L’hépatite B en France : aspects épidémiologiques et stratégie vaccinale

L’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) constitue un problème de santé publique au niveau mondial, et l’on estime actuellement à deux milliards le nombre d’habitants de la planète ayant été infectés au cours de leur vie. Le VHB est un virus à ADN appartenant à la famille des Hepadnaviridae et au genre Orthohepadnavirus, et son réservoir est humain. L’infection se caractérise par une hépatite aiguë, très rarement symptomatique avant l’âge de 5 ans. L’évolution se fait vers une résolution spontanée dans une grande majorité de cas, mais deux types de complications peuvent survenir, en faisant toute la gravité. D’une part, l’évolution vers une forme fulminante d’hépatite (moins de 1% des cas symptomatiques), d’autre part, l’incapacité du système immunitaire à se débarrasser du virus, entraînant alors pour les patients un passage à la chronicité avec le risque d’évolution vers une cirrhose et une dégénérescence en carcinome hépatocellulaire [1].

Deux indicateurs sont utilisés pour surveiller la morbidité liée au VHB : la prévalence de l’antigène HBs qui mesure le réservoir de virus et permet d’estimer le nombre attendu de complications liées au portage chronique, et l’incidence des formes aiguës qui mesure la circulation virale dans la population.

Contexte épidémiologique

Il existe environ 350 millions de porteurs chroniques de l’antigène HBs (AgHBs) dans le monde, constituant un réservoir permettant la continuité de la transmission virale [1]. L’infectiosité du virus de l’hépatite B s’explique par sa présence dans la plupart des liquides biologiques des personnes infectées : 108 à 109 virions par millilitre dans le sang, 106 à 107 dans le sperme et les sécrétions vaginales, 105 à 107 dans la salive. Les données de surveillance des années 80 ont montré qu’il existait 4 principaux modes de contamination :

  • les relations sexuelles, hétéro ou homosexuelles;
  • les contacts avec du sang ou des dérivés du sang, lors d’actes médicaux (actes invasifs, transfusion sanguine, chirurgie, hémodialyse, acupuncture, etc.), ou liés à la toxicomanie intraveineuse, à la pratique de tatouages ou de piercing. Il existe des contaminations professionnelles pour les soignants, mais aussi, plus rarement, soignant-soigné à partir de personnels de santé porteurs du VHB;
  • la transmission de la mère à l’enfant pendant l’accouchement;
  • les contacts proches, mais autres que sexuels, avec unporteur du VHB, essentiellement intrafamiliaux, liés à une perte d’intégrité cutanéomuqueuse, par contact direct ou par l’intermédiaire d’effets personnels (brosse à dents, rasoir, etc.).

Toutefois, dans environ 30% des cas, le mode de contamination n’est pas identifié.

L’âge à l’infection joue un rôle important quant à l’expression clinique de la maladie, mais aussi vis-à-vis du risque de passage à la chronicité (Tableau I et Fig. 1) [2, 3].

TABLEAU I
SYMPTOMATOLOGIE ET EVOLUTION DES HEPATITES B EN FONCTION DE L’ÂGE
Á LA CONTAMINATION

Age
% formes aiguës symptomatiques
Passage à la chronicité (%)
Naissance
0 %
90 %
0-6 mois
0 %
80 %
7-12 mois
0 %
50 %
1-4 ans
10 %
30 %
? 5 ans
30 à 50 %
5 à 10 %
Source : CNShapiro,CDC/Division of Viral Hepatitis [2].

La distribution de la prévalence du portage de l’AgHBs permet de diviser la planète en 3 zones de prévalences différentes, correspondant à des modes de transmission et des niveaux de risque différents (Fig. 2) [1]. Dans les zones de forte endémie, où la prévalence de l’AgHBs est supérieure à 8 % (Afrique subsaharienne, Asie du Sud Est, Chine méridionale, bassin Amazonien, soit environ 45 % de la population mondiale), le risque d’acquérir l’infection au cours d’une vie entière est supérieur à 60 % et la majorité des cas sont contaminés à la naissance ou au cours des premières années de vie. Quarante trois pour cent de la population vit dans des zones de prévalence intermédiaire comprise entre 2 et 7% (Proche Orient, Amérique Centrale et du Sud, Asie Centrale, sous-continent Indien, certains pays de l’Europe du sudet de l’Est). Dans cette zone de prévalence intermédiaire, le risque d’acquérir l’infection au cours d’une vie entière est compris entre 20 et 60%, et la contamination survient à tous les âges de la vie. Douze pour cent de la population vit en zone de faible endémie avec une prévalence < 2 %, zone incluant essentiellement les pays industrialisés (Europe de l’ouest et du Nord, Amérique du Nord, Australie). Le risque d’acquérir l’infection au cours d’une vie entière est inférieur à 20%, et la contamination survient surtout à l’âge adulte [4].

En Europe, l’incidence varie selon la zone géographique. Dans sa partie occidentale, l’incidence en population générale est estimée à environ 1 pour 100000 dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni et à 6 pour 100000 dans les pays du sud de l’Europe. En Europe Centrale, l’incidence est d’environ 20 pour 100000. La région Europe de l’OMS inclut aussi des pays d’Asie Centrale, pays pour lesquels l’incidence varie de 27 à 400 cas par an pour 100000 habitants [5]. L’intégration de la vaccination contre l’hépatite B dans les calendriers nationaux des pays de la région Europe de l’OMS au cours de ces 10 dernières années concernait 41 pays sur 51 fin 2002.

A titred’exemple, nous prendrons deux pays d’Europe aux contextes et stratégies différents, l’Italie et les Pays-Bas. En Italie, la politique vaccinale inclut la vaccination des nouveau-nés et des adolescents (obligatoire depuis 1991), et la gratuité de la vaccination pour les groupes à risque. La couverture vaccinale nationale est estimée à 94 % chez les moins de 2 ans aussi bien que chez les adolescents (avec un gradient Nord-Sud de 100% à 89%). L’incidence des hépatites aiguës B est passée de 5,4 cas pour 100000 habitants en 1990, à 2 pour 100 000 en 2000. Il est noté une plus grande diminution de l’incidence dans la population des 15-24 ans pour lesquels au cours de la même période, l’incidence est passée de 17,3 à 2 pour 100 000 [6].

Aux Pays-Bas, où l’incidence est stable, inférieure à 2 pour 100 000 dans les années 1990-2001 [7], la vaccination contre l’hépatite B n’est pas intégrée au calendrier des nourrissons ni des adolescents. La stratégie de prévention repose sur la vaccination des groupes à risque (incluant récemment les enfants dont un des parents au moins est né dans un pays d’endémicité haute ou intermédiaire), le dépistage généralisé des femmes enceintes et l’immunisation des nouveau-nés de mères AgHBs positives.

Aux Etats-Unis, l’incidence des cas notifiés en population générale a diminuéde 75% entre 1990 et 2004, passant de 8,4 à 2,1 pour 100 000 habitants en 15 ans [8]. La diminution d’incidence la plus marquée (94 %) à été observée chez les enfants de moins de 12 ans et les adolescents âgés de 12 à 19 ans avec des incidences passant respectivement de 1,1 à 0,96 et 6,1 à 2,8 pour 100000 personnes. La vaccination contre l’hépatite B a été mise en place en 1982, ciblant les groupes à risque dans un premier temps, puis les nourrissons à partir de 1991. La couverture vaccinale des enfants âgés de 19 à 35 mois aaugmenté très rapidement avec des taux de plus de 80 % dès 1996 pour atteindre 92,4 % en 2004 [9].

fig3

Au Canada, où la stratégie vaccinale a été similaire à celle mise en place aux Etats-Unis, le taux d’incidence de l’hépatite B aiguë a été estimé à 2,3 pour 100 000 en 1998-99, selon les données du Registre national des maladies à déclaration obligatoire [10]. Le taux est plus élevé chez les hommes (3 pour 100 000) que chez les femmes (1,5 pour 100 000). Les taux d’incidence selon l’âge sont faibles chez les moins de 15 ans et augmentent rapidement pour atteindre un sommet dans le groupe des 30 à 39 ans (6,1 pour 100 000), suivi par le groupe des 15-29 ans (2,7 pour 100 000) et des 40 à 59 ans (1,8 pour 100 000); le taux diminue ensuite pour être faible chez les plus de 59 ans. L’usage de drogues injectables est retrouvé dans 34% des infections aiguës, le multi partenariat sexuel dans 24% des cas alors que les relations sexuelles avec un seul par tenaire infecté par le VHB ont été mises en cause dans 12% des cas; 30% des cas n’ont pas de facteur de risque identifié.

Situation en France

» Données de prévalence

La France fait partie des pays de faible endémie pour le virus de l’hépatite B. Des études de prévalencepour les marqueurs du virus VHB ont été réalisées dans différentes populations.

EN POPULATION GÉNÉRALE

En 2003-2004, une étude de prévalence des marqueurs sériques des infections dues aux virus des hépatites B (VHB) et C a été réalisée par l’InVS et la CNAMTS en France métropolitaine, à partir d’un échantillon national d’assurés sociaux du régime général de l’assurance maladie (rapport préliminaire disponible sur le site de l’Institut de veille sanitaire [11], rapport définitif à paraître au premier semestre 2006). L’enquête a permis d’inclure 14416 personnes âgées 18 à 80 ans, pour lesquelles un examen et des tests biologiques ont été réalisés dans les centres d’examen de santé. Les résultats ont étépondérés et redressés pour pouvoir estimer la prévalence dans la population générale âgée de 18 à 80 ans. La prévalence du portage chronique de l’antigène HBs est estimée à 0,65 %, avec un intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) autour de cette valeur situé entre 0,45 % et 0,93 %. Cela correspond à 280821 personnes porteuses de l’AgHBs (IC 95% : 179 730–381913). La prévalence est plus élevée chez les hommes que chez les femmes, soit respectivement 1,10 % (IC 95 % 0,73-1,67%) et 0,21% (IC 95% : 0,10– 0,47 %), et ce, quelle que soit la tranche d’âge (Fig. 4).

fig4

La prévalence de l’AgHBS est aussi plus élevée chez les personnes bénéficiaires de la CMU complémentaire (critère utilisé lors de l’enquête comme indicateur indirect de précarité sociale), soit 1,80% (IC 95% : 1,31– 2,47%) versus 0,57% (IC 95% : 0,37 – 0,88%) chez les personnes non bénéficiaires.

Afin de pouvoir étudier la distribution géographique des marqueurs, la France avait été divisée en 5 inter régions. Comme le montre la figure 5, la zone avec la plus faible prévalence (0,20%, IC 95% : 0,06 – 0,70%) est le nord-de ouest de la France et la plus élevée, le nord-est (1,12 %,IC 95 % : 0,76 –1,66%).

fig5

La prévalence de l’AgHBs a été également analysée en fonction du continent de naissance, avec des taux de 0,92% (IC95% 0,37 – 2,25%) pour les personnes originaires d’Asie et de 5,25% (IC95 % 2,89 –9,35% )pour les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne.

Lors de l’enquête, a aussi été réalisé le dosage des anticorps antiHBc. Les résultats ont permis d’évaluer la prévalence des antiHBc à 7,30% (IC 95% 6,48 -8,22%). La prévalence était plus élevée chez les hommes (8,33 %, IC 95 % : 7,32-9,45 %) que chez les femmes (6,33%, IC 95% : 5,26-7,61%). Les résultats préliminaires montrent, en analyse univariée, que les principaux facteurs pouvant expliquer une prévalence élevée des anticorps antiHBc sont : l’âge élevé, le sexe masculin, l’homosexualité, le lieu de naissance situé dans une zone d’endémicité moyenne ou élevée, la précarité sociale, l’usage de drogues intraveineuses.

CHEZ LES FEMMES ENCEINTES

En France, le dépistage de l’AgHBs au sixième mois de grossesse a été rendu obligatoire en1992, afin de prévenir la transmission périnatale du VHB par la sérovaccination des nouveau-nés de mères porteuses de l’AgHBs.

Une étude réalisée en 1992-93 par l’équipe du Pr Denis (CHU Limoges) [12], auprès de 21476 femmes enceintes prises en charge dans 12 CHU répartis sur le territoire, indiquait une prévalence du portage de l’AgHBs qui variait en fonction de l’origine géographique des parturientes : 0,15 % chez les femmes d’origine française, 2,56% chez les femmes nées hors de France (1,75% chez les femmes originaires d’Afrique sub-saharienne et 5,45 % chez les femmes originaires d’Asie du sud-est). Après redressement prenant en compte l’origine géographique des femmes, la prévalenc edu portage de l’AgHBs a étéestimée à 0,41 %. La variation est importante selon les CHU de 0,13% à Limoges à 2,99% à Montpellier. L’antigène HBe ou l’ADN du VHB était retrouvé chez 16,5% des femmes enceintes porteuses de l’AgHBs.

CHEZ LES DONNEURS DE SANG

La surveillance de l’antigène HBs chez les donneurs de sang en France de 1991 à 2003 a montré une chute de la prévalence de l’AgHBs qui est passée de 5,3 à 1,8 pour 10000 dons. Chez les nouveaux donneurs, la prévalencede l’AgHBs est passée de 28,4 à 11,7 pour 10000 dons, soit un taux de dons positifs divisé par 2,4 en13 ans. Pour les donneurs connus, ce taux a été divisé par 72, avec une prévalence qui a diminué de1,45 à 0,02 pour 10000 dons [13, 14].

Mais ce recul du portage de l’AgHBs chez les donneurs de sang doit être nuancé dans son interprétation, du fait de l’exclusion du don du sang des sujets à risque par l’interrogatoire et de critères de sélection de plus en plus stricts.

CHEZ LES PATIENTS SÉROPOSITIFS POUR LE VIH

En juin 2004, l’Institut de veille sanitaire a coordonné une enquête nationale transversale dite «unjour donné» dans les établissements de soins de court séjour afin d’estimer la prévalencedes infections àVHB et VHC parmi les personnes atteintes par le VIH [15]. Les services ont été tirés au sort selon le nombre de cas de sida et d’infection àVIH déclarés entre 1999 et 2003. Tout patient adulte séropositif pour le VIH présent le jour de l’enquête en consultation ou en hospitalisation était inclus dans l’étude, soit un total de1849 patients.

Chez ces patients, la prévalence de l’infection chronique par le VHB, définie par la présence de l’antigène HBs et/ou d’ADN viral, a été estimée à 7,0% (IC 95% : 5,9 à 8,1%), avec des différences selon les groupes de transmission du VIH (de 5,3 % chez les hétérosexuels, à 7,5% chez les usagers de drogues intraveineuses et 9,2 % chez les hommes homosexuels ou bisexuels).

D’autre part, 37,6 % des patients (IC 95% : 35,0 -40,1%) étaient porteurs d’anticorps antiHBc sans AgHBs, indiquant un antécédent d’infection par le VHB, sans préjuger du passage à la chronicité ou de la guérison.

» Données d’incidence

HÉPATITES B AIGUËS

En ce qui concerne la mesure de l’incidence, nous ne disposons pas actuellement de données précises en France. En effet, la déclaration obligatoire (DO) des infections aiguës par le virus de l’hépatite B a été réintroduite en 2003, après avoir été suspendue en1985. Entre ces dates, les données sur l’incidence provenaient de deux systèmes de surveillance : le réseau des laboratoires de la communauté urbaine de Lyon (COURLY) et le réseau « sentinelles » des médecins généralistes (Inserm U707), seul réseau encore en place actuellement. Ces données de surveillance indiquaient une nette diminution du taux d’incidence de l’hépatite B au cours de la période 1986-96 [16]. L’incidence de l’hépatite Baiguë symptomatique observée par l’Insermen 1996, était estimée à 6 nouveaux cas pour 100000 habitants par an,avec un intervalle de confiance à 95% allant de 2 à 12 (soit entreenviron 1200 et 8000 nouveaux cas par an) [17]. Depuis 1997, le très petit nombre de cas identifiés par les médecins sentinelles ne permet plus d’estimer l’incidence nationale de l’infection avec une précision satisfaisante.

Les résultats pour la première année de surveillance par la DO (mars 2003 à février 2004) bien que non exhaustifs, permettent de décrire les cas [18].

Un cas d’hépatite B aiguë est défini comme toute personne chez qui des immunoglobulines M antiHBc sont détectées pour la première fois; si les IgM antiHBc n’ont pas été testées, un cas est défini par toute détection d’antigène HBs et d’anticorps antiHBc totaux dans un contexte d’hépatite aiguë. C’est le biologiste qui initie la notification en adressant un feuillet de déclaration au médecin inspecteur de la Ddass ainsi qu’un double au médecin prescripteur (fiche de DO à 4 feuillets autocopiants). Celui-ci complète les variables épidémiologiques : laclinique (en particulier, c’est lui qui précise le caractère aigu ou non de l’hépatite ou bien l’existence d’une réactivation), le statut vaccinal, les expositions potentielles dans les 6 mois précédant l’hépatite aiguë). Lemédecin prescripteur renvoie ce double complété au médecin inspecteur de la Ddass, qui valide et couple les 2 feuillets de déclaration avant envoi à l’InVS dans un délai qui nedoit pas excéder 3 mois, permettant ainsi une validation au niveau national (Fig. 6).
Si un totalde418 notifications est parvenu à l’InVS pour la première année de miseenplacedelaDO, seules 158 (38%) concernaient des cas d’hépatite aiguë selon les critères retenus, dont 13 pour lesquelles seule la fiche de DO du biologisteétait disponible. Ilfaut noter qu’ont étéexclus de l’analyse, 22 cas de réactivations authentifiées par le clinicien ainsique9 cas suspectés sur la seule biologie.

fig 6

Les cas sont plus fréquents chez les hommes avec un sex-ratio de 2,95 (118 hommes pour 40 femmes). La distribution des cas selon la classed’âge est comparable entre les sexes (Fig. 7) avec la majorité des cas observés dans la classe d’âge 30-39 ans (28,5% du total des cas et 22% pour les hommes) suivie par les 40-49 ans (24,7 % du total des cas et 20% pour les hommes).

fig7

Pour 13 notifications, les informations épidémiologiques n’ont pas pu être complétées. L’analyse des signes cliniques, du statut vaccinal et des facteurs de risque potentiels a donc pu être réalisée pour 145 des 158 DO (92%). Ainsi, un ictère était retrouvé pour 100 cas (69%) et 67 patients (46%) ont été hospitalisés, dont 3 (2%) pour hépatite fulminante (sur ces 3 cas, 2 sont décédés). Sur l’ensemble des cas, 2 patients avaient été vaccinés, l’un avait reçu 3 doses de vaccin en 1996 et le second 4 doses en 1995. Il s’agissait de 2 hommes, âgés respectivement de 45 et 34 ans, ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes ainsi que des partenaires multiples; le second a également signalé un cas familial d’hépatite B aiguë dans les 6 derniers mois. Un troisième cas, âgé de 49 ans n’avait reçu qu’une seule dose de vaccin en 1998.

Le tableau II liste les facteurs de risque potentiels au cours des 6 mois précédents, tels qu’ils ont été cités sur les déclarations. Plusieurs facteurs pouvaient être signalés, et leur mention ne permet pas de préjuger d’un mode de transmission effectif pour 10 chacundes cas.

Parmi 145 cas déclarés, 43 (29,6 %) n’ont pas de facteur de risque identifié au cours des 6 derniers mois, 64 cas ont
précisé un seul facteur de risque (44,1%) et 38 en ont cité deux ou plus (26,3%).

tableau 2

La part des hépatites aiguës à virus B évoluant sur un mode fulminant est estimée entre 0,1% et 1% [19]. L’évolution du nombre d’hépatites fulminantes peut ainsi servir d’indicateur indirect de l’évolution de l’incidence des hépatites. L’Agence de la biomédecine (anciennement Etablissement français des greffes, EFG) gère en France les listes de patients inscrits chaque année en attente d’une transplantation. Ainsi, le nombre de cas d’hépatite fulminante toutes étiologies confondues inscrits en super urgence pour une greffe de foie a diminuéde 103 à 34 en1999 pour augmenter de nouveau à partir de 2000 pour atteindre 67 en 2003. L’analyse détaillée des étiologies des hépatites fulminantes, faite par l’EFG entre1998 et 2003 [20], montre que sur un total de 336 hépatites fulminantes, 13,7% ont pu être directement reliées au VHB, et que 30,4% des cas restaient de cause indéterminée (Tableau III). La recrudescence du nombre de cas à partir de 2000 ne peut s’expliquer par une augmentation des cas attribuables au VHB, car leur nombre est resté sensiblement le même au cours de la période 1998-2003. De plus, on retiendra que sur la période 1993-2003, le nombre de patients inscrits en attente de greffe pour cirrhose post hépatite B était de 86 en 1993, diminuant à 61 en 1998, restant stable jusqu’en 2001 puis diminuant de nouveau à 42 en 2003 (Fig. 8).

TABLEAU III
CLASSIFICATION DES HÉPATITES FULMINANTES EN LISTE DE SUPER URGENCE POUR GREFFE HÉPATIQUE SELON L’ÉTIOLOGIE,
ANNÉES 1998-2003

Etiologies
Global1998-2003
1998
1999
2000
2001
2002
2003
Hépatitefulminanteindéterminée
102
30,4%
11
12
27
21
12
19
Hépatite toxiqueou médicamenteuse
114
33,9%
20
8
11
25
26
24
Hépatitefulminante VHB
46
13,7 %
8
9
8
9
5
7
Hépatitefulminante VHA
12
3,6 %
2
1
3
2
2
2
Hépatitefulminante autoimmune
22
6,5%
3
1
6
4
5
3
Wilson aigu
28
8,3 %
3
3
2
5
6
9
Budd Chiari
12
3,6 %
1
0
2
2
4
3
Totalhépatites fulminantes
336
100 %
48
34
59
68
60
67

Source rapport annuel 2003, Etablissement français des greffes [20].

 

fig 8

» Mortalité par hépatite virale

En France, l’exploitation des certificats de décès par l’unité Insermdu CépiDC permet de suivre les données de mortalité. Pour analyser les données antérieures à l’année 2000, le service utilise la 9e version de la classification internationale des maladies (CIM9) qui ne permet pas de distinguer de façon précise les décès liés aux différents types d’hépatites virales, en particulier en ce qui concerne les pathologies chroniques du foie. De 1990 à 1999, le nombre de décès par maladie chronique du foie, toutes étiologies confondues, était de 9500 à 10000 par an. L’analyse des certificats de décès aux Etats-Unis a permis d’estimer qu’environ 10% de la totalité des décès par maladie chronique du foie étaient liés au virus de l’hépatite B [21]. L’extrapolation de l’analyse américaine aux données françaises permettrait donc d’estimer à 1000 environ le nombre annuel de décès liés au VHB. L’utilisation de la CIM 10 à partir de l’année 2000 doit permettre, grâce à un codage plus précis des certificats de décès, d’affiner l’analyse des données de mortalité. Dans ce but, une enquête nationale sur la mortalité liée aux hépatites B et C, coordonnée par le CépiDC (en collaboration avec l’InVS, l’AFEF, la FNPRRH, et la SNFGE) a été réalisée en 2004-2005. Les résultats seront disponibles en 2006.

Vaccination contre l’hépatite B

» Politique vaccinale vis-à-vis de l’hépatite B en France

Le premier vaccin contre l’hépatite B, d’origine plasmatique, a étédisponible dès 1981, à la suite des travaux de Philippe Maupas [22]. Le schéma vaccinal était alors 0-1-2-12, avec des rappels tous les cinq ans. En 1982, la vaccination du personnel de santé est recommandée. Puis les indications de la vaccination s’élargissent, mais restent ciblées et sélectives jusqu’en 1994 : voyageurs en pays de haute et moyenne endémicité, insuffisants rénaux, hémophiles, polytransfusés, nouveau-nés de mère AgHBs positifs, sujets ayant des partenaires sexuels multiples, usagers de drogues parentérales et entourage familial des porteurs chroniques. En 1991, la vaccination est rendue obligatoire pour les personnes qui, dans un établissement de prévention ou de soins, exercent une activité professionnelle exposant à des risques de contamination, ainsi qu’aux étudiants se préparant aux professions médicales et autres professions de santé. En 1992, le dépistage de l’antigène HBs est rendu obligatoire au 6e mois de grossesse, permettant d’identifier les nouveau-nés à risque et de réaliser une sérovaccination contre l’hépatite B dès la naissance ou dans les quarante-huit premières heures de vie. En 1994, un deuxième schéma vaccinal à trois doses est mis en place(0-1-6).

Dans le même temps, aux Etats-Unis et au Canada, la stagnation des cas incidents d’hépatite aiguë B, voire leur augmentation (au Canada), conduit ces états à considérer comme un échec la vaccination sélective des groupes à risque (mise en place en1982) et à revoir leur stratégie de vaccination dès 1991. En1992, l’Assemblée Mondiale de la Santé de l’OMS a alors décidé de recommander la vaccination des nourrissons dans tous les pays du monde, en précisant que les pays de faible endémie pouvaient envisager la vaccination des adolescents en addition ou en alternative de la vaccination des nourrissons.

Suivant les recommandations de l’OMS, en France, la recommandation de vaccination des nourrissons et des adolescents a été proposée par le Comité technique des vaccinations (CTV) en1995, en considérant en outre que les adolescents entre 11et 13 ans devaient être protégés pendant 10 ans, temps nécessaire pour que les premières cohortes de nourrissons vaccinés atteignent l’âge de 11 ans.

A cet effet, une campagne de vaccination des élèves de 6e a étémise en œuvre à partir de décembre1994. Les résultats de ces campagnes montrent des taux de couverture des élèves de 6ème de bonne qualité : 77% en 9495, 73% en 95-96, 76% en 96-97 [23, 24]. Le succès de la promotion de cette vaccination a conduit à une très large diffusion au-delà des cibles prévues, et plus de 20 millions de français, non seulement enfants et préadolescents, mais aussi adolescents, adultes et même personnes âgées ont été vaccinés en dehors des situations de risque précitées.

A la suite de notifications de cas d’épisodes démyélinisants aigus chez des sujets récemment vaccinés, l’Agence du médicament a mis en place une enquête nationale de pharmacovigilance dès 1994, ainsique trois études cas-témoins. En octobre1998, à la suite de la présentation des résultats de ces études cas-témoins, la campagne de vaccination en milieu scolaire a été suspendue provisoirement, mais les recommandations de vaccination des sujets à risque, des nourrissons et des adolescents ont été maintenues dans le cadre de consultations individuelles. Les résultats de ces trois études ne permettent pas de confirmer l’association entre une première atteinte démyélinisante centrale et la vaccination contre l’hépatite B mais ne permettent pas non plus de l’exclure. En effet, les estimations auxquelles elles ont toutes trois abouti sont en faveur d’une légère augmentation du risque de première atteinte démyélinisante centrale après vaccination, mais sans que ces augmentations soient significatives sur le plan statistique. Aucun effet secondaire neurologique sévère n’a été observé chez des enfants âgés de moins de 2 ans. L’analyse bénéfice-risque réalisée à partir de ces données, pour la vaccination des préadolescents, a conclu à des bénéfices de la vaccination contre l’hépatite B supérieurs au risque potentiel de la vaccination. Quel que soit le scénario considéré, dans l’hypothèse de l’existence d’une association entre atteinte démyélinisante et vaccination, le risque potentiel reste inférieur aux bénéfices cumulés de la vaccination jusqu’à l’âge de 35 ans. Ainsi, dans le scénario le plus favorable à la vaccination, pour une cohorte de 800000 préadolescents, le bénéfice de la vaccination a été estimé à 31 hépatites fulminantes et 195 cas de cirrhose évités versus 1 à 2 premières atteintes démyélinisantes centrales induites par la vaccination. Dans le scénario le plus défavorable, pour un risque vaccinal similaire, la vaccination éviterait 21 hépatites fulminantes et 49 cirrhoses. [25].

En1998, le schéma 0-1-6 a été adopté comme schéma unique, et les rappels systématiques ont été supprimés, sauf chez le personnel soignant vacciné après l’âge de 25 ans, et les insuffisants rénaux chroniques dialysés. Une stratégie de contrôle de l’immunité et de pratique de rappel est applicable aux personnes à haut risque d’exposition.

D’autre part, vis-à-vis de la transmission horizontale, en sus de la recommandation de vaccination des nourrissons, le calendrier vaccinal français inclut désormais dans son chapitre « recommandations particulières » la recommandation de vaccination des enfants fréquentant les institutions pour l’enfance et la jeunesse handicapées ainsi que celle des enfants et adultes hospitalisés en psychiatrie. La recommandation générale de vaccination des nourrissons est renforcée en ajoutant, toujours dans les recommandations particulières, les enfants d’âge préscolaire accueillis en collectivité (cette recommandation n’inclut pas les personnels travaillant dans ces structures) [26].

Les conclusions de l’audition publique sur la vaccination contre l’hépatite B qui s’est tenue à Paris en novembre 2004, sont en faveur du renforcement de la vaccination universelle des nourrissons, d’un programme temporaire de rattrapage de la vaccination à destination des enfants et des adolescents, ainsi que de la vaccination des personnes à risque élevé d’exposition au VHB  .

» Couverture vaccinale en population générale

Au niveau national, des données annuelles de couverture vaccinale contre l’hépatite B sont obtenues à partir de l’exploitation des certificats de santé du 24e mois. Depuis l’introduction de la vaccination dans le calendrier du nourrisson, cette couverture n’a jamais atteint 30%, et en 2003, cette couverture est estimée à 27,7% (Données DREES, non publiées).

Des enquêtes menées en milieu scolaire ont montré en 2000, une couverture en classede 3e (cohortes de naissance1983-1987) de 66,6% et en 2001 une couverture en classe de CM2 (cohortes de naissance1988-1992) de 30,2% (Données DREES, non publiées).

Lors de l’enquête de prévalence menée par l’InVS et la CNAMTS en 2003-2004, 41,3% (IC 95% : 38,8 à 43,7%) des adultes interrogés déclaraient avoir été vaccinés, mais 28,9% (IC 95% 26,5 à 31,4%) avaient reçu 3 doses de vaccin. Des variations étaient observées entre les classes d’âge : 79,3 % déclaraient être vaccinés chez les sujets âgés de 18 à 29 ans, 43,6% chez les 30-60 ans et 17,2% chez les personnes âgées de plus de 60 ans (rapport InVS, résultats à paraître en 2006).

Des enquêtes nationales sur échantillon ont été réalisées chaque année de 1993 à 2002, à la demande d’un producteur par uninstitut de sondage (Taylor Nelson Sofres Santé) pour évaluer la couverture vaccinale contre l’hépatite B. L’échantillon était calculé pour être représentatif par tranches d’âge d’un an chez l’enfant et de 5-10 ans chez l’adulte, pour un total de l’ordre de 20000 familles. Le taux de couverture global (3 doses, tous âges confondus), qui était de 3,1% en 1993 et de 10,2 % en 1995, dépasse 20 % depuis 1999, atteignant en 2002, 21,7%.

Dans la dernière enquête Sofres 2002, les nourrissons âgés de 2 ans ont une couverture vaccinale à 19,8%, puis entre 2 et 13 ans, les taux de couverture restent compris entre 20 et 27,5% (soit une moyenne de 23,3% de couverture avant 14 ans), pour passer à 46,2 % entre14et 18 ans. La couverture la plus élevée est retrouvée chez les 19-24 ans avec 47,3 %, puis les chiffres de couverturediminuent pour les classes d’âge plus élevées, atteignant 5,6% après 55 ans [27].

» Couverture vaccinale des populations à risque

PROFESSIONNELS DE SANTÉ

En 2003, le GERES (Groupe d’Etude des Risques d’Exposition des Soignants) a mené une enquête auprès des médecins du travail de 130 établissements hospitaliers de leur réseau (128 publics et 2 privés participant au service public). Le taux de participation a été de 48% (60 hôpitaux publics et 2 privés). Les résultats de cette enquête font tout d’abord état d’une mauvaise connaissance du statut vaccinal vis-à-vis de l’hépatite B, puisque si 52 établissements (84%) ont pu fournir des données de couverture pour le personnel paramédical, seulement 26 (42%) ont pu le faire pour le personnel médical. Ces résultats sont donc à utiliser avec précaution. La couverture des paramédicaux était entre 90% et 100% pour 50 établissements et inférieure à 90% pour 2 d’entre eux; quant au personnel médical, 11 établissements ont une couverture entre 80 et 100%, 6 entre 60 et 79%, et 9 ont une couverture inférieure à 60 % (14es journées du GERES, Marseille, Mai 2003, données non publiées, http://www.geres.org/).

Les hôpitaux de l’Assistance publique -Hôpitaux de Paris (AP-HP) emploient environ 80000 salariés, dont 50000 soignants, 15000 médecins, 3000 étudiants en médecine, et plusieurs milliers d’élèves. La couverture vaccinale par catégorie de personnel n’est pas connue avec précision. Toutefois, le service central de médecine du travail a évalué le taux de couverture des personnes victimes d’accidents exposant au sang (AES) au cours de onze années de surveillance des accidents exposant au sang (AES). Le taux global est passéde 72% en1990 (1571 AES analysés, dont 70% chez les paramédicaux et 12% chez les médicaux) à 99%en 2000 (2545 AES analysés, dont 63,5% chez les paramédicaux et 26% chez les médicaux) [28]. Un indicateur indirect d’amélioration de la couverture vaccinale est la diminution du nombre des hépatites B professionnelles à l’AP-HP au cours de ces vingt dernières années, avec des chiffres annuels qui oscillent entre 0 et 3 depuis 1996, alors que 51 cas avaient été déclarés en 1985 (source : service central de médecine du travail de l’AP-HP, communication personnelle).

Les résultats des enquêtes «Baromètre Santé» menées par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la ,
couverture vaccinale passant de 81 % à 87,5% (sur des échantillons respectifs de 1013 et 2073 généralistes) [29].

fig9

 

POPULATION D’USAGERS DE DROGUES

Les données de couverture vaccinale de la population toxicomane sont très partielles et restent seulement indicatives.

Une enquête pilote réalisée dans la ville de Marseille réalisée entre avril et juin 2002, incluant 25 sites de Marseille (dont 10 de médecine générale), a montré que 42 % des usagers de drogues auraient reçu au moins une dose de vaccin (nombre de doses inconnu, 167 personnes enquêtées) (Enquête pilote Coquelicot, rapport interne InVS, résultats de l’enquête définitive à paraître en 2006).

Des enquêtes ont été réalisées dans un centre de référence pour toxicomanes (Marmottan) lors de consultations de médecine générale, au cours desquelles la vaccination contre l’hépatite B est systématiquement proposée. Les effectifs des cohortes sur lesquelles la couverture vaccinale a été évaluée sont limités. Les résultats sont les suivants : pour la cohorte 1999 (n= 64), la couverture avec au moins 3 doses était de 45,3% (au moins une dose : 60,9%), pour la cohorte 2000 (n = 77) lacouverture 3 doses est de 15,6% (au moins une dose : 32,5%) et pour la cohorte 2001 (n =120) elle est de 21,7% pour 3 doses (au moins une dose : 39,2%) [30].

Au cours des années 1993-98, une enquête a été réalisée par le Centre européen pour la surveillance épidémiologique du sida, dans la population des usagers de drogues hébergés par des centres spécialisés de soins pour toxicomanes avec hébergement (CSSTH) qui accueillent les toxicomanes après sevrage ou sous traitement de substitution. La couverture vaccinale a été étudiée en 1997 et 1998 ; les effectifs enquêtés sont similaires sur les 2 années (1641 et 1643 personnes), en majorité des hommes (75%). La couverture globale est identique sur les 2 années (28%), diminuant dans les tranches d’âge les plus élevées, passant de 31,9 % chez les moins de 25 ans à 15,6 % chez les 35 ans et plus) [31].

POPULATION HOMOSEXUELLE

L’enquête Presse Gay existe depuis 1985, avec unéchantillon constitué sur la base du volontariat par réponse à un questionnaire inséré dans la presse identitaire et aussi, depuis 2004, sur les sites Internet, avec les biais inhérents à ce type d’enquêtes (tous les homo-bisexuels ne lisent pas la presse gay ni ne se connectent sur les sites, et tous les lecteurs et internautes ne répondent pas au questionnaire). Cependant, la structure générale de la population étudiée reste stable, permettant les comparaisons. Les résultats préliminaires montrent que sur 6184 questionnaires validés en 2004, 6040 étaient renseignés en cequi concerne la vaccination contre l’hépatite B: 60,1% des participants se disaient vaccinés (sans que l’on connaisse le nombre de doses administrées), 26,3% non vaccinés et 13,6% ignoraient leur statut vaccinal (résultats InVS non publiés, à paraître en 2006). Lors de la dernière enquête réalisée en 2000, 66,5% étaient vaccinés (4753 participants) [32].

Discussion

La Franceest un pays de faible endémie, avec une prévalence du portage de l’AgHBs estimée actuellement à 0,65%, dans la population adulte métropolitaine. Même si cette prévalence est faible, cette estimation signifie que près de 281000 personnes sont des porteurs chroniques du VHB, constituant ainsi un réservoir non négligeable pour la transmission de l’infection. Depuis la mise en place de la DO en mars 2003, 158 cas d’hépatites aiguës B ont été notifiés au cours de la première année de surveillance, concernant des cas cliniques. Or une partie seulement des cas d’hépatite aiguë B est symptomatique; cette proportion de cas symptomatiques varie en fonction de l’âge (environ 5% avant 1 an, 10% de1 à 15 ans et 40% au-delà). Ainsi, on peut estimer que ces 158 hépatites aiguës correspondent à près de 500 nouvelles contaminations par le virus de l’hépatite B (chiffre minimum, puisque ne prenant pas en compte une sous déclaration des cas). En effet,bien que nous n’ayons pas une idée précise du nombre de cas attendu, la notification de 158 cas paraît peu élevée, et il existe très probablement une sous déclaration, qui paraît surtout affecter les cas vus par les médecins de ville. Ainsi, 58% des cas ont été déclarés par des médecins hospitaliers, alors que cette proportion élevée de cas hospitaliers ne correspond pas à ce que l’on observe habituellement pour cette pathologie. Toutefois, même en tenant compte de cette très probable sous notification, l’incidence de l’hépatite B aiguë paraît très inférieure aux estimations fournies par le réseau Sentinelles en 1996 (entre1200 et 8000 cas par an) [17]. La diminution des cas incidents, même difficile à chiffrer, serait cohérente avec un impact de l’application des mesures de prévention préconisées contre l’infection par le VIH, les mesures prises vis-à-vis de la transfusion et la vaccination contre l’hépatite B.

En comparant les caractéristiques de ces cas à celles des patients décrits en 1991-94 par le réseau Sentinelles (avant la promotion de la vaccination contre l’hépatite B en 1995), on retrouve la même prédominance masculine (sex-ratio H/F de 2,95 versus 2,80 dans le réseau Sentinelles). De même, pour ce qui est des facteurs de risque potentiels au cours des 6 mois précédant le début des signes, on retrouve pour la majorité d’entre eux des résultats très proches de ceux décrits par le réseau Sentinelles, avant la vaccination. Mais surtout, on note que la classe d’âge prédominante pour les 2 sexes est celle des 30-39 ans, suivie de très près par celle des 40-49 ans. Dans le réseau Sentinelles, sur les 151 cas notifiés entre 1991et 1994, la classe d’âge la plus représentée était celle des 20-29 ans (Fig. 10). Cette différence pourrait s’expliquer en partie par l’impact de la politique vaccinale; en effet, les jeunes adultes ont été, lors de leur adolescenceentre1994 et 1998, la population la plus vaccinée avec des couvertures vaccinales estimées en 2002 à 47% pour les 19-24 ans et à 32% pour les 25-34 ans [27].

fig 10

Il faut souligner que, malgré l’obligation de dépistage du portage de l’AgHBs au cours de la grossesse afin de permettre une sérovaccination des nouveau-nés de mère porteuse de l’AgHBs, deux cas de transmission materno-fœtale ont été déclarés chez des nourrissons non vaccinés de moins d’un an, dont un est décédé d’hépatite fulminante. En outre, près de deux tiers des cas notifiés auraient pu être évités si les recommandations de vaccination en vigueur avaient été respectées, et le dépistage autour d’un cas renforcé. Les actions de prévention, en particulier le respect du calendrier vaccinal et l’application des recommandations de vaccination des personnes à risque, doivent donc être rappelées et renforcées [26].

L’analyse des données de couverture vaccinale dont nous disposons, confirme que le respect des recommandations du calendrier vaccinal français est loin d’être optimal, avec en particulier la vaccination des nourrissons qui reste inférieure à 30%, alors que la population adulte non ciblée par la vaccination a été vaccinée en nombre. Les taux de couverture des préadolescents et adolescents sont plus satisfaisants, témoins que le message de prévention passe probablement mieux auprès des médecins et de la population pour cette tranche d’âge, mais sont loin d’être optimaux depuis l’arrêt des campagnes en milieu scolaire.

Or, même dans un pays comme la France, où le mode de transmission majeur est la voie sexuelle, les contaminations précoces posent un double problème : celui du pronostic médical chez l’enfant infecté, en raison de la fréquence du passage à la chronicité et celui du risque de transmission, en l’absence du diagnostic de portage chronique, les infections survenant dans les premiers mois ou années de vie étant très rarement symptomatiques et donc non reconnues.

Un autre argument en faveur de la vaccination des nourrissons est la meilleure qualité de leur réponse immunologique (taux de séroconversion proches de 100%) par comparaison à celle induite par une vaccination pratiquée à l’âge adulte. La présence d’un titre d’anticorps supérieur à 10 UI/l a été démontrée comme protectrice, établissant ainsi un seuil minimal de protection par les anticorps [33]. La durée de la persistance de ces anticorps est directement liée au taux atteint un mois après la troisième dose vaccinale. Ainsi, en l’absence de tout rappel vaccinal, de très nombreuses études ont mis en évidence la persistance des anticorps de vaccination au moins 10 à 15 ans après vaccination chez le nourrisson [34], et cette protection persiste même si les taux diminuent au dessous de ce seuil de protection ou ne sont plus décelables [35]. De plus, dans le contexte français, l’absence de signalement d’effets indésirables neurologiques sévères chez le nourrisson devrait conduire à renforcer le message de l’intérêt d’une vaccination la plus précocepossible.

Conclusion

Le fait que l’homme soit l’unique réservoir du virus permet d’envisager un contrôle efficace de l’infection par le VHB. Des études menées dans de nombreux pays à forte endémie ont montré une différence notable des prévalences des porteurs de l’AgHBs avant et après vaccination. La capacité du vaccin à réduire l’importance du portage chronique et donc celle du réservoir du virus est certaine. Des couvertures vaccinales élevées dans des pays de faible endémie (tels les USA ou l’Italie par exemple) ont démontré l’efficacité du vaccin pour diminuer le nombre des hépatites aiguës. Mais il convient toutefois de rappeler que la diminution de l’incidence ne sera suivie qu’avec retard d’une diminution sensible du nombre des personnes ayant une infection chronique par le VHB, personnes qui constituent le réservoir d’infection et chez qui surviendront les complications tardives (cirrhose, carcinome hépatocellulaire). Ainsi, même dans les pays où les chiffres d’incidence montrent une nette tendance à la diminution du nombre de cas d’hépatite aiguë, le poids de la maladie, lié aux contaminations passées, reste important en termes de complications et de mortalité. On estime que 15% à 25% des patients atteints d’hépatite B chronique vont mourir de cirrhose ou de carcinome hépatocellulaire. Une étude menée aux Etats-Unis sur les données nationales de mortalité de 1979 à 1998, montre un taux de mortalité liée au virus de l’hépatite B augmentant de 0,1 à 0,4 pour 100000 (chiffres ajustés sur l’âge). Sur la même période, le nombre d’hospitalisations en relation avec le virus de l’hépatite B a été multiplié par 4,9 [36].

Il apparaît donc impératif, en France, d’améliorer l’application des recommandations vaccinales, en particulier la vaccination des nourrissons et des préadolescents, mais aussi des personnes avec un risque accru de contracter l’hépatite B. L’application des mesures de prévention autour des cas d’hépatite B aiguë et de portage chronique, mais aussi la sérovaccination des nourrissons nés de mère porteuse de l’antigène HBs doivent être renforcées.

 

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