Les tumeurs sous-muqueuses gastriques (Classification, diagnostics et examens complémentaires, traitements)

Introduction

Les tumeurs sous-muqueuses gastriques sont découvertes dans la majorité des cas lors d’un examen endoscopique de l’estomac qui permet d’observer une masse à développement sous muqueux avec ou sans atteinte de la muqueuse.

Pendant de nombreuses années, deux diagnostics principaux étaient évoqués les leïomyomes dont le potentiel évolutif était incertain et les schwannomes d’évolution en règle générale bénigne.

L’identification de l’oncogène KIT a conduit à l’élaboration d’une nouvelle classification des tumeurs mésenchymateuses du tube digestif [1]. Ces tumeurs conjonctives ou mésenchymateuses, dont les tumeurs stromales (ou GIST) sont les plus fréquentes, regroupent également les leïomyomes, les schwannomes, et d’autres diagnostics plus rares. D’autres lésions non mésenchymateuses doivent être évoquées lors du bilan étiologique d’une tumeur sous-muqueuse gastrique comme les tumeurs carcinoïdes, le pancréas aberrant, la duplication gastrique, le lymphome…

La diversité des diagnostics pouvant être obtenus après un diagnostic endoscopique ou radiologique de tumeur sous-muqueuse gastrique impose la réalisation d’un bilan étiologique minimal avec en première intention l’échoendoscopie, afin d’éliminer une compression extrinsèque et de préciser le diagnostic et d’adapter au mieux le traitement pour chaque patient.

Classification

Les tumeurs sous-muqueuses gastriques regroupent des tumeurs que l’on peut classer en tumeurs mésenchymateuses ou non mésenchymateuses, bénignes ou malignes.

La nouvelle classification des tumeurs mésenchymateuses proposée par l’OMS en 2000 [1] est une classification anatomopathologique qui repose sur une description morphologique des tissus et l’immunohistochimie (Tableau I).

TABLEAU I
TUMEURS MÉSENCHYMATEUSES DE L’ESTOMAC [1, 2, 3]

Tumeurs stromales (GIST) Issues des cellules de Cajals (pace maker digestif), ce sont des
tumeurs à cellules fusiformes ou épithélioïdes ; en immunohistochimie,
elles sont habituellement positives pour c-kit (90 %), CD34 (70 à 80 %), SMA (smooth muscle actin) (30 à
40 %), et négative pour la desmine et la protéine S-100
(<5 %).
Gastrointestinal autonomic nerve tumour (GANT) Elles appartenaient à la classification de l’OMS en 2000 mais
il s’agit de variantes de tumeurs stromales typiques.
Leïomyomes et leïomyosarcomes Tumeurs paucicellulaires à cellules fusiformes habituellement
positives pour l’actine (SMA), la desmine, la h-caldesmone
et négatives pour le c-kit et le CD-34.
Schwannomes Tumeurs à zones fusocellulaires entourées d’une couronne
lymphoïde positives pour la protéine S-100 et négatives pour
c-kit, et le SMA et la desmine.
Tumeurs glomiques Tumeurs vasculaires avec en immunohistochimie une positivité
pour la h-caldesmone, le SMA et les protéines membranaires
comme la laminine et le collagène de type IV. Le CD-34 et le
c-kit sont habituellement négatifs.
Lipomes Tumeurs à cellules adipeuses matures
Tumeur à cellules granuleuses Tumeurs à cellules fusiformes ou polygonales compactes
avec en immunohistochimie une positivité pour la protéine
S-100.
Kaposi Tumeurs vasculaires survenant dans un contexte d’immunodéficience

Parmi les tumeurs mésenchymateuses, on peut ajouter pour les tumeurs bénignes pouvant être observées au niveau gastrique, les polypes fibroïdes inflammatoires et les tumeurs myofibroblastiques inflammatoires (CD-34 positif pour le premier et négatif pour le deuxième et c-kit négatif pour les deux) [2].

Les tumeurs non mésenchymateuses malignes de l’estomac susceptibles de prendre l’aspect d’une tumeur sous-muqueuse gastrique comportent [2, 4, 5, 6] :

– les carcinoïdes de type I (associées à une gastrite chronique atrophique), II (associées à la néoplasie endocrinienne multiple avec syndrome de Zollinger Ellison) ou III (sporadique) [4]. Les deux premières sont associées à une hypergastrinémie alors que le type III apparaît en l’absence de gastrite chronique atrophique et d’hypergastrinémie;

– les lymphomes du MALT ou les lymphomes à grande cellules bien que l’aspect endoscopique de tumeur sous-muqueuse ne soit pas fréquent pour ces tumeurs plus volontiers diffuses (gastrite à gros plis) dans les lymphomes à grandes cellules, ou révélées par des érosions, ou des ulcérations pour le lymphome du MALT [5];

– les métastases gastriques peuvent poser un problème de diagnostic différentiel avec les GIST principalement pour les métastases de mélanome [6] ou de rein. L’aspect histologique de ces métastases est proche de celui des GIST et elles peuvent également exprimer le c-kit (les métastases de cancer du sein, de l’utérus, du poumon, du rein et de la vessie peuvent également exprimer le c-kit). La forte positivité pour la protéine S-100 doit faire évoquer le diagnostic de métastases gastriques de mélanome et demander les autres marqueurs immunohistochimiques du mélanome.

La principale tumeur non mésenchymateuse bénigne d’allure sous-muqueuse en endoscopie est le pancréas aberrant.

La duplication gastrique ainsi que les lésions infectieuses (abcès, tuberculose) constitue des diagnostics différentiels rares des tumeurs sous-muqueuses gastriques.

Classification spécifique des GIST

Le profil évolutif très variable des GIST a conduit à une classification histopronostique basée sur la taille de la tumeur et l’index mitotique [7].

Incidence spécifique

L’incidence globale des ces tumeurs sous-muqueuses gastriques est difficile à estimer. En effet, certaines lésions telles que les lipomes et les pancréas aberrants ne justifiant d’aucun traitement, ne sont pas répertoriées dans les séries chirurgicales ou anatomopathologiques.

Quelques études rétrospectives sont disponibles pour connaître l’incidence globale des tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes. Ces études ont permis de calculer les incidences et prévalences des GIST après avoir reclassé les tumeurs conjonctives grâce au marqueur c-kit et d’autres marqueurs immunohistochimiques (CD 34, desmine, caldesmone, SMA, protéine S-100, ki-67). En Suède [8], l’incidence annuelle des GIST a été évaluée à 14,5 par million d’habitants avec une incidence annuelle stable sur la période et la population étudiées (après reclassement de toutes les tumeurs mésenchymateuses diagnostiquées entre 1983 et 2000). La prévalence des GIST au niveau de la même population était de 129 par million d’habitants. Toujours dans la même étude, la prévalence des tumeurs de très faible risque, faible risque, risque intermédiaire, risque élevé et GIST malignes étaient respectivement de 22,2, 51,9, 24,2, 22,2, et 8,7 par million d’habitants. En France[9], avec une incidence de 7,8tumeurs stromales par million d’habitants, de nombreux cas échappent vraisemblablement aux enquêtes épidémiologiques qui ne recensent que les tumeurs opérées.

Les GIST représenteraient 80% des tumeurs mésenchymateuses du tube digestif. Leur localisation la plus fréquente est l’estomac (50 à 70% des GIST) mais la proportion de GIST malignes au niveau de l’estomac est inférieure à celle observée dans les autres localisations puisque 20 à 30% seulement des GIST gastriques seraient malignes [10]. Les GIST représentent seulement 2,2% des tumeurs malignes gastriques [11].

Les tumeurs neuroendocrines gastriques sont également vraisemblablement sous estimées. Leur incidence annuelle serait de 0,2/100000 avec une majorité de tumeurs carcinoïdes [12]. Les types I sont les plus fréquents avec une incidence relative de 70 à 85% alors que les types II sont rares. Les types III, qui doivent être reconnus en raison de leur malignité (contrairement aux types I et II habituellement bénins) ont une incidence relative de 13 à 20%.

Les pancréas aberrants ont pour localisation préférentielle l’estomac (60% des lésions opérées). La dégénérescence est rare voire exceptionnelle [13].

Les autres tumeurs mésenchymateuses ainsi que les duplications gastriques ont fait l’objet de publications de cas isolés ou de courtes séries ne permettant pas de préciser l’incidence probablement très faible de ces tumeurs.

Place des différents examens paracliniques dans la démarche diagnostique

Les examens endoscopiques, radiologiques et cytologiques interviennent successivement dans le diagnostic étiologique des tumeurs sous-muqueuses gastriques. L’objectif de ce bilan est de préciser le diagnostic car la prise en charge de ces tumeurs va de la simple surveillance (léïomyomes) à la résection carcinologique avec curage ganglionnaire (carcinoïdes de type III) en passant par la chimiothérapie (lymphome).

La gastroscopie est très souvent le premier examen réalisé. Elle est motivée par un symptôme lié à la tumeur sous-muqueuse comme une hémorragie digestive, des vomissements, des douleurs abdominales, ou par un motif indépendant avec découverte fortuite de cette lésion.

Elle renseigne sur la localisation de la lésion au niveau gastrique. En cas de lésion antrale, le diagnostic de pancréas aberrant est possible alors qu’il est improbable dans les autres segments de l’estomac. La gastroscopie permet en outre de préciser le caractère uniloculaire ou multifocal (carcinoïdes) des lésions sous-muqueuses. L’estimation de la taille est insuffisante car les tumeurs sous-muqueuses peuvent avoir un développement plus important sur le versant péritonéal.

En endoscopie, les tumeurs sous-muqueuses peuvent être ulcérées (schwannome, léïomyome, tumeur stromale mais aussi lipome), ou être ombiliquées (pancréas aberrant).

Les biopsies endoscopiques sont le plus souvent non contributives mais devront toujours être réalisées (informatives en cas de lésion carcinoïde ou de lésion ulcérée) sauf lorsqu’une lésion vasculaire est suspectée (varices). Des biopsies en zone non tumorale (2 antrales et 4 fundiques) permettent d’apprécier la présence ou l’absence de gastrite atrophique en cas de tumeur carcinoïde.
L’échoendoscopie permet d’orienter le diagnostic.

Elle confirme le caractère intrapariétal de la lésion, certaines tumeurs sous-muqueuses gastriques se révélant être finalement des compressions extrinsèques gastriques d’origine splénique, hépatique, pancréatique, vésiculaire[14]. L’échoendoscopie est la technique la plus fiable en comparaison avec l’endoscopie et la tomodensitométrie [15] pour le diagnostic de compression extrinsèque.

La localisation au sein des différentes couches de la paroi gastrique, l’échogénicité de la lésion et son caractère plus ou moins homogène sont des critères qui permettent de proposer un ou plusieurs diagnostics en fin d’examen.

Lorsque la lésion est de petite taille, il peut être nécessaire de réaliser une gastroscopie de repérage préalable et d’instiller de l’eau dans l’estomac afin de mieux distinguer la lésion.

L’analyse de la jonction entre la paroi normale de l’estomac et la lésion permet de préciser la couche d’origine de la lésion.

La mesure de la taille de la lésion est un indicateur pour le risque évolutif (cf. tableau II).

TABLEAU II
RISQUE EN FONCTION DES PARAMÈTRES HISTOLOGIQUES

Risque de malignité Taille Index mitotique (nombre de mitoses
par 50 champs à fort grossissement)
Risque très faible < 2 cm <5
Risque faible 2 à 5 cm <5
Risque intermédiaire <5 cm 6 à 10
5-10 cm <5
Risque élevé <5 cm >5
> 10 cm Indifférent
Indifférent > 10

Les caractéristiques échoendoscopiques de chaque lésion sont résumées dans le tableau III [16].

TABLEAU III
ASPECT ÉCHOENDOSCOPIQUE DES TUMEURS SOUS-MUQUEUSES GASTRIQUES

Tumeurs sous-muqueuses Couches en échoendoscopie Aspect échoendoscopique
Tumeurs stromales, leïmyomes, leïomyosarcomes
et schwannomes
4° ou 2° Masse hypoéchogène
Tumeurs glomiques 3° ou 4° Lésion hypoéchogène à contours lisses, à contenu hétérogène avec des spots hyperéchogènes
Lipomes Lésion hyperéchogène
Tumeurs à cellules granuleuses 2° ou 3° Masse homogène à contours lisses
Pancréas aberrant 2°, 3°, et/ou 4° Hypoéchogène ou d’échogénicité mixte pouvant contenir une structure canalaire anéchogène
Carcinoïdes 2° et/ou 3° Modérément hypoéchogène et
homogène
Kystes Anéchogènes, avec diagnostic de duplication si le kyste est cernée sur ses deux versants d’une paroi de 3 ou 5 couches
Varices Anéchogène, tubulaire
Polypes fibroïdes inflammatoires 2° et/ou 3° Hypoéchogène, homogène ou d’échogénicité mixte et contours flous
Métastases toutes Lésions hypoéchogènes, hétérogènes

2° : muqueuse; 3° : sous-muqueuse ; 4° : musculaire propre.

La classification échoendoscopique des tumeurs mésenchymateuses gastriques a évolué avec la reclassification histologique. On s’attachait auparavant à différencier les leïomyomes des schwannomes, en raison de leur risque évolutif différent. Actuellement, l’échoendoscopie permet de classer ces tumeurs en lésions à faible risque évolutif et lésions à potentiel malin ou dégénérées sans préjuger de leur nature [17-19]. Les critères habituellement recherchés pour orienter le diagnostic sont la taille de la tumeur, la régularité des ses marges, la composante nécrotique ou kystique, et la présence d’adénopathies suspectes. Pour une tumeur de moins de 3 cm avec des marges régulières, une échogénicité homogène et sans adénopathies suspectes visibles en échoendoscopie, le diagnostic de tumeur bénigne est le plus probable. En revanche, si la lésion a une composante kystique, des marges irrégulières ou s’accompagne d’adénopathies suspectes, le diagnostic de tumeur maligne ou frontière doit être évoqué.

L’échographie percutanée avec remplissage à l’eau de l’estomac a été proposée par certains auteurs pour surveiller les tumeurs sous-muqueuses gastriques non opérées [20, 21]. La détection des lésions préalablement explorées par échoendoscopie est possible dans 69 à 93% des cas en échographie.

Pour les tumeurs de moins de 3cm, la détection de la lésion n’est possible que dans 61% des cas. La localisation de la lésion dans l’estomac ne semble pas affecter ces résultats. Si cette technique permet de diagnostiquer l’augmentation de taille d’une lésion sous-muqueuse gastrique, elle n’est vraisemblablement pas aussi précise que l’échoendoscopie pour préciser d’éventuels changements d’échostructure. Elle ne semble donc pas suffisante pour la surveillance des tumeurs sous-muqueuses gastriques.

La tomodensitométrie est parfois à l’origine du diagnostic de tumeur sous-muqueuse gastrique [22]. La densité et les contours des tumeurs apparaissent d’autant plus irréguliers que la taille de la tumeur est importante, ces critères étant une fois de plus probablement corrélés au risque évolutif. Le scanner permet de préciser les rapports de la tumeur avec les organes adjacents et peut donc compléter utilement les renseignements apportés par l’échoendoscopie qui peut être limitée pour apprécier les marges externes des tumeurs stromales en cas de lésions volumineuses. Il détecte une éventuelle diffusion métastatique notamment au niveau péritonéal et hépatique. Il est en revanche limité pour l’appréciation de la densité et des marges pour les lésions de moins de 5 cm [23].

Le PET scan est utile pour confirmer la nature métastatique de lésions suspectes du foie ou lorsqu’un traitement néoadjuvant des GIST est envisagé[24].

Enfin, la scintigraphie des récepteurs à la somatostatine est systématique en cas de tumeur carcinoïde de typeIII pour la détection du ganglion satellite.

Les prélèvements cytologiques ou biopsiques peuvent être réalisés lors de l’échoendoscopie. Ils sont indiqués lorsque le diagnostic ne peut être précisé par l’échoendoscopie.

Les premiers travaux antérieurs au marquage c-kit ne permettaient pas l’identification des tumeurs stromales [25-27]. Depuis le recours à l’immunohistochimie, le diagnostic de tumeurs stromales peut être confirmé par la ponction échoguidée [28, 29]. Certains marqueurs de malignité sont par ailleurs identifiés sur les prélèvements cytologiques comme le Ki-67 (MIB-1) (non recommandé en routine lors de conférence de consensus [30]) et l’index mitotique [28, 29] dont l’interprétation doit être prudente en cytologie.

La détection des mutations KIT et PDGFRA est également possible sur les prélèvements cytologiques et est utile pour la confirmation diagnostique dans les cas de tumeurs stromales kit négatives (5%) ou pour la décision thérapeutique lorsqu’un traitement par imatinib est envisagé [31]. Les performances des prélèvements se sont considérablement améliorées avec une efficacité diagnostique de 89 à 98% dans ce contexte de tumeurs sous-muqueuses sans complications majeures [32, 33].

Traitements

» Indication en fonction du contexte

Toutes les tumeurs sous-muqueuses gastriques symptomatiques seront traitées.

Elles peuvent devenir symptomatiques lorsqu’elles sont hémorragiques, provoquent des douleurs, une dysphagie ou des vomissements. Il s’agit de complications survenant pour des lésions volumineuses peu accessibles au traitement endoscopique.

» Indication en fonction de la tumeur

LES TUMEURS MESENCHYMATEUSES (TUMEURS STROMALES, LEÏOMYOMES, LEÏOMYOSARCOMES ET SCHWANNOMES)

D’après les recommandations des conférences de consensus [24], toutes les tumeurs stromales doivent bénéficier d’un traitement chirurgical lorsqu’il s’agit d’une tumeur localisée car il s’agit de la seule option thérapeutique curative. L’option de la surveillance a cependant été évoquée récemment pour les tumeurs de petite taille. La biopsie est alors discutée. Elle expose au risque de dissémination métastatique en cas de biopsie percutanée ou chirurgicale. Seule la ponction sous échoendoscopie semble acceptable. La dernière conférence de consensus recommande la confirmation du diagnostic par prélèvements pour toutes les lésions intramurales du tube digestif pour lesquelles une abstention opératoire avec surveillance est proposée.

L’attitude des gastroentérologues est en général plus nuancée. Le risque de rencontrer une tumeur stromale maligne en cas de lésions de moins de 10mm homogène en échoendoscopie et à marges régulières est faible voire nul (diagnostic de léïomyomes le plus fréquent). La surveillance peut être proposée. En revanche, les lésions de plus de 30 mm et/ou ayant un aspect hétérogène et/ou des marges irrégulières sont suspectes et doivent être opérées[18]. Entre ces deux limites, il existe vraisemblablement une place pour la surveillance des lésions de 10 à 20 ou 30 mm à condition qu’il n’y ait aucun critère de malignité lors de l’exploration échoendoscopique. Le choix entre surveillance et chirurgie est également modulé en fonction de l’opérabilité du patient et de la localisation de la lésion sur l’estomac. En effet, la résection d’une lésion de siège sous cardiale comporte des risques opératoires plus importants que celle d’une lésion de la grande courbure ou de la face antérieure de l’estomac. La chirurgie sera donc plus facilement proposée d’emblée sans confirmation histologique pour une lésion «facile à réséquer». Lorsque la chirurgie est présumée techniquement difficile, la confirmation histologique par ponction sous échoendoscopie permet de confirmer l’indication opératoire pour les tumeurs stromales et de proposer une simple surveillance pour les autres tumeurs. Cette attitude nuancée est probablement mieux adaptée à la situation observée pour les tumeurs mésenchymateuses gastriques parmi lesquelles les stromales ont un risque d’être malignes pour seulement 20 à 30% d’entres elles et les léïomyomes et les schwannomes sont un diagnostic différentiel fréquent des tumeurs stromales. Lors de la surveillance, habituellement une échoendoscopie annuelle, une augmentation de taille ou une modification de l’échogénicité impose la chirurgie.

Les lésions métastatiques peuvent être ponctionnées afin de confirmer le diagnostic (immunomarquage c-KIT et recherche de la mutation KIT en cas d’immunomarquage négatif) et de proposer une chimiothérapie adaptée.

La chirurgie doit consister en une résection complète de la tumeur sans rupture tumorale. Le curage ganglionnaire n’est pas systématique en raison du faible tropisme lymphatique de ces tumeurs. La résection laparoscopique est possible en l’absence de rupture de la séreuse. Les marges de la tumeur doivent être saines mais la distance entre les marges de résection et les berges de la tumeur ne font pas l’objet d’un consensus. L’énucléation n’est pas recommandée. Les experts de la conférence de consensus française préfèrent la résection atypique avec marge de sécurité (wedge resection) ou la résection segmentaire d’organe. L’abord transgastrique de la lésion peut faciliter l’exérèse tout comme le recours à l’endoscopie ou l’échographie peropératoires [34-39]. La conversion est parfois nécessaire, notamment lorsque la tumeur est de taille importante [40, 41].

En cas de tumeur stromale non réséquable d’emblée, un traitement néoadjuvant par imatinib est proposé comme en cas de maladie métastatique.

Plusieurs techniques de résection endoscopique ont récemment été décrites pour le traitement des lésions sous-muqueuses gastriques. La ligature endoscopique a été décrite mais au niveau gastrique, le traitement peut être insuffisant et des cas de perforation ont été décrits avec cette méthode [42, 43]. L’énucléation (non recommandée par la conférence de consensus) par résection sous-muqueuse endoscopique de tumeur sous-muqueuses gastriques a également été décrite avec un cas de perforation (10 tumeurs sous-muqueuses gastriques) traité par clip [44, 45]. L’efficacité et le risque de récidive de ces résections endoscopiques mérite d’être évalué sur de plus grandes séries.

LES TUMEURS CARCINOÏDES

Le traitement des tumeurs carcinoïdes gastriques dépend du contexte (hypergastrinémie ou non), du degré d’invasion pariétale et ganglionnaire, et de la taille de la tumeur [12].

Les tumeurs du premier groupe (avec hypergastrinémie) regroupent les types I et II et sont à faible risque de malignité (lésions potentiellement métastatiques dans les types II) et les décès liés à la maladie rares. Le traitement endoscopique (mucosectomie) ou une surveillance endoscopique (avec biopsies) annuelle pour les types II et tous les 2 ans pour les types I peuvent être proposés pour les tumeurs de moins de 10 mm. Pour les lésions de plus de 10 mm, la résection est toujours possible pour les lésions sans extension à la musculeuse ni ganglionnaire. L’extension à la musculeuse ou la récidive impose une résection locale associée éventuellement à une antrectomie pour contrôler l’hypergastrinémie. En cas de lésions malignes ou de récidive malgré la résection locale, une chirurgie carcinologique avec curage ganglionnaire s’impose.

Les tumeurs du deuxième groupe (typeIII sans hypergastrinémie) doivent être traitées chirurgicalement, comme un adénocarcinome gastrique, de façon carcinologique avec curage ganglionnaire en raison de leur malignité.

LES PANCREAS ABERRANTS

Compte tenu de leur faible risque de dégénérescence, il n’existe pas de recommandations que ce soit pour une surveillance ou un traitement prophylactique. Il paraît logique de proposer cependant une surveillance pour les lésions les plus volumineuses par exemple celle de plus de 10 ou 15 mm.

LES DUPLICATIONS GASTRIQUES

Elles relèvent en général d’une résection chirurgicale en raison du risque de transformation maligne cependant non chiffré [46]. Des résections endoscopiques ont également été décrites [47].

LES TUMEURS A CELLULES GRANULEUSES

La transformation maligne a été décrite pour des lésions de plus de 4 cm mais un seul cas de transformation maligne a été observé au niveau de l’estomac[48]. La surveillance par échoendoscopie a été proposée tous les 1 à 2 ans mais la rareté de cette lésion au niveau gastrique ainsi que le faible risque de transformation ne semble pas la justifier.

LES LIPOMES

Leur surveillance n’est pas justifiée en l’absence de risque de transformation maligne.
Leur résection n’est justifiée que lorsque la lésion est symptomatique ou qu’il n’est pas possible de la différencier d’un liposarcome en échoendoscopie.

Conclusion

La prise en charge des tumeurs sous-muqueuses gastriques s’est considérablement modifiée ces dernières années en raison de l’identification des tumeurs stromales. L’engouement qu’a suscité cette découverte ne doit pas faire oublier leurs diagnostics différentiels. A côté des tumeurs stromales, les classiques léïomyomes et schwannomes n’ont pas disparu. Leur reconnaissance lors du bilan préthérapeutique, grâce à l’échoendoscopie et la ponction, lorsqu’elle est justifiée, permettra d’adapter la prise en charge. D’autre part, d’autres lésions plus rares pourront le plus souvent être reconnues par l’échoendoscopie et traitées en fonction de leur risque spécifique de dégénérescence.

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