Dénutrition et traitement en cancérologie digestive

Introduction

Un état de malnutrition est si communément associé à la maladie tumorale qu'il est souvent considéré comme partie intégrante de l'évolution des cancers [1]. Certains pensent que la dénutrition est un mode de défense du malade cancéreux et que l'assistance nutritive aggrave le cours évolutif de la maladie en favorisant le développement de la masse tumorale. D'autres estiment, au contraire, que bon nombre de malades can­céreux décèdent de cachexie et que la dénutrition limite la tolérance et l'efficacité des traitements radio-chimiothérapiques ainsi que de la chi­rurgie. Les objectifs de cet article sont :

de définir la prévalence de la dénutrition au cours des cancers digestifs et préciser les méthodes d'évaluation de l'état nutritionnel ;

de déterminer l'influence de la morbidité notamment au cours des traitements utilisés chez les malades cancéreux ;

de proposer une stratégie de prise en charge nutritionnelle intégrée dans le schéma thérapeutique des malades.

 

Incidence de la malnutrition protéino-énergétique au cours du cancer

Environ 40 à 80 % des malades selon le type de cancer développent un état de dénutrition pouvant aller jusqu'à la cachexie [2]. Parmi les can­cers, ce sont très certainement les cancers digestifs et les cancers des voies aéro-digestives supérieures qui entraînent le plus souvent une dé­nutrition. Au cours des cancers de l'estomac, la prévalence de la dénutrition est supérieure à 80 %. Elle est identique dans les cancers du pan­créas. Dans cette dernière affection, la perte de poids est de 14 % au moment du diagnostic et de 24,5 % au moment du décès [3]. La carcinose péritonéale, quelle que soit son origine, entraîne une dénutrition sévère constante par impossibilité de s'alimenter du fait de l'occlusion intes­tinale chronique qu'elle induit. Les cancers ORL quant à eux entraînent une diminution parfois totale des ingesta du fait des troubles de la dé­glutition qu'ils induisent.

Le facteur essentiel expliquant la dénutrition au cours du cancer est certainement la réduction des apports alimentaires. Trente à 75 % des ma­lades porteurs d'un cancer sont anorexiques selon le lieu de la localisation primitive du cancer (Fig. 1) [4]. Cette réduction peut être liée direc­tement à la tumeur par un phénomène mécanique, en cas par exemple de cancer du larynx, de l'sophage, de l'estomac ou d'une carcinose péritonéale. Mais il existe souvent une anorexie associée à la présence d'une tumeur qui se crée par un phénomène d'aversion alimentaire qui semble lié à la stimulation de l' area postrema [5] proche du centre du vomissement. On évoque, pour expliquer ce phénomène, un déséquilibre du métabolisme des acides aminés aboutissant à une accumulation de tryptophane précurseur de sérotonine anorexigène, un rôle anorexiant du TNFa, ainsi que le rôle des carences en micronutriments. Des progrès récents dans la compréhension des perturbations aboutissant du contrôle de l'appétit chez le malade cancéreux impliquent, au niveau de l'hypothalamus postéroventral, une activation de la pro-apomélano-cortine par les cytokines et une inhibition du neuropeptide Y [6] (Fig. 2). Il n'est pas illusoire de penser que ces travaux fondamentaux pour­raient déboucher dans le futur vers un traitement pharmacologique efficace de l'anorexie du malade cancéreux [7]. D'autre part, les compli­cations de certains traitements comme par exemple des vomissements dus à la chimiothérapie ou une sophagite radique, peuvent également limiter l'alimentation. Enfin, il existe très souvent une dépression réactionnelle associée qui favorise elle aussi la carence d'apport.

Mais il est certain que la réduction des apports alimentaires n'explique pas, à elle seule, tous les problèmes nutritionnels rencontrés au cours des affections néoplasiques. En effet, des désordres métaboliques complexes [1] sont très souvent associés et expliquent, par exemple, les dif­ficultés observées au cours de la renutrition de ces patients (Fig. 3). Les cytokines sécrétées par des macrophages activés favorisent l'anorexie et ont, en général, un effet lipolytique et protéolytique. Au cours du cancer, la dépense énergétique peut être augmentée. Cette augmentation est cependant inconstante, souvent modeste (de l'ordre de 15 %) et surtout rencontrée chez les malades qui présentent de la fièvre et/ou un état infectieux. Il existe par contre d'importantes perturbations du métabolisme des glucides, des lipides et des protéines (Fig. 3). Le métabolisme glucidique est caractérisé par une augmentation de la néoglucogénèse à partir du lactate (cycle de Cori) et de l'analine, et une résistance à l'in-suline. La lipolyse est constante, entraînant une déplétion des réserves en graisse, une augmentation des concentrations plasmatiques en gly­cérol et en acides gras libres. Les anomalies du métabolisme protéique associent une augmentation du turn-over protéique, une diminution de la synthèse protidique musculaire, une augmentation de la synthèse des protéines inflammatoires et une balance azotée constamment néga­tive. La libération de cytokines semble être un facteur important dans la survenue de ces perturbations métaboliques.

 

 

Tchekmedyian et al. Oncology 1992

FIGURE 1. – Pourcentage de malades anorexiques au cours de différents types de cancer.

D’après Tchekmedyian et al. [4]. 

 

FIGURE 2. – Mécanismes des troubles du contrôle de l’appétit au cours du cancer. 

 

 

FIGURE 3. – Dysrégulations métaboliques au cours du cancer.

 

Evaluation de l'état nutritionnel du malade cancéreux

La prise en compte de l'état nutritionnel du malade cancéreux doit faire partie intégrante du traitement et elle n'est certainement pas moins importante que celui de la douleur, des troubles du sommeil, du syndrome dépressif ou des vomissements. Une évaluation systématique de l'état nutritionnel du malade cancéreux est nécessaire. L'évaluation de l'état nutritionnel d'un malade fait appel aux méthodes anthropométriques, à la biologie, aux index composites et enfin, à l'évaluation des ingesta.

» Les méthodes anthropométriques

LE POIDS

Peser un malade fait partie de tout examen médical au même titre que la prise de la tension artérielle. Cependant, le poids est à interpréter avec prudence en fonction de l'état d'hydratation du malade et du poids antérieur. Les patients doivent être pesés le matin, en sous-vêtements, et en tous cas toujours à la même heure et dans les mêmes conditions. Il est (sauf cas particuliers) inutile de peser un malade plus de deux fois par semaine. Lors d'une hospitalisation, tout malade hospitalisé doit être pesé à l'entrée. Le calcul de l'index de masse corporel (IMC) dont la normalité est comprise entre 18,5 et 25 chez l'adulte permet une première approximation de l'état nutritionnel :

 

IMC = P/T2

 

Poids en kg, Taille en mètres

 

Il est aussi très utile de calculer le pourcentage d'amaigrissement ; un amaigrissement supérieur à 10 % traduit une dénutrition, au dessus de 25 % le pronostic vital est engagé.

La mesure du poids est aussi très utile en cours de renutrition et l'on estime qu'une prise de poids supérieure à 250 g par jour traduit une ré­tention hydrique.

L' ÉPAISSEUR CUTANÉE TRICIPITALE (ECT)

Elle permet la détermination de la masse grasse. Elle est réalisée sur le bras non dominant, demi-fléchi, relâché, à mi-distance entre l'acromion et l'olécrâne à l'aide d'un compas de Harpenden. Les valeurs normales sont comprises entre 12 et 13 mm chez l'homme et 16 et 17 mm chez la femme.

LA CIRCONFÉRENCE MUSCULAIRE BRACHIALE (CMB)

La CMB est un bon reflet de la masse musculaire. On mesure préalablement la circonférence brachiale (CB) à l'aide d'un centimètre de coutu­rière dans les mêmes conditions que pour l'ECT. La CMB est calculée par la formule suivante :

CMB = CB (0,314 ×___ ECT)

CMB en cm, CB en cm, ECT en mm

Seuil de dénutrition : Femme : CMB < 19 cm Homme < 65 ans : CMB < 24 cm Homme > 65 ans : CMB < 22 cm

 

» Les méthodes biologiques

LES PROTÉINES PLASMATIQUES

Certaines protéines sériques sont utilisées comme marqueurs de l'état nutritionnel car leur synthèse exclusivement hépatique, dépend en grande partie de l'état nutritionnel. Leur taux sérique est à interpréter avec prudence en fonction de la pathologie sous-jacente car l'insuffisance hé­patique diminue leur synthèse, l'hyperhydratation ou la déshydratation peuvent entraîner des résultats erronés, la corticothérapie provoque un transfert intra-vasculaire de l'albumine. Enfin, il peut exister des pertes excessives de protéines digestives ou rénales.

LA CRÉATININURIE DES 24 H

La créatinine est un produit du catabolisme musculaire et son excrétion est urinaire. Ainsi, la créatininurie des 24 heures est relativement constante, dépend peu de l'alimentation, et est proportionnelle à la masse musculaire. On estime que 1 kg de muscle correspond à l'excrétion quotidienne de 60 mg de créatinine urinaire. La créatininurie des 24 h moyenne est de 23 mg/kg de poids idéal chez l'homme et de 18 mg/kg de poids idéal chez la femme. Son utilisation est limitée par la précision du recueil des urines, la fonction rénale, et l'absence de situations hy­percataboliques qui entraînent une excrétion accrue de créatinine urinaire et donc sous-estime la malnutrition (corticothérapie, chimiothéra­pies).

LES TESTS IMMUNITAIRES

La malnutrition diminue l'immunité cellulaire et représente la première cause d'immunodépression acquise. On peut l'explorer par la réalisa­tion de test cutanés d'hypersensibilité retardée. De plus, il existe au cours de dénutritions sévères, une lymphopénie qu'il convient de recher­cher et qui se corrige au cours de la renutrition.

LES AUTRES PERTURBATIONS BIOLOGIQUES

Elles sont inconstantes et sujettes à variations, peu sensibles et peu spécifiques. Elle font partie intégrale du bilan nutritionnel car elles per­mettent d'évaluer le retentissement nutritionnel de la dénutrition : hypokaliémie, hypomagnésémie, hypophosphorémie, anémie, carence en fer, en acide folique ou en vitamine B12. Il peut être utile de rechercher des carences spécifiques (Zinc, vitamine A, D, E, PP).

 

» Les méthodes de mesure de la composition corporelle

Elles sont d'une grande utilité pour la détermination de l'état nutritionnel d'un patient. Les premières études autopsiques (19 e siècle) constituent des bases essentielles car il s'agissait de mesures directes. Toutes les méthodes utilisées actuellement sont indirectes. Le corps humain est composé de nombreux éléments de densité différente (graisse, os, protéines, eau) dont les quantités respectives sont maintenues constantes. Un compartiment est le regroupement de certains éléments ayant une valeur physiologique voisine. La théorie la plus simple est la théorie bicompartimentale où l'on applique la formule suivante :

La masse grasse correspond aux lipides amorphes (triglycérides surtout) et représente normalement 15 % à 23 % du poids du corps. Une dimi­nution importante de la masse grasse est possible sans risque majeur. La masse maigre ou masse non grasse (Fat-Free Mass) regroupe l'eau, les protéines, et la masse calcique. Elle a une grande importance phy­siologique et, en cas de perte importante de masse maigre, le risque vital est engagé. De nombreuses méthodes de mesure de la composition corporelle ont été développées. En pratique, l'impédancemétrie bioélectrique mono ou multifréquence a l'avantage de la simplicité. Cette tech­nique nécessite une utilisation très rigoureuse pour en assurer la reproductibilité. L'absorptiométrie biphotonique (DEXA) permet grâce à un balayage du corps avec un faisceau de très fins rayons X à deux niveaux d'énergie, de déterminer relativement précisément la composition corporelle d'un malade. Le faisceau va subir une atténuation qui dépend de la composition de la matière traversée. L'utilisation de deux éner­gies très différentes permet d'individualiser trois composants : masse calcique, masse maigre, et masse grasse. Cette technique identique à celle utilisée pour la mesure de la densité minérale osseuse est actuellement considérée comme la technique de référence pour la détermination de la composition corporelle.

 

» Les scores nutritionnels

La méthode idéale d'évaluation de l'état nutritionnel n'existe pas. Ainsi, un certain nombre de scores clinico-biologiques pronostiques ont été développés. Ceux-ci prédisent avec une sensibilité et une spécificité plus ou moins grandes, des complications liées à la malnutrition. Parmi les nombreux scores proposés, le Nutritional Risk Index (NRI) est actuellement recommandé dans le cadre du programme national nutrition et santé (PNNS). Son intérêt pronostique a été parfaitement validé [8].

 

 

Plusieurs outils qui permettent un calcul simple du NRI ont été développés. Il s'agit du Nutritmètre ® proposé par le PNNS et du Nutristep ®. D'autres index nutritionnels plus sophistiqués mais pas toujours validés sont à la disposition du clinicien [9].

 

» L'évaluation des ingesta

Cette mesure ne permet pas de dépister la dénutrition mais un risque de dénutrition. La mesure des ingesta spontanés est maintenant intégrée au processus décisionnel pour la prise en charge nutritionnelle d'un malade (Fig. 4). Une estimation grossière pourra être obtenue par l'éva-luation rétrospective des ingesta des 24 dernières heures. Une évaluation prospective sur trois jours représente la méthode de référence. En pra­tique, elle nécessite la coopération du malade qui doit noter sur un semainier et le plus précisément possible, ses ingesta quotidiens sur au moins trois jours. Ils seront ensuite relevés par un diététicien qui, grâce à un logiciel, pourra calculer les apports quotidiens que l'on comparera aux apports nutritionnels conseillés (ANC). Chez un adulte, on considère que les besoins énergétiques sont de l'ordre de 30 à 35 kcal/kg/j et les be­soins protéiques supérieurs à 1 g/kg/j. Chez un malade hospitalisé, une méthode simplifiée mais validée, consiste à noter grossièrement la consommation de chaque plat proposé au malade (4/4, 3/4, 1/2, 1/4, ou rien).

 

» Comment évaluer systématiquement l'état nutritionnel d'un malade porteur d'un cancer digestif en pratique ?

La mise en oeuvre systématique du dépistage de la dénutrition en cancérologie digestive est une nécessité. Les recommandations du PNNS sont pour cela la méthode qui paraît la plus simple et la plus adaptée en routine (Fig. 4). Trois niveaux de dépistage sont prévus ; le premier, simple, consiste à évaluer l'IMC et la perte de poids. En cas d'IMC <18,5 et/ou de perte pondérale significative une évaluation plus poussée faisant appel au NRI est requise (niveau 2). Le niveau trois fait appel en plus à l'évaluation des ingesta par une diététicienne.

 

Conséquences de la malnutrition protéino-énergétique au cours du cancer

Il peut paraître trivial de dire que la dénutrition influence négativement le pronostic d'un malade porteur d'une tumeur digestive. Cependant, la prise en charge nutritionnelle des malades est encore bien souvent tardive, il nous semble donc nécessaire d'insister sur ce point pour convaincre les hépato-gastroentérologues de mettre en place une stratégie de dépistage et de prise en charge précoce de la dénutrition chez leurs malades.

Ce sont les chirurgiens qui les premiers ont compris que les suites opératoires de leurs malades étaient moins bonnes s'ils étaient dénutris. Sans rentrer dans le détail des nombreuses études qui ont évalué les conséquences de la dénutrition chez les opérés digestifs, il est utile de rappeler la fameuse étude des vétérans dans laquelle, quelle que soit la méthode d'évaluation de la dénutrition, les malades dénutris ont eu plus de com­plications post-opératoires que les malades non dénutris [10]. Les conséquences néfastes de la dénutrition sur l'état de santé sont connues de­puis longtemps. Chez les malades hospitalisés, elle retentit sur deux paramètres qui agissent de manière synergique. En diminuant la force mus­culaire, elle contribue à l'alitement prolongé ; en déprimant l'immunité, elle favorise les infections, elles-mêmes favorisées par l'immobilité et l'alitement. Dans un travail récent, nous avons démontré que la dénutrition était un facteur de risque indépendant d'infection nosocomiale chez les sujets hospitalisés. Une dénutrition sévère, mesurée par le NRI augmente le risque d'infection nosocomiale de 400 % [11].

Qu'en est-il au cours des traitements médicaux du cancer ? Chez les malades ayant un cancer ORL, compte tenu de l'impact de la maladie et des traitements sur la prise alimentaire, la prise en charge précoce de la dénutrition est devenue routinière [12, 13]. Il est maintenant courant de proposer au malade la mise en place d'une gastrostomie percutanée endoscopique (GPE) avant de débuter un traitement radio-chimiothéra-pique ou d'opérer le malade. De Wys et al. [14] ont étudié l'impact de la perte de poids dans les six mois qui précédaient la chimiothérapie chez 3047 malades provenant de 12 protocoles de chimiothérapie différents. Au total, 22 % des malades avaient perdu moins de 5 % du poids du corps, 17 % entre 5 et 10 % et 15 % plus de 10 %. Dans neuf des 12 protocoles, la survie médiane était plus faible chez les malades qui avaient perdu du poids que chez ceux qui n'en avaient pas perdu. C'était notamment le cas pour les cancers de l'estomac, du pancréas et du côlon. Une étude particulièrement intéressante a été réalisée chez 43 enfants devant bénéficier du même protocole de chimiothérapie pour une leucémie aiguë lymphoblastique [15]. Avant le traitement, 27 d'entre eux n'étaient pas dénutris et 16 étaient dénutris. A cinq ans, le pourcen­tage de malades vivants sans récidive était de 83 % chez les enfants non dénutris et de 26 % chez ceux qui étaient dénutris (P<0,001). Alors que le nombre de malades en rémission à la fin de la chimiothérapie était identique dans les deux groupes, le taux de récidive était plus élevé chez les sujets dénutris (56 % vs 7 % ; P<0,0001). Ce taux de récidive plus fréquent chez les malades dénutris est attribué par les auteurs à la nécessité de réduire les doses de chimiothérapie de maintenance chez les sujets dénutris du fait d'un taux plus important de complications hé­matologiques (68 % vs 11 %). Ce travail a été confirmé par une méta-analyse [16]. Dans cette étude, le risque relatif de ne pas être en vie et en rémission après prise en charge d'une LAL était de 1,8 (IC 95 % : 1,72-1,88) chez les sujets initialement dénutris. S'il n'est pas possible de trans­poser ces résultats à la chimiothérapie des cancers digestifs, il est tout de même fort probable que les mêmes causes produisent les mêmes ef­fets.

 

FIGURE 4. – Stratégie de dépistage systématique de la dénutrition chez l’adulte hospitalisé.

Prise en charge nutritionnelle du malade cancéreux au cours des traitements

Sans vouloir prôner un interventionnisme nutritionnel systématique, au médecin qui dit de son malade « il est trop malade pour être renourri », il est souvent possible de répondre, « il est trop dénutri pour être traité ». Dans le cadre des soins de support, afin d'optimiser la prise en charge globale des malades et de permettre leur traitement, l'assistance nutritionnelle par la voie la plus adaptée est souvent nécessaire.

» Prise en charge par voie orale

Cette solution n'est pas à négliger et concerne la grande majorité des malades. Sa mise en route précoce permet dans bon nombre de cas d'éviter une aggravation de l'état nutritionnel et la nécessité d'avoir recours à des techniques de nutrition artificielle plus sophistiquées. En cas de dé­nutrition modérée, et en l'absence d'obstacle digestif majeur, il est possible d'augmenter les ingesta des malades en proposant des aliments à texture modifiée, en variant l'alimentation et en augmentant la ration énergétique d'une portion [17]. Ces manipulations nutritionnelles né­cessitent bien évidemment un(e) diététicien(ne) dont le rôle nous paraît fondamental dans la prise en charge globale du malade cancéreux et sa présence dans une unité de cancérologie, est aussi importante que celle d'un psychologue dont maintenant personne ne remet en cause l'in-térêt. Il est aussi possible de s'aider de compléments nutritionnels, d'autant qu'ils sont maintenant pris en charge sur simple prescription, pour les malades porteurs d'affections néoplasiques. Ceux-ci sont disponibles sous forme liquide mais aussi sous la forme de crèmes et de potages. L'important est certainement de varier tant la forme que le goût pour éviter la lassitude mais aussi de les administrer au patient à distance des repas. Les compléments nutritionnels doivent venir compléter un repas aussi riche que possible et non le remplacer. Plusieurs stimulants de l'appétit ont été proposés. Ce n'est pas le rôle de cet article de les énumérer tous, d'autant que les résultats obtenus sont dans l'ensemble déce­vants. Le rôle stimulant des corticoïdes est bien connu, mais ceux-ci ne doivent être employés, à cet effet qu'en situation palliative, du fait du catabolisme protéique qu'ils induisent. L'acétate de médroxyprogestérone entraîne indiscutablement une augmentation de la prise alimentaire mais la prise pondérale observée porte surtout sur la masse grasse. Du fait de l'hypersérotoninémie observée au cours des états néoplasiques, l'utilisation de la cyproheptadine (antisérotonine) semble logique. Cependant, les travaux n'ont retrouvé qu'un effet modeste sur la prise ali­mentaire sans réel effet sur l'état nutritionnel. Les antidépresseurs donnent parfois des résultats intéressants sur la prise alimentaire. En dehors de leur effet spécifique sur un état dépressif parfois responsable de l'anorexie, un effet direct sur le contrôle de l'appétit à été évoqué. Des tra­vaux récents suggèrent que les acides gras n-3 (EPA et DHA) provenant des huiles de poissons, auraient un intérêt tout particulier dans le trai­tement de la cachexie cancéreuse en inhibant la production de certaines cytokines [18-21] (niveau de preuve B). Des compléments nutrition­nels enrichis en acides gras oméga-3 sont maintenant disponibles pour les malades et pris en charge.

 

FIGURE 5. – Choix du type d’assistance nutritive (nutrition entérale ou nutrition parentérale) 
au cours des différentes situations rencontrées chez le malade cancéreux.

 

» Nutrition artificielle

La nutrition artificielle est parfois indiquée au cours des affections néoplasiques. Le rôle de l'assistance nutritive sur la croissance tumorale a été largement débattu. En effet, certaines études animales ont mis en évidence un effet promoteur de la nutrition artificielle sur la croissance tumorale. Cependant, ces études ne peuvent pas être extrapolées à l'homme. Au cours des cancers expérimentalement induits chez l'animal de laboratoire, la masse tumorale représente près de 20 % du poids du corps alors que chez l'homme, il est exceptionnel qu'elle représente plus de 2 % ; la compétition hôte-tumeur est donc différente. D'autre part, la constatation fréquente du meilleur pronostic des malades cancéreux en bon état nutritionnel va contre l'hypothèse d'une promotion de la tumeur par les nutriments.

Il convient de rappeler que pour le cancer, comme pour toute autre indication de nutrition artificielle, le choix de la nutrition entérale (NE) ou de la nutrition parentérale (NP) dépend essentiellement de l'état du tube digestif et que l'on privilégiera toujours la NE plus physiologique, moins dangereuse et moins coûteuse que la NP. Ainsi la NP ne sera choisie qu'en cas de malabsorption grave, d'occlusion intestinale et d'échec de la NE. La figure 5 résume les différentes situations où la nutrition artificielle entérale ou parentérale peut être envisagée. A part la situation pal­liative où la place de la nutrition est débattue, mais qui n'est pas l'objet de cet article, deux situations distinctes méritent d'être discutées : la période péri-opératoire et les traitements radio-chimiothérapiques.

NUTRITION ARTIFICIELLE PÉRI – OPÉRATOIRE

Les relations entre l'état nutritionnel, l'immunité, et la morbidité postopératoires, sont bien établies et une assistance nutritionnelle péri-opé-ratoire bien conduite réduit la morbidité et/ou la mortalité postopératoire. Ceci a justifié la réunion en décembre 1994, d'un groupe d'experts dans le cadre de la Conférence de Consensus sur la nutrition artificielle péri-opératoire en chirurgie programmée de l'adulte [22]. Le jury, au terme de cette réunion, recommande de ne pas utiliser la nutrition artificielle (entérale ou parentérale) dans la période péri-opératoire (deux semaines avant et deux semaines après la chirurgie) chez les sujets non ou peu dénutris et qui peuvent, dans la semaine suivant l'intervention, reprendre une alimentation couvrant 60 % des besoins énergétiques. Il recommande en revanche, la nutrition artificielle pré-opératoire chez les malades sévèrement dénutris devant subir une intervention chirurgicale majeure. La nutrition artificielle post-opératoire est indiquée chez les patients ayant reçu une nutrition artificielle préopératoire, chez les patients sévèrement dénutris, chez les patients dont les ingesta sont in­férieurs à 60 % de leurs besoins énergétiques une semaine après l'intervention, et chez les patients ayant une complication post-opératoire précoce entraînant un état d'hyper-métabolisme et une prolongation du jeûne. Deux études récentes suggèrent que l'assistance nutritive péri-opéra-toire, lorsqu'elle est correctement réalisée, pourrait améliorer la morbidité et la mortalité post-opératoire de malades porteurs d'une affection néoplasique. Dans la première [23], les malades qui devaient subir une hépatectomie réglée pour cancer, le plus souvent sur cirrhose, étaient randomisés pour recevoir ou non une NP pré et postopératoire. La morbidité postopératoire a été de 34 % dans le groupe NP et de 55 % dans le groupe contrôle (P=0,02). La NP réduisait surtout les complications septiques (17 % vs 37 %). Dans la seconde étude, 90 malades dénutris (perte de poids =10 %) porteurs d'un cancer digestif ont été randomisés pour recevoir une nutrition péri-opératoire ou pas dans les 10 jours pré­opératoires et en post-opératoire jusqu'à la reprise de l'alimentation [24]. La NP a permis de réduire de moitié les complications postopératoires (25 vs 57) et la mortalité post-opératoire était significativement plus basse dans le groupe supporté sur le plan nutritionnel (P=0,035). Cette étude conforte les conclusions de la conférence de consensus et on doit recommander une nutrition artificielle de 7 à 10 jours avant une in­tervention chirurgicale réglée et en post-opératoire chez un sujet cancéreux dénutri (niveau de preuve A). Après chirurgie digestive, une méta­analyse récente a confirmé que la réalimentation orale ou entérale précoce (dans les 24 premières heures) sous forme liquide, permet de réduire le risque infectieux post-opératoire [25] (niveau de preuve A). L'utilisation de mélanges nutritifs spécifiques en péri-opératoire enrichis en ar­ginine, acides gras n-3 et en nucléotides, a fait l'objet de nombreuses études. Si leur intérêt est discuté chez les malades sévèrement agressés, ils permettent comparativement à une alimentation standard de réduire les complications post-opératoires [26], comme l'a confirmé une ré­cente méta-analyse [27] (niveau de preuve A). L'intérêt d'une immunonutrition orale pré-opératoire systématique chez les malades devant être opérés d'un cancer a été récemment étudiée [28]. Trois cent cinq malades non sévèrement dénutris ont été séparés en trois groupes. Le Groupe 1 (n=102) recevait un support nutritionnel pré-opératoire (1000 mL/j d'un mélange enrichi en arginine, huile de poisson et nucléotides) par voie orale pendant 5 jours; le groupe 2 (n=101) recevait la même supplémentation pré-opératoire plus une nutrition entérale intra-jéjunale débutée dès la 12 e heure post-opératoire et poursuivie jusqu'à la reprise de l'alimentation; le groupe 3 ne bénéficiait d'aucune intervention nutrition ­nelle. Comparativement au groupe 3, les malades des groupes 1 et 2 ont eu moitié moins de complications infectieuses post-opératoires. Ainsi, ce type de traitement simple et peu coûteux pourrait être systématisé chez tout malade dénutri ou non devant subir une intervention chirurgi­cale abdominale lourde, surtout s'il s'agit d'un cancer (niveau de preuve A).

NUTRITION ARTIFICIELLE AU COURS DES TRAITEMENTS RADIO ET CHIMIOTHÉRAPIQUES

L'aggravation fréquente de la dénutrition chez le cancéreux au cours de la radiochimiothérapie peut conduire à discuter la mise en uvre d'une nutrition entérale ou parentérale de principe. Malheureusement, si un bénéfice nutritionnel a été avancé dans certaines études, le bénéfice cli­nique de l'assistance nutritive standard systématique dans cette situation, n'est pas établi [29]. Ainsi, au cours de la radiothérapie et/ou de la chimiothérapie, l'indication d'une NE ou d'une NP doit être posée en fonction de l'évolution de l'état nutritionnel, des ingesta et de la tolérance digestive des traitements entrepris, ce qui souligne encore le rôle primordial du bilan nutritionnel et du (de la) diététicien(ne). Deux méta-ana-lyses ont recensé les études qui ont évalué l'intérêt de la nutrition parentérale systématique chez les malades cancéreux traités par chimiothé­rapie. Dans la première regroupant 12 études, la nutrition parentérale augmentait les complications infectieuses (RR=4,1 ; P<0,05) et réduisait la survie globale (RR=0,81 ; P<0,05) [30]. La seconde ne montre aucun effet, positif ou négatif de la nutrition parentérale [31]. Dans cette si­tuation, la nutrition entérale est responsable de moins de complications [32] et un travail récent démontre que, à condition d'être réalisée en post-pylorique, elle est tout à fait faisable et bien tolérée chez ces malades [33]. Des travaux concernant l'immunonutrition ouvrent des pers­pectives intéressantes et, en particulier, une étude contrôlée de nutrition parentérale supplémentée en glutamine chez des malades recevant une greffe de moelle a mis en évidence, outre une amélioration de la balance azotée, une réduction des complications infectieuses et de la durée de séjour [34]. Ces études méritent cependant d'être confirmées et des travaux devraient être réalisés chez les patients porteurs de tumeurs diges­tives. De même, des travaux expérimentaux très intéressants suggèrent que les acides gras oméga 3 pourraient améliorer la radiosensibilité des tumeurs digestives [35]. Là encore, des travaux chez l'homme restent à faire. En attendant, il est difficile de proposer une attitude systématique. Il nous semble qu'en cas de dénutrition majeure et après échec des mesures diététiques et de la supplémentation orale, une alimentation enté­rale post-pylorique puisse être proposée (Niveau de preuve C), la nutrition parentérale ne trouvant sa place qu'en cas d'obstruction digestive ou d'échec d'une nutrition entérale bien conduite.

 

Conclusion

Du fait des conséquences nutritionnelles des affections néoplasiques et de leurs traitements, une assistance nutritive est souvent nécessaire chez les malades cancéreux. Dans tous les cas, une évaluation régulière des ingesta et de l'état nutritionnel des malades doit être réalisée, soulignant le rôle important du (de là) diététicien(ne) dans une unité de cancérologie. L'arbre décisionnel fourni par le PNNS permet, dans bon nombre de situation, de dépister précocement un problème nutritionnel. La supplémentation orale permet souvent d'éviter une aggravation de l'état nu­tritionnel. Les compléments nutritionnels enrichis en acides gras n-3 pourraient avoir un intérêt tout particulier chez les malades porteurs d'un cancer digestif. L'assistance nutritive péri-opératoire permet de diminuer la morbidité post-opératoire et est recommandée chez les malades dé­nutris. Une préférence sera donnée à la voie entérale. L'immunonutrition orale pré-opératoire devrait être utilisée systématiquement chez les malades qui doivent subir une chirurgie digestive majeure pour cancer. Au cours de la radiothérapie et de la chimiothérapie, la nutrition arti­ficielle systématique n'a pas fait la preuve de son intérêt et l'assistance nutritive doit être réservée aux malades sévèrement dénutris et/ou qui présentent une diminution sévère de leurs ingesta. La nutrition entérale est responsable de moins de complications que la nutrition parentérale et est faisable et bien tolérée chez les malades sous chimiothérapie à condition d'être réalisée en post-pylorique.

 

RÉFÉRENCES

•  1. Nitenberg G, Raynard B, Antoun S. Physiopathologie de la dénutrition chez le cancéreux. Nutr Clin Metab 1997; 11: 364-72.

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