Indications des prothèses dans les affections bénignes du tube digestif

Introduction

Les prothèses œsophagiennes existent depuis de nombreuses décennies mais se sont développées avec une extraordinaire rapidité ces dernières années. Ce rapide développement est dû au remplacement des prothèses en plastique par celles, plus souples, en métal. Ces dernières se présentent sous une forme contrainte, sur un cathéter porteur, ce qui permet dans moins de 10 mm de loger une prothèse qui va se déployer jusqu’à des diamètres de 18 à 23 mm. Les avantages sont évidemment multiples : la nécessité des dilatations se trouve réduite à la taille du cathéter porteur et non plus,comme auparavant, à celle de la prothèse ; les prothèses en se déployant vont exercer une force d’expansion active qui sera radiaire et non plus, comme avant, mixte (radiaire et verticale, au cours de la dilatation à la bougie). Cette dilatation sera plus progressive (de quelques minutes à quelques heures)et sera ainsi moins douloureuse et brutale, donc moins dangereuse qu’avec les ballonnets hydrauliques ou les bougies. De fait, la mortalité et la morbidité sont considérablement plus faibles avec ces prothèses qu’avec les prothèses plastiques [1, 2].

Le même phénomène a pu être observé pour les sténoses basses, recto-coliques : le développement des prothèses métalliques y a été explosif, en seulement quelques années, que ce soit en traitement palliatif ou en urgence à titre transitoire, en préopératoire, à seule fin de décomprimer le côlon sus-jacent et de permettre quelques jours plus tard, une chirurgie réglée dans de meilleures conditions [3, 4].

Une littérature riche qui concerne ce changement de type de matériel, est logiquement apparue, mais ne concerne pratiquement que les maladies malignes. Il existe cependant quelques cas cliniques ou des courtes séries qui se sont intéressées à des sténoses dues à des maladies bénignes.

Matériels disponibles et techniques de pose

Deux grands systèmes de contention, et donc de largage, sont présents sur le marché : la contention par tricotage et celle par gaine externe. La première, développée par la firme Boston Scientific, comprend les prothèses de type Ultraflex® (œsophagiennes, et rectales (Ultraflex® précision), déclinées en nombreuses tailles et longueurs. Les premières prothèses n’étaient pas couvertes, le grillage en nitinol étant nu,ce qui est encore le cas pour certaines prothèses rectales et les prothèses ColonicWallfex® qui se posentà travers le canal opérateur de l’endoscope. Les prothèses œsophagiennes les plus récentes sont maintenant dotées d’une couverture plastique fine et souple dont le rôle est d’empêcher ou de retarder l’obstruction secondaire par croissance tumorale intra-prothétique. On parle alors de prothèses couvertes, la couverture étant, en fait, incomplète aux 2 extrémités de façon à garder un système d’amarrage par impaction des extrémités non couvertes dans la muqueuse. Le cathéter porteur de ces Ultraflex® ne mesure que 8 mm au diamètre maximum de l’olive distale, le reste de la prothèse étant de diamètre encore plus fin, mais rugueux, du fait des mailles de tricotage du système de contention. L’ensemble a une assez grande souplesse et en facilite la pose. Les diamètres disponibles varient de 16 à 23 mm de fût (collerette de 23 à 28 mm) et les longueurs de 9 à 15 cm. Ces prothèses sont faites en nitinol, métal à mémoire qui tire sa force d’expansion, non pas de sa morphologie mais de la nature même du métal qui tend à reprendre sa forme, et donc son diamètre, à la température du corps humain ; cette expansion est douce et la prothèse a une plus grande souplesse,ce qui lui permet de mieux conserver le péristaltisme œsophagien.

Pour ce qui concerne les indications dans les maladies bénignes, il n’y a pratiquement pas de place pour les prothèses non couvertes, les couvertes (partiellement ou totalement) étant très majoritairement utilisées.

Le cathéter porteur est introduit sur un fil guide,ce qui sous-entend que la sténose a été franchie par un endoscope : les plus petits endoscopes vont être utilisés de préférence, soit les pédiatriques, soit,actuellement les naso-gastroscopes. Le passage d’un endoscope va permettre de baliser les 2 extrémités de la sténose à prothéser : les repères pourront être des aiguilles intraveineuses posées sous scopie, sur le thorax du patient ou, de façon plus sophistiquée et onéreuse, des clips endoscopiques, ou des injections de lipiodol. Le largage lui-même va se faire par détricotage du système de contention, soit par le pôle proximal, soit par le pôle distal. L’inconvénient majeur de ces prothèses est de subir un phénomène de raccourcissement au moment du largage et de diminuer la précision de hauteur de pose, qui doit être suivie sous contrôle visuel (en réintroduisant l’endoscope à côté du cathéter porteur) ou sous scopie (de façon habituelle). Le largage proximal est à conseiller en cas de sténose haute de l’œsophage : on gère ainsi de façon beaucoup plus précise la position de la collerette supérieure ; le largage distal est privilégié dans les sténoses basses.

Les autres prothèses sur le marché ont en commun d’être contraintes par une gaine externe : leur libération se fait par retrait de cette gaine et ne se conçoit donc que par l’extrémité inférieure. Certaines sont en acier et tirent leur force d’expansion de la conception de leurs anneaux : la Z stent® de Cook en est un exemple. La taille et la rigidité du cathéter porteur sont un peu plus importantes. Le déploiement se fait de manière assez forte, ce qui doit inciter à une certaine délicatesse de manipulation ! Les tailles proposées sont de 18 mm de diamètre du fût et de 24 mm de collerettes sur des longueurs de 8 à 14 cm. Les 2 extrémités peuvent être totalement couvertes ou équipées d’anneaux non couverts pour permettre un ancrage dans la paroi œsophagienne. L’avantage de ces prothèses est de ne pas subir de raccourcissement au largage,ce qui simplifie la précision de hauteur de pose. Ces prothèses ont également une bien meilleure radio-opacité ce qui en facilite le suivi radiologique au moment du largage. Certaines sont munies d’un manchon souple dépassant de l’extrémité inférieure de la prothèse, ce qui assure une fonction anti-reflux.

La firme Life Europe partners propose toute une gamme de prothèses en nitinol sur cathéter porteur : Hanaro-stents®. Ces prothèses sont également faites en nitinol mais une différence majeure existe cependant avec les Ultraflex® : ces prothèses sont entièrement couvertes, y compris la zone porteuse des fils de mobilisation, et le système pour éviter la migration est représenté par la forme de la prothèse qui possède un épaulement assez marqué à chaque extrémité. Les tailles proposées varient de 8 à 16 cm de longueur, avec des diamètres de 18 mm de fût et de 24 mm de collerettes. La couverture intégrale paraît être un avantage important par rapport aux autres prothèses, car on peut imaginer que leur retrait sera plus fréquemment possible. Il est à noter que ces prothèses peuvent aussi être déclinées dans une gamme équipée d’un système anti-reflux à membranes sigmoïdes internes, utiles si elles doivent être posées à travers le cardia.

La société coréenne Taewoong propose également des prothèses en nitinol complètement couvertes, (NitiS®), en fait très analogues à celles de la société Life Europe partners quant à leur morphologie. Cette firme est cependant la seule à proposer une prothèse entièrement couverte pour éviter la colonisation intra-prothétique, mais munie d’un deuxième grillage externe, pour éviter la migration. La gamme Niti-S est déclinée en prothèses œsophagiennes et coliques dans des diamètres de 16 à 24 mm et des longueurs de 6 à 15 cm. Certaines se posent grâce à un cathéter porteur, d’autres à travers l’endoscope.

Enfin, la firme Rüsch a été la seule à développer une prothèse dont le système de contention par gaine externe délivre une prothèse faite, non pas en métal, mais en plastique (polypropylène) : elle est commercialisée sous le nom de Polyflex®. Le cathéter porteur est plus rigide et plus large que la concurrence (11mm) et la force d’expansion radiale plus faible, mais la surface externe est totalement couverte! La face interne est lisse, permettant un bon écoulement des liquides, la face externe est finement quadrillée, donc discrètement rugueuse pour faciliter l’amarrage. Les extrémités ne sont que peu préformées : la supérieure est discrètement évasée, l’inférieure est le prolongement simple du cylindre du fût de la prothèse. Ces caractéristiques ont pour conséquence un risque moindre d’impaction dans la muqueuse. Cette prothèse se décline en tailles allant de 16 à 21 mm et en longueurs allant de 9 à 15 cm.

Résultats et indications dans les sténoses œsophagiennes

» Les prothèses métalliques auto-expansives

Les prothèses métalliques auto-expansives, qui ont pris une place irremplaçable dans le traitement des sténoses malignes, exposent cependant à une complication spécifique qui est le développement d’une récidive sténosante par obstruction secondaire en rapport avec une prolifération granulomateuse, essentiellement au niveau des 2 extrémités des prothèses [5]. Ces proliférations réalisent une véritable impaction de la prothèse dans la paroi intestinale et rendent son extraction, de fait, impossible. Un travail expérimental sur le retentissement des prothèses de type Ultraflex® chez le porc démontrait qu’après seulement 8 semaines la présence de la prothèse était associée à une nécrose muqueuse et à un remplacement de la muqueuse atteinte par un tissu de fibrose granulomateuse : ce processus de fibrose se développe tout au long de la prothèse et bien sûr de façon plus importante aux 2 extrémités non couvertes [6]. Cette réaction, retrouvée en clinique humaine, limite donc les possibilités de retrait des prothèses métalliques.
Une autre complication habituelle des prothèses métalliques est la migration qui peut elle-même être responsable de complications secondaires, telles que perforation et fistulisation [7] : cette migration est plus fréquente lorsque la prothèse st insérée à travers une sténose bénigne. Enfin, la situation haute sur l’œsophage de la sténose, à proximité du muscle crico-pharyngien, est un facteur supplémentaire de complications, acceptable en cas de maladie maligne, mais qui devient insupportable pour les prothèses métalliques dans une indication bénigne [8].
Du fait de ces inconvénients et des risques spécifiques des prothèses métalliques à travers les sténoses bénignes, dès les années 1998, Hramiec et al., puis Ackroyd et al., en 2001, concluaient qu’il n’était pas recommandé de traiter des sténoses par des prothèses métalliques qui ne devaient pas être considérées comme extirpables [9, 10]. Il faut bien considérer que ces auteurs nous font réfléchir sur le fait que la réaction inflammatoire aux extrémités des prothèses peut ne pas pouvoir être contrôlée et mener, du fait d’une récidive constante, soit à une gastrostomie (qui n’est pas forcément une solution plus agréable pour le patient que les dilatations répétées), soit à une chirurgie de résection œsophagienne,ce qui n’est certainement ni plus simple et ni moins dangereux que des dilatations répétées! Chen J et al. considèrent à juste titre qu’il faut savoir évaluer la possibilité d’une résection œsophagienne chirurgicale quand on décide d’implanter une prothèse métallique dans des sténoses bénignes [1]. Cette opinion est encore récemment reprise par des auteurs norvégiens, cette année [12].

Song et son équipe ont été les premiers à publier quelques résultats favorables en plaçant des prothèses métalliques dans des sténoses bénignes de l’œsophage malgré les risques engendrés par leur inextirpabilité : ces prothèses métalliques étaient laissées en place au début de leur expérience puis ensuite étaient, si possible, retirées [13, 14]. Dans la même période, l’équipe de Bruxelles publiait la possibilité de traiter le syndrome de Boerhaave par la mise en place d’une prothèse métallique de type Ultraflex®, dont la prolifération granulomateuse au niveau de la collerette non couverte est utilisée pour couvrir la zone fistuleuse [15]. Quelques courtes séries ont depuis été publiées : Wadhwa et al. rapportent une étude ayant inclus 8 prothèses œsophagiennes mises pour des sténoses bénignes de l’œsophage : le taux de complications était de l’ordre de 62%; un patient décédait du fait de la prothèse et 2 seulement ont pu avoir de bons résultats stables sur la dysphagie après le retrait du matériel [16] ! Cette équipe recommande, elle aussi, de ne se lancer dans ce type de traitement qu’en cas d’espérance de vie courte pour les patients ou de contre-indication chirurgicale.
Les prothèses de type œsophagocoïl ont aussi été utilisées dans les sténoses bénignes avec un certain succès : Fiorini et al. rapportent la pose de 14 de ces prothèses chez 10 patients au prix de 3 migrations et d’une récidive par prolifération proximale [17]. Pour la première fois, vu le nombre de patients inclus, on pouvait dessiner les contours des bonnes (et moins bonnes) indications : les sténoses radiques apparaissaient réagir le mieux à ce type de traitement, au contraire des sténoses post-opératoires.
Partant du principe que la dilatation endoscopique ne dure que quelques secondes et que les résultats cliniques sont appréciables, il est apparu intéressant de prolonger la durée de la dilatation par une prothèse de calibrage laissée en place plus longtemps que le ballon ou la bougie, mais cependant, une période assez courte et limitée dans le temps. Pour ce faire, progressivement, les équipes vont développer le concept d’extirpabilité des prothèses métalliques, pourtant considérées comme inextirpables! En cette même année 2000, Lee et al. décrivent, eux aussi, l’attitude endoscopique qui consiste à poser ces prothèses avec la volonté délibérée de tenter de les enlever après un certain temps : il faut cependant noter que si la notion de calibrage prothétique temporaire commence à se créer, la définition de sa durée reste tout à fait absente [18] ! Sur 4 cas rapportés, traités de la sorte, une migration va nécessiter une laparotomie et 2 prothèses seulement pourront être enlevées avec un bon résultat stable à terme sur la dysphagie. En 2003, Pouderoux et al. publient un cas de dysphagie post-opératoire (après une cure laparoscopique d’un reflux selon la technique de Nissen), suivi d’un échec des dilatations répétées : ils rapportent un bon résultat thérapeutique avec une prothèse laissée en place seulement 6 semaines [19].
Cette attitude a tendance à se développer, à telle enseigne que certains décrivent des techniques endoscopiques facilitant le retrait de ces prothèses métalliques [20] ! Low et Kozarek nous apprennent que les prothèses de type Z-stent® peuvent être enlevées en passant l’endoscope à travers un surtube approché jusqu’au pôle supérieur de la prothèse à enlever; avec l’aide d’une pince à dents de rat, on décolle l’extrémité supérieure de la prothèse qu’on enserre ensuite avec une anse diathermique, ce qui permet l’extraction complète en continuant le décollement de la prothèse par un avancement du surtube au fur et à mesure jusqu’à l’extrémité inférieure de la prothèse. Pour les Ultraflex® et les autres prothèses en nitinol, le surtube est également employé mais le retrait va se faire à partir du pôle inférieur en retroussant la prothèse en chaussette à l’intérieur d’elle-même. Dans les 3 cas de lésions bénignes (comme dans les 3 autres cas malins), les prothèses ont pu être retirées sans complication,après un délai de1 à 8 mois. Le niveau de preuve de ces études rétrospectives et portant sur des cas isolés ou de très courtes séries, reste toutefois très bas.
Le pas en avant le plus significatif de ces dernières années semble avoir été apporté par une équipe chinoise de Shanghaï [21]. Le groupe de Cheng affine le concept de dilatation prolongée par une prothèse, mais en ne laissant la prothèse de calibrage que quelques jours ! Ils comparent dans une excellente étude 3 groupes de patients porteurs de sténoses bénignes de l’œsophage : 80 patients du premier groupe étaient traités conventionnellement par les dilatations répétées et la dysphagie récidivait dans 60 %des cas en 1 an. Le deuxième groupe était traité par une prothèse métallique totalement ou partiellement couverte implantée de manière définitive (soit des Z-stents®, soit des prothèses chinoises partiellement couvertes : sur les 25 patients inclus, ils notaient 3 hémorragies, 4 migrations et 25% de récidive dysphagique à 1 an. Le troisième groupe comprenait 75 patients chez lesquels les prothèses métalliques étaient retirées au bout de 3 à 7 jours seulement : tous les retraits ont été possibles, sans aucune complication ; il est amusant de signaler que, pour obtenir une rétraction de la prothèse, ils refroidissaient la prothèse à enlever par l’instillation per-endoscopique de 500 mLà 1 L d’eau glacée. Il y a eu 16 % d’hémorragies et 16 % seulement de récidive dysphagique à 1 an. Avec un recul moyen de 45,3 ± 18 mois, les résultats obtenus semblent stables. Cette publication ouvre en fait un champ nouveau à la place de la prothèse métallique dans la prise en charge des sténoses bénignes de l’œsophage, si ces résultats durables sur la dysphagie sont confirmés par d’autres études.

» Les prothèses auto-expansives en plastique

Dès 2001, des prothèses auto-expansives faites à partir de polypropylène (prothèses Polyflex®), ont été utilisées avec succès dans le traitement des sténoses malignes de l’œsophage. Ces prothèses ont pour inconvénient d’avoir un cathéter porteur rigide et assez large et un taux de migration assez important du fait de leur morphologie simple, cylindrique et de leur revêtement externe presque lisse [22 – 24]. Ces défauts relatifs en cas de sténose maligne peuvent devenir des avantages lorsqu’on veut traiter une sténose bénigne et tenter de retirer la prothèse en fin de période de calibrage : des auteurs ont logiquement essayé les prothèses Polyflex® pour traiter des sténoses bénignes. Le premier auteur à avoir franchi le pas l’a fait, sans toutefois retirer la prothèse qui était laissée en place chez 2 patients âgés [25]. La première étude consacrée aux sténoses bénignes, avec intention de retirer la prothèse vient de l’équipe de Bruxelles [26]. Leur série prospective rapporte les résultats de la dilatation prolongée par prothèse Polyflex® chez 21 patients avec sténose bénigne de l’œsophage, dont 4 avec fistule : la dilatation avant la pose des prothèses était limitée à 3 à 4 mm de moins que le diamètre de la prothèse. Une migration a été notée au cours du premier mois dans 24% des cas et dans 33% des cas entre 1 mois et 13 mois; 5 patients ont nécessité 2 prothèses successives. Les prothèses sont restées en place durant des périodes variant de 2 jours à 18 mois. Dans certains cas, la migration spontanée a été considérée comme une guérison à l’endoscopie, tandis que dans d’autres cas de migration, une autre prothèse était réinsérée. Avec un recul moyen de 21 mois, les auteurs ont noté un succès thérapeutique dans 80% des cas : les 4 échecs ont finalement été traités par 1 résection chirurgicale, 1 gastrostomie et des dilatations itératives pour les 2 cas restants. De cette série relativement importante, prospective, les auteurs concluent que les sténoses peptiques, hyperplasiques granulomateuses, radiques et les perforations sont de bonnes indications de ce type de prothèses, tandis que les échecs ont été le fait de sténoses anastomotiques, post-opératoires. Dans 2 cas, le traitement avait été entrepris pour des proliférations granulomateuses aux extrémités de prothèses métalliques : au bout d’un certain temps de présence des Polyflex®, non seulement ces dernières ont pu être enlevées, mais aussi les prothèses métalliques qui étaient à l’origine des réactions hyperplasiques! Ce travail est, en fait le seul de son niveau de preuve correct!
Cette année 2005 a vu une autre publication qui va dans le même sens [27], tandis qu’une autre ne confirme pas tout à fait ces résultats enthousiasmants [28]: au sein d’un groupe de 39 patients, 7 ont eu une Polyflex® pour des sténoses bénignes. Un des patients a dû subir des dilatations régulières après retrait des Polyflex®, et dans 2 autres cas les prothèses Polyflex® ont été retirées certes, mais parce qu’elles étaient inefficaces ! Au total, restriction faite de l’étude du groupe de Bruxelles, tous les résultats actuellement publiés, correspondent à des niveaux de preuve très faibles.

Les résultats dans les sténoses recto-coliques

Comme pour les sténoses de l’œsophage, la voie a été défrichée en 1997 dans des indications de sténoses bénignes par une prothèse perdue, laissée en place définitivement : ceci a été efficace sur la sténose, mais au prix de plusieurs impactions de selles dans la prothèse dans les mois suivants [29]. Un an plus tard, Davidson et al. rapportaient un cas de désobstruction préopératoire du côlon par une prothèse métallique, évitant ainsi une colostomie de nécessité, en urgence, pour une sigmoïdite diverticulaire aiguë [30]. La prothèse était enlevée au cours de la chirurgie réglée quelques semaines plus tard : l’attitude reproduit celle adoptée pour les cancers coliques responsables d’une occlusion, pour éviter la colostomie en urgence, sans changer la prise en charge secondaire.
Puis, le concept de dilatation plus prolongée que celle de la dilatation au ballonnet, mais transitoire s’est également développé. Depuis lors, ont été publiés quelques cas isolés, traités par des prothèses métalliques totalement couvertes, laissées en place de quelques semaines à 2 mois et dont, le plus souvent, la migration spontanée était considérée comme un signe de dilatation efficace [31-34]. La durée de calibrage de 2 mois est arbitraire mais semble être un compromis entre une durée suffisante pour une bonne efficacité et un temps trop court pour permettre le développement de la prolifération inflammatoire aux extrémités, qui pourrait compromettre le retrait de la prothèse. Les 2 seules séries disponibles regroupent 10 et 6 patients [35, 36]. Dans la première série, 2 cas de sigmoïdite diverticulaire ont été traités secondairement par chirurgie; 2 fistules sur 4 se sont fermées tandis que chez 2 autres patients, une complication infectieuse a imposé la chirurgie en urgence; enfin, des 4 sténoses anastomotiques, 3 ont pu guérir durablement (après quelques séances supplémentaires de dilatations), grâce à 5 prothèses dont 2 pour plus d’un an, tandis que le quatrième patient n’a pas supporté la prothèse qui a dû être enlevée au 14ème jour. La seconde série [36]a porté sur 6 cas de sténoses post-opératoires : 2 migrations précoces ont été observées, tandis que les autres cas étaient traités avec succès.
Les prothèses de type Polyflex® ont aussi été utilisées dans le rectum et le côlon, en cas de sténose anastomotique, à condition que la rigidité et la taille du cathéter porteur en laissent la possibilité. Deux patients ont ainsi été traités dans le service avec des résultats corrects après 6 jours et 3semaines de présence des prothèses.

Les autres indications

Deux publications font état de l’utilisation de prothèses métalliques dans des sténoses bénignes de l’antre et de la région pylorique : 3 cas au total, sans complications de la pose de ces prothèses métalliques [37, 38]. Une prothèse n’a pas pu être enlevée et a entraîné un ictère par obstruction qui a dû être levé par voie trans-hépatique. Dans les 2 autres cas, les prothèses ont été enlevées à 1et 12 semaines. Manifestement, ce sont là des cas d’espèce et aucune conclusion ne peut être tirée de données aussi parcellaires et donc de niveau de preuve très bas!

Conclusion

Nous ne sommes qu’au début du chapitre thérapeutique des sténoses bénignes de l’œsophage : si l’avis unanime est de ne pas utiliser de prothèses métalliques non couvertes, l’emploi de prothèses couvertes peut être accepté à la condition de toujours penser au moment de la pose que leur retrait n’est jamais acquis avec certitude. Le risque majeur de ces traitements est la récidive dysphagique par impaction et prolifération hyperplasique aux extrémités. Les résultats des prothèses Polyflex® semblent encourageants et en tout cas, ne semblent pas obérer l’avenir des patients. La solution viendra peut-être de la confirmation par d’autres équipes des résultats de l’équipe de Cheng [21]: si effectivement, 2 à 7 jours de calibrage suffisent pour traiter les sténoses, tout en évitant tout risque d’impaction intempestive,cette attitude apparaîtrait comme la solution la plus simple et la plus élégante, mais elle doit être démontrée de façon plus convaincante.
Pour ce qui concerne les sténoses bénignes du rectum et du côlon, les rares résultats publiés ne suffisent pas à se faire une opinion : on peut être tenté par la pose de prothèses métalliques couvertes à condition de ne pas les laisser plus de 2 semaines ou, si les conditions anatomiques sont favorables, par la pose d’une Polyflex®. Dans tous les cas, au pire, une chirurgie simple pourra corriger les inefficacités de ces traitements, contrairement à ce qui se passe pour l’œsophage.

 

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