instant, ce système a fait l’objet d’études expérimentales sur les animaux mais n’a pratiquement pas été employé chez l’homme (4 patients en Allemagne). Ce système est l’application en endoscopie digestive d’un matériel développé initialement pour la laparoscopie. Par rapport au système Bard, le système paraît plus simple à préparer et à employer et le contrôle visuel sera probablement meilleur. Le matériel comporte deux accessoires: un crochet passe-fils et une pince serre-nœuds. Le tissu est positionné dans le crochet, en utilisant une aspiration. L’aiguille traverse le tissu et va récupérer un fil situé à l’extrémité du crochet: une fois l’aiguille revenue en arrière, le fil passe à travers le tissu. L’avantage du système est qu’il est possible de faire un deuxième point immédiatement après, donc une plicature, sans retirer le crochet. Une fois la plicature amorcée, le crochet est retiré et la pince sert alors à resserrer la plicature à l’aide d’un anneau métallique bloquant les fils. Les études chez le porc ou sur simulateur animal montrent que le contrôle visuel n’est pas gêné par la présence de matériel à l’extrémité de l’endoscope et est de bonne qualité. L’évaluation de ce système a pris un certain retard, car il s’est avéré chez l’animal que les points étaient trop superficiels. Le système a été reconstruit pour résoudre ce problème et comporte une chambre d’aspiration.
L’évaluation clinique devrait débuter début 2003, en particulier dans le cadre d’une étude SFED.

Système NDO

Par rapport aux deux matériels précédents, le système NDO paraît d’emblée plus agressif et plus ambitieux, en permettant la réalisation de points transmuraux donc théoriquement plus durables. Par ailleurs, ce système constitue le premier modèle de ce qui pourrait être l’endoscope thérapeutique du futur, à savoir qu’il se présente à peu près comme un endoscope à deux bras indépendants. Il comporte un bras béquillable muni de la pince ou plicateur et un canal pour laisser passer un endoscope standard. Au milieu du plicateur, un système de «tire-bouchon» vient prendre et attirer l’angle de His. Puis le plicateur positionne automatiquement deux points transmuraux entre l’estomac et l’œsophage. Un endoscope est inséré à travers le système pour contrôler le bon positionnement du plicateur en rétrovision.
Ce matériel a été testé chez l’animal puis sur le cadavre [8]. Cinq patients ont été traités en Inde sans morbidité immédiate. La localisation transmurale des points et l’apparente simplicité du système pourrait en faire le système de référence. Mais en fait, les premières informations filtrant d’une étude nord-américaine ayant porté sur une soixantaine de patients suggèrent un risque d’embrochage des organes périphériques. Le problème de la suture est là: la suture doit être transpariétale mais cependant pas trop profonde. Il est difficile de prédire la profondeur des points avec la seule vue endoluminale. Peut-être faudra-t-il s’aider d’un contrôle échoendoscopique peropératoire? Pour l’instant, le matériel est en cours de modification pour tenir compte de ce risque d’embrochage d’organes périphériques.

Suture Boston Scientific

Ce matériel a été élaboré par l’Université de Tübingen en Allemagne. Comme pour le procédé précédent, il est difficile de parler de suture: il s’agit plutôt d’une plicature obtenue par positionnement de 4 à 8 clips biodégradables au niveau du cardia. Le système comporte un applicateur qui est glissé jusqu’au niveau du cardia L’endoscope de 6 mm de diamètre passe à travers l’applicateur et sert seulement à contrôler en rétrovision le bon positionnement des clips. Les clips sont longs et resserrent la paroi gastrique contre la paroi oesophagienne pour créer un accolement et finalement un espèce de manchon de la paroi oesophagienne dans la cavité gastrique. Pour l’instant, seules des études ont été conduites chez 10 babouins [9]: un est décédé d’un abcès médiastinal à 6 jours, 8 présentent encore des clips en place et une valve endoscopique à 6 semaines. Nous n’avons à ce jour pas d’information complémentaire sur le sujet.

Suture Olympus

Il s’agit aussi d’accentuer l’angle de His, plutôt par un système d’agrafage. Ce matériel (His-Wizz) est en cours de mise au point à la demande du groupe d’investigateurs Apollo, groupe américano-chinois (Hong-Kong) ayant été fondé pour stimuler la production de nouveaux endoscopes et accessoires pour l’endoscopie thérapeutique.

Injection et implantation de matériel

Entéryx

Le produit est commercialisé par Enteric Medical Technologies, société californienne, en collaboration avec Boston Scientific. Ce produit est identique en composition avec Embolyx qui est utilisé pour l’embolisation de malformations vasculaires ou de tumeurs hypervasculaires cérébrales. Il s’agit d’un polymère biocompatible (employé pour la fabrication des membranes de filtration et des emballages de nourriture) qui se présente sous forme de poudre. Avant injection, cette poudre est dissoute dans du diméthyl sulfoxide (DMSO). Après injection, ce DMSO diffuse rapidement dans les tissus et le sang entraînant la précipitation du polymère en une masse molle spongieuse. Du tantale micronisé est ajouté au polymère pour le rendre radio-opaque. Des études expérimentales sur les effets secondaires ont été conduites chez 19 chiens. Les animaux sont restés apparemment sains jusqu’à leur sacrifice et, en particulier, 3 chiens ont survécu 1 an. Les injections extramurales, intrapéritonéales ou sous séreuses, n’ont pas entraîné de réaction locale. Les injections intrapariétales ont abouti à une encapsulation du produit au sein d’une réaction fibrosante modérée. Ces résultats ont été reproduits chez 12 mini porcs: la réponse tissulaire pariétale a évolué de la réaction inflammatoire aiguë à une fibrose modérée encapsulant des dépôts de produit. Les premiers essais cliniques ont eu lieu à Bruxelles et ont été menés par J. Devière.

L’injection est pratiquée sous un double contrôle endoscopique et fluoroscopique: le produit est injecté à l’aide d’une aiguille, type aiguille à varice, assez profondément et avec suffisamment de pression sur l’aiguille pour atteindre la couche musculaire. La paroi est ponctionnée un peu au dessus de la ligne Z pour que le produit soit libéré en profondeur à la hauteur de la ligne Z. J. Devière recommande de bien contrôler endoscopiquement le point d’injection: théoriquement, il ne faut pas observer de diffusion sous-muqueuse du produit (qui est noir et facile à voir). On peut observer en fluoroscopie la formation d’un anneau ou d’une ébauche d’anneau transversal à hauteur du cardia qui pourrait correspondre à la diffusion du produit dans la couche musculaire circulaire du cardia et donc dans le sphincter. Cet anneau n’est pas toujours obtenu et il est complètement démontré qu’il y a une corrélation entre l’obtention de cet anneau et les résultats cliniques les plus favorables. L’aspect est cependant assez démonstratif pour que l’on recommande d’obtenir si possible cet anneau. Quatre à 8 cc de produit sont injectés si nécessaire en plusieurs points. Il faut reconnaître que l’injection est relativement aléatoire et il n’est pas rare d’observer des injections extrapariétales dont on se sait pas si elles sont efficaces. Si l’anneau n’est pas obtenu, l’opérateur essaye de répartir dans le cardia circonférentiellement des flaques de produit radio-opaque. Le produit agit soit simplement par phénomène de compression élastique de la lumière soit par gêne au fonctionnement du sphincter en partie en raison de la fibrose. Le lieu d’injection pourrait être plus précis en se guidant par échoendoscopie: c’est ce qui a été réalisé chez un patient à l’hôpital E. Herriot. J. Devière a rapporté à l’AGA 2001, une série de 28 traitements réalisés en collaboration avec G. Costamagna à Rome [10]. Quinze patients ont été revus à 6 mois: 8 avaient présenté des douleurs transitoires après l’injection. La manométrie a révélé un effet significatif du traitement sur la pression du sphincter inférieur de l’œsophage. Onze patients sur 15 ont arrêté les IPP et 4 en ont réduit la posologie. Il semble que le produit ait tendance à se résorber avec le temps: après un suivi de 4 à 12 mois, 9 patients ont perdu plus de la moitié du produit injecté et 2 plus de 75%. Deux études multicentriques ont été conduites, l’une aux USA et l’autre en Europe: dans l’étude américaine (70 patients), 92% des patients à 3 mois et 84% à 6mois ne prenaient plus d’IPP. Dans l’étude européenne (80 patients), 75% des patients ne prenaient plus d’IPP à 6 mois. Ces premiers résultats sont donc évidemment très intéressants. Par ailleurs, ces études ont confirmé la fréquence élevée d’effets secondaires mineurs (douleur 93%, dysphagie 17%) et rapidement résolutifs et inversement l’absence d’effet secondaire majeur. Une analyse intermédiaire de ces deux études regroupées avaient fait l’objet d’un abstract à l’AGA 2002 [11].

Cette technique est caractérisée par sa simplicité de réalisation, son absence d’effets secondaires significatifs et semble-t-il la persistance de ses effets malgré la régression de l’image fluoroscopique. Une étude prospective de type loi Huriet est en cours en France dans le cadre de la SFED.

Endonetics

Le principe est différent de celui du produit Entéryx. Il ne s’agit pas véritablement d’une injection mais plutôt d’une implantation: le produit, proposée par une autre firme californienne, se présente sous la forme d’un cylindre de gel capable d’expansion par hydratation. La technique consiste d’abord à faire une ouverture dans la muqueuse œsophagienne un peu au dessus de la ligne Z. Puis en utilisant un dispositif positionné autour de l’endoscope, le cylindre est introduit dans cette ouverture dans la couche sous-muqueuse de façon longitudinale. Trois à quatre cylindres sont ainsi disposés en parallèle à la hauteur de la ligne Z. Le produit semble agir plutôt par effet d’obstacle au reflux. A l’AGA 2001, ont été présentés les résultats d’une étude expérimentale chez 39 porcs surveillés après implantation pendant 7 à 168 jours. Le taux de succès d’insertion a été de 99% (160/162). Aucun effet secondaire n’a été observé. Le problème avec ce produit est le risque de migration endoluminalequi a été cependant modéré: 84% des implants sont restés stables. L’avantage est la conséquence de ce problème: il est facile de retirer le produit si nécessaire par simple section de la muqueuse: c’est ce qui a été réalisé 13 fois sans difficulté. L’examen histologique a montré comme pour Enteryx une encapsulation du produit dans une fibrose modérée. A l’AGA 2002, une première étude clinique ayant porté sur 22 patients a été rapportée par Fockens et al. [12]: 80% des cylindres étaient restés en place à 6 moiset 90% des patients avaient arrêté les IPP à 3 mois. Il ne s’agit que de résultats préliminaires qui ont été confirmés par une plus large étude multicentrique européenne sur 60 patients (présentation programmée lors des journées francophones 2003). 95% des prothèses ont été correctement posées. Les scores du reflux gastro-œsophagien et de qualité de vie ont été améliorés ainsi que la pH métrie. A 6 mois, sur 39 patients, 29 ont arrêté les IPP. Deux complications ont été observées dont une perforation lors de l’introduction de l’overtube. Il est évidemment trop tôt pour juger de l’intérêt de cette technique. En tout cas, celle-ci présente les avantages suivants: facilité de mise en place, absence d’effet local important en particulier de fibrose, possibilité d’ablation endoscopique du matériel. Une étude multicentrique française sur ce procédé est en cours de préparation sous l’égide de la SFED. Ce produit a été repris par la société Medtronics.

Pexiglas (polyméthylméthacrylate)


Le principe est le même que celui d’Endonetics: il s’agit d’implantation de microsphères de plexiglas dans la couche sous-muqueuse de la partie basse de l’œsophage. Ce produit crée un barrage au reflux. Ce système a été élaboré et évalué par une équipe grecque. Une publication récente [11] a porté sur une série de 10 patients, les microsphères ayant été injectées à travers une aiguille. 5 ou 6 injections ont été pratiquées à 1 ou 2 cm en amont de la ligne Z. Une baisse du score clinique de sévérité du reflux (DeMeester et GERD symptom score) et une amélioration de la pHmétrie ont été notées. Sept patients ne prenaient plus de traitement médical et aucun effet secondaire sérieux n’a été signalé: ont été seulement notées des douleurs transitoires chez 2 patients, une hémorragie spontanément résolutive chez 1 patient et une dysphagie transitoire chez un patient. Pour l’instant, le développement et l’évaluation de ce procédé auraient été complètement arrêtés, en raison de problème de biocompatibilité.


Hyperthermie

Cette procédure est celle qui suscite le plus de discussions et d’interrogations. S’agit-il de la technique qui va s’imposer de par sa simplicité de réalisation ou au contraire s’agit-il d’une technique trop agressive et dont les effets secondaires vont arrêter le développement?

La sonde (Stretta de la firme Curon) comporte une extrémité type bougie, un assemblage fait d’un ballon, d’un panier et de 4 électrodes positionnées radialement autour du ballon. Le ballon est placé à 2 cm au-dessous de la ligne Z et est gonflé. Les 4 électrodes sont alors déployées dans la couche musculaire de la paroi. Les électrodes sont activées et la température est contrôlée pour atteindre 85°C pendant que la muqueuse est refroidie à 30°C par un circuit d’eau. En tournant et en déplaçant la sonde, 12 à 15 lésions sont crées chez le patient sur une hauteur de 4 cm.

L’hyperthermie par radiofréquence induit l’apparition d’une fibrose extensive de la paroi, qui réduirait la souplesse du sphincter et pourrait aussi détruire les réseaux nerveux à l’origine des relaxations transitoires du SIO. Cette technique a fait l’objet d’une étude nord-américaine (119 pts), qui a permis son approbation par la FDA. Dans une publication initiale dans Gastrointestinal Endoscopy, Triadafilopoulos et al. rapportent des résultats après 6 mois de suivi chez 47 patients. Les scores de reflux et de qualité de vie SF-36 ont été significativement améliorés. La manométrie n’a montré aucune changement significatif concernant la pression moyenne et la longueur du SIO ainsi que l’amplitude des ondes péristaltiques. Mais le temps à pH <4 a été abaissé de façon significative (11,7% avant, 4,8% après). Quatre-vingt sept pour cent des patients ont arrêté les IPP. Plus récemment, Triadafilopoulos et al. [15] ont présenté les résultats de la série multicentrique nord-américaine avec des résultats un peu moins bons: 83 patients ont été revus à 12 mois avec un taux d’arrêt des IPP de 66%. Il n’y a pas eu d’effet sur la manométrie mais des effets sur la pHmétrie de 24 heures. A l’AGA 2002, une étude randomisée Stretta versus «sham» Stretta a beaucoup fait parler d’elle [16]: les patients étaient randomisés et avaient tous la sonde mise en place au niveau du cardia. Dans un groupe, la sonde était activée et dans l’autre groupe, elle ne l’était pas. L’étude était évidemment en aveugle pour le patient. Si les scores de douleur et de qualité de vie étaient améliorés dans le groupe Stretta, les données de la pHmétrie et le taux de patients arrêtant les IPP n’étaient pas statistiquement différents dans les 2 groupes. 47% des patients avaient arrêté les IPP dans le groupe Stretta et 37% dans le groupe sham. Ce qui montre 1) qu’il y a un effet placebo important de ces traitements (comme de la chirurgie d’ailleurs probablement), 2) que les résultats du Stretta sont nettement moins bons dans une étude randomisée que dans un étude phase II. L’effet placebo était prévisible: les patients prenant des IPP aux long cours développent probablement une dépendance psychique à ces produits.

Cette étude, qui manque de puissance (64 patients inclus) a le mérite de démontrer que des études randomisées sont indispensables à conduire dans ce domaine. On peut craindre que les études de type «sham» soient difficiles à mener en France pour des raisons éthiques, surtout s’il faut pratiquer une anesthésie dans le groupe «sham».

Enfin, si l’étude nord-américaine ne rapporte que des complications précoces mineures (érosions superficielles ou plaie longitudinale, fièvre, odynophagie) chez 8,4% des patients, certains rapports de la FDA signalent des complications graves à type de perforations létales (2 patients). Il faut dire que la firme Curon a mis d’emblée en place un registre, que plus de 2000 patients ont déjà été traités aux USA et donc que cette technique est probablement celle qui a été la mieux évaluée. La morbidité précoce aurait diminué avec l’expérience et l’optimisation des paramètres de traitement. Cependant, cette morbidité précoce, mais surtout la morbidité tardive de la méthode restent encore à évaluer; l’hyperthermie a l’avantage de sa simplicité mais la fibrose inquiète: ne va-t-elle pas gêner la chirurgie (pour l’instant, il semble que non) et ne pourrait-elle pas à long terme générer une pseudoachalasie? La réduction de la sensibilité œsophagienne ne va-t-elle pas favoriser la réapparition de formes compliquées de reflux?
C’est finalement, la simplicité d’utilisation de ce produit qui pourrait en faire son succès face aux autres méthodes.

Conclusion

Nous avons vu que les principes utilisés pour le traitement endoscopique du reflux gastro-œsophagien sont très variés. Il y a donc quelques chances pour qu’au moins une de ces techniques devienne un élément de routine du traitement du reflux gastro-œsophagien. Les caractéristiques indispensables pour que la technique soit intéressante face à la cure chirurgicale du reflux sont simplicité et absence de morbidité. Il faut aussi que les effets soient durables.

Pour l’instant, les premiers résultats sont encourageants mais pour chacune des techniques présentées plus haut, il reste encore à conduire une évaluation de la morbidité précoce et tardive, de la durabilité et donc de l’efficacité à long terme. Le traitement endoscopique du RGO va représenter un tournant dans les modalités d’évaluation du matériel d’endoscopie. Jusqu’à présent, tout produit marqué CE est utilisable en routine. Cette évaluation CE porte plutôt sur des caractéristiques techniques que sur une évaluation clinique. Finalement, c’est seulement lors de la procédure de demande de remboursement qu’est véritablement prise en compte l’évaluation clinique pour déterminer la valeur médico-économique du produit. En France (mais cela commence également en Europe), nous avons exigé que toutes les techniques pour le RGO soient évaluées dans le cadre de la loi Huriet pour couvrir les praticiens en cas de complications et pour qu’un suivi correct soit assuré et exploitable. Le RGO n’est pas le cancer: nous n’avons pas besoin dans l’urgence d’un traitement endoscopique et nous ne devons pas céder à la pression du marketing et inversement, les fabricants auraient tort de lier leur avenir au succès d’un de ces produits. L’endoscopie a tout à gagner à mettre en place une recherche clinique de qualité. Les procédés Bard et Boston sont en cours d’évaluation par la SFED (56 patients inclus pour Bard, 37 patients pour Entéryx-Boston). Nous aurons prochainement à évaluer en France les produits Curon, Cook et Medtronics dans le cadre d’études loi Huriet. Tous les centres, publics et privés, intéressés par une participation à ces études peuvent contacter F. Pignard de la SFED.

Nous ne disposons pas d’études randomisées méthode endoscopique ± traitement médical versus traitement médical seul et ces études seront à conduire dans un deuxième temps. En revanche, il est peu probable que les comités d’éthique acceptent une étude optimale qui comparerait les effets du traitement endoscopique aux effets d’un traitement endoscopique placebo.

Le prix du matériel, que ce soit de suture, d’injection ou d’hyperthermie, est aux environs de 2 000 € pour une séance. Il est évident, compte-tenu du coût respectif du traitement endoscopique et du traitement médicamenteux, que la durée des effets doit largement dépasser une année pour que le traitement endoscopique soit intéressant sur le plan économique. Des études coût/efficacité sont donc aussi nécessaires. Un rapide calcul montre qu’il faut que le traitement soit efficace au moins 4 ans pour être rentable par rapport aux IPP.

Au prix de ces études, le traitement endoscopique pourra être positionné comme une alternative au traitement chirurgical correcteur du reflux, un peu moins efficace mais de réalisation plus simple avec moins d’effets secondaires. Eventuellement, le traitement endoscopique pourrait aussi servir de test thérapeutique avant la réalisation d’un traitement chirurgical, chez des patients dont le reflux est atypique. Enfin, ce traitement est aussi à évaluer et pourrait être particulièrement intéressant en cas d’échec du traitement chirurgical, surtout chez les patients multiopérés.

 

RÉFÉRENCES

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2 RAJMAN I, WALTERS R, GARZA C, SPANO C. – Helical endoluminal gastroplication (ELGP) compared with standard ELGP in patients with gastroesophageal reflux disease (abstract). Gastrointest Endosc 2002; 55: AB 260.
3 FILIPI CJ, LEHMAN GA, ROTHSTEIN RI, RAIJMAN I, STIEGMANN GV, WARING JP, HUNTER JG, et al. – Transoral, flexible endoscopic suturing for treatment of GERD: A multicenter trial. Gastrointest Endosc 2001; 53: 416-422.
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