Prise en charge des hémorragies digestives basses abondantes

Les hémorragies digestives aiguës restent l'une des grandes urgences en hépato-gastroentérologie avec une hos­pitalisation en milieu spécialisé indis­pensable. Les hémorragies digestives basses (HDB) aiguës sont des hémor­ragies dont le siège est situé en aval de l'angle de Treitz [1]. Dans 90 % des cas, la cause est colique ou proctolo­gique. Les HDB représentent moins de 20 % des hémorragies digestives. L'urgence est de savoir reconnaître ra­pidement les hémorragies graves pou­vant mettre en jeu le pronostic vital des patients (10 % des cas d'HDB) [2, 3]. Le pronostic des hémorragies di­gestives est essentiellement lié au terrain, à l'âge et aux tares associées. Les études épidémiologiques concer­nant les HDB sont rares. Actuellement, aucun travail épidémiologique des­criptif n'a été encore réalisé en France. La principale étude est américaine et a été menée parmi les adhérents d'une grande compagnie d'assurance privée. L'incidence annuelle a été calculée à 20,5 cas pour 100 000 habitants par an avec une fréquence plus importante chez les hommes et les sujets âgés (× par 200 entre 30 et 90 ans) [4]. Les HDB posent surtout des problèmes de diagnostic étiologique en raison de la difficulté et du manque de rentabilité des explorations complémentaires. La diverticulose et les angiodysplasies en sont les principales étiologies. L'enquête étiologique des hémorragies digestives, centrée par l'endoscopie, doit débuter très précocement, dès l'obtention d'une stabilité hémodynamique. Plus de 75 % des HDB vont s'arrêter spontanément, mais le taux de récidive est élevé [2, 3].

Dès l'admission d'un patient présen­tant une hémorragie digestive, la mise en uvre des mesures de réanimation, si elles s'avèrent nécessaires, est in­dispensable. En effet, les critères de gravité initiaux sont d'ordre hémody­namique et l'enquête étiologique qui reposera le plus souvent sur l'endo-scopie, ne pourra être effectuée dans de bonnes conditions que si l'état hé­modynamique du malade est stabilisé.

Évaluation de la gravité de l'hémorragie et du pronostic

Il s'agit de la première étape de la prise en charge qui doit être concomitante à la mise en uvre des mesures de ré­animation. L'anamnèse ne permet qu'une appréciation grossière de la perte sanguine. Le malade et son en­tourage ont souvent tendance à sur­estimer la quantité de sang extério­risée. Les signes cliniques objectifs d'hypovolémie (hypotension orthosta­tique, tachycardie, signes de choc…) sont plus fiables. Toutefois, le choc hy­povolémique n'est patent que lorsque les pertes sanguines représentent plus de 35 % de la masse sanguine cir­culante [5]. Un des critères importants permettant d'évaluer l'importance et le caractère actif ou non de l'hémor-ragie est le volume de concentrés glo­bulaires transfusés pendant les 24 pre­mières heures pour maintenir un état hémodynamique correct.

Les facteurs pronostiques des HDB ont été peu étudiés, certainement du fait de leur faible fréquence et de la plus grande diversité des étiologies. Une étude dans le cadre des diverticules hémorragiques a tenté d'établir un pa­rallèle avec les critères endoscopiques pronostiques des hémorragies diges­tives ulcéreuses. La présence d'un vais­seau visible ou un caillot adhérent sur une hémorragie diverticulaire néces­sitaient plus fréquemment des trans­fusions sanguines et un recours à une intervention chirurgicale [6]. La gra­vité initiale dépend aussi du terrain et de l'âge, certaines pathologies (coro­nariennes, respiratoires) peuvent se décompenser à cette occasion.

Plusieurs auteurs [7-9] ont développé des critères de sélection permettant de déterminer le sous-groupe de patients susceptibles de nécessiter réellement une hospitalisation en réanimation (score APACHE II supérieur à 15, pres­sion artérielle inférieure à 90 mm Hg, INR supérieur à 1,2, persistance de l'hé-morragie, anomalies neurologiques, maladie sous-jacente instable).

Récemment Das et al. [10] ont calculé un score modélisé informatique à partir de 24 paramètres (données cliniques et biologiques classiques) et ont ana­lysé la valeur prédictive de ce score sur le risque de récidive hémorragique, sur l'utilité d'une intervention chirur­gicale et sur la mortalité. Ce score avait une valeur prédictive négative de 100 % pour les risques de décès, 98 % pour les risques de récidive hémorra­gique et 100 % pour les risques d'in-tervention.

 

Prise en charge thérapeutique initiale

Il convient de restaurer rapidement une oxygénation tissulaire en restau­rant la volémie et en oxygénant le pa­tient. La pose d'abords veineux de bon calibre est prioritaire, la voie périphé­rique doit être privilégiée.

L'idéal est d'avoir un double abord veineux avec des cathéters de gros calibre pour assurer un débit de rem­plissage suffisant. Le remplissage vas­culaire, après prélèvement du bilan sanguin, se fera en fonction des règles valables pour tout choc hypovo­lémique. Il est recommandé d'avoir recours aux concentrés globulaires pour maintenir une hémoglobinémie à 7 g/dl et à 10g/dl s'il existe une pathologie associée [5].

L'oxygénothérapie doit être adminis­trée, si l'hémorragie est abondante et s'il existe des signes de choc, par sonde nasale à un débit de 3 à 6 L/min.

Une intubation et une ventilation as­sistée seront réalisées lorsqu'il existe une détresse respiratoire ou un coma.

 

Diagnostic étiologique et conduite thérapeutique

Les HDB peuvent être responsables de rectorragies et/ou de méléna. Une rectorragie peu abondante et isolée est le plus souvent d'origine basse. En revanche, un méléna ou une rector­ragie abondante peuvent provenir d'une lésion située à un étage quel­conque du tube digestif. L'interro-gatoire et le contexte clinique sont utiles pour orienter le diagnostic étio­logique. L'âge du patient permet sou­vent de distinguer les causes diverti­culaires, tumorales, ischémiques chez les sujets âgés et les causes procto­logiques, infectieuses (colites à CMV chez les VIH) ou inflammatoires (Crohn) chez les sujets plus jeunes. Les prises médicamenteuses (aspirine, anti-coagulants, AINS, etc.) doivent être connues. Des antécédents de po­lypectomie ou mucosectomie récente, d'HDB à répétition, de prises répétées de température rectale ou de ma­nuvres endo-anales défécatoires, l'existence d'un syndrome rectal ou des antécédents de néoplasie colique ou de radiothérapie pelvienne ont une va­leur d'orientation diagnostique rapide. Les diverticules et l'angiodysplasie sont les deux causes les plus fréquentes d'HDB majeures, expliquant jusqu'à 60 % à 70 % des cas.

Si l'HDB est grave (le plus souvent des rectorragies abondantes), un examen initial permet d'éliminer une cause proctologique évidente. Il est indis­pensable de réaliser en première in­tention, sur un patient réanimé, une sogastroscopie pour éliminer une ori­gine haute du saignement. Certains proposent la mise en place d'une sonde naso-gastrique avec lavage en urgence pour rechercher des traces de sang mais l'absence de sang dans l'estomac n'ex-clut pas totalement l'origine duodé­nale d'un saignement. Seule la gas­troscopie permet d'authentifier l'ori-gine haute de rectorragies abondantes. En effet, l'émission de sang rouge par l'anus peut survenir en cas d'hémor-ragie abondante d'origine haute du fait de l'accélération du temps de transit intestinal. Dans ce cas, la perte san­guine est souvent supérieure à 1 litre et le patient est en état de choc hypo­volémique.

Si la gastroscopie est normale, un examen proctologique avec inspection de la marge anale, toucher rectal et anuscopie à la recherche d'une patho­logie hémorroïdaire doit être réalisé. Il sera suivi immédiatement d'une rec­tosigmoïdoscopie pour identifier une cause basse. La rectosigmoïdoscopie est de réalisation facile en urgence ne nécessitant pas d'anesthésie ou de pré­paration par voie haute sur un malade non à jeun et si possible après lave­ments évacuateurs. Si l'hémorragie basse est abondante, des lavements évacuateurs ne sont pas nécessaires dans le contexte de l'urgence. Seuls les 60 premiers centimètres du colon depuis la marge anale sont explorés (diagnostic de 60 à 70 % des cancers coliques).

La coloscopie n'est réalisée que se­condairement si la gastroscopie est normale et si la rectosigmoïdoscopie n'a pu identifier la lésion responsable [11]. La coloscopie peut être demandée en urgence si l'hémorragie digestive basse est abondante et persistante pour réaliser un geste local hémostatique (injection de produits sclérosants ou pose de clips) [12]. Dans ce contexte, la préparation colique n'est pas réa­lisée le plus souvent et des pompes de lavages à l'eau permettant un lavage permanent par le canal opérateur pen­dant l'examen doivent aider l'endo-scopiste à visualiser la lésion à l'ori-gine du saignement. Dans certains cas, la technique de wash-out avec prépa­ration colique par la sonde naso-gas-trique peut être réalisée en particulier si le malade est intubé (4 à 5 litres de préparation par polyéthylène glycol en 3 à 6 heures). La coloscopie en ur­gence dans les 12 à 24 heures suivant l'admission permet le diagnostic étio­logique dans 48 à 90 % des cas d'HDB graves [11]. La présence de sang dans un segment donné du colon a peu de valeur informative sur la localisation de la lésion responsable de l'hémor-ragie. Il est difficile de faire un dia­gnostic topographique de l'origine du saignement en particulier dans les cas d'HDB abondantes où la muqueuse co­lique est souvent tapissée de sang dans son ensemble. La valeur topographique est seulement liée à la présence d'une authentique lésion digestive visualisée dans un segment colique donné (néo­plasie, angiodysplasie, colite isché­mique ou MICI). Une hémostase endoscopique peut être réalisée avec succès dans au moins 70 % des cas.

Dans le contexte de l'urgence et en cas de négativité de la coloscopie à au­thentifier la cause du saignement, l'ar-tériographie clio-mésentérique doit être réalisée sans délai pour permettre un geste d'embolisation artérielle sélective en cas de saignement localisé.

L'artériographie digestive avec cathé­térisme des artères mésentériques inférieure et supérieure, global puis sélectif reste l'examen de référence. Une injection du tronc cliaque voire des artères iliaques internes et externes peut être nécessaire pour opacifier en particulier les artères hémorroïdales moyennes et inférieures. La sensibilité de l'artériographie varie de 39 à 72 % selon les études [13, 14] pour localiser les hémorragies digestives basses. L'hémorragie est visualisée en cas d'extravasation de produit de contraste. Le débit de l'hémorragie doit être de 0,5 à 1 mL/min pour être visible. Un geste d'embolisation peut être proposé dans le même temps. L'entéroscanner [15] est non invasif et doit être réalisési possible systématiquement avant tout geste chirurgical car il peut loca­liser des saignements sans aucune préparation colique (visualisation de tumeurs du grêle, pathologie aor­tique,). Certains auteurs proposent la réalisation première de l'angio-scanner avant même la coloscopie avec recherche de signes directs ou indi­rects de lésions vasculaires de type angiodysplasie colique droite (une vascularisation localisée inhabituelle au sein de la paroi colique, un retour veineux précoce, une augmentation de calibre d'une artère de suppléance)[15]. Une entéroscopie haute et basse doit être discutée en cas de négativité des endoscopies durant le même temps anesthésique. Sa réalisation est sou­vent délicate (durée souvent supérieure à 1 heure) et l'exploration de l'intestin grêle est souvent incomplète : en moyenne 150 cm pour le jéjunum et 50 cm pour l'iléon soit 50 à 70 % de l'intestin grêle. L'entéroscopie est exceptionnellement réalisable dans le contexte de l'urgence ; elle peut par­fois être réalisée en per-opératoire pour localiser le saignement [11].

La scintigraphie au technétium-99 ne doit être proposée que si le patient est hémodynamiquement stable, si la coloscopie et l'artériographie ne mon­trent pas de lésion et qu'il existe un saignement actif [16]. Le but sera surtout d'éliminer un diverticule de Meckel mais sa sensibilité chez l'adulte reste limitée (20-60 %) en particulier si l'hémorragie est importante.

Si l'HDB est abondante et grave, en cas de négativité des examens endo­scopiques et radiologiques, l'indica-tion chirurgicale peut être posée avec possibilité de coloscopie per-opéra-toire. L'intervention chirurgicale est recommandée en cas de transfusion de 4 culots globulaires en 24 heures ou au-delà de 10 culots au total. Beau­coup d'auteurs insistent sur la néces­sité d'un diagnostic topographique précis de l'hémorragie digestive basse en pré-opératoire pour diminuer la mortalité et la morbidité post-opéra-toires des colectomies segmentaires et totales [17].

Dans les autres cas, si l'état hémody­namique est stable, la coloscopie peut être programmée de façon classique (après préparation par voie orale par polyéthylène glycol et avis anesthé­sique) pour permettre l'examen dans de bonnes conditions techniques. La rentabilité diagnostique de la colo­scopie est de 90 %. La responsabilité d'une lésion colique vue à la coloscopie est retenue en présence d'un saigne­ment actif ou de stigmates d'une hé­morragie récente au niveau de la lésion (vaisseau visible ou caillot adhérent) mais aussi en l'absence de saignement actif devant la présence de sang frais à proximité de la lésion ou l'absence d'autre lésion pouvant expliquer l'hé-morragie. L'iléoscopie doit être systé­matique pour explorer les 30 derniers centimètres de l'iléon [11].

Malgré des explorations bien conduites, le diagnostic des hémorragies diges­tives basses reste incertain dans 5 % à 12 % des cas. Les causes rectoco­liques représentent 95 % des étiolo­gies identifiées et sont surtout domi­nées par la diverticulose colique et les angiodysplasies.

 

Les hémorragies diverticulaires

La diverticulose hémorragique repré­sente la première cause de saignement digestif par voie basse aiguë (plus de 40 %) [18]. Une origine diverticulaire est constatée chez presque un malade sur quatre ayant une endoscopie au décours d'une HDB abondante. La prin­cipale difficulté est d'imputer l'hé-morragie à la diverticulose. Le meilleur critère est la visualisation du saigne­ment au niveau du diverticule, mais en pratique, il s'agit le plus souvent d'un diagnostic d'élimination. Si 80 % des diverticules siègent au niveau du colon gauche, plus de 50 % des di­verticules hémorragiques sont situés au niveau du côlon droit. La recherche d'une prise d'AINS ou d'aspirine est systématique. Dans plus de 80 % des cas, l'hémorragie s'arrête spontané­ment. La récidive hémorragique sans traitement est estimée à 9 % à 1 an, 10 % à 2 ans et 25 % à 4 ans [11]. Dans 5 % des cas, l'hémorragie diverticu­laire peut être grave et résister au trai­tement médical. La coloscopie doit être réalisée en urgence pour localiser le site hémorragique et identifier les stigmates endoscopiques d'hémorragie diverticulaire. Le site du saignement est le plus souvent un saignement en regard d'un collet de diverticule. Les signes endoscopiques prédictifs de poursuite ou de récidive hémorragique diverticulaire sont : un saignement actif, un vaisseau visible et un caillot adhérent. Leur présence nécessite un traitement endoscopique en urgence par électrocoagulation bipolaire et/ou injections sclérosantes à l'adrénaline diluée pour diminuer le risque de réci­dive hémorragique et le recours à la chirurgie [19, 20]. Une aiguille à sclérose standard permet d'injecter au moins 1 à 2 mL d'adrénaline au 1/10 000 e dans chacun des 4 quadrants au pourtour du collet du diverticule hémorragique. En cas de vaisseau visible, l'utilisation de sonde d'élec-trocoagulation bipolaire en application douce sur le vaisseau, avec une puissance de 10 à 15 W, peut être réalisée. L'utilisation de clips métal ­liques a également été rapportée. Certains auteurs proposent de retirer avec une anse à polype, le caillot adhérent s'il est présent, après injec­tion d'adrénaline puis d'électrocoa-guler le vaisseau visible sous-jacent. L'absence de traitement endoscopique expose à une récidive hémorragique de 53 % en cas de stigmates d'hémor-ragie récente. Une colectomie segmen­taire (facilitée par un tatouage à l'encre de Chine ou la mise en place de clips de repérage de la zone hémorragique) ou une hémicolectomie sont néces­saires dans 35 % des cas d'hémorragie grave.

 

Les hémorragies des angiodysplasies

Les angiodysplasies coliques sont res­ponsables de 3 à 12 % des HDB [4, 11]. Ce sont des anomalies vasculaires dé­génératives souvent multiples corres­pondant à des dilatations des veines sous-muqueuses, des veinules ou des capillaires, qui surviennent surtout après 60 ans. Elles seraient associées au rétrécissement aortique, à l'insuf-fisance rénale et respiratoire, à la ma­ladie de Willebrand et à la cirrhose, mais l'existence d'un lien significatif entre ces pathologies et les angiodys­plasies est actuellement discutée [21]. Le diagnostic est souvent difficile et l'artériographie reste l'examen de ré­férence mettant classiquement en évi­dence un lacis artériolaire en houppe, une opacification veineuse précoce et prolongée de veines dilatées et tor­tueuses. L'extravasation de produit de contraste n'est visible que lorsque le débit atteint 0,5 à 3 mL/min. En en­doscopie, les lésions sont de petites taches rouge foncé, le plus souvent multiples, en bouquet, plates ou légè­rement saillantes, de 2 à 10 mm de diamètre, rondes, stellaires ou en ar­ceau. Le lavage à l'eau ne les efface pas et peut parfois déclencher une re­prise de l'hémorragie. Elles siègent dans le colon droit et le caecum dans plus des 50 % des cas. Le diagnostic endo­scopique est souvent difficile en ur­gence et peut nécessiter la réalisation de plusieurs endoscopies (diagnostic dans 81 à 88 % des cas si la prépara­tion colique est de bonne qualité) [22]. La difficulté est bien sûr d'identifier la lésion responsable de l'hémorragie. Néanmoins, après un épisode d'hé-morragie digestive, le traitement en­doscopique de toutes les angiodys­plasies visualisées doit être systéma­tique pour éviter une récidive hémor­ragique (25 à 50 % des cas). Plusieurs méthodes hémostatiques ont été ten­tées : photocoagulation par faisceau laser Nd Yag (5 fois plus pénétrant que le laser argon), injections sclérosantes, sondes thermiques ou électrocoagula­tion mono ou bipolaire, et coagulation au plasma argon, technique d'hémo-stase actuellement privilégiée. Cette méthode est simple d'utilisation, très efficace dans les angiodysplasies quelle que soit leur localisation gastrique, grê­lique ou colique. La tolérance est très bonne et les effets secondaires rares. Le risque dans le colon droit ou le caecum est essentiellement la perfora­tion, en particulier par explosion. Pour diminuer le risque, la préparation co­lique doit être de parfaite qualité et réa­lisée avec du polyéthylène glycol.

 

Les autres étiologies

» Les ulcérations thermométriques : fréquentes en France

Elles représentent 5 à 23 % des étio­logies des HDB [23]. Elles peuvent être très abondantes. Il s'agit d'une hé­morragie de sang rouge. L'ulcération est linéaire ou punctiforme à la face antérieure du bas rectum ou à la jonc­tion ano-rectale en anuscopie. Le trai­tement est généralement endoscopique (injection locale, électrocoagulation). En cas d'échec, la réalisation de points en X peut être nécessaire.

» Les cancers et polypes

L'hémorragie est le plus souvent mo­dérée (11 % des HDB) [11]. Cependant, dans certaines séries d'HDB abondantes, les tumeurs coliques ont pu représenter 10 à 20 % des étiologies. Les polypes sont une cause très rare d'HDB aiguë.

» Les colites ischémiques (3 à 9 %)

Elles surviennent principalement chez les sujets âgés dans un contexte vas­culaire. Elles se traduisent clinique­ment par des douleurs abdominales suivies d'une diarrhée sanglante. Le diagnostic est endoscopique avec une muqueuse démateuse, violacée et nécrotique.

» Les colites inflammatoires (RCH et Crohn) ou ulcérées

Elles sont responsables de 6 à 30 % des HDB et d'hémorragies sévères dans moins de 5 % des cas [24].

RCH : 2 à 8 %, rectite radique 1 à 5 %.

 

Les étiologies plus rares

» La polypectomie et la mucosectomie endoscopique : 0,3 à 2, 4 % des HDB

Elles peuvent se compliquer d'hémor-ragies, parfois très abondantes [25]. Elles cesseront spontanément le plus souvent. Dans le cas contraire, un geste endoscopique (injection, électrocoa­gulation, clips) est généralement suf­fisant. Il est nécessaire de recommander au maximum l'utilisation d'endoloop lors de l'exérèse des polypes pédiculés, de taille supérieure à 1 cm. Dans les rares échecs d'hémostase endoscopique par clips, une embolisation par arté­riographie sélective doit toujours être tentée avant d'envisager une chirurgie colique d'hémostase. La pose de clips peut permettre également un repérage rapide de la lésion en cas d'hémorragie secondaire.

» Autres lésions recto-coliques pouvant être responsables d'HDB

Les varices coliques et anorectales, colites médicamenteuses, colites in­fectieuses, endométriose, rectite ra­dique, ulcère solitaire du rectum, fis­tules artério-digestives…, mais sont de survenue plus anecdotique.

» Les hémorroïdes

L'hémorragie est rouge rutilant, contemporaine de la défécation et terminale en jet. Elles provoquent rarement des hémorragies graves sauf en cas de complications hémor­roïdaires (thrombus, hémorragie postopératoire). Elles semblent pou­voir être impliquées dans 10 à 28 % des cas [23].

» Les lésions de l'intestin grêle

Elles représentent 5 % des hémorragies digestives [2] avec par ordre de fré­quence décroissante : l'angiodysplasie (50 % des cas), les tumeurs ou ulcères de causes variées. Chez l'homme jeune, le diverticule de Meckel repré­sente à peu près les deux tiers des saignements du grêle.

» Les hémorragies d'origine bilio-pancréatique

Elles sont de diagnostic difficile car souvent intermittentes. L'endoscopie peut visualiser du sang provenant de l'ampoule de Vater. Les pathologies responsables sont : la pancréatite chro­nique, les cancers du pancréas, les ané­vrismes de l'artère splénique, hépa­tique ou pancréatico-duodénale, ainsi que les origines iatrogènes (sphincté­rotomie endoscopique, biopsie hépa­tique) [2].

 

Conclusion

Les HDB sont souvent spectaculaires mais elles ont une évolution sponta­nément favorable dans environ deux tiers des cas. Leur gravité est plus liée au terrain qu'à l'importance de l'hé-morragie. La mise en uvre des me­sures de réanimation est un préalable indispensable avant d'envisager le bilan étiologique. L'examen clé est la coloscopie qui peut permettre un trai­tement hémostatique. La diverticulose et les angiodysplasies en sont les prin­cipales étiologies.

 

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