Adénocarcinome du pancréas : Le dosage du Ca 19-9 a-t-il un intérêt ?
Introduction
Le diagnostic de l’adénocarcinome pancréatique est difficile. Les symptômes surviennent tardivement eu égard aux possibilités de réaliser une chirurgie à visée curative. Malgré les progrès de l’imagerie, le traitement chirurgical à visée curative n’est possible que dans moins de 10% des cas.
La possibilité de réaliser un diagnostic précoce en utilisant un outil diagnostique sensible, facile, peu vulnérant et peu cher est un objectif cherché depuis de très nombreuses années. Cet outil diagnostique doit aussi être spécifique pour ne pas générer inutilement l’angoisse du malade (et de son médecin!), et surtout une batterie d’examens complémentaires inutiles, iatrogènes et dispendieux. A fortiori, disposer d’un marqueur qui permettrait de poser l’indication d’une résection chirurgicale ou d’un traitement radio-chimiothérapeutique sur sa seule valeur positive ou négative serait une situation idéale.
Le dosage du Ca 19-9 sérique atteint-il ces objectifs? Son utilisation large est-elle justifiée? Est-ce un outil de dépistage de masse, utile au diagnostic, à l’établissement du pronostic. C’est à toutes ces questions que nous allons essayer de répondre.
Qu’est-ce que le Ca 19-9 ?
Le Ca 19-9 a été isolé pour la première fois par Koprowski et al. [1] en utilisant un antigène issu d’une lignée cellulaire de cancer colique. Cet antigène associé aux tumeurs et défini par un anticorps monoclonal, est un ganglioside contenant un radical sialyl-lacto-N-fucopentaose. Cet antigène est le même que celui du groupe sanguin Lewisa [2]. Il est synthétisé par le pancréas humain normal ainsi que par les epithelia biliaire, gastrique, colique, œsophagien, endométrial et salivaire[3, 4].
L’épitope du Ca 19-9 est fixé sur un antigène du groupe Lewisa puis est exprimé à la surface des cellules. Ceci a une conséquence importante. Chez les sujets négatifs pour le groupe Lewis (Lewisa-, b-), le taux de Ca 19-9 sérique est nul. Cette situation n’est pas rare puisque environ 7-10% de la population générale est dans ce cas [5, 6]. Ceci limite d’emblée la sensibilité de ce marqueur qui en aucun cas ne peut dépasser 90%.
Un taux de Ca 19-9 nul ou indosable dans le sérum traduit un groupe sanguin Lewis négatif. Il est définitivement inutile de le doser à nouveau chez ces malades et encore plus nuisible de se rassurer faussement devant un tel résultat.
Le Ca 19-9 est-il un marqueur tumoral ?
Un marqueur tumoral peut se définir par une substance qui n’est synthétisée que par des cellules tumorales (malignes ou bénignes) et non par du tissu normal. Cela n’est pas le cas du Ca 19-9. En effet, celui-ci est trouvé en grande quantité dans le suc pancréatique. Ainsi, le taux de Ca 19-9 dans le liquide pancréatique est en moyenne de 200 à 1900 U/ml dans le liquide pancréatique de malades témoins ou ayant respectivement une lithiase vésiculaire ou une pancréatite chronique. Des valeurs extrêmes aussi hautes que 13000 U/ml ont été notées[7]. Il en est de même dans le liquide prélevé dans des pseudokystes, liquide constitué soit de suc pancréatique pur (pseudokyste rétentionnel) soit de tissu nécrotique. Des concentrations de 800 à 116000 U/ml y ont été enregistrées[8-11].
Le Ca 19-9 est-il un marqueur spécifique?
Cette qualité souhaitée pour tout marqueur tumoral permet de rétrécir le champ des investigations en cas d’élévation de ce marqueur enregistrée chez des malades dont les signes cliniques n’orientent pas vers un organe particulier.
Ici encore, le Ca 19-9 ne possède pas cette qualité. Nous avons vu que le Ca 19-9 était présent dans les épithélia de nombreux tissus. Une élévation (habituellement modérée) peut être notée en cas d’affection bénigne de chacun de ces organes [12, 13]. Il en est de même en cas d’affection maligne de ces organes. En excluant l’adénocarcinome pancréatique, une élévation du Ca 19-9 est associée à une tumeur biliaire (67%), un hépatocarcinome (49%), un adénocarcinome gastrique (41%), colique (34%), œsophagien (22%) et à une tumeur non digestive (14%) [14]. En prenant des malades ayant des tumeurs d’autres organes comme groupe témoin, la spécificité du dosage du Ca 19-9 varie de 76 à 99% au seuil de la valeur normale habituelle (37 U/mL). En élevant ce seuil, la spécificité augmente au détriment de la sensibilité. Pour une valeur seuil à 1000 U/mL, la spécificité atteint quasiment 100% mais la sensibilité ne dépasse pas 40% [14].
Certaines conditions diminuent encore la spécificité de ce dosage. La spécificité du dosage du Ca 19-9 chute en cas de cholestase, qu’elle soit d’origine extra-hépatique ou intra-hépatique, bénigne ou maligne. En cas de cirrhose, une élévation du Ca 19-9 peut être notée dans 62% des cas [15]. Une élévation parfois importante du Ca19-9 est aussi présente en cas de cholangite aiguë alors qu’en cas d’obstacle sur la voie biliaire sans cholangite, cette élévation est moins importante voire absente. On peut observer une décroissance rapide après la levée de l’obstacle [16]. Dans un autre travail, le taux de Ca 19-9 dépasse la normale chez 4,4% des malades ayant une lithiase biliaire non compliquée, 28% des malades ayant une angiocholite et 61% des malades ayant un cancer de la voie biliaire sans angiocholite. Dans la bile, le taux de Ca 19-9 dépasse 1200 ng/L dans 72% des cas d’angiocholite, 61% en cas de cancer des voies biliaires et chez aucun des malades ayant une lithiase non compliquée [17].
La production accrue du Ca 19-9 au cours de la cholestase serait attribuée à une augmentation de l’activité sialyl-transférase d’une enzyme contenue dans les cellules biliaires [18]. L’existence d’une maladie hépatique qu’elle soit chronique ou aiguë diminue l’activité de récepteurs glyco-protéiques asialylés impliqués dans la clairance de l’antigène Ca 19-9 par l’intermédiaire d’une liaison spécifique ce qui provoque une augmentation de son taux sérique [19]. L’élévation du taux sérique de Ca 19-9 serait due aux lésions de l’épithélium biliaire plutôt qu’à des interférences des sels biliaires ou de la bilirubine avec les réactifs du dosage. L’adjonction de sels biliaires ou de bilirubine dans un sérum ne modifie pas les résultats du dosage[20].
En cas de pancréatite chronique, des faux positifs sont décrits dans 15 à 20% des cas. A partir d’une population de 126 malades ayant une pancréatite chronique et de 53 malades ayant un adénocarcinome pancréatique, nous avons montré que la spécificité et la sensibilité du dosage du Ca 19-9 sont respectivement de 53% et 95% (la plupart des malades avait une tumeur évoluée). La cholestase est associée à un taux de Ca 19-9 plus élevé. En élevant le seuil de 37 UI/mL (valeur normale) à 300 UI/mL, la spécificité et la sensibilité du dosage sont respectivement 95% et 81% chez les malades sans cholestase et 87 et 81% chez les malades avec cholestase. Ainsi, le seuil de 300 UI/mL semble être plus opérationnel. A noter aussi que pour obtenir une spécificité de 100%, il faut élever le seuil au-delà de 7000 UI/mL mais la sensibilité chute alors à 37% malgré le caractère avancé des tumeurs du groupe cancer [21].
Ainsi, le Ca 19-9 est une très mauvaise aide diagnostique lorsqu’il s’agit de distinguer une pancréatite chronique d’un adénocarcinome ou lorsqu’il s’agit de dépister la rare dégénérescence d’une pancréatite chronique alcoolique [22].
Plusieurs publications ont mentionné la responsabilité potentielle du diabète dans l’augmentation du taux sérique de l’antigène Ca 19-9 [23, 24]. Une élévation significative du taux sérique de l’antigène Ca 19-9 a été trouvée chez les malades diabétiques ayant une pancréatite chronique sans cholestase avec des chiffres pouvant atteindre 750 UI/mL [21]. Petit et al. [24] ont trouvé une corrélation positive entre taux d’hémoglobine glycosylée et concentration sérique de l’antigène Ca 19-9. Ils supposent que l’élévation du taux sérique de l’antigène Ca 19-9 serait secondaire à une augmentation du taux de glycosylation de nombreuses protéines plasmatiques et tissulaires en situation d’hyperglycémie chronique [25] dont certaines pourraient exprimer à leur surface l’antigène Ca 19-9 [24]. Ils émettent également l’hypothèse d’une augmentation de la concentration sérique de l’antigène Ca 19-9 par le biais de la stéatose hépatique fréquemment associée au diabète. Néanmoins, ces auteurs n’ont pas trouvé de corrélation positive entre taux de GGT ou de transaminases et taux sérique de Ca19-9[24].
Tous ces cas particuliers montrent clairement que le dosage du taux sérique de Ca 19-9 n’a ni une spécificité d’organe ni même une spécificité vis-à-vis d’une affection maligne. De plus, les situations provoquant des faux positifs sont particulièrement gênantes puisqu’il s’agit de conditions où le diagnostic d’adénocarcinome pancréatique peut être suspecté (diabète, cholestase, pancréatite chronique).
Le dosage du Ca 19-9 est-il sensible et utile au dépistage de l’adénocarcinome pancréatique ?
De nombreux travaux ont été consacrés à ce sujet. La sensibilité du Ca 19-9 dépend, comme dans tous les cas, de la taille de la tumeur. Pour des tumeurs de diamètre inférieur à 2 cm, la sensibilité est de 10 à 63%. Pour un diamètre tumoral allant jusqu’à 3 cm, la sensibilité est en moyenne de 45% avec des extrêmes atteignant 78%. Au-delà de ce seuil, la sensibilité dépasse 70% et atteint souvent 90% [26-32]. La sensibilité du dosage du Ca 19-9 est de 66% pour une tumeur stade I de l’UICC [33]. La sensibilité va de 38 à 63% et de 78% à 89% pour respectivement les tumeurs T1 et T2 [34]. Une autre étude a montré que le Ca 19-9 était anormal chez 50% des malades ayant une maladie non métastatique [35]. Ainsi, pour des tumeurs opérables dont seul le dépistage est intéressant, le dosage du Ca 19-9 est à peu près équivalent au tirage au sort avec une pièce de monnaie!!
Le dépistage de l’adénocarcinome est difficile en raison de la difficulté de définir un groupe à risque. Sa prévalence dans la population générale de plus de 50 ans est estimée à 0,05% aux Etats-Unis [36]. Plus de 80% des cas sont diagnostiqués entre 60 et 80ans [37, 38]. Le risque d’en être atteint tout au long de sa vie est de 1% [39]. Compte tenu de l’épidémiologie de cette tumeur et de la médiocre sensibilité du dosage du Ca 19-9, la valeur prédictive positive au seuil de 37, 100, 300 voire 1000 UI/mL serait respectivement de 0,04, 0,35, 0,5 et 2% [14]. Dans un travail plus récent ayant porté sur 5343 malades asymptomatiques à Taiwan, le Ca 19-9 était élevé au-dessus de la normale chez 385 dont deux seulement avaient un adénocarcinome pancréatique. La valeur prédictive positive était de 0,5%[40]. Une autre étude de même nature a trouvé une valeur prédictive positive de 0,9% chez 71000 sujets asymptomatiques en Corée [41]. Ces chiffres montrent que le dépistage de l’adénocarcinome pancréatique dans la population générale n’est pas un problème de santé publique et surtout que le rapport coût / efficacité du dépistage par le dosage du Ca 19-9 est très défavorable. Il faudrait faire 100000 dosages pour 40 diagnostics corrects ce qui provoquerait 10000faux positifs. A ces chiffres déjà convaincants, il faut encore ajouter que parmi les 40 diagnostics corrects, rien ne garantit que la tumeur serait découverte à un stade curable. Enfin, le coût et le risque des investigations dans le groupe des faux positifs dépasseraient largement les hypothétiques bénéfices.
Cette démonstration a pour but de démontrer l’inutilité des dosages de ce marqueur faits dans un but de «débrouillage» devant des symptômes atypiques ou, pire encore, de check-up de la cinquantaine.
Pour améliorer les performances d’un dépistage, on peut aussi tenter de mieux définir la population sur laquelle il s’exerce et de déterminer des groupes à haut risque. Peu de facteurs de risque ont été identifiés. Parmi les facteurs exogènes, seul le tabagisme joue un rôle important. On considère qu’il est responsable de la survenue d’un tiers des adénocarcinomes pancréatiques. Le risque relatif chez les fumeurs est entre 1,7 et 3,8 [42]. Le doublement de la fréquence de l’adénocarcinome pancréatique dans la population des fumeurs n’aboutit pas à un chiffre absolu élevé. De ce fait, même dans la population de fumeurs, le dépistage systématique de l’adénocarcinome pancréatique ne serait pas opérant et le dosage systématique du Ca 19-9 n’est pas plus indiqué.
Le diabète est un facteur de risque. Deux études récentes ont montré que la fréquence de l’adénocarcinome dans la population de malades de plus de 50 ans ayant un diabète d’apparition récente était de 0,85% dans les 3 ans suivant le diagnostic de diabète pour l’une et 0,41% dans la seconde [43, 44]. Un nouvel adénocarcinome était diagnostiqué chez 332 nouveaux diabétiques sur une période de six ans!! [44]. Ces chiffres sont assez parlant pour démontrer qu’un dépistage dans ce groupe à risque n’a pas de sens et qu’ici encore, le Ca 19-9 ne peut être d’aucune utilité.
Dans certains autres groupes rappelés dans le tableau I, la fréquence de l’adénocarcinome pancréatique peut atteindre un niveau important. Néanmoins, même dans ces groupes, aucune étude ne permet de dire que le dosage systématique du Ca 19-9 (et à quelle fréquence?) permettrait de dépister l’adénocarcinome pancréatique à un stade utile, c’est-à-dire à un stade opérable. Ceci est d’autant plus vrai en cas de pancréatite chronique, quelle que soit sa cause, dans la mesure où, d’une part, c’est une circonstance connue de faux positifs du dosage (cf. supra), d’autre part, le diagnostic de dégénérescence y est particulièrement difficile [45].
Même dans ces populations à risque élevé, il n’y a aucune justification à la réalisation de dosage itératif du Ca 19-9 à visée de dépistage.
TABLEAU I
AFFECTIONS ASSOCIÉES À UNE FRÉQUENCE ÉLEVÉE D’ADÉNOCARCINOME PANCRÉATIQUE
Fréquence de l’adénocarcinome pancréatique |
|
Formes familiales d’adénocarcinome pancréatique |
~ 50 % |
Mutation du gène BRCA2 | 7% à 70 ans [67] |
FAMMM syndrome | Second cancer par ordre de fréquence. Fréquence absolue non connue |
Syndrome de Peutz Jeghers | 4/31 [68] |
Heriditary non polyposis colorectal cancer | Rare mais plus fréquent que dans la population générale |
Syndrome d’ataxie télangiectasie | Risque relatif doublé [69] |
Pancréatite chronique alcoolique | 1,1% après 9 ans de suivi [22] |
Pancréatite chronique héréditaire | >50% à 60 ans [70-72] |
Tumeur intra-canalaire papillaire et mucineuse | 15% (canaux secondaires exclusifs) – 63% (atteinte du canal pancréatique principal) 5 ans après le 1er symptôme [73] |
Le taux du Ca 19-9 a-t-il une valeur pronostique ?
» Résécabilité
Plusieurs travaux ont été consacrés à ce sujet. Parmi 49 malades ayant une tumeur résécable, 6% avaient un taux de Ca 19-9 supérieur à 1000 UI/mL alors que 38% des malades ayant une tumeur non résécable avaient un taux dépassant ce seuil. 97% des malades dépassant ce seuil avait une tumeur non résécable [14]. Le seuil de 300UI/mL pourrait permettre de discriminer les tumeurs non résécables mais avec des performances moins bonnes que le seuil de 1000 UI/mL. 72% des malades dépassant ce seuil ont une tumeur non résécable, y compris si le bilan radiologique (non optimal) conclut à la résécabilité [46]. A partir d’une série de 89malades ayant une tumeur jugée résécable sur le bilan préopératoire (dont 40 ont été effectivement réséquées), un taux supérieur à 150 UI/mL permettait de prédire la non résécabilité dans 88% des cas [47]. Une autre étude a montré que 18% des malades ayant un taux de Ca 19-9 supérieur à 400 UI/mL avaient en fait une tumeur résécable [48].
Toutes ces études citées ici de façon non exhaustive ne comparent pas l’utilité du dosage de ce marqueur par rapport aux techniques modernes d’imagerie que sont la scanographie multibarette ou l’échoendoscopie. Si un chirurgien décidait de ne pas opérer un malade sur le seul résultat d’un dosage de ce marqueur, il se tromperait dans un cas sur cinq.
» Pronostic post-opératoire
Le taux de Ca 19-9 préopératoire est corrélé au pronostic post-opératoire. La médiane de survie post-opératoire est de 13 mois si le taux de Ca 19-9 est inférieur à 10 fois la normale versus 7 mois si ce seuil est dépassé [49]. D’autres travaux ont montré que le taux du Ca 19-9 est un facteur pronostique indépendant de la taille de la tumeur et de son grade histologique[48, 50].
Le taux du Ca 19-9 post-opératoire est aussi un indicateur de la durée de survie. En cas de normalisation, la durée de survie post-opératoire (médiane ou moyenne selon les études) va de 17 à 22 mois alors qu’elle est de 5 à 9 mois en cas d’élévation persistante [50-53].
S’il est régulièrement dosé en post opératoire, l’élévation du taux de Ca 19-9 précède de 1 à 20 mois le diagnostic radiologique d’une récidive [48, 50-53]. Cependant, aucune étude n’a montré que le monitorage du Ca 19-9 avait un effet quelconque sur la survie.
Il n’est pas souhaitable de décider de débuter ou de reprendre une chimiothérapie postopératoire sur la seule constatation d’une élévation de ce marqueur en l’absence de «cible tumorale» radiologique dûment authentifiée.
» Pronostic des malades ayant une tumeur non résécable
Chez les malades traités par radiochimiothérapie, les variations des taux pré- et post-thérapeutiques du Ca 19-9 sont corrélées à la survie [54-56]. A des seuils allant de 420 à 1000 UI/mL, la survie va de 7-8 mois à 10-20 mois chez les malades ayant un taux respectivement au-dessus ou en dessous de ces seuils [54-56].
Dans les séries de malades traités par chimiothérapie, le taux pré-thérapeutique de Ca 19-9 est corrélé à la survie mais avec des valeurs seuils très variées dans la littérature (200 à 1212UI/mL) [57-59].
La réponse biochimique (baisse du taux de Ca 19-9 sous chimiothérapie) est corrélée à la survie. Cependant, la réponse biochimique est définie de façon variée allant d’une diminution de plus de 15% à plus de 75%. Chez les non répondeurs biochimiques, la survie va de 3 à 8 mois alors qu’elle est de 5 à 14 mois chez les répondeurs, la différence étant significative dans la plupart des études consacrées à ce sujet [58, 60-65]. Malgré ces «performances», le rôle du monitorage du dosage du Ca 19-9 dans le suivi d’une chimiothérapie reste peu clair. La plupart du temps, la réponse biochimique accompagne une réponse objective radiologique ainsi qu’une réponse clinique. Chez les malades dont la tumeur est stable ou progresse, les informations supplémentaires apportées par le dosage du Ca 19-9 sont bien minces et il est rare (voire non souhaitable) que les décisions d’une réunion multidisciplinaire reposent uniquement sur la cinétique du Ca 19-9. Ce dosage ne doit rester qu’un des outils de jugement loin derrière les critères radiologiques et cliniques.
Le dosage du Ca 19-9 a-t-il un avenir ?
Toutes les données exposées dans ce texte montre que l’intérêt du dosage du Ca 19-9 est faible que ce soit en termes d’aide au diagnostic positif ou différentiel ou encore de dépistage. La problématique du dépistage de l’adénocarcinome pancréatique est encore majorée par la difficulté de définir des groupes à risque élevé dans lequel ce dépistage pourrait avoir une rentabilité non seulement en termes de diagnostic mais aussi de gain de survie. L’intérêt est évidemment soit de dépister des lésions précancéreuses soit des tumeurs à un stade où elles sont encore curables, c’est-à-dire opérables.
Pour l’aide à l’établissement du pronostic ou comme co-variable de stratification dans des protocoles, le Ca 19-9 a peut-être un petit rôle à jouer. Encore faudrait il que les seuils pronostiques soient établis de façon indiscutable et deviennent communs à tous les travaux et que la définition d’une réponse biochimique fasse aussi l’objet d’un consensus à l’instar des critères de bénéfice clinique et de réponse radiologique.
A l’heure où les économies de dépense de santé doivent être faites dans tous les domaines, une réduction drastique du nombre de ces dosages semblerait la meilleure réponse. Rappelons en guise de conclusion que le simple encadrement des prescriptions de dosage de marqueurs tumoraux par une aide à la justification de ceux-ci a permis une réduction de 25% du nombre de ces dosages dans un service de médecine interne et de 55% au niveau de l’hôpital Cochin. Le taux de prescriptions considérées comme justifiées (le bon marqueur pour le bon organe) est passé de 55 à 74% [66].
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