Le syndrome de l’ulcère solitaire du rectum

Résumé et points importants

Le syndrome de l'ulcère solitaire du rectum (SUSR) est une entité définie principalement par son aspect endoscopique et histologique. Il sur­vient habituellement chez des sujets souffrant de troubles de l'évacuation rectale. Alors que les symptômes liés à une constipation d'évacua-tion sont fréquemment rapportés dans la population générale, la constatation d'un SUSR est rare en pratique clinique et rarement rapportée dans la littérature scientifique. Le mécanisme pathogénique qui préside à la survenue des lésions rectales est imparfaitement déterminé mais associe le plus souvent une procidence interne de la paroi rectale et un obstacle anal à l'évacuation (dyssynergie anorectale). Les principes thé­rapeutiques reposent sur la correction de ces deux anomalies : rectopexie, traitements médicamenteux et comportemental de la constipation d'évacuation. L'efficacité de telles approches est néanmoins très inconstante pour des personnes qui jugent leur handicap important et chro­nique.

 

Nosologie et pathogénie

On définit l'ulcère solitaire du rectum par la constatation d'une lésion ulcérée chronique de la paroi du rectum dont l'aspect macroscopique et microscopique évoque un processus chronique ischémique et/ou traumatique. En 1969, ce sont Madigan & Morson qui ont eu le mérite d'en faire une description précise mais d'autres auteurs comme Rutter & Riddell ont su en poser plus tardivement les principales hypothèses patho­géniques aujourd'hui acceptées en basant principalement leur analyse sur des données anatomiques [1, 2]. Ils ont noté sur les prélèvements biopsiques une muqueuse épaissie, irrégulière, d'aspect pseudovilleux, des glandes déformées, raccourcies, ramifiées et parfois kystiques, don­nant un aspect hyperplasique ou régénératif. Il est noté également l'oblitération progressive du chorion de la muqueuse par une prolifération de fibroblastes associée à une production plus ou moins marquée de fibres collagènes, et par une prolifération de fibres musculaires lisses is­sues d'une musculaire muqueuse hypertrophiée. Cet aspect a été décrit lors des prélèvements biopsiques effectués au niveau de lésions ulcérées chroniques uniques (ulcère solitaire du rectum) ou multiples mais également au niveau de lésions pseudotumorales polypoïdes (hamartome in­versé du rectum, colite kystique profonde localisée, polype cloacogénique inflammatoire) regroupant ainsi ces différentes expressions anato­miques sous une même entité (syndrome de l'ulcère solitaire). Une description histologique similaire a pu être rapportée intéressant d'autres sites anatomiques et conférant dès lors une spécificité réduite à cette définition histologique (collerette de colostomie ou d'iléostomie, polypes prolabés, certaines gastrites antrales).

Il apparaît aujourd'hui nécessaire d'associer au contexte anatomique des critères pathogéniques afin de mieux cerner l'entité décrite. La proci­dence de la paroi rectale est un élément important du diagnostic positif des manuels de références et des publications traitant ce thème [2, 3]. Elle s'inscrit dans le prolongement des mécanismes ischémiques et traumatiques décrits histologiquement et dans les contextes anatomiques autres pour lesquels l'aspect lésionnel est de même nature (prolapsus stomial). Les lésions histologiques évocatrices sont assez banales chez les personnes souffrant d'un prolapsus rectal extériorisé mais elles ne sont pas constantes. A l'inverse, les malades ayant des lésions chroniques de la paroi rectale compatibles avec un syndrome de l'ulcère solitaire du rectum ont rarement un prolapsus extériorisé. Une grande confusion de la littérature scientifique actuelle découle de ces ambiguïtés, certains auteurs considérant l'aspect histologique comme le seul critère de dé­finition, d'autres restreignant leur critères à l'association de critères macroscopiques et microscopiques, d'autres enfin, à une entité anatomique évocatrice sans prolapsus rectal extériorisé. Cette dernière définition, plus restrictive, conduit à identifier une entité homogène et cohérente qui concerne de rares malades souffrant d'une constipation d'évacuation, un syndrome rectal et des lésions chroniques de la paroi rectale sans pro­cidence anale. Un argument important plaide en faveur de cette approche : indépendamment de l'entité que constitue le syndrome de l'ulcère solitaire, l'histoire naturelle de la procidence de la paroi rectale invite aujourd'hui à séparer la procidence interne du rectum et le prolapsus ex­tériorisé du rectum parce que les formes de passage de l'une à l'autre sont rares et parce que leur prise en charge thérapeutique en sont diffé­rentes [4, 5].

Les théories ont été nombreuses pour expliquer comment des lésions chroniques rares de la paroi rectale pouvaient se constituer chez des ma­lades ayant le plus souvent une constipation d'évacuation, somme toute banale. Les théories basées sur le traumatisme direct, des anomalies kystiques congénitales, une pathologie infectieuse ou une vascularite sont désuètes ou mal documentées. La défécation traumatique (et isché­mique) par lésion directe de la paroi rectale procidente sur un obstacle anal peut apparaître un peu simpliste mais elle est étayée par plusieurs arguments scientifiques : la procidence interne (circulaire) du rectum [6, 7], la dyssynergie anorectale (anisme et/ou contraction inappropriée du muscle puborectal lors de la défécation) et les troubles objectifs de l'évacuation rectale ont une prévalence élevée chez ces malades [7-9]. Aucune des anomalies fonctionnelle décrite n'est néanmoins constante ni spécifique. Il ne s'agit enfin pas d'un mécanisme suffisant puisque des associations de cette nature sont fréquentes chez les malades souffrant d'une constipation d'évacuation sans SUSR. Il est vraisemblable que le mécanisme pathogénique qui préside à la survenue de l'entité rare qui constitue le SUSR est multifactoriel et que nous n'en cernons que des dimensions actuellement limitées.

Présentations symptomatiques et endoscopiques

Une seule étude aujourd'hui ancienne a permis de préciser l'incidence de l'ulcère solitaire du rectum : 10 malades par an et par million d'Irlandais [10]. Cette incidence est vraisemblablement sous estimée parce que l'intervalle libre entre le début des symptômes et le diagnostic est long, parce que les signes sont souvent non spécifiques, parce qu'il existe des formes non symptomatiques et parce que le diagnostic peut n'être pas re­connu par le clinicien consulté. L'intervalle entre le début des troubles et le diagnostic est de 3 à 8 ans. Dans plusieurs travaux, le diagnostic initial était erroné dans un quart à deux tiers des cas [3, 7].

L'affection touche typiquement l'adulte jeune mais peut s'observer à toutes les périodes de la vie, un peu plus souvent les femmes que les

hommes dans certaines études mais non toutes. Les malades ayant un SUSR souffrent très fréquemment de difficultés d'évacuation. Ce cadre symptomatique constitue un élément très impor­tant du diagnostic au point que l'absence de dyschésie doit faire envisager le diagnostic de SUSR avec beaucoup de prudence. Les malades dé­crivent souvent un long temps passé au toilettes, des efforts de poussée importants et infructueux, des fausses envies, des ténesmes, des dou­leurs hypogastriques ou pelviennes postérieures à irradiation crurale souvent accentuées par les efforts de défécation. Les manuvres endo-anales défécatoires sont fréquentes sinon quasi constantes au point que certains auteurs en ont conçu l'idée qu'il pouvait s'agir de la cause des lésions rectales observées : les malades expliquent cette stratégie par leur volonté d'en extraire des matières ou d'élargir le diamètre du canal anal. Les saignements constituent un signe fréquent (56 à 100 % des séries) : ils peuvent révéler le SUSR chez les sujets n'ayant aucun autre symptôme mais ils sont également l'une des principale complication de la maladie lorsqu'ils induisent une anémie par carence martiale ou une hémor­ragie massive. Les faux besoins sont également très fréquents et les émissions de glaires peuvent survenir à l'occasion d'une envie impérieuse, d'un ténesme. Des suintements muco-glaireux sont parfois rapportés : ils sont beaucoup plus rares que chez les malades ayant un prolapsus rectal extériorisé.

L'aspect endoscopique classique est celui d'un ulcère plan ou superficiel, la zone n'étant que légèrement déprimée par rapport à la muqueuse environnante. La muqueuse péri-ulcéreuse dessine un halo rouge congestif bien limité en bordure de l'ulcère. La base de l'ulcère repose sur un socle d'allure scléreuse mobilisant en monobloc l'ulcère sous la pince. La lésion est la plus souvent « suspendue » c'est-à-dire qu'elle siège au-dessus d'un territoire pariétal macroscopiquement sans particularité. Chacun des éléments endoscopiques décrits est un élément important du diagnostic positif, leur association permet de poser sans grande ambiguïté un diagnostic de certitude. Les formes ulcéreuses pures représentent globalement les deux tiers des présentations endoscopiques. Les autres lésions possibles sont une rectite érythémateuse ou nodulaire, un pseudo polype, une plage villeuse, voire une forme pseudo tumorale végétante exulcérée.

Le siège des lésions est typiquement antérieur ou antérolatéral (trois quarts des présentations endoscopiques), fréquemment à cheval sur la pre­mière valvule de Houston, plus rarement postérieur ou circulaire. La distance par rapport à la marge anale est généralement comprise entre 4 et 10 cm. Les lésions sont habituellement situées sur la portion de la muqueuse rectale où siège du prolapsus. L'étendue des lésions est variable, de quelques millimètres à 6 cm ou plus. La lésion est le plus souvent un ulcère mais il peut s'agir également de lésions nodulaires, l'associa-tion de nodules et d'ulcères, la présence d'ulcères multiples. Il est parfois observé une sténose rectale le plus souvent en regard de l'ulcère dont elle représente la deuxième complication classique (après l'hémorragie). Il est parfois constaté un aspect blanchâtre et épaissi du revêtement muqueux au sommet du canal anal parfois en muqueuse hémorroïdaire. Cet aspect pseudo papillaire est assez évocateur : il est la traduction macroscopique d'une métaplasie épithéliale suspectinéale.

 

Explorations fonctionnelles

Les grands principes qui sous tendent la pathogénie du syndrome de l'ulcère solitaire justifie la stratégie des explorations fonctionnelles. Il n'est néanmoins pas certain que ces explorations soient d'une quelconque utilité à la prise en charge thérapeutique des malades souffrant d'un SUSR. Certaines explorations visent à préciser et quantifier la procidence interne du rectum. La défécographie, la rectographie dynamique ou autre colpocysto-défécographie dynamique tentent de visualiser radiologiquement l'invagination intrarectale ou intra anale de la paroi rectale lors d'une pseudo défécation barytée [3, 6, 7]. Les techniques consistent à opacifier toutes les filières pelviennes par un produit de contraste radio­logique (consistance molle ou semi liquide pour le rectum). Mis en position de défécation, le malade est invité à évacuer le plus naturellement possible le produit de contraste pendant que des clichés et un enregistrement continu sont effectués. L'aspect observé chez les malades souf­frant d'un SUSR montre le plus souvent une invagination circonférentielle de la paroi rectale (là où la procidence localisée antérieure est ba­nale chez le volontaire sain) dont le front d'invagination reste intra-rectal bas ou intra anal. C'est souvent au niveau du front d'invagination que se situe la lésion macroscopique [3, 6, 7]. Cette approche du diagnostic radiologique a parfois des limites lorsque les lésions sont anciennes et très fibreuses ou lorsque l'évacuation rectale n'est pas obtenue pendant l'examen (obstacle anal à l'évacuation). Dans ces deux situations, aucune procidence interne n'est correctement visualisée. D'autres anomalies sont parfois mises en évidence et quantifiées : rectocèle de taille moyenne, périnée descendant, entérocèle [3, 6, 7]. Ces dernières sont non spécifiques et leurs responsabilités dans la pathogénie du SUSR ne sont pas documentées. On ne dispose pas de données suffisantes concernant l'évaluation de la cinétique de défécation par méthode d'IRM chez les malades souffrant d'un SUSR.

D'autres explorations visent à évaluer et quantifier l'obstacle anal à l'évacuation. La manométrie reste, dans cette indication, la technique la plus couramment réalisée. Après mise en place d'une sonde anale (recueillant les pressions en différents sites) et d'un ballonnet de distension rectale (distensions isovolumiques, recueil des pressions et des volumes lors de distensions progressives), les mesures effectuées chez les ma­lades souffrant d'un SUSR soulignent des pressions de repos habituellement normales ou élevées (hypertonie anale de repos) et assez fré­quemment une augmentation paradoxale des pressions enregistrées dans l'anus lors d'une défécation simulée (dyssynergie anorectale ou anisme) [3, 7-9, 11]. Il existe parfois des troubles de la sensibilité (hypersensibilité) ou de l'adaptation rectale (compliance diminuée), qui sont inter­prétés plutôt comme la conséquence des lésions ulcérées que comme un mécanisme pathogénique de leur survenue. Le manque de spécificité des informations apportées par la manométrie sur la mise en évidence d'un obstacle anal à l'évacuation a conduit de nombreux auteurs à se tourner soit vers d'autres techniques d'évaluation soit sur des critères de diagnostic basés sur des associations d'anomalies physiologiques. Ainsi, l'électromyographie à l'aiguille ou de contact du sphincter externe permet elle, d'analyser de façon directe l'activité électrique paradoxale du sphincter anal externe lors d'une défécation et de s'affranchir des autres mécanismes rendus responsables de l'augmentation de pression en­registrée dans l'anus (procidence rectale intra anale, transmission anale de la pression abdominale ou pelvienne, position de la sonde en poussée, périnée descendant) [12]. Les moyens radiologiques permettent d'analyser la contraction inadaptée des muscles releveurs lors de la défécation pendant une défécographie (empreinte rectale postérieure du muscle puborectal). L'association d'enregistrement de la cinétique d'évacuation (durée de l'évacuation radiologique, test d'expulsion d'un ballonnet) de l'activité musculaire (EMG ou manométrie) et du gradient de pression anorectale permet d'apporter une fiabilité plus grande à l'obstacle anal à l'évacuation [7, 12]. On estime qu'il faut que l'anisme ou la dyssy­nergie anorectale soit identifiée par au moins deux explorations indépendantes pour que le diagnostic soit retenu avec une plus grande fiabi­lité. Dans un travail récent comparant les données physiologiques chez les malades ayant soit un SUSR soit un prolapsus rectal extériorisé, les troubles objectifs de l'évacuation étaient présents chez respectivement 80 % versus 8 %, la contraction paradoxale du muscle puborectal chez 60 % versus 4 %, et l'anisme manométrique chez 60 % versus 12 % des malades [7].

 

Principes thérapeutiques

La prise en charge thérapeutique repose le plus classiquement sur une approche chirurgicale de première intention pour de nombreux auteurs. Cette attitude est supportée par le contexte pathogénique qui valorise la procidence interne comme mécanisme causal et par le fait que la stra­tégie à proposer à une procidence interne est analogue à celle d'un prolapsus rectal extériorisé. L'analyse des données de la littérature sont ren­dues difficiles par l'amalgame fait entre les malades qui souffrent de l'une ou l'autre pathologie et parce qu'il n'existe actuellement pas de consensus sur le type de geste chirurgical à proposer y compris en cas de prolapsus rectal extériorisé. Par ailleurs, les techniques chirurgicales qui trai­tent la procidence interne du rectum par techniques de rectoplastie ou de rectopexie chez les malades ayant un SUSR n'offrent pas d'excellents résultats, quelle que soit la technique utilisée [13, 14]. Le travail le plus large émane d'une analyse rétrospective s'attachant au devenir à long terme (au moins un an) de 66 malades traités chirurgicalement au Saint Mark's Hospital : la majorité d'entre eux avaient été traités par tech­nique de rectopexie (N = 49) et dans ce sous groupe, le suivi moyen était long (90 mois) [13]. Une ré- intervention était nécessaire au cours du suivi après le geste chirurgical princeps dans près de la moitié des cas et au terme du suivi, plus d'un quart des personnes interrogées avait une colostomie définitive. La proportion des malades ayant tiré un bénéfice thérapeutique de la chirurgie concernait 55 % (rectoplastie) à 59 % (rec­topexie) des personnes interrogées. De ces faits, de nombreux praticiens orientent plutôt les malades vers une prise en charge non chirurgicale première de leurs symptômes par des traitements médicamenteux ou rééducatifs de la constipation [15]. On ne dispose pas de données ayant dans ce domaine, une rigueur méthodologique suffisante (études de cas, effectifs réduits, pas d'études contrôlées). Les mucilages et les fibres alimentaires pourraient avoir une efficacité par la réduction des symptômes de constipation d'évacuation et des efforts de poussée. Dans cer­tains travaux aujourd'hui très anciens, le bénéfice thérapeutique a pu concerner plus de la moitié des malades traités avec pour certains d'entre eux, une cicatrisation de l'ulcère solitaire après un suivi moyen de plus de 10 mois [15]. Une approche thérapeutique locale de la lésion elle-même a pu faire l'objet d'évaluations dans de courtes séries isolées de malades : lavements locaux de sucralfate (2 gr × 2/j/ 6-8 semaines) [16], l'application in situ de colle hétérologue [17] ou encore électrocoagulation par méthode de plasma d'argon [18] sur les lésions les plus hémor­ragiques Le traitement le plus rationnel (parce que basé sur les concepts pathogéniques) peut être la recherche d'un meilleur contrôle de l'obs-tacle anal à l'évacuation. Les techniques de rééducation ont ainsi pu être proposées chez les malades souffrant d'un SUSR qu'il y ait ou non une dyssynergie associée [19, 20]. Les études ouvertes sont assez encourageantes parce que les résultats à court terme, montrent un bénéfice symptomatique par la réduction de la dyschésie et des manuvres digitales défécatoires dans la moitié des cas environ. Il a même été observé une régression (incomplète) des lésions muqueuses dans certaines observations [19]. Néanmoins, après 3 ans de recul moyen, les résultats des méthodes rééducatives se dégradent et une très faible proportion de malades tirent un bénéfice symptomatique suffisant et suffisamment du­rable : les trois quarts des malades asymptomatiques 9 mois après la rééducation ont rechuté, les deux tiers se considèrent en échec thérapeu­tique et seulement 8 % sont asymptomatiques [20]. Il est possible que cette importante dégradation des résultats soient liés à l'absence de séances rééducatives de renforcement, plus généralement à la qualité de la prise en charge thérapeutique au cours du suivi ou encore au poids toujours très difficile à évaluer des autres variables du traitement (fibres, mucilages, conseil d'hygiène défécatoire, qualité et engagement du thérapeute).

 

Perspectives

La réalisation d'études physiologiques cas-témoins doit permettre de mieux répondre aux questions des dimensions pathogéniques du SUSR. L'obstacle anal à l'évacuation doit faire l'objet d'études manométriques et électromyographiques portant uniquement sur des malades ayant un SUSR sans prolapsus rectal extériorisé (prévalence élevée de l'anisme) mais également d'études anatomiques parce qu'il a été rapporté un épais­sissement du sphincter anal interne chez ces malades [21, 22]. Les analyses en IRM dynamique pourraient s'attacher à préciser la synergie ab-domino-pelvienne ainsi que le comportement des structures musculaires et aponévrotiques périrectales chez ces malades. L'analyse de la trans­mission de l'effort de poussée et du gradient anorectal mériteraient peut être une attention très particulière chez ces malades qui rapportent souvent des efforts de poussée considérables pendant la défécation. Le profil psychologique ou psychiatrique est souvent frappant chez les ma­lades ayant un SUSR alors qu'aucune étude n'en a évalué la dimension psychométrique. La présentation clinique est souvent évocatrice mais la pertinence diagnostique d'associations symptomatiques (exemple : dyschésie + manuvres endo-anales + émissions glairo-sanglantes) mé­riterait d'être testée (vraisemblablement assez bonne spécificité) au sein de cohortes de malades consultant pour constipation.

La description précise des lésions et l'analyse de la mobilité des zones lésionnelles constatées endoscopiquement pendant un effort de poussée pourrait aider à comprendre la pathogénie et expliquer pourquoi certains malades ayant une procidence muqueuse ont de telles lésions (niveau de mobilité, aspect pariétal environnant). Compte tenu du fait que l'ulcère solitaire est une entité rare (pas d'étude contrôlée, pas d'analyse pros­pective possible), sa pathogénie ne pourra bien profiter des explorations fonctionnelles anorectales que si celles-ci sont envisagées de façon aussi complète et aussi systématique que possible. La prise en charge chirurgicale ou rééducative ne semble profiter pleinement qu'à la moitié des malades traités : il persiste des symptômes chroniques chez les malades en échec thérapeutique qui altèrent considérablement leur qualité de vie. La réalisation d'une étude contrôlée multicentrique comparant les résultats de la technique rééducative par rapport à la chirurgie serait vraiment souhaitable afin de mieux définir la hiérarchie des options thérapeutiques à proposer aux malades souffrant d'un SUSR. D'autres stra­tégies de traitement doivent être pensées (obstacle anal à l'évacuation et toxine botulique) ou validées (colle biologique hétérologue, biofeed­back, rectopexie per coelioscopique et résection colique) par des études où les malades feront l'objet d'évaluations plus rigoureuses. Le méca­nisme d'action qui préside à leur efficacité ou à leur échec doit être élucidé (effets propres du biofeedback sur le contrôle neurologique viscéral autonome) [23].

Conclusions

La pathogénie de l'USR reste incomplètement identifiée mais l'association d'une procidence rectale interne, d'un obstacle anal mécanique à l'évacuation et peut être d'autre chose (effort de poussée ?) participe à la genèse des lésions muqueuses. La prise en charge thérapeutique repose aujourd'hui sur une approche chirurgicale très imparfaite dans ses résultats et probablement non ex­clusive (traitement des troubles fonctionnels liés à l'obstacle sphinctérien). Les symptômes chroniques qu'engendre cette pathologie ont un re­tentissement important sur la qualité de vie y compris après prise en charge thérapeutique et ce, indépendamment de la nature du traitement proposé (chirurgie et/ou rééducation).

 

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