Traitement du syndrome de l’intestin irritable

Introduction

Le syndrome de l'intestin irritable (SII) est une affection fréquente, dont la prévalence dans la population générale se situe entre 4 à 20 % en fonction des critères de définition qui sont adoptés. Il se caractérise par une symptomatologie dominée par une douleur ou un inconfort chro­nique de l'abdomen, associée à des troubles du transit (constipation, diarrhée ou alternance des deux), se majorant lors des poussées doulou­reuses. Selon les critères de définition actuels, cette symptomatologie doit évoluer depuis au moins un an et altérer la qualité de vie du malade au moins un jour sur quatre [1]. Les objectifs du traitement sont d'abord le soulagement de la douleur abdominale mais également l'améliora-tion des troubles du transit et du ballonnement abdominal, fréquent.

Proposer un traitement efficace du SII demeure un problème fréquent en pratique quotidienne. Cependant, après plusieurs années sans avan­cées thérapeutiques, la situation évolue : certains médicaments disponibles depuis plusieurs années ont été réévalués et leurs indications pré­cisées ; de nouvelles possibilités thérapeutiques se précisent à la lumière de l'évolution de la conception physiopathologique du SII qui ne se limite plus à un trouble moteur digestif mais qui est devenue celle d'un modèle multifactoriel impliquant à des degrés divers une hypersensi­bilité viscérale, des perturbations de la motricité digestive et des facteurs psychologiques qui modulent l'expression clinique des troubles sen­sitifs et/ou moteurs ainsi que leur vécu et qui conditionnent l'importance du recours aux soins [2]. Dans ce modèle, les perturbations des com­munications bidirectionnelles qui existent entre le tube digestif et le système nerveux central jouent un rôle clé dans la genèse des symptômes [3].

 

Options thérapeutiques habituelles : quelle efficacité ?

Différentes molécules sont à la disposition des prescripteurs depuis plusieurs années. Certaines ont fait l'objet de nouveaux essais thérapeu­tiques visant à confirmer leur efficacité symptomatique. D'autres ont fait l'objet de méta-analyses.

» Utilité des conseils diététiques ?

Les malades atteints de SII sont particulièrement réceptifs aux conseils diététiques qui leur sont prodigués. L'enrichissement de la ration ali­mentaire par des fibres est ainsi un conseil habituel. L'analyse des résultats des 20 essais d'une qualité méthodologique acceptable qui ont été consacrés au bénéfice apporté par un apport de fibres, révèle qu'un bénéfice au maximum marginal peut être attendu de ce conseil diététique, que le bénéfice thérapeutique ne peut être espéré que dans le sous-groupe SII avec constipation et que les fibres peuvent aggraver des symp­tômes comme l'inconfort abdominal ou le ballonnement, notamment lorsqu'elles sont apportées sous la forme de fibres insolubles telles que le son de blé [4]. Certains patients décrivent une relation claire entre l'ingestion de certains aliments et la survenue de leurs symptômes. Mais aucun niveau de preuve acceptable n'existe pour justifier des régimes d'exclusion [5]. Chez des malades ayant des traits obsessionnels, tout particulièrement les ballonnés, un régime d'exclusion strict peut avoir des effets délétères.

 

» Antispasmodiques

L'utilisation d'antispasmodiques (anticholinergiques, bloqueurs des canaux calciques) est une première option thérapeutique fondée. Des troubles moteurs (rythme minute jéjunal, contractions iléales de grande amplitude à propagation colique, réponse motrice recto-sigmoïdienne à l'ali-mentation excessive et/ou anormalement prolongée) existent au cours du SII. Les troubles de la motricité peuvent expliquer les perturbations du transit [3, 5] mais ils ne peuvent pas résumer la physiopathologie du SII car leur présence est inconstante et leur correspondance avec les douleurs abdominales est aléatoire.

L'efficacité des antispasmodiques a fait l'objet de plusieurs méta-analyses. Toutes soulignent que ces essais ont eu d'importantes faiblesses (cri­tères de sélection des malades mal définis, défaut de puissance des essais, schémas d'études inadaptés, critères de jugement parfois imprécis, nombre de perdus de vue important). Ces méta-analyses ne sont pas concordantes. Trois d'entre elles après l'analyse respectivement de 26, 23 et 16 essais contrôlés ont abouti à la conclusion que seuls certains antispasmodiques (trimébutine, pinaverium, mébévérine) étaient efficaces pour soulager la douleur (risque relatif : 2,0) alors qu'ils étaient inefficaces pour améliorer les troubles du transit [6-8]. La méta-analyse la plus récente aboutit à des conclusions opposées, globalement négatives sauf pour l'octylonium qui n'est pas disponible en France [9]. Il est cepen­dant démontré que les antispasmodiques réduisent la motricité colique et le réflexe gastro-colique en réponse à l'alimentation. En pratique, il semble légitime de discuter l'emploi de cette classe thérapeutique tout particulièrement chez les malades souffrant en période post-prandiale de douleurs abdominales et d'un besoin exonérateur impérieux. Des antispasmodiques d'action rapide tels que le phloroglucinol sont surtout indiqués pour soulager à la demande des phénomènes douloureux abdominaux paroxystiques.

» Citrate d'Alvérine

Le citrate d'alvérine (Météospasmyl®) associe deux principes actifs, le citrate d'alvérine (60 mg par capsule) et la siméthicone, composé hydro­soluble qui combine à de la silice à un topique couvrant, la diméticone. Expérimentalement, le citrate d'alvérine agit au niveau des cellules musculaires lisses, abolit les contractions grêliques induites par les stimulations afférentes parasympathiques. Il possède également une action anti-nociceptive viscérale via une action antagoniste sur les récepteurs 5-HT1A de la sérotonine. L'efficacité clinique du Météospasmy® au cours du SII a été principalement évaluée dans deux essais randomisées en groupes parallèles, menés en double aveugle, réalisées en France [10, 11]. Dans ces 2 études, l'efficacité d'une monothérapie par Météospasmyl® a été comparée à celle d'un médicament antispasmodique, la trimébutine dans un cas [10] et la mébévérine dans l'autre [11]. Dans ces essais, le citrate d'alvérine a obtenu chez des malades définis par les critères de Rome I, des résultats globalement non différents de ceux du traitement de référence.

 

» La montmorillonite beidellitique (BEDELIX®)

L'efficacité de cette argile naturelle a été évaluée contre placebo dans un essai contrôlé mené en groupes parallèles chez 524 malades souffrant d'un SII selon les critères de Rome I [12]. Dans le sous groupe des malades souffrant d'un SII avec constipation, le Bédélix® a amélioré la dou­leur abdominale et le confort digestif de façon significativement supérieure au placebo. Dans les 2 autres sous groupes (SII avec diarrhée et SII avec alternance diarrhée-constipation), l'efficacité du Bédélix® a été meilleure que celle du placebo mais sans atteindre la signification statis­tique.

 

Autres options thérapeutiques

» Action sur le contenu luminal

AGIR SUR LA FLORE INTESTINALE ?

Le rôle d'une flore endoluminale quantitativement anormale dans la genèse des symptômes est envisagé depuis plusieurs années, notamment par l'équipe du Cedars-Sinai Medical Center, sur la base des résultats anormaux du test respiratoire à l'hydrogène après charge en lactulose. La conviction de ces auteurs en faveur du rôle d'un déséquilibre de la flore dans le SII a été renforcée par l'amélioration des symptômes de SII après un traitement de la pullulation microbienne endo-luminale par néomycine dans un essai contrôlé mené chez 111 malades [13]. Cette théorie d'une pullulation microbienne au cours du SII est contestée puisque d'autres équipes n'ont pas observé cette pullulation bactérienne endolu­minale dans le SII [14]. La valeur diagnostique du test au lactulose pour identifier une pullulation bactérienne endo-luminale est également discutée et les résultats de l'essai contrôlé intriguent en raison notamment de la très faible amélioration symptomatique (11-15 %) dans le groupe placebo [15].

ADMINISTRATION DE PROBIOTIQUES ?

Par leur action potentielle sur la flore mais également par leurs propriétés anti-inflammatoires intestinales, les probiotiques pourraient avoir un impact thérapeutique. Ils font l'objet d'un certain nombre de travaux actuellement. Un cocktail de probiotiques, le VSL # 3, associant de grandes quantités de lactobacilles et de bifidobactéries, a obtenu des résultats intéressants, dans un essai contrôlé contre placebo, chez 25 ma­lades avec un SII diarrhéique. Le cocktail a amélioré le ballonnement abdominal sans avoir d'effet significatif sur le transit ou la douleur ab­dominale [16]. Un essai contrôlé irlandais mené chez 77 patients, qui sera publié très prochainement, rapporte qu'un cocktail de Lactobacillus salivarius et de Bifidobacterium infantis incorporé dans un produit lacté a obtenu des résultats supérieurs à ceux d'un placebo, notamment pour atténuer la douleur abdominale, peut être via la normalisation du rapport cytokines anti-inflamatoires/cytokines pro-inflamatoires au ni­veau de la muqueuse intestinale [17].

LA SOLUTION THÉRAPEUTIQUE DU SII SE TROUVE – T – ELLE DANS CERTAINS CAS ÉGALEMENT CHEZ L ' HERBORISTE ?

Pourquoi pas si on se base sur les résultats d'une équipe allemande qui obtient à 4 semaines, dans une étude contrôlée, des résultats très supé­rieurs au placebo avec deux mélanges associant respectivement 5 et 6 plantes médicinales [18]. L'efficacité de cette solution thérapeutique, bé­néfique également dans la dyspepsie fonctionnelle, demande confirmation.

 

» Action sur l'axe « intestin-cerveau »

Comme cela a été souligné précédemment, les travaux visant à comprendre les mécanismes l'hypersensibilité viscérale observée au cours du SII ont mis en lumière l'implication des perturbations bidirectionnelles qui existent entre le tube digestif et le système nerveux central, le « brain-gut axis » des anglo-saxons [2, 3]. L'hypersensibilité viscérale, résulte soit d'une sensibilisation des neurones afférents primaires de la paroi digestive (mise en jeu de récepteurs nociceptifs pariétaux normalement silencieux, sensibilisation des mastocytes présents au contact im­médiat des terminaisons nerveuses sensitives digestives), soit être d'origine centrale et être liée à une hyperexcitabilité des neurones de la corne postérieure de la moelle amplifiant les messages sensitifs d'origine digestive ou à un trouble de l'intégration des messages sensitifs digestifs au niveau du système nerveux central supra-spinal. L'imagerie cérébrale fonctionnelle (IRM fonctionnelle, PETscan) révèle que lors d'une disten­sion digestive, certaines zones corticales (région limbique et cingulaire antérieure) s'activent davantage chez les malades SII que chez des té­moins, alors que parallèlement, les aires cérébrales normalement impliquées dans l'inhibition de la douleur sont moins activées. Les aspects psychologiques du SII ne peuvent être oubliés même si la prévalence des troubles psychiatriques au cours du SII reste débattue. Le terrain psy­chologique interfère avec la perception et l'intégration des informations sensitives d'origine digestive, en maintenant notamment un état d'hy-pervigilance à ces stimuli. Au cours du SII par rapport à une population contrôle, existe un phénomène d'anticipation de la réponse doulou­reuse qui conduit les malades à rapporter une sensation douloureuse pour des stimuli de moindre intensité. L'emploi d'antidépresseurs à faibles doses et le recours à une approche psychothérapique non médicamenteuse sont les deux approches thérapeutiques non exclusives possibles ac­tuellement pour agir sur cet axe cerveau-tube digestif. Le recours à des médicaments agissant sur les récepteurs de la sérotonine et qui sont déjà disponibles dans certains pays tels que les USA, sera vraisemblablement possible dans un proche avenir en France.

UNE ALTERNATIVE ANCIENNE REMISE À L ' ORDRE DU JOUR : LES ANTIDÉPRESSEURS

Le recours aux antidépresseurs est une première alternative thérapeutique qui se justifie pour agir non seulement sur d'éventuelles perturba­tions thymiques mais aussi sur la sensibilité viscérale. Les antidépresseurs tricycliques, à faible dose sont déjà employés dans d'autres douleurs telles que la migraine, les douleurs thoraciques non angineuses, les douleurs neuropathiques ou les douleurs cancéreuses. Leur mécanisme d'ac-tion (effet au niveau des nerfs périphériques et/ou action centrale) demeure hypothétique. L'effet objectif des tricycliques sur la sensibilité vis­cérale est également controversé. Mais une action sur l'humeur n'est pas nécessaire pour rendre ces molécules efficaces puisque des doses faibles, inférieures à celles préconisées dans la dépression, obtiennent un bénéfice thérapeutique qui s'installe dans les deux premières semaines mais qui n'apparaît parfois qu'après le premier mois de traitement [4].

Le bénéfice mis en évidence initialement dans des études ouvertes avait été contesté par une première méta-analyse portant sur les essais réa­lisés avant 1996 [19]. Mais les méta-analyses incluant des essais contrôlés plus récents montrent que la probabilité d'amélioration sous tricy­cliques est supérieure à celle observée sous placebo, avec un risque relatif variant selon les méta-analyses de 2.6 [20] à 4.0 [21]. La principale cible thérapeutique paraît être le groupe des malades souffrant régulièrement de douleurs abdominales modérées à sévères, en rapport avec un SII avec diarrhée. La dose efficace doit être atteinte progressivement. Les effets secondaires du traitement sont habituellement mineurs aux doses utilisées. Un essai thérapeutique de 1 à 3 mois semble légitime avant de conclure à l'inefficacité de cette classe. En cas d'efficacité, une dimi­nution progressive des doses peut être envisagée au bout de 6 mois de traitement.

Les conclusions des méta-analyses doivent être pondérées par les résultats de l'essai contrôlé le plus récent réalisé avec les standards actuels requis pour les essais thérapeutiques au cours du SII [22]. Cet essai a testé chez 201 malades souffrant d'un trouble fonctionnel intestinal (SII dans 80 % des cas), l'efficacité thérapeutique de la désipramine donnée pendant 12 semaines à la dose journalière de 150 mg/j, atteinte pro­gressivement, par paliers de 50 mg sur les 3 premières semaines de traitement. Cette dose progressivement croissante était proposée pour li­miter les effets secondaires. En analyse en intention de traiter, le bénéfice apporté par la désipramine n'a pas été significativement supérieur au placebo mais il est devenu significatif lors de l'analyse per-protocole, surtout lorsque les malades avec désipraminémie indétectable (donc probablement non compliants au traitement) ont été exclus. L'adhésion du malade à ce type de traitement est probablement un point critique.

L'utilisation d'antidépresseurs agissant par inhibition sélective du transporteur assurant la recapture de la sérotonine (IRS) est une seconde op­tion séduisante pour 3 raisons : 1) les effets neuromodulateurs de la sérotonine sur le tube digestif, 2) l'efficacité de ces inhibiteurs dans le trai­tement des séquelles de traumatismes psychologiques graves, situation vécue par certains malades souffrant de TFI, 3) la moindre fréquence des effets secondaires avec les IRS qu'avec les tricycliques [23]. Les résultats obtenus avec ces IRS sont moins convaincants que ceux des tri-cycliques [24]. L'essai testant l'efficacité de la fluoxétine a abouti à des conclusions négatives. Celles-ci sont peut être liées à une erreur de 2 e ordre, puisque seulement 40 malades ont participé à l'étude. D'autre part, un bénéfice thérapeutique avec une réduction de la douleur dans le groupe des sujets hypersensibles a été démontré alors qu'il n'est pas apparu dans le sous groupe des malades normosensibles [25]. La paroxé­tine, autre médicament de cette classe, a comme intérêt potentiel d'avoir également un effet anticholinergique pouvant améliorer les spasmes abdominaux. Dans un essai multicentrique réalisé chez 81 malades sélectionnés pour ne pas avoir été améliorés par l'enrichissement de leur alimentation par un minimum de 25 g de fibres par jour, la paroxétine, à une posologie variant de 10 à 40 mg/j, a seulement amélioré les troubles du transit, réduit l'urgence du besoin et les difficultés d'exonération mais n'a pas eu d'effet sur la douleur. L'amélioration globale du confort obtenu avec la paroxétine s'est expliquée surtout par l'amélioration des troubles de l'humeur [26]. Tous les essais ne sont pas aussi négatifs : dans une étude contrôlée menée dans le nord de l'Angleterre, la paroxétine (20 mg/j pendant 3 mois) a été supérieure à 3 mois, en intention de traiter, à une prise en charge classique pour améliorer les paramètres de la dimension physique du score de qualité de vie SF36 chez des ma­lades avec un SII sévère [27]. L'absence de relation entre effet antalgique et effet antidépresseur est confirmée par l'échec de ces inhibiteurs sé­lectifs de la recapture de la sérotonine pour soulager la douleur alors que les troubles thymiques sont améliorés. Des études complémentaires apparaissent donc nécessaires pour savoir si les IRS ont une place dans la stratégie thérapeutique des TFI, notamment dans les formes sévères.

MÉDICAMENTS AGISSANT SUR LES RÉCEPTEURS DE LA SÉROTONINE

La sérotonine est un important neuro-transmetteur ainsi qu'une molécule à effet paracrine au niveau digestif. La sérotonine libérée par les cel­lules entérochromaffines a des effets périphériques péristaltiques, sécrétoires, vasculaires et nociceptifs. Les communications bidirectionnelles système nerveux entérique-SNC comportent également des communications sérotoninergiques. Parmi les sous types connus de récepteurs de la sérotonine, quatre (5HT1, 5HT2, 5HT3 et 5HT4) ont été particulièrement étudiés au niveau digestif et des médicaments agissant sur les ré­cepteurs 5HT3 et 5HT4 ont été développés pour le traitement des SII [28].

Des antagonistes des récepteurs 5-HT3 [5-HT3 (-)] ont été d'abord développés. Ces 5-HT3 (-) bloquent la transmission du message sensitif et ralentissent le transit. Ils sont donc particulièrement indiqués au cours des SII avec diarrhée. Six larges essais multicentriques contrôlés, re­groupant au total 1 762 malades contre 1 356 dans le groupe placebo, ont été menés avec l'alosétron, premier 5-HT3 (-). La méta-analyse de son efficacité révèle que dans le sous-groupe des femmes souffrant d'un SII avec diarrhée, la probabilité d'amélioration est de 1.81 avec la né­cessité de traiter 7 malades pour obtenir chez un malade un effet supérieur au placebo [29]. Le développement du médicament a cependant été stoppé par son efficacité incertaine chez les hommes, l'installation d'une constipation en cours de traitement chez 1 malade sur 4 mais surtout par la survenue de plusieurs cas de colites ischémiques imputables au médicament [30]. L'alosétron, retiré par le laboratoire qui le développait, est réapparu sur le marché US, sous la pression des associations de malades, avec de telles mentions restrictives qu'il apparaît une option thé­rapeutique désormais accessoire dans la stratégie thérapeutique.

Le cilansétron, est un second 5-HT3 (-) en phase finale d'évaluation. Un essai multicentrique international a démontré chez plus de 700 ma­lades souffrant d'un SII à forme diarrhéique, qu'à la dose quotidienne de 2 mg × 3, il apporte sur 6 mois un bénéfice thérapeutique supérieur au placebo sans effet secondaire grave [31]. Le bénéfice thérapeutique de ces 5-HT3 (-) au cours du SII diarrhéique est démontré. Le problème crucial pour cette classe thérapeutique est de savoir si les colites ischémiques observées avec l'alosétron sont dues à la structure chimique du produit ou représentent un effet de classe thérapeutique. La question d'un effet promoteur d'une ischémie colique se pose avec d'autant plus d'acuité que la prévalence de la colite ischémique pourrait être plus élevée, dans un rapport 3 pour 1, chez les malades souffrant d'un SII par rapport à la population générale [32].

La deuxième grande classe médicamenteuse agissant sur les récepteurs de la sérotonine sont les agonistes des récepteurs 5 HT4 [5-HT4 (+)] qui améliorent de façon dose dépendante la sensibilité viscérale en stimulant parallèlement le péristaltisme [28]. L'indication élective de cette classe, essentiellement représentée actuellement par le tégasérod, est le SII avec constipation. Une revue des 8 essais contrôlés réalisés avec cette mo­lécule montrent que son efficacité est dose dépendante (supérieure avec 12 mg/j qu'avec 4 mg), que la probabilité d'amélioration est de 1,19 par rapport au placebo et que le nombre de malades à traiter est de 14 avec 12 mg/j [33]. Le dernier essai non inclus dans cette revue et réa­lisé en Asie, rapporte un gain de 19 % par rapport au placebo le 1 er mois de traitement avec un bénéfice thérapeutique dès la fin de la 1 ère se ­maine et un gain de 14 % sur la totalité de l'essai de 3 mois [34]. La fréquence des effets secondaires, dominés par les céphalées, a été faible dans ces différents essais et leur gravité mineure. Le cisapride, autre 5-HT4 (+) a été retiré du marché en raison des troubles du rythme ventri­culaire qu'il induisait. La revue des données électrocardiographiques chez 2 516 malades de 3 essais contrôlés n'a montré aucun trouble du rythme pharmacologiquement induit [35]. Une équipe de Dallas vient cependant de rapporter un cas d'infarctus du myocarde survenu dès la 2 e prise d'un comprimé de 6 mg [36].

LA PRISE EN CHARGE PSYCHOLOGIQUE

Elle peut s'envisager selon différentes modalités : séances de relaxation ou d'hypnose, psychothérapie cognitivo-comportementale. Les émo­tions, les évènements de vie (divorce, deuil, histoire d'abus sexuel qui est identifiée chez près des 30 % des malades), l'exposition régulière à des stress dans le milieu familial ou professionnel, un comportement anormal face à la maladie jouent un rôle maintenant bien établi dans l'ap-parition et l'évolution des symptômes. Des études basées sur l'IRM fonctionnelle ou le PETscan ont révélé que l'activation des zones cérébrales lors d'une stimulation digestive est affectée par l'état psychologique du malade et que la mise en jeu inhabituelle de certaines zones est réver­sible avec un traitement psychothérapique [37]. Ces données rendent logique une approche psychothérapique dans la prise en charge, notam­ment pour les malades les plus sévères.

Plusieurs études ont apporté récemment des éléments objectifs en faveur d'une telle attitude même si toutes souffrent d'une part de l'absence d'un vrai groupe contrôle et d'autre part de l'impossibilité avec ce type d'approche de mener une étude en double aveugle. Enfin, beaucoup des résultats disponibles dans la littérature proviennent d'une seule équipe [20]. Dans son étude bicentrique récente, Drossman a comparé les ré­sultats d'une psychothérapie (une séance hebdomadaire d'une heure pendant 12 semaines) à ceux obtenus par de simples séances d'explication sur les symptômes et la physiopathologie du SII d'une durée équivalente [22]. La psychothérapie s'est révélée supérieure à cette seule infor­mation avec un nombre de malades à traiter de 3. Les résultats de la psychothérapie ont été légèrement supérieurs à ceux obtenus par la dési­pramine dans un autre bras de traitement. Une seconde étude contrôlée réalisée en Angleterre a démontré qu'une psychothérapie faisant tra­vailler le malade sur ces émotions et les relations entre émotions et symptômes obtenait des résultats symptomatiques équivalents à 3 mois et meilleurs à 1 an que ceux obtenus par la paroxétine [27]. A New York, l'équipe du Mount Sinai School a démontré qu'une approche théra­peutique combinée (psychothérapie + traitement médicamenteux) obtenait des résultats supérieurs au seul traitement médicamenteux [38]. Les arguments montrant l'utilité d'une prise en charge psychothérapique, notamment chez les malades sévères, s'additionnent. Restent deux diffi­cultés à résoudre : organiser en pratique cette prise en charge psychothérapique et convaincre les malades de l'accepter.

L'hypnose est une autre alternative non médicamenteuse. Son effet a été essentiellement évalué par une équipe de Manchester qui a démontré de façon convaincante la supériorité symptomatique de cette technique par rapport à une psychothérapie de soutien ou l'absence pure et simple de traitement [39, 40]. Cet effet symptomatique s'associe à une amélioration objective de la sensibilité viscérale. Pour que le praticien soit réel­lement convaincu, il paraît cependant nécessaire que d'autres équipes, moins hyper-spécialisées, confirment cet effet symptomatique.

 

Conclusions

Les données concernant l'efficacité des traitements actuellement disponibles sont plus précises. De nouvelles molécules, essentiellement les mé­dicaments agissant sur les récepteurs de la sérotonine devraient bientôt être disponibles. D'autres molécules sont dans le pipe-line. La recherche fondamentale a permis d'identifier de nombreux agents susceptibles d'agir sur les voies de la sensibilité viscérale. Certaines de ces molécules, comme par exemple les antagonistes des tachykinines, en sont déjà au stade d'essais cliniques chez l'homme [3]. Il est donc probable que les médicaments agissant sur les récepteurs de la sérotonine ne résumeront pas, dans un avenir plus ou moins proche, nos nouveaux moyens phar­macologiques d'action sur les communications bidirectionnelles tube digestif système nerveux central et que d'autres médicaments viendront s'ajouter à notre arsenal thérapeutique. Les essais cliniques détermineront également si la prise en charge thérapeutique des TFI repose sur une monothérapie ou sur des combinaisons médicamenteuses ou sur l'association d'un traitement médicamenteux et d'une prise en charge psy­chologique.

Enfin, il est difficile d'oublier que les différences individuelles à un traitement donné sont génétiquement déterminées. Cette susceptibilité gé­nétique explique que, pour une dose donnée d'un médicament, un individu réponde de façon satisfaisante ou non au traitement et qu'il soit exposé ou non aux effets secondaires du même médicament. L'essor de la pharmaco-génomique [41] devrait permettre de mieux définir les types de malades apparaissant les meilleurs candidats pour les différentes classes thérapeutiques actuelles et en développement.

 

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