L’acide ursodésoxycholique : du foie au tube digestif

L'acide ursodésoxycholique (AUDC) (acide 3a , 7-dihydroxy-5 cholanique) est un acide biliaire hydrophile maintenant largement utilisé dans le traitement des maladies cholestatiques. Cet acide biliaire est présent à l'état normal dans la bile humaine à de très faibles concentrations (3 à 5 % de la totalité des acides biliaires). En revanche, il s'agit d'un acide biliaire majeur chez l'ours brun dont la bile était utilisée dans la mé­decine traditionnelle chinoise pour diverses indications dont les désordres hépatobiliaires [1]. Cette revue a trois objectifs principaux : examiner les mécanismes d'action supposés de l'AUDC, voir les indications et les modalités de prescription au cours des maladies du foie et des voies bi­liaires, résumer les données actuelles concernant l'influence de ce traitement sur la carcinogenèse colique.

 

» Pharmacocinétique de l'AUDC [2]

L'AUDC est synthétisé industriellement à partir de l'acide cholique. Il se présente sous forme de cristaux dans les capsules ou les comprimés. Il est très peu soluble aux pH inférieurs à 7. Après administration orale, l'AUDC est absorbé tout au long de l'intestin grêle et d'une partie du côlon par diffusion passive non ionique. Compte tenu de ces propriétés physico-chimiques, son absorption dans l'intestin grêle dépend de la dissolution par solubilisation dans les micelles mixtes d'acides biliaires endogènes. En pratique, cela signifie qu'il doit être ingéré au moment ou à la fin des repas afin d'obtenir une absorption correcte. L'extraction hépatique de premier passage est de l'ordre de 50 %, la demi-vie dans l'organisme de l'ordre de 3 à 5 jours. L'enrichissement de la bile en AUDC après ingestion orale chronique dépend de la dose journalière ad­ministrée. Pour une dose de l'ordre de 13 à 15 mg/ kg/jour, l'enrichissement de la bile est de l'ordre de 40 à 50 % des acides biliaires totaux, au cours de la cirrhose biliaire primitive. En revanche, l'enrichissement est beaucoup plus faible au cours de la mucoviscidose. Il a été montré au cours de la cholangite sclérosante primitive qu'un enrichissement optimal était obtenu avec des doses de l'ordre de 20 à 22 mg/kg/jour [3]. La quasi-totalité de l'AUDC présent dans la bile des patients traités par cet acide biliaire est sous forme conjuguée à la taurine et à la glycine. Les formes conjuguées sont absorbées par le transporteur (ASBT) situé au niveau de l'intestin terminal. Les acides biliaires non absorbés pas­sent dans le côlon où ils sont en grande partie déconjugués, transformés en acide lithocholique principalement par les bactéries anaérobies. La fraction d'acide lithocholique absorbée par le côlon et regagnant le foie est sulfatée ou glucuronidée et éliminée à nouveau dans les selles après un passage biliaire. Chez les sujets normaux et en cas de maladie cholestatique, moins de 5 % des doses ingérées d'AUDC sont trouvées sous forme conjuguée ou sous forme d'autres métabolites dans les urines, montrant que la voie d'élimination rénale est une voie mineure d'élimi-nation de l'organisme.

 

Mécanismes d'action de l'AUDC

Les mécanismes capables d'expliquer les effets bénéfiques de l'AUDC dans les maladies cholestatiques restent en grande partie indéterminés. L'AUDC et les acides biliaires sont des stéroïdes susceptibles d'influencer la fonction de nombreux types cellulaires du fait de l'existence de transporteurs, permettant leur entrée dans la cellule, et de récepteurs membranaires et nucléaires expliquant en partie leurs effets biologiques. Il a été ainsi montré récemment à l'aide de puces ADN, que l'incubation d'hépatocytes avec des concentrations d'AUDC de l'ordre de 50 µM modifiait de façon significative plus de 400 gènes, en particulier ceux impliqués dans la régulation du cycle cellulaire, la mort ou la survie de la cellule [4]. Les mêmes techniques appliquées à l'étude du foie chez les patients recevant un traitement par AUDC, ont montré que de nom­breux gènes impliqués dans l'inflammation et la signalisation cellulaire étaient modifiés. Autrement dit, les mécanismes décrits ci-dessous sont probablement trop simples pour comprendre les mécanismes d'action de l'AUDC dans le traitement des maladies cholestatiques.

» Protection cellulaire vis-à-vis de la cytotoxicité des acides biliaires

Les acides biliaires sont des molécules hydrophobes capables de léser les membranes cellulaires aux concentrations de l'ordre de 500 µM ou plus in vitro . L'AUDC sous forme conjuguée inhibe les effets des acides biliaires hydrophobes in vitro en modifiant la structure et la composi­tion des micelles mixtes riches en phospholipides présentes dans la bile. L'exemple expérimental maintenant classique illustrant ce phénomène est fourni par les souris mdr2-knock out chez lesquelles le transporteur canaliculaire assurant la présence de phospholipides dans la bile (abcb4) est absent [5]. Ces souris développent une cholangite chronique ressemblant à ce qui est observé dans les maladies inflammatoires des voies biliaires chez l'homme. Chez ces souris, l'administration d'AUDC rend la bile plus hydrophile, moins cytotoxique et prévient l'apparition d'une fibrose et d'une cirrhose.

Des preuves expérimentales viennent étayer le concept selon lequel la cytotoxicité des acides biliaires serait en partie induite par une atteinte mitochondriale [6-8]. La nécrose hépatocytaire peut être provoquée par l'induction de la transition de perméabilité des membranes mitochondriales (TPMM). La transition de perméabilité est un phénomène caractérisé par une perméabilité brusque de la membrane mitochondriale interne aux ions. Il en résulte une dépolarisation du potentiel de membranes, un découplage des phosphorylations oxydatives, éventuellement une crise aiguë énergétique et la mort cellulaire par nécrose. En outre, la transition de perméabilité s'accompagne d'une redistribution du cytochrome C de l'espace intermembranaire au cytosol, son interaction avec le facteur activant les protéases apoptotiques (APAF-1) et l'activation de la cas­pase 9. L'induction de la TPMM constitue une étape critique de la mort cellulaire soit par nécrose soit par apoptose. L'AUDC inhibe la TPMM induite par les acides biliaires et un certain nombre de toxiques ou de cytokines. Il réduit également la production d'espèces d'oxygène réactif. Dans les épithéliums hépatiques, la mort cellulaire a lieu principalement par apoptose. L'apoptose hépatocytaire induite par les acides biliaires est associée à une activation du récepteur de mort FAS et l'activation ultérieure de la caspase 8 suivie d'une activation de protéines bid et bax, deux molécules pro-apoptotiques de la famille Bcl-2 [9]. Les mécanismes intimes par lesquels l'AUDC inhibe l'apoptose font défaut actuelle­ment. Une des hypothèses est que la protéine pro-apoptotique bax en présence d'AUDC n'est plus capable de se fixer sur le site entraînant la transition de perméabilité. Des travaux récents montrent en outre que l'AUDC est capable d'activer la signalisation des Map kinases induisant un signal de survie dans les hépatocytes contribuant ainsi à l'effet anti-apoptique [10, 11]. Quoi qu'il en soit, l'impact de ces mécanismes anti­apoptotiques dans les effets bénéfiques de l'AUDC au cours des maladies cholestatiques, dans l'état de nos connaissances actuelles, reste diffi­cile à évaluer.

 

» Stimulation de la sécrétion hépatobiliaire et interruption du cycle entérohépatique

La cholestase se définit comme une anomalie de la sécrétion biliaire avec comme conséquence une rétention d'acides biliaires, de produits potentiellement toxiques dans les petites voies biliaires et dans les hépatocytes. Expérimentalement, l'AUDC stimule la sécrétion biliaire des acides biliaires endogènes et de toute une série d'anions organiques dont la bilirubine et le glutathion. L'AUDC prévient expérimentalement la cholestase induite par les acides biliaires hydrophobes [12, 13]. Chez l'homme, l'AUDC stimule la sécrétion des acides biliaires, des phos­pholipides et de la bilirubine. La capacité sécrétoire des hépatocytes est déterminée par le nombre et l'activité des transporteurs sur les mem­branes hépatocytaires. Ces transporteurs sont régulés par des mécanismes transcriptionnels et post-transcriptionnels (principalement via des mécanismes PKc-calcium dépendants). Il a été montré que l'AUDC stimulait l'expression des transporteurs, leur ciblage et leur insertion au niveau de la membrane canaliculaire (mise en jeu des voies PKC, Ras, Baf et Erk-1/2) [14-18]. En outre, l'AUDC module l'activation des pro­téines responsables de la sécrétion ductulaire biliaire (CFTR, AE2) [19, 20]. L'AUDC stimule les protéines mrp3, mrp4 au niveau du tubule rénal et au niveau de l'intestin, ces protéines étant des pompes permettant l'efflux de substances toxiques. Enfin, l'AUDC sous forme conjuguée in­hibe l'expression ductulaire et intestinale du transporteur ASBT, provoquant ainsi une interruption partielle du cycle cholé et entérohépa­tique des acides biliaires et une augmentation de leur excrétion fécale [21, 22].

 

» Effet anti-inflammatoire

La rétention d'acides biliaires dans les hépatocytes et les cellules biliaires augmente l'expression aberrante des molécules HLA de classe 1 et de classe 2. Ce phénomène est inhibé par l'AUDC probablement via son action anti-cholestatique [23, 24]. L'activité anti-inflammatoire de l'AUDC est en partie indépendante de son effet sur la sécrétion des acides biliaires et la sécrétion biliaire ductulaire. En effet, l'AUDC diminue les activités phospholipasiques A2, NO synthase inductible et NF-kappaB, indépendamment de la présence ou non d'acides biliaires en quantité excessive. L'effet anti NF-kappaB pourrait relever de deux mécanismes. Le premier consisterait en une transactivation du récep­teur aux glucocorticoïdes [25] et le second mécanisme pourrait consister en une inhibition de la dégradation de l'inhibiteur, I-kappa Ba [26].

 

Indications et efficacité de l'AUDC dans les maladies cholestatiques et les maladies inflammatoires des voies biliaires

L'AUDC est le traitement de première ligne de la cirrhose biliaire primitive. L'autorisation de mise sur le marché a été obtenue en France en 1994 et aux Etats-Unis en 1998. L'efficacité de l'AUDC est démontrée sur toute une série d'arguments [27-29] : 1) amélioration ou normalisa­tion de la biologie hépatique ; 2) diminution de la progression histologique (après 5 ans de traitement, la probabilité de rester à un stade pré­coce de la maladie est de 76 % chez les malades traités comparé à 29 % chez les patients recevant un placebo ; 3) augmentation de la survie sans transplantation dans l'analyse combinée des trois principaux essais ayant une durée de 4 ans ; 4) augmentation de la survie démontrée en utilisant le modèle de la Mayo ; 5) survie normalisée par rapport à une population contrôle appariée pour l'âge et le sexe lorsque les pa­tients sont traités à un stade précoce (stade histologique 1 ou 2). Les doses journalières doivent être au minimum de 13 mg/kg et peuvent aller jusqu'à 20 mg/kg/jour comme traitement d'entretien. Du fait de la réponse variable en AUDC en terme de pharmacocinétique et d'absorption intestinale en particulier, il est logique et raisonnable, en particulier chez les patients qui ont un prurit de débuter par des doses faibles (200 à 250 mg) en augmentant ensuite par paliers les doses d'AUDC pour obtenir en traitement d'entretien, la dose d'environ 15 mg/kg/jour au 3 ème mois. Chez les patients ayant un prurit, il est souvent utile de joindre à l'administration d'AUDC, la rifampicine 3 à 600 mg/jour, voire une cor­ticothérapie 15 à 20 mg de prednisolone pendant un mois. En effet, l'AUDC a peu d'action sur l'activité des cytochromes responsables de l'hy-droxylation et la détoxification des acides biliaires endogènes. Ces phénomènes sont puissamment stimulés par la rifampicine ou par la co-ad-ministration de rifampicine et de prednisone pendant quelques semaines, voire quelques mois. La surveillance du traitement par l'AUDC doit comprendre idéalement une mesure de la concentration des acides biliaires individuels afin de préciser l'enrichissement des acides biliaires cir­culants en acide ursodésoxycholique ainsi que le taux global des acides biliaires, celui-ci ne devant pas dépasser 100 µmol/l. La surveillance biologique de l'efficacité de l'AUDC comprend traditionnellement la mesure de l'activité des enzymes hépatiques, en particulier transaminases et phosphatases alcalines. De façon très importante, il convient de déterminer de façon bi-annuelle la bilirubinémie totale et conjuguée, le taux de plaquettes, l'albuminémie et le taux de prothrombine. La bilirubinémie est le meilleur indicateur pronostique à long terme de développe­ment d'une fibrose extensive au cours de la cirrhose biliaire primitive. Nous recommandons après deux ans de traitement, un examen histo­pathologique du foie afin de déterminer l'évolution de l'hépatite d'interface. La persistance d'une hépatite d'interface est en effet un indicateur indépendant de la bilirubinémie du développement à long terme d'une fibrose extensive [30].

» La cholangite sclérosante

Les essais contrôlés randomisés de l'AUDC aux doses de 13 à 15 mg/kg/ jour au cours de cette maladie ont montré une amélioration des tests biologiques hépatiques et de la bilirubinémie mais n'ont pas mis en évidence d'effet sur la progression de la maladie [31, 32]. Cependant, il est probable que ces études ont rassemblé trop peu de patients et ont été d'un suivi trop court pour juger réellement de l'efficacité. Un essai ran­domisé récent a montré que des doses plus importantes d'AUDC, à savoir 20 mg/kg/jour ralentissaient la progression histologique, amélio­raient les signes cholangiographiques et prolongeaient la survie estimée par les modèles actuels [33]. Autrement dit, il est recommandé actuellement de traiter les patients par l'AUDC aux doses de 20 mg/kg/jour en attendant que les résultats d'essais contrôlés de plus grande am­pleur avec des doses optimales soient connus. L'explication actuellement fournie pour utiliser des doses plus importantes serait un défaut d'al-calination de la bile au cours de la cholangite sclérosante, diminuant ainsi l'absorption intestinale de l'AUDC. Une autre cause d'échec du trai­tement au cours de la cholangite sclérosante est l'existence ou le développement de sténoses dominantes du cholédoque ou des canaux biliaires segmentaires. Ces sténoses dominantes requièrent des dilatations par voie endoscopique ou la pose de stent temporaire. L'association du trai­tement médical et du traitement endoscopique pourrait considérablement améliorer les patients [34].

» La cholestase gravidique

L'AUDC est un traitement efficace du prurit et des anomalies biologiques au cours de la cholestase gravidique. En outre, l'expérience de la ma­jorité des centres montre que le traitement permet d'obtenir un plus grand nombre de grossesses à terme sans souffrance ftale. Les doses re­commandées sont de l'ordre de 10 à 15 mg/kg/jour. Il a été montré que des doses de 20 à 25 mg/jour ne comportaient pas d'effet secondaire [35, 36].

 

» L'atteinte hépatique de la mucoviscidose

Dans un essai randomisé en double aveugle d'une durée d'un an, l'AUDC a entraîné une amélioration des marqueurs de cholestase et du statut nutritionnel [37]. Une amélioration histologique a également été rapportée dans une étude prospective scandinave [38]. Dans cette maladie, des doses de 20 mg/kg/jour doivent être utilisées compte tenu de la diminution de l'absorption intestinale de l'AUDC du fait de l'insuffisance pan­créatique [39]. Compte tenu du fait que dans cette maladie génétique, l'anomalie biliaire principale est un défaut de sécrétion en bicarbonates, il est raisonnable de penser que les effets ductulaires sur les protéines CFTR et AE2 sont à l'origine de ses effets bénéfiques.

 

» Formes génétiques de cholestase

Certains patients présentant des cholestases familiales progressives PFIC1, 2 et 3 répondent favorablement à l'administration d'AUDC. Les pa­tients répondant le mieux sont ceux présentant des mutations du gène ABCB4 faux-sens ou non-sens à l'état hétérozygote. La majorité des pa­tients ayant le syndrome LPAC dû à des mutations faux-sens répondent de façon très satisfaisante à l'administration d'AUDC à des doses de l'ordre de 8 mg/kg/jour [40].

 

» AUDC et carcinogenèse colique

Les acides biliaires sont considérés comme des promoteurs de la carcinogenèse colique. En effet, il existe une série d'arguments à la fois épi­démiologiques et expérimentaux en faveur du rôle promoteur des acides biliaires, principalement acide désoxycholique et lithocholique dans la carcinogenèse rectocolique [41, 42].

L'acide ursodésoxycholique, comme on l'a vu, bloque partiellement l'absorption iléale des acides biliaires endogènes entraînant ainsi une concentration élevée des acides biliaires endogènes ainsi que de l'acide ursodésoxycholique dans la lumière colique. Cependant, des études ef­fectuées simultanément par deux laboratoires indépendants des Etats-Unis ont montré que chez des rats traités par azoxyméthane, l'addition d'AUDC à un régime enrichi en acide désoxycholique diminuait significativement l'incidence des adénomes et des cancers coliques [43, 44].

Chez l'homme, l'action potentielle de l'AUDC dans la prévention du cancer colorectal est suggérée dans 3 études publiées au cours des trois dernières années [45-47]. A l'hôpital Saint-Antoine, nous avons effectué un programme de dépistage des adénomes coliques chez 114 patients traités au long cours par l'AUDC pour une cirrhose biliaire primitive à la posologie de 13 à 15 mg/kg/jour. Dans un premier temps, nous avons comparé la prévalence des adénomes coliques chez les patients déjà traités par AUDC à celle chez les patients non encore traités. Bien que la différence de prévalence n'était pas significative dans ces deux groupes, il a été noté que le traitement par AUDC était significativement as­socié à des adénomes de plus petite taille. Dans une 2 ème partie de l'étude, nous avons évalué l'effet de l'AUDC sur le risque de récidive d'adé-nome colorectal chez les patients ayant eu une polypectomie. La probabilité cumulée de récidive à trois ans était significativement plus faible chez les patients traités par rapport à un groupe contrôle non traité apparié sur l'âge, le sexe et la taille des polypes (7 % vs 28 %, p = 0,04). Ces résultats étaient renforcés par la diminution significative d'un index de prolifération cellulaire au niveau de la muqueuse colique chez les patients traités par AUDC par rapport à un groupe témoin non traité. Durant la même période, deux équipes américaines ont rapporté l'effet de l'administration prolongée de l'AUDC sur la dysplasie colique chez les patients ayant une rectocolite hémorragique associée à une cholan­gite sclérosante primitive. La première étude était l'analyse rétrospective d'un sous-groupe de 52 sur 85 patients ayant participé à un essai contrôlé destiné à évaluer l'efficacité de l'AUDC versus placebo dans la cholangite sclérosante primitive. Durant le suivi endoscopique, 70 % des patients initialement assignés au groupe placebo ont par la suite été mis sous AUDC. En intention de traiter, le risque relatif de développer une dysplasie ou un cancer colorectal au cours du suivi chez les patients initialement traités par AUDC comparés aux patients initialement traités par placebo était de 0,26 (p = 0,03). Les résultats n'étaient pas modifiés significativement après ajustement sur les variables considérées comme pouvant influencer la carcinogenèse en particulier la prise au long cours d'AINS ou de salycilés. Dans la 2 ème étude, les auteurs ont analysé rétrospectivement les facteurs de risque d'apparition d'une dysplasie colique au cours d'un programme de surveillance endoscopique d'un groupe de 59 patients ayant une colite ulcéreuse associée à une cholangite sclérosante primitive. En analyse multivariée, la prise d'AUDC était associée de façon indépendante à une diminution de la prévalence de dysplasie colique avec un risque à 0,14 (p = 0,01). Plusieurs méca ­nismes sont actuellement proposés pour expliquer ces effets bénéfiques de l'AUDC sur la carcinogenèse colique [48, 49]. Il a été ainsi montré que l'AUDC était capable d'inhiber la formation de cryptes aberrantes, l'hyperexpression de Cox2, l'initiation et la progression tumorales dans le modèle de carcinogenèse à l'azoxyméthane [50]. Récemment, il a été apporté des arguments supplémentaires montrant que l'AUDC inhibait l'activation in vivo de ErbB2 et de Ras par l'EGF dans la muqueuse colique de la souris. Les propriétés anti-Cox2 de l'AUDC pourraient égale­ment être médiées via l'inhibition de la NO synthase inductible et de NF-KappaB, deux modulateurs puissants de l'expression de Cox2. Récemment, il a été montré dans le modèle de souris ApcMin ayant une polypose adénomateuse que l'AUDC seul ou en combinaison avec de faibles doses de Sulindac, était capable de prévenir l'apparition de tumeur à la fois sur l'intestin proximal et distal montrant ainsi que la combinaison de ces deux approches pourrait être prometteuse dans la prévention du cancer du côlon [51].

 

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