[Atelier 4] Chirurgie de la Dyschésie

Introduction

La prise en charge thérapeutique de la dyschésie est d'abord médicale : diététique, laxatifs et rééducation anopérinéale. Mais l'efficacité de tels traitements n'est pas constante ; c'est pourquoi le bilan diagnostique doit s'efforcer de détecter des anomalies pouvant bénéficier d'un traite­ment chirurgical. L'indication du traitement chirurgical est d'autant plus difficile à poser qu'il n'y a pas corrélation entre correction d'une ano­malie anatomique et soulagement des symptômes. Cependant, l'indication chirurgicale sera quasi certaine en cas de prolapsus rectal complet extériorisé, souvent posée en cas de rectocèle, proposée en cas d'élytrocèle, argumentée en cas de prolapsus rectal interne, discutable pour les syndromes d'ulcère solitaire du rectum.

 

Le prolapsus rectal complet

Le plus souvent facile à diagnostiquer, il est quelquefois nécessaire d'examiner le patient en position accroupie pour le mettre en évidence et le différencier d'un prolapsus muco-hémorroïdaire.

Le traitement est chirurgical, et c'est la question de la voie d'abord et donc de la technique chirurgicale qui rapidement domine la discussion. La discussion se fait schématiquement entre rectopexies par voie abdominale et interventions périnéales ; et en cas de rectopexie, faut-il ou non réaliser une sigmoïdectomie associée ?

Plusieurs types de rectopexies sont pratiqués :

» Les rectopexies au promontoire

T.G. Orr a décrit la suspension au promontoire de la partie péritonisée du rectum ;

La rectopexie type Ripstein fixe le haut rectum par une bandelette en U [1] ;

J. Loygue et coll. ont modifié le procédé en suspendant le rectum sous péritonéal par 2 bandelettes prothétiques au ligament vertébral commun antérieur associée à une exérèse de l'excès de péritoine au niveau du cul de sac de Douglas [2].

 

» La rectopexie sacrée

Décrite par Wells, la fixation du rectum est assurée par une prothèse placée à la face postérieure du rectum sur 1/3 de circonférence [3].

 

» Les interventions par voie périnéale

L'intervention de Delorme est une mucosectomie du rectum prolabé avec plicature de la musculeuse.

L'opération de Delorme dite élargie comporte en outre une douglassectomie, une myorraphie postérieure, avec plicature antérieure de la mus
­culeuse et fixation du rectum au sacrum par interposition d'une pièce prothétique [4, 5].
Les résultats des rectopexies sont bons avec moins de 10 % de récidive à 5 ans. La constipation ou l'aggravation de celle-ci en postopératoire,

représente l'effet délétère le plus important. La physiopathologie de cette dernière serait liée à des troubles moteurs, prédominant sur le côlon
gauche. C'est pourquoi, certains préconisent une sigmoïdectomie associée, au prix d'une majoration de la morbidité et des risques opératoires
[6].

L'intervention de Delorme présente moins de risque opératoire, mais est grevée d'un taux de récidive plus élevé, jusqu'à 26 % ; cependant, ce

taux de récidive diminue à 5 % avec l'intervention de Delorme modifiée.
Le choix de l'intervention tient compte de l'âge, du risque opératoire, de l'existence d'une constipation ou d'une incontinence anale, d'un autre
trouble de la statique périnéale associée.

Le cas particulier de la récidive d'un prolapsus rectal pose des difficultés liées à la première intervention : schématiquement, en cas de chirurgie
par voie haute première, une chirurgie par voie basse type Delorme peut être envisagée. En cas de chirurgie par voie basse première, se discute
une réintervention par voie haute.

 

La rectocèle

Elle correspond à une hernie de la paroi antérieure du rectum et de la paroi postérieure du vagin, dans la lumière vaginale.
La réduction chirurgicale se fait soit par voie transanale, soit par voie périnéale.
La voie transanale correspond à celle décrite par Sullivan [7] et Kubchandani [8] avec excision de l'excès de muqueuse et plicature de la musculeuse longitudinalement et transversalement.
Cette voie ne permet pas de traiter une élytrocèle associée ; en outre, elle peut avoir un effet délétère sur la fonction sphinctérienne.

La voie périnéale ou transvaginale est tout aussi efficace et permet en outre de traiter une élytrocèle et de reconstituer un noyau fibreux du périnée. Une dyspareunie post-opératoire est souvent rapportée.
Les résultats sont similaires entre voies transanale et périnéale (de l'ordre de 90 % de succès). Le résultat post-opératoire est conditionné par la sélection des patients : patient dyschésique avec manuvres digitales, rectocèles de plus de 3 cm à la défécographie [9, 10].

La présence d'une insuffisance sphinctérienne et d'une élytrocèle influent le choix de la voie d'abord [11]. Un antécédent d'hystérectomie par voie vaginale pouvant aggraver une constipation, est à prendre en considération.
Récemment, une nouvelle technique « stapled transanal rectal resection » (STARR) a été proposée. Cette intervention, comportant la réalisation de 2 hémi bourses, permet la réduction de la rectocèle (bourse antérieure) et d'un prolapsus interne (bourses antérieure et postérieur) souvent associé. Le résultat fonctionnel paraît excellent (plus de 90 % de disparition des symptômes à 20 mois postopératoires), ainsi que le résultat
anatomique, évalué par défécographie. Les complications sont représentées par le sepsis et les fistules rectovaginales. L'incontinence anale aux gaz est notée chez 1,1 % des patients à 12 mois ; une sensation de défécation urgente chez 1,1 % des patients. Cette intervention s'adresse idéalement aux patients porteurs de rectocèle associée à une intussusception, sans autre trouble de la statique périnéale, et sans risque d'incontinence anale [12].

Une variante à cette intervention consiste à associer résection rectale basse par voie transanale et myorraphie par voie périnéale. Elle ne paraît pas supérieure à l'intervention STARR en termes de résultats fonctionnels et anatomiques [13].

 

Le prolapsus rectal interne

Le prolapsus rectal interne est fréquent, de physiopathologie incertaine. Sa relation avec un prolapsus rectal complet n'est pas systéma­

tique. Seul est à considérer le prolapsus rectal interne, symptomatique par obstruction de la lumière anale en poussée lors de l'examen clinique. Sa responsabilité dans la symptomatologie n'est pas toujours aisée à démontrer. La défécographie confirme l'importance de l'intussusception et apprécie la coexistence d'une élytrocèle pouvant modifier la prise en charge.

L'intervention peut être celle d'une rectopexie, mais avec le risque d'une aggravation de la dyschésie. Une intervention de Delorme est parfois préférée. L'intervention de STARR apparaît intéressante dans cette indication.

 

L'élytrocèle

L'élytrocèle correspond à une hernie du sac péritonéal dans le petit bassin. Elle peut comporter des anses digestives réalisant une sigmoïdocèle, une entérocèle. Elle peut accompagner les autres troubles de la statique et modifie ainsi la prise en charge chirurgicale, limitant les voies basses.

 

Intérêt des explorations complémentaires

Les explorations fonctionnelles n'ont pas fait la preuve de leur intérêt dans le pronostic chirurgical ; la manométrie peut apporter un argument dans la discussion du choix d'une intervention par voie basse ou haute. L'échographie anale détecte une rupture sphinctérienne qui peut par elle-même justifier un geste. La présence d'une neuropathie pudendale n'est pas formellement corrélée à une péjoration du pronostic.

L'imagerie : défécographie et/ou colpocystogramme sont nécessaires pour visualiser des anomalies pouvant modifier la prise en charge [14]. L'IRM et notamment l'IRM dynamique du plancher pelvien apparaît aussi performante [15].

 

Conclusion

Le traitement chirurgical des troubles de la statique périnéale nécessite une évaluation périnéale complète. La correction des anomalies anato­miques n'est pas systématiquement corrélée avec la correction des symptômes ; c'est pourquoi, en dehors des prolapsus rectaux extériorisés, l'indication doit être mûrement réfléchie en fonction des données cliniques et paracliniques.

 

RÉFÉRENCES

•  1. Ripstein CB. Treatment of massive rectal prolapse. Am J Surg 1952; 83: 68-71.

•  2. Loygue J, Nordlinger B, Cunci O, Malafosse M, Huguet C, Parc R. Rectopexy to the promontory for treatment of rectal prolapse. Report of 257 cases. Dis Colon Rectum 1984; 27: 356-9.

•  3. Wells C. New operation for prolapse of rectum. Proc R Soc med 1959; 52: 602-3.

•  4. Pigot F, Faivre J, Chaume JCC, Castinel A. Intervention de Delorme et prolapsus du rectum. Hepato-Gastro 1997; 4: 311-7.

•  5. Lechaux JP, Lechaux D, Perez M. Results of Delormes's procedure for rectal prolapse. Advantages of a modified technique. Dis Colon Rectum 1995; 38: 301-7.

•  6. Lehur PA, Tison C, Lazorthes F, Portier G. Pour ou contre l'association d'une sigmoïdectomie à la rectopexie dans le traitement chirurgical du prolapsus rectal. Le Courrier de colo-proctologie 2001; 2: 135-9.

•  7. Sullivan ES, Leaverton GH, Hardwick CE. Transrectal perineal repair : an adjunct to improved function after anorectal surgery. Dis Colon Rectum 1968; 11: 106-14.

•  8. Khubchandani IT, Clancy JP, Rosen L, Riether RD, Stasik JJ. Endorectal repair of rectocele revisisted. Br J Surg 1997; 84: 89-91.

•  9. Mellgren A, Anzen B, Nilsson BY et al. Results of rectocele repair. A prospective study. Dis Colon Rectum 1995; 38: 7-13.

•  10. Nieminen K, Hiltunen K-M, Laitinen J et al. Transanal or vaginal approach to rectocele repair : a prospective, randomized pilot study. Dis Colon Rectum 2004; 47: 1636-42.

•  11. Ho YH, Ang M, Nyam D, Tan M, Seow Choen F. Transrectal approach to rectocele repair may compromise anal sphincter pressure. Dis Colon Rectum 1998; 41: 354-8.

12. Boccasanta P, Venturi M, Stuto A et al. Stappled transanal rectal resection for outlet obstruction: a prospective, multicenter trial. Dis Côlon Rectum 2004; 47: 1285-97.

•  13. Boccasanta P, Venturi M, Salamina G et al. New trends in the surgical treatment of outlet obstruction : clinical and functional results of two novel trans­anal stapled techniques from a randomised controlled trial. Int J Colorect Dis 2004; 19: 359-69.

•  14. Shorvon PJ, Mc Hugh S, Diamant NE et al. Defecography in normal volunteers: results and implications. Gut 1989; 30: 1737-49.

•  15. Fernandez P. Exploration par imagerie par résonance magnétique (IRM) dynamique du plancher pelvien féminin. Le courrier de colo-proctologie 2004; 2: 51-3.