Qu’ont apporté les clips à l’endoscopie digestive ?

L’apport des clips en endothérapie, particulièrement en matièred’hémostase, a été un réel progrès ces dernières années. Et ceci tout particulièrement pour le traitement des hémorragies dans les suites (immédiates ou non) des mucosectomies, les résections muqueuses endoscopiques étant de plus en plus fréquentes. Le clip est une sortede suturemétallique, mécanique, quipour l’hémostase,agit par pression sur le vaisseau hémorragique à l’image d’une suture chirurgicale. Cet effet,à l’origine de l’apparition d’une thrombose vasculaire, précède l’élimination spontanée et sans conséquence du matériel. Les clips pénètrent habituellement jusque dans la musculaire muqueuse et globalement 90% sont présents à un mois,ce qui permetégalement leur utilisation pour le marquage des lésions carcinomateuses invasives, quel’on doit confier à nos collègues chirurgiens pour une résection, et également la fermeture de petites perforations digestives.

La mise sur le marché de cathéter porteur de clips à usage unique(clip pré-monté), d’utilisation plus aisée mais d’un coût nettement plus élevé, est un progrès significatif pour l’urgence, évitant les manipulations délicates de chargement du clip. Les systèmes de cathéter porteur réutilisables autoclavables sont toujours utiles bien entendu, car le coût du clip est 10 fois moindre, ce qui est considérable en cas de mise en place de plusieurs clips. Ce, d’autant que la société Olympus® a récemment commercialisé un nouveau système permettant un chargement rapide et très simple du clip. Il s’agit du système EZ clip®, pour lequel le clip est dans une petite cassette. Il suffit d’introduire l’extrémité du cathéter porteur dans la cassette et de charger le clips par un mouvement en avant puis en arrière de la poignée du cathéter. Il s’agit d’un clip à deux branches, orientable grâce à la possibilité de rotation de la poignée transmise directement aux clips. Il y a une gamme très complète de clips avec des longueurs de branches et un écartement de celles-ci différents (maximum12 mm).

La société Olympus® a également été la première à proposer un clip pré-monté à usage unique «le quick clip®», et la commercialisation récente d’une deuxième génération avec un écartement plus important des branches du clip et la possibilité d’exercer une rotation, donc une orientation plus efficace des branches de celui-ci par rapportà la zone hémorragique. Ceci a son importance,car les deux branches du clip doivent être placées perpendiculairement au vaisseau hémorragique, et surtout les deux branches doivent être bien placées en appui, de part et d’autre de celui-ci avant de serrer et de larguer le clip. Dans les 2 systèmes Olympus®, on écarte, on serre puis on largue le clip en serrant progressivement la poignée, proche de celle d’une pince à biopsie. La société Cook® commercialise également un système de clips prémontés, le «tri-clip®». Il s’agit d’un clip à trois branches,ce qui simplifie l’orientation de celui-ci par rapport à la lésion à traiter. Le cathéter possède un canal de lavage, utile en cas de saignement abondant. Pour serrer le clip, il faut pousser la poignée en avant, geste moins intuitif car inverse de celui effectué pour les autres matériels d’endothérapie,ce qui peutêtre source de confusion dans l’urgence. Enfin, la société Boston Scientific® a commercialisé récemment un clip prémonté à double branches, le «système Résolution® »qui a deux caractéristiques très utiles : d’une part, il s’agit du clip dont les branches ont le plus grand écart, très utile pour rapprocher les berges d’un plaie post mucosectomie ou d’une lésion de type Mallory-Weiss. Mais surtout,c’est le seul système qui permet de fermer et réouvrir plusieurs fois le clip avant de le larguer,ce qui permet de le repositionner et optimiser ainsi l’hémostase, tout en réduisant le nombre de clips nécessaires à celle-ci. L’ouverture et la fermeture du« clip Résolution®» se réalisent comme celle d’une pince à biopsies avec une poignée identique, ce qui facilite là encore l’utilisation.

L’efficacité des différents clips est la même en termes d’hémostase, et comme toujours en endothérapie, il faut utiliser le système que vous maîtrisez le mieux.

Il me semble utile de préciser ici les particularités techniques de l’hémostase par clips avec un duodénoscopeà vision latérale. Cette situation est de plus en plus fréquente du fait de la pratique croissante des ampullectomies endoscopiques et des mucosectomies duodénales (notamment périampullaires) dans le cadre notamment des polyposes familiales. Ce, d’autant que, ces résections ont dans notre expérience un risque hémorragique élevé, et souvent un saignement retardé ce qui peut faire discuter une fermeture par pose de clips préventifs, immédiatement après la mucosectomie, dans la zone de résection. Avec le latéroscope, l’astuce consiste à sortir le cathéter porteur du clip du canal opérateur et le clip de son cathéter,à l’aveugle, sans redresser l’érecteur du duodénoscope, pour ne pas plier ou tordre le clip et ne pas léser le canal opérateur de l’endoscope. Il en va de même également pour l’utilisation des aiguilles à sclérose. On se positionne ensuite un peu en amont de la zone à traiter, pour placer et larguer le clip, en utilisant le moins possible l’érecteur. Ainsi, l’on exerce un minimum de contraintes sur le cathéter, qui, s’il est trop coudé, ne transmettra pas les mouvements de la poignée, d’où une ouverture et/ou fermeture impossible ou incomplète du clip.

Les clips sont des dispositifs médicaux implantables à usage individuel, de type IIA dont l’implantation est temporaire «30 jours». L’indication et l’utilisation des clips en endoscopie opératoire intègre le champ d’application de l’annexe11
de la liste des produits et prestations soumis au remboursement : ils sont indiqués,conçus et «TIPSés»pour obtenir rapidement un effet hémostatique en cas de saignement actif ou de présence d’un vaisseau visible,aussi bien pour une hémorragie digestive haute ou basse. Trois clips au maximum sont remboursés. D’où l’intérêt, en cas de nécessité de fermeture d’une plaie ou d’une hémostase avec plus de 3 clips, d’utiliser les systèmes réutilisables car 10 fois moins chers. Les clips peuvent être utilisés pour le marquage des lésions, pour la suture ou la fixation de matériel endo-luminal (ancrage de tubes de nutrition jéjunaux ou prothèses), la fermeture de plaies digestives, mais il s’agit d’indications hors TIPS, donc hors remboursement.

Résultats des clips

Les clips sont efficaces dans 84 à 100% des cas pour l’hémostase des ulcères hémorragiques ou avec vaisseau visible,avec en moyenne 2 clips. C’est la méthode de choix à utiliser en première intention dans cette indication, d’autant que sa morbidité par rapport aux injections de sérum adrénaliné et surtout aux méthodes thermiques est bien moindre voire nulle. Les échecs des clips, estimés à 10 %dans les ulcères gastro-duodénaux,apparaissent surtout en cas d’ulcères scléreux supérieurs à 1,5 cm, d’ulcère de la partie haute et postérieure de l’estomac ou de la face postérieure du bulbe. La méthode des clips est actuellement préférée aux traitements thermiques, sauf en cas de présentation très tangentielle de la lésion, où la coagulation plasma argon sera pour certains opérateurs, plus facilement appliquée donc efficace. De même, dans le cadre des ulcères très scléreux hémorragiques pour lesquels les clips et les injections de sérum adrénaliné sont souvent en échec, et où la coagulation par sonde bi polaire au contact est plus facilement applicable et a une bonne efficacité. Dans le cadre de l’ulcère hémorragique en jet artériolaire, il a été prouvé quel’association des clips avec l’injection de sérum adrénaliné était supérieure à l’injection seule,car elle réduit significativement la mortalité, le risque de récidive hémorragique et d’intervention chirurgicale précoce. Le principal avantage de l’hémostase par clips par rapport aux autres techniques, est son efficacité prolongée. En effet, le risque de récidive hémorragique n’est que de 3 %. De plus, la récidive est mal appréciée et sans doute surestimée. En effet, elle varie dans la littérature de 0 à 25%, et la plupart des séries sont anciennes, réalisées avec de faibles effectifs, et sans utilisation concomitante d’inhibiteurs de la pompe à protons à fortes doses.

L’hémorragie par syndrome de Mallory Weiss est une également une excellente indication de l’hémostase par clips. Les clips avec une efficacité hémostatique estimée à 100%, sont la méthode de choix dans cette indication,car comme dans l’hémorragie post mucosectomie, ils permettent non seulement l’hémostase mais également la fermeture complète de la déchirure pariétale,améliorant ainsi la cicatrisation et réduisant la récidive hémorragique.

Dans l’ulcération de Dieulafoy,comme pour l’ulcère hémorragique, l’association de méthodes d’hémostases a été tentée,comme l’association adrénaline-thermocoagulation ou adrénaline-méthodes mécaniques, les injections pratiquées seules étant souvent en échec. Les méthodes mécaniques sont particulièrement efficaces dans ce cas de figure, les clips ou les ligatures élastiques stoppent en effet l’hémorragie active dans 96 %des cas. Mais les méthodes mécaniques, du fait de l’absence de destruction tissulaire ont un avantage théorique certain, en limitant le risque de perforation. Le clip semble plus adapté encore,car reste en place longtemps. Une importante série portant sur le traitement par clips montrait une efficacité globale de 94%et un taux de récidivede9%. La ligature élastique a été essayée avec une efficacitéde95%. D’ailleurs, la supériorité des clips par rapport à l’adrénaline a été prouvée par une étude prospective randomisée. Une autre étude randomisée n’a pas mis en évidence de différence entre clip et ligature élastique.

En cas de polypectomie, à titre de prévention de l’hémorragie ou pour l’hémostase post résection, les méthodes mécaniques comme la pose de clips ou la mise en place d’une anse largable (endoloop®)en cas de moignon suffisamment long, sont les méthodes à privilégier,car efficaces dans près de 100%des cas. La ligature élastique a parfois été réalisée avec succès. En revanche, un essai randomisé n’a pas montré de bénéfice à l’utilisation préventive de clips après mucosectomie endoscopique de polypes infra-centimétriques.

Pour les hémorragies au décours immédiat d’une mucosectomie, elles doivent être traitées par pose de clips, en particulier lorsque le saignement provient des berges de la mucosectomie. L’hémostase par clips est vraiment le traitement de choix : soit en positionnant un clip au niveau d’un saignement punctiforme,artériolaire par exemple, soit en fermant complètement la plaie à l’aide de plusieurs clips. Ceci est notamment utile en cas de saignement en nappe plus diffus. Dans ce dernier cas, la coagulation par plasma argon ou l’injection de sérum adrénaliné peuvent également être tentées, surtout en cas d’accessibilité difficile, de lésion tangentielle, mais souvent d’efficacité moindre et moins durable.

Dans les suites de mucosectomies à fort risque hémorragique, notamment dans notre expérience,celles de siège duodénal, nous conseillons la fermeture préventive de la plaie post résection, même si cela n’a pas encore été validé par une étude. Ce, d’autant que les hémorragies sont souvent retardées, imposant une nouvelle endoscopie en urgence.

Enfin,certaines publications de courtes séries ont montré l’efficacité de la suture par clips comme méthodes de traitement endoscopique des perforations digestives iatrogènes,bien entendu tout en surveillant le malade en milieu chirurgical. Comme la méthode de Taylor,cette attitude thérapeutique peu invasive semble une excellente alternative à la chirurgie, tout particulièrement pour les perforations digestives hautes, et chez les malades à haut risque opératoire. Certains auteurs, dans le cadre des perforations iatrogènes (après dilatation ou mucosectomie) de l’œsophage, ont même décrit la possibilité de les traiter par l’association fermeture par clips puis mise en place temporaire d’une prothèse œsophagienne.

Il existe également des clips de marquages, possédant des branches plus courtes, qui sont utiles pour localiser la base d’implantation d’un polype après résection de celui-ci, notamment en cas de doute sur un envahissement sous muqueux nécessitant une chirurgie complémentaire. Il est donc préférable en cas de polype suspect ou de taille supérieure à 15 mm, de mettre en place un clip après sa résection.

 

RÉFÉRENCES

1. Chung IK, Ham JS, Kim HS, Park SH, Lee MH, Kim SJ. Comparison of the hemostatic efficacy of the endoscopic hemoclip method withhypertonic saline-epinephrine injection and a combination of the twofor the management of bleeding peptic ulcers. Gastrointest Endosc 1999; 49: 13-18.

2. CipolletraL,Bianco MA, Marmo R, Roton-Dano G, Piscopo R, Vingiani AM. Endoclips versus heater probein preventing early recurrent bleeding from peptic ulcer:a prospective and randomized trial. Gastrointest Endosc 2001; 53: 147-51.

3. Park CH, Sohn YH, Lee WsSJoo Ye, Choi SK, Rew JS. The usefulness of endoscopic hemoclipping for bleeding Dieulafoy lesions. Endoscopy 2003;35: 388-92.

4. Park CH, Joo YE, Kim HS. A prospective, randomized trialofendoscopic band ligation versus endoscopic hemoclip placement for bleeding gastricDieulafoy lesions. Endoscopy 2004; 36: 677-81.

5. Gevers AM, De Goede E, Simoens M, Hiele M, Rutgeerts P. A randomized trial comparing injection therapy with hemoclip and withinjection combined withhemoclip for bleeding ulcers. Gastrointest Endosc 2002; 55: 466-69.

6. Parra-Blanco A, KaminagaN,Kojima T, Endo Y, Uragami N, OkawaN. Hemoclipping for postpolypectomy and postbiopsy colonicbleeding. Gastrointest Endosc 2000; 51: 37-41.

7. Uno Y, Satoh K, Tuji K, WadaT,Fukuda S, Saito H. Endoscopic ligation by means of clip and detachable snarefor management of colonic postpolypectomy hemorrhage. Gastrointest Endosc 1999; 49: 113-15.

8. Chung IK, Kim EJ, Lee MS, Kim HS, Park SH, Lee MH. Bleeding Dieulafoy’s lesions and the choiceofendoscopic method:comparing the hemostatic efficacy of mechanical and injection methods. Gastrointest Endosc 2000;52: 721-24.

9. Yamaguchi Y, Yamato T, Katsumi N, Imao Y, Aoki K, MoritaY. Short-term and long-term benefits of endoscopic hemoclip application for Dieulafoy’s lesion in the upper GI tract. Gastrointest Endosc 2003; 57: 653-56.

10. Hurlstone DP. Successfulendoscopic hemoclipping In Mallory Weiss syndrome with concurrent closureof oesophagealperforation. Scand. J Gastroenterol 2002; 37: 866.

11. Yamaguchi Y, Yamato T, Katsumi N. Short term and long term benefits of endoscopic hemoclip application for Dieulafoy’s lesions in the upper GI tract. Gastrointest Endosc 2003; 57: 653-6.