Laparoscopie et cancer colorectal

Ce travail a pour base une analyse de la littérature réalisée en 2006 par la commission d’évaluation de la Société Française de Chirurgie Digestive (SFCD), actualisée pour cette session de FMC.

Une recherche bibliographique a été faite dans trois bases de données (Medline, Embase et Cochrane Library) sur la période de juin 1990 à septembre 2006, en retenant comme langue de publication le français et l’anglais.
Les éditoriaux, mises au point, cas cliniques et résumés ont été exclus. Les études comparatives étaient analysées en priorité. Parmi les études comparatives, étude randomisée signifie une étude prospective avec tirage au sort et étude prospective signifie une étude avec un recueil prospectif des données mais sans tirage au sort entre les groupes. Les études randomisées ont été analysées puis à défaut, les études prospectives comparatives et enfin, les études non comparatives (prospectives et rétrospectives). Les niveaux de preuves ont été évalués selon la classification définie ci-contre (TableauI).

TABLEAU I
NIVEAUX DE PREUVES

Niveau de preuves scientifiques fourni par la littérature
Niveau 1
– essais comparatifs randomisés de forte puissance
– méta-analyse d’essais comparatifs randomisés
– analyse de décision basée sur des études bien menées
Niveau 2
– essais comparatifs randomisés de faible puissance
Niveau 3
– études comparatives contemporaines non randomisées bien menées
– études de cohorte
Niveau 4
– études cas-témoin : essais contrôlés présentant des biais
Niveau 5
– études rétrospectives
– séries de cas
– toute étude fortement biaisée

 

Introduction

La faisabilité des résections colo-rectales par cœlioscopie a été rapidement démontrée, pour des lésions bénignes mais aussi malignes. Cependant, la diffusion plus large de la cœlioscopie en chirurgie colo-rectale a été limitée par la complexité des procédures mobilisation des organes, ligatures vasculaires, risque de dissémination pariétale, nécessité d’extraction d’une pièce intacte de la cavité abdominale, reconstruction d’organes.
Pour la chirurgie du cancer s’ajoutait la difficulté d’évaluation des métastases hépatiques et de l’extension de la tumeur en raison de l’absence de possibilité de palpation complète. Mais surtout, les risques de dissémination induits par la technique dans le traitement des cancers colo-rectaux ont été suggérés par l’observation et le rapport de greffes pariétales sur les orifices de trocarts. Il a alors été recommandé de n’utiliser la cœlioscopie en chirurgie colo-rectale pour cancer que dans le cadre d’études randomisées. Depuis maintenant presque 10 ans, l’utilisation «courante» de la cœlioscopie dans le traitement du cancer colo-rectal était en attente des résultats à long terme des études randomisées afin d’apporter un niveau de preuve suffisant quant à l’efficacité, en particulier carcinologique, de cette technique.

Cancer colique

» Faisabilité

CONVERSION EN LAPAROTOMIE

Le taux de conversion «réel» est difficile à estimer car les populations peuvent être très différentes en fonction des études et il est rarement fait état d’une définition claire de la conversion. Dans une revue récente concernant la chirurgie colorectale maligne et bénigne par coelioscopie, le taux global de conversion était de 15% [1]. Parmi les études comportant plus de 200 patients [2-7], incluant des études multicentriques [8, 9], le taux de conversion était de 4 à 23%.

En séparant les études selon la localisation des cancers opérés (recto sigmoïde, côlon droit, côlon droit et gauche, côlon et rectum), il n’a pas été possible de dégager de différence dans le taux global de conversion. Cependant, lorsque plusieurs localisations étaient évaluées, au sein de certaines études, des différences de risque de conversion apparaissaient selon les localisations. Le risque de conversion était plus important au cours des résections rectales, mais aussi plus important pour les colectomies gauches que pour les colectomies droites. Ceci reflète vraisemblablement une difficulté technique plus importante, mais aussi et surtout une différence technique intrinsèque la colectomie droite est plutôt une technique cœlio-assistée alors que la quasi-totalité des temps de la colectomie gauche sont cœlioscopiques.

Certaines conditions telles que l’obésité, l’envahissement des organes adjacents semblaient majorer le risque de conversion [5, 10-12].

Conclusion

Dans le traitement cœlioscopique du cancer colo-rectal une conversion survient dans 5 à 20% des cas. L’obésité, l’envahissement tumoral local et la localisation tumorale rectale apparaissent comme des facteurs limitant la faisabilité de la cœlioscopie. L’expérience permet vraisemblablement de diminuer le risque de conversion (niveau de preuve 3).

RESPECT DES REGLES CARCINOLOGIQUES

Six études randomisées [7, 9, 11, 13-15] ont été retenues pour l’analyse de ce critère. Trois études ont évalué les marges de résection [7, 9, 13]. Une seule étude a évalué les marges distales et proximales [9]. Une autre a évalué uniquement la marge distale [7]. La troisième ne spécifiait pas s’il s’agissait de marge distale, proximale ou d’une moyenne entre les deux [13]. Il n’y avait pas de différence significative des marges dans ces 3 études. L’une des études, comportant des cancers coliques, droits, gauches et sigmoïdiens, signalait que des marges de moins de 5 cm n’étaient retrouvées que chez moins de 6% des patients, sans différence significative entre cœlioscopie et laparotomie [9].

Les six études ont évalué le nombre moyen de ganglions par pièce. Il n’y avait pas de différence ou une différence non significative selon la technique utilisée, cœlioscopie ou laparotomie. Au sein de chaque étude, les différentes localisations des cancers étaient réparties de façon comparable. Une étude rapporte un nombre moyen de ganglions par pièce élevé (23/26), bien qu’elle ait évalué des localisations diverses de cancers coliques. La différence observée avec les autres études fait suspecter une différence importante dans le mode de recherche anatomo-pathologique des ganglions [15]. Le nombre de ganglions par pièce dans les autres études était de l’ordre de 11.

Dans deux méta-analyses récentes, il n’a pas été noté de différence entre le groupe laparotomie et laparoscopie en terme de marge de résection chirurgicale et qualité du curage ganglionnaire [16, 17].

Conclusion

La qualité carcinologique de l’exérèse des cancers du côlon en terme de marges de résection et de curage ganglionnaire n’est pas différente en cœlioscopie et en laparotomie (niveau de preuve 1).

» Résultats à court terme

DOULEURS POST OPERATOIRES

Cinq études randomisées et deux méta-analyses ont été retenues pour l’analyse [7, 9, 13, 15-18]. Dans les 5 études, les douleurs post opératoires étaient moindres après cœlioscopie qu’après laparotomie, de façon significative, quels que soient le mode d’évaluation et le mode de prise en charge post opératoire. Une étude comportant une analyse multivariée (technique opératoire laparoscopie ou laparotomie, âge, genre, stade tumoral), a identifié la technique opératoire utilisée comme la variable ayant l’influence la plus importante sur les demandes d’antalgiques [18].

Conclusion

Sous réserve de protocoles d’analgésie péri opératoire non optimaux, les douleurs post opératoires sont moindres après cœlioscopie qu’après laparotomie du cancer colorectal (niveau de preuve 2). La pertinence clinique des différences observées (consommation d’antalgiques augmentée de 1 à 2 jours) est discutable.

ILEUS POST OPERATOIRE

Cinq études randomisées comparant chirurgie du cancer colorectal par cœlioscopie et laparotomie, ont évalué l’iléus post opératoire [7, 11, 14, 15, 18].

Dans les 5 études, la reprise du péristaltisme et d’une alimentation entérale était plus rapide dans le groupe de patients opérés par cœlioscopie, de façon significative, quels que soient les critères évalués et les modes de prise en charge post opératoires.

Une étude a comporté une analyse multivariée (technique opératoire, âge, genre, indice de masse corporelle, stade tumoral, type de résection), identifiant la technique opératoire utilisée (laparoscopie ou laparotomie) comme seul facteur indépendant dans la reprise du péristaltisme et la survenue de gaz. Pour le délai de survenue de la première selle, le stade tumoral était un co-facteur [18]. La durée d’intervention, toujours supérieure en cœlioscopie, ne semblait pas influencer l’iléus post opératoire.

Après respectivement cœlioscopie et laparotomie
– la reprise du péristaltisme se faisait en moyenne entre 26 à 36 heures et 38 à 55 heures (12 à 19 heures de différence en moyenne);
– la reprise du transit sous forme de gaz entre 2 à 2,4 jours et 3,1 à 3,3jours (0,7 à 1,3 jours de différence en moyenne);
– la reprise du transit sous forme de selles entre 2,9 à 4 jours et 3,8 à 4,6jours (0,6 à 0,9 jours de différence en moyenne);
– la reprise de l’alimentation entérale entre 1,6 à 2,25 jours et 2 à 3,5 jours (0,25 à 1,6 jours de différence en moyenne);
– la reprise de l’alimentation normale entre 3,3 à 4,2 jours et 4,9 à 5 jours (0,7 à 1,7 jours de différence en moyenne).

La différence semble donc peu importante, et n’influence probablement que modestement la durée d’hospitalisation. Ces résultats étaient confirmés dans les deux méta-analyses récentes[16-17].

Conclusion

L’iléus post opératoire est moins important après cœlioscopie qu’après laparotomie du cancer colorectal (niveau de preuve 1). La pertinence clinique des différences observées est discutable.

FONCTION RESPIRATOIRE POST OPERATOIRE

Deux études randomisées, de faible effectif, ont évalué la fonction respiratoire après cœlioscopie ou laparotomie du cancer colorectal [13, 19]. L’étude de moins bonne valeur méthodologique, portant sur un effectif restreint, n’a pas réussi à montrer une différence dans la réduction de la fonction respiratoire post opératoire [13]. L’auteur signalait que les résultats des tests correspondaient à ce qui est rapporté dans la littérature après laparotomie.

L’étude de meilleure valeur méthodologique, comportant plus de patients, patients plus jeunes et majoritairement des colectomies gauches, a montré que la fonction respiratoire était moins altérée après cœlioscopie qu’après laparotomie [19]. L’auteur signalait qu’une pneumopathie postopératoire survient chez environ 5% des patients après résection colorectale en laparotomie, en raison de la réduction prolongée de la fonction respiratoire induite par la laparotomie (rôle d’un dysfonctionnement du diaphragme). Après une incision médiane, la fonction respiratoire serait diminuée de 50% environ par rapport à la valeur pré opératoire, la récupération complète prendrait 7 jours ou plus, la saturation en oxygène serait diminuée durant plusieurs jours. Après cœlioscopie, la fonction respiratoire ne serait diminuée que de 35% par rapport à valeur pré opératoire, la récupération complète ne prendrait que 3 jours, la saturation en oxygène serait inchangée. Toutefois, l’impact clinique de ce bénéfice reste à évaluer.

Ces résultats étaient confirmés dans une méta-analyse qui montrait que le temps de récupération de 80% de la fonction respiratoire pré-opératoire était significativement plus court après résection colorectale laparoscopique[16].

Conclusion

La réduction de la fonction respiratoire post opératoire serait moindre après cœlioscopie qu’après laparotomie dans le cancer colorectal (niveau de preuve 2), sans impact clinique démontré.

PERTES SANGUINES

Cinq études randomisées comparant chirurgie du cancer colorectal par cœlioscopie et par laparotomie ont évalué les pertes sanguines [11, 13-15, 20].

Dans 4 études sur 5, le volume moyen des pertes sanguines a été moins important dans le groupe de patients opérés par cœlioscopie que dans celui des patients opérés par laparotomie, de façon significative. Dans la 5e étude [13], d’effectif faible et de valeur méthodologique moyenne, le volume des pertes sanguines et le nombre de transfusions peropératoires a été identique quelle que soit la technique utilisée.

Aucun auteur n’a spécifié si les pertes sanguines évaluées étaient per opératoires seulement ou bien issues des drainages post opératoires également. Aucun auteur n’a mentionné de transfusion pré ou postopératoire. Dans 3études, la survenue d’hémorragies intra péritonéales postopératoires était rapportée, dans le groupe de patients opérés par laparotomie uniquement (pour un patient dans chaque étude).

La différence de moyenne des volumes sanguins perdus était variable selon les équipes, mais relativement faible de 58 à 275 ml en cœlioscopie et de 137 à 300 ml en laparotomie. La différence entre moyenne des volumes sanguins perdus en cœlioscopie et laparotomie était peu importante, de 25 à 136 ml selon les études. La méta-analyse de Tjandra [17] confirmait une perte sanguine pondérée, moindre de 100 ml lors de la cœlioscopie. L’impact de telles différences est faible. C’est la perte sanguine individuelle de chaque patient, quelle que soit la technique, qui a probablement un rôle sur la morbidité et les suites opératoires.

Enfin, l’analyse des 5 études randomisées ne rendait pas compte d’une variation éventuelle dans les pertes sanguines selon la localisation des cancers ou le type de résection effectué.

Conclusion

Les pertes sanguines sont moins importantes en cœlioscopie qu’en laparotomie du cancer colorectal, mais le critère de jugement clinique réellement pertinent (recours aux transfusions) n’a pas été évalué.

DUREE D’HOSPITALISATION

Dans 4 études [7, 11, 14, 19] comportant plus de 100 patients, la durée d’hospitalisation était significativement plus courte après cœlioscopie qu’après laparotomie. Il est possible que la durée plus longue d’hospitalisation après laparotomie soit liée en partie à l’iléus post opératoire et aux douleurs post opératoires, mais surtout à la morbidité globale, moins importante pour les patients opérés par cœlioscopie dans les études qui l’évaluaient [11, 14, 19].

Les durées d’hospitalisation moyennes étaient de 4,6 à 10,1 jours en cœlioscopie, et de 6 à 12,7 jours en laparotomie. La différence entre la durée moyenne d’hospitalisation en cœlioscopie et en laparotomie allait de 0,5jours à 5,6 jours. Cette différence était de un jour au plus dans les 2études comportant plus de 400 patients.
Il n’était pas possible à partir de l’analyse des études randomisées de dégager une différence selon la localisation des cancers ou le type d’intervention (côlon seul/côlon et rectum).

Plus intéressante est l’étude de King[21] qui comparait la durée d’hospitalisation après cœlioscopie vs laparotomie dans le cadre d’un programme optimisé de prise en charge périopératoire. La durée d’hospitalisation et le taux de réadmission après coelioscopie étaient réduits d’un tiers par rapport à la laparotomie.

Conclusion

L’hospitalisation semble plus courte (0,5 à 5,6 jours) après cœlioscopie qu’après laparotomie (niveau de preuve 2).

DUREE D’INTERVENTION

Dans 12 études randomisées provenant d’équipes expérimentées, la durée d’intervention a été plus longue en cœlioscopie qu’en laparotomie, de façon significative dans 10 études, de bonne valeur méthodologique. Les durées d’intervention moyennes étaient de 88 à 275 minutes en cœlioscopie, et de 70 à 188 minutes en laparotomie. La méta-analyse de Tjandra retrouvait une augmentation pondérée de durée d’intervention de 40 minutes en coelioscopie, par rapport à la laparotomie[17]. Enfin, une différence significative de durée d’intervention entre cœlioscopie et laparotomie existait même si les interventions converties en laparotomie étaient exclues.

Conclusion

L’intervention est plus longue (40min de plus environ) en cœlioscopie qu’en laparotomie (niveau de preuve 1).

MORTALITE PERIOPERATOIRE

Dans les 3 études randomisées [7, 9, 14], la mortalité périopératoire n’était pas différente après laparotomie et cœlioscopie. Elle variait entre 0,6 et 3% après cœlioscopie, comme après laparotomie.
Parmi les causes de mortalité périopératoire, les auteurs rapportent après cœlioscopie comme après laparotomie principalement, des causes générales cardiaques (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque) et cardio-pulmonaires (embolie pulmonaire), neurologiques (AVC). Certains auteurs rapportent des décès liés à l’acte chirurgical (fistules anastomotiques, péritonites postopératoires et sepsis) après cœlioscopie mais aussi après laparotomie. La méta-analyse de Tjandra [17] retrouvait un taux plus faible de mortalité après cœlioscopie.

Conclusion

Malgré la faiblesse des effectifs, il semble que la mortalité péri-opératoire des résections coliques ne soit pas influencée par le type de la voie d’abord (niveau de preuve 2).

MORBIDITE POST OPERATOIRE

Six études randomisées ont comparé le taux global de morbidité. Pour 5études, il n’était pas significativement différent avec des taux de 4 à 30% pour la coelioscopie comparés à des taux de 19 à 34% pour la laparotomie [7, 9, 15, 19, 22]. Il était significativement supérieur pour la laparotomie dans une étude randomisée (12 vs 34%; p < 0,05) avec un taux d’abcès de paroi après laparotomie anormalement élevé (17%) [14]. Deux études comparant le nombre de complications peropératoires n’ont pas montré de différence.

Conclusion

Il n’y a pas de différence entre cœlioscopie et laparotomie dans les taux de morbidité postopératoires (niveau de preuve 1).

» Résultats oncologiques

Survie et récidives, correspondant aux critères principaux d’efficacité retenus pour l’évaluation de la cœlioscopie dans le cancer colo-rectal, n’ont été pris en compte que dans 3 études randomisées [7, 9, 14]. Ces études n’évaluaient que des patients atteints de cancers coliques.

CRITIQUES GENERALES

La valeur méthodologique globale est très bonne pour une étude [7], bonne pour les 2 autres [9, 14]. Mais d’une part, chacune d’elles comporte des insuffisances méthodologiques et d’autre part, l’analyse globale se heurte à des différences importantes entre les 3 études.

• Insuffisances méthodologiques des 3 études

Dans l’étude de Leung [7], l’hypothèse statistique de supériorité de 15% paraît peu réaliste cliniquement, mais une hypothèse plus réaliste (de l’ordre de 5%) aurait conduit à un effectif bien plus important. Elle souffre donc d’un manque de puissance.

Dans l’étude de Lacy [14], l’hypothèse testée (supériorité) ne correspond pas à l’hypothèse fixée a priori (non infériorité ou équivalence). Les conclusions des auteurs ne sont donc pas valides on ne peut conclure à la supériorité de la cœlioscopie. De plus, le seuil de non infériorité de 15% est excessif. Les résultats de l’essai permettent seulement de conclure que la cœlioscopie est significativement équivalente à 15% près à la laparotomie. La proportion de patients recevant une chimiothérapie était plus importante dans le groupe de patients opérés par cœlioscopie, cette différence n’a pas été testée, et a été prise en compte de façon inadaptée dans l’analyse. De plus, elle pourrait en partie expliquer la différence rapportée par l’auteur en termes de survie et récidives, liées aux stades III.

Dans l’étude COST [9], le report des données statistiques est inhabituel et confus. Plusieurs interprétations des hypothèses sont possibles. Il s’agirait d’une étude d’équivalence ou de non infériorité avec un seuil de 5%. Le choix d’un risque de première espèce alpha de 9% est discutable. L’évaluation à 3 ans est insuffisante.
Les résultats sont présentés de manière confuse et incomplète (données non présentées, non précisées), avec là encore plusieurs conclusions possibles.

Enfin, aucune donnée chiffrée ne précisait le recours à la chimiothérapie adjuvante.

• Difficultés d’analyse globale

Seule l’étude COST [9] était multicentrique.

Les critères principaux d’évaluation étaient différents selon les études (survie globale, survie «liée au cancer», délai avant récidive), les hypothèses de départ (supériorité ou équivalence) et les principes d’analyse aussi.
Les localisations des cancers étaient différentes selon les études (rectosigmoïde pour Leung [7], côlon droit majoritairement pour l’étude COST [9], côlon gauche majoritairement pour Lacy [14], pas de côlon transverse dans aucune des études).

Pour l’étude de Leung [7], la définition de cancer du «rectosigmoïde» est peu claire. On remarque qu’il y a beaucoup plus de radiothérapie périopératoire dans le groupe laparotomie et on peut donc s’interroger sur le caractère comparable des deux groupes (localisations plus basses dans le groupe laparotomie qui serait alors défavorisé).

Pour l’étude de Lacy [14], on peut s’interroger sur la qualité du geste chirurgical en laparotomie, du fait de l’observation de pertes sanguines plus importantes, d’infections de paroi plus fréquentes et de récidives loco-régionales plus nombreuses dans ce groupe. Cette différence pourrait favoriser le résultat de non infériorité pour le critère principal.

Dans les 3 études, les données de survie observées étaient supérieures aux taux de référence des hypothèses de départ (par exemple 72,9% et 60% dans l’étude de Leung [7]). L’absence de données comparables en termes de populations (localisations, stades et traitements adjuvants), de période d’étude et de durée de suivi ne permet pas de vérifier l’éventuel biais de sélection des populations des 3 études.

SURVIE ET RECIDIVES

Le taux global de récidives n’était pas différent selon la technique opératoire dans 2 études [7, 9]. Dans la 3e étude, le risque de récidive était plus important après laparotomie [14].

La probabilité de survie globale et sans récidive n’était pas différente après laparotomie et cœlioscopie dans
2études, à 3 et 5 ans [7, 9], tous stades confondus. Dans la 3e étude, la probabilité de survie globale était identique, mais la probabilité de survie sans récidive était plus importante après cœlioscopie [14] principalement pour les stades C.

Enfin, une méta-analyse récente [23] qui s’est intéressé aux résultats oncologiques à long terme n’a pas retrouvé de différence entre ces deux voies d’abord.

Conclusion

Les études randomisées comparant cœlioscopie et laparotomie dans le traitement du cancer du côlon ont montré l’absence de différence en terme de survie et de récidives à 4ans (niveau de preuve 1).

Toutefois, la sélection des patients, et la pratique par des chirurgiens expérimentés dans les 2 études monocentriques et dans l’étude multicentrique, limitent l’extrapolation de ces conclusions à la pratique courante. L’absence d’analyse en sous groupe côlon droit / côlon gauche et l’exclusion des tumeurs transverses ne permet pas de faire une conclusion formelle selon le segment colique intéressé (niveau de preuve 2).

Cancer du rectum

Pour évaluer l’utilisation de la cœlioscopie dans le cancer rectal, seules d’autres études, n’incluant que des cancers du rectum ont été sélectionnées pour l’analyse.

Il n’y avait aucune étude randomisée, et 12 études ont été retenues 5 études comparatives, prospectives ou rétrospectives et 7 études non comparatives, prospectives ou rétrospectives.

Enfin, une méta-analyse récente reprenait 20 études et 2000 patients [24] mais globalement, n’apportait pas d’éléments supplémentaires.

Les effectifs étaient globalement faibles moins de 100 patients sauf dans 3 études. Tous les cancers étaient «rectaux», à moins de 15 cm. Il existait, pour presque toutes les études, des biais méthodologiques ou des présentations incomplètes des résultats. Les critères d’exclusion, rapportés dans 5études seulement, étaient très variables. Les classifications utilisées étaient aussi variables Dukes, Astler Coller, TNM ou UICC. La durée moyenne de suivi des patients (rapportée dans 10études) était faible, toujours inférieure à 30 mois. La proportion de patients réellement suivis n’était pas toujours indiquée. L’utilisation d’un traitement complémentaire (rapportée dans 6 études) était variable en type et proportion de patients concernés. Enfin et surtout, la population du groupe cœlioscopie des études comparatives était très sélectionnée, avec un déséquilibre important des effectifs.

Parmi les 5 études comparatives, 4 ne comportaient qu’un seul type de technique, l’amputation abdomino-périnéale (AAP) et une étude comportait différents types d’intervention (résection antérieure, Hartmann et AAP).

Parmi les 5 études non comparatives, 2 études comportaient des AAP et des résections antérieures (RA), et 3 étaient des études de faisabilité cœlioscopique d’exérèse totale du mésorectum (ETM), avec préservation sphinctérienne. Il semble donc que l’intervention la plus pratiquée dans les cancers rectaux en coelioscopie soit l’AAP.

L’analyse a donc été effectuée en 2parties résultats de l’AAP par cœlioscopie et faisabilité des résections rectales avec exérèse totale du mésorectum (ETM) et préservation sphinctérienne.

» Amputation abdomino périnéale par cœlioscopie

Quatre études comparatives et 2 non comparatives ont été retenues pour l’analyse [20, 25-29].
Le taux de conversion a été de 4 à 25% selon les études. Les principales causes de conversion étaient la survenue d’une hémorragie pré-sacrée, un volume tumoral important ou un envahissement local. Dans la plupart des études, les critères d’exclusion n’étaient pas précisés. La mortalité périopératoire était inférieure à 3.5%, comparable à celle des AAP par laparotomie. Le taux de morbidité globale (3 études) variait de 22 à 48%, vraisemblablement inférieur à celui de la laparotomie. Un défaut de cicatrisation périnéale ou un abcès périnéal survenait chez 4 à 28% des patients, avec un taux inférieur à la laparotomie (3 études, différence non significative pour 2). La durée de l’intervention était toujours supérieure à 200 minutes, probablement supérieure à celle de la même intervention en laparotomie (différence significative dans 2 études, pas de différence dans une étude). La durée moyenne de l’hospitalisation variait de 8 à 16 jours.

La qualité carcinologique de la résection était appréciée de façon variable (nombre de ganglions réséqués et/ou longueur de segment digestif réséqué et/ou marges de résection distale et/ou latérale et/ou envahissement des marges). Elle n’était pas différente de celle de la laparotomie. Cependant, sur 5 études, le nombre moyen de ganglions réséqués variait de 5 à 30 selon les études. Finalement, aucune ne précisait si la résection était microscopiquement complète ou non (R0 vs R1).

En dehors d’une étude où il atteignait 33%, le taux de récidive locale variait de 3,75 à 9%, mais il s’agissait d’un taux «brut» (nombre de récidives/nombre de patients). Ce défaut d’analyse ne permet pas de conclusion sur la récidive locale d’autant plus que la durée de suivi était en moyenne inférieure à 30 mois.

Une estimation globale de la survie à partir des différentes études n’était pas possible en raison des différences trop importantes de stades tumoraux, traitements adjuvants, suivis et mode d’évaluation entre les études.

» Résection rectale avec conservation sphinctérienne en cœlioscopie

Les résultats de 5 études non comparatives [30, 34] démontraient la faisabilité des résections rectales avec ETM et préservation sphinctérienne par cœlioscopie. Certaines équipes entraînées sont capables de réaliser par cœlioscopie une exérèse carcinologique satisfaisante, avec un taux de préservation sphinctérienne et nerveuse satisfaisant. Cependant, seuls Quah [35] a réalisé une étude comparative en analysant les séquelles génito-urinaires après ETM par laparoscopie comparée à l’ETM par laparotomie mais les effectifs étaient faibles dans chaque groupe (40 patients). Il n’y avait pas de différence concernant la fonction urinaire. En revanche, les séquelles sexuelles étaient significativement plus importantes dans le groupe de patients traités par laparoscopie (49% vs 4%).

Par ailleurs, il n’y a pas eu de réelle étude de qualité d’exérèse carcinologique et aucune conclusion concernant le suivi à long terme ne peut être donnée.

Conclusion

L’intervention la plus couramment effectuée en cœlioscopie pour les cancers du rectum est l’AAP. Les résultats des études comparatives ne permettent que de confirmer la faisabilité de cette intervention. Les résultats à long terme (survie et récidives) restent à évaluer (NP3).

Pour les résections rectales avec conservation sphinctérienne, des données complémentaires sont nécessaires, y compris sur la faisabilité (NP3).

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1. Alves A, Berdah S, Kianmanesh R, Laurent C, Mabrut JY, Mariette C, Meurette G, Peschaud F, Pirro N, Veyrie N, Slim K (président).