Quand et comment traiter la lithiase biliaire au cours de la pancréatite aiguë ?

Abréviations :
PA : pancréatite aiguë
VBP : voie biliaire principale
CPRE : cholangiographie rétrograde endoscopique

Introduction

Les pancréatites aiguës (PA) biliaires sont bénignes dans 80% des cas. Le principal risque est la récidive d’une migration lithiasique, évaluée à 30% dans les 6 premiers mois [1]. La décision de traiter la lithiase biliaire doit être un compromis entre le risque de récidive et la difficulté d’intervenir à un moment où les lésions inflammatoires périvésiculaires ou du pédicule hépatique peuvent gêner le geste chirurgical et augmenter la morbidité ou la mortalité.

Les questions à se poser concernent : 1) la lithiase vésiculaire : faut-il faire la cholécystectomie? quand faut-il la faire? quelles en sont les modalités optimales?; 2) l’éventuelle lithiase de la voie biliaire principale (VBP) associée : comment la rechercher? faut-il la traiter par voie endoscopique ou chirurgicale? à quel moment?

Ces questions ont fait l’objet de multiples études dans la littérature. En 2001, la conférence française de consensus sur la pancréatite aiguë a défini des recommandations sur le traitement en urgence et le traitement différé de la lithiase biliaire [2-4]. Nous reviendrons sur les principales études et complèterons par les données de la littérature de ces 5 dernières années [5, 6].

Quelle est la place de la sphinctérotomie endoscopique en urgence ?

Même si les mécanismes physiopathologiques de la PA biliaire ne sont pas entièrement connus, l’obstruction du canal pancréatique joue un rôle primordial. La décompression des voies biliaires est un objectif thérapeutique prioritaire [2, 7]. Quatre études randomisées ont permis d’apporter des éléments de réponse.

La première étude de Leicester, publiée par Neoptolemos et al. [8] en 1988, a inclus 121 malades ayant une PA biliaire (dont 44% de PA sévères) et les a randomisés pour avoir une cholangiographie rétrograde endoscopique (CPRE) dans les 72 premières heures (et une sphinctérotomie endoscopique en cas de lithiase de la VBP) ou un traitement conservateur. Le taux de succès de la CPRE était de 88%, sa mortalité de 2% (vs 8% si traitement conservateur, NS), sa morbidité de 17% (vs 34% si traitement conservateur, NS). Dans le sous-groupe des PA sévères, la mortalité et la morbidité en cas de CPRE étaient significativement inférieures aux chiffres observés en cas de traitement conservateur.
La deuxième étude d’Hong Kong, publiée par Fan et al. [9] en 1993, a inclus 195 malades ayant une PA (dont 42% de PA sévères), quelle que soit sa cause, et les a randomisés pour avoir une CPRE dans les 24 premières heures (+/- sphinctérotomie endoscopique) ou un traitement conservateur. Le taux de succès de la CPRE était de 90%, sa mortalité de 5% (vs 9% si traitement conservateur, NS), sa morbidité de 18% (vs 29% si traitement conservateur, P=0,001). La différence était aussi significative dans le sous-groupe des PA sévères.

La troisième étude de Pologne, présentée sous forme d’abstract par Nowak et al. [10] en 1995, a inclus 280 malades ayant une PA biliaire. Une CPRE était systématiquement réalisée dans les 24 premières heures avec sphinctérotomie endoscopique en cas de lithiase de la VBP. En son absence, les patients étaient randomisés pour avoir une sphinctérotomie endoscopique ou un traitement conservateur. La mortalité était de 2% dans le groupe ayant eu une sphinctérotomie endoscopique (vs 13% si traitement conservateur, P =0,001), sa morbidité de 17% (vs 36% si traitement conservateur, P=0,001). La différence était aussi significative dans le sous groupe des PA sévères.

Enfin, la quatrième étude d’Allemagne, publiée par Fölsch et al. [11] en 1997, a inclus 238 malades ayant une PA biliaire (dont 13,5% de PA sévères) en excluant les malades ayant des signes d’obstruction biliaire, et les a randomisés pour avoir une CPRE dans les 72 premières heures (+/- sphinctérotomie endoscopique) ou un traitement conservateur. Le taux de succès de la CPRE était de 94%, sa mortalité de 8% (vs 3% si traitement conservateur, NS), sa morbidité de 46% (vs 51% si traitement conservateur, NS).

L’analyse des résultats de ces quatre études est difficile, particulièrement parce que les critères d’inclusion sont hétérogènes et que les critères de sévérité de la PA ne sont pas toujours bien précisés. Sharma et al. [12] a publié en 1999 une méta-analyse de ces 4 études : la mortalité était de 5% dans le groupe CPRE +/- sphinctérotomie endoscopique vs 9% dans le groupe conservateur (P<0,05) et la morbidité respectivement de 25% vs 38% (P<0,001). Les malades qui présentaient une PA associée à une angiocholite, un ictère obstructif et/ou un calcul impacté dans la papille, d’emblée, ou secondairement au cours de l’évolution, bénéficiaient de la CPRE +/- sphinctérotomie endoscopique.

Une analyse en fonction de la sévérité de la PA n’était effectuée de façon statistiquement satisfaisante que dans 2 des 4 études [8, 9] : le bénéfice de la sphinctérotomie endoscopique était significatif en termes de complications dans ces 2 études, et en termes de mortalité dans une seule. En cas de PA lithiasique de gravité initialement modérée et d’évolution rapidement favorable, 3 études sur 4 n’ont pas montré de bénéfice à la pratique systématique d’une CPRE +/- sphinctérotomie endoscopique, sauf si des signes d’obstruction biliaire apparaissent secondairement.

Au vu de ces 4 études randomisées et de la méta-analyse, la conférence de consensus française a retenu : 1) deux situations consensuelles : en cas d’angiocholite et ou d’ictère obstructif, la sphinctérotomie endoscopique est indiquée en urgence; dans les PA bénignes, elle n’est pas indiquée en urgence; 2) deux situations non consensuelles : dans la PA grave, la sphinctérotomie endoscopique peut être réalisée avant la 72e heure; dans la PA vue précocement, aucune recommandation n’est établie [2]. Récemment, deux travaux vont dans le sens d’une sphinctérotomie endoscopique en urgence dans les PA graves. La première, non randomisée, a comparé la CPRE +/- sphinctérotomie endoscopique à un traitement conservateur chez 35 patients ayant une PA biliaire avec critères de Ranson ≥ 3 [13] : la nécrose pancréatique, la durée d’hospitalisation et la mortalité étaient significativement inférieures dans le groupe endoscopie. La deuxième correspond en fait à une nouvelle méta-analyse des 3 études randomisées précédemment exposées et conclut à une morbidité (18% vs 57%) et une mortalité (4% vs 18%) significativement inférieures en cas de traitement endoscopique chez ces malades [6].

Faut-il faire une cholécystectomie ?

Le traitement de la lithiase biliaire par cholécystectomie réduit voire annule le risque de récidive d’accident biliaire dès lors que la clairance de la VBP est assurée [14]. La cholécystectomie par laparoscopie est actuellement le traitement de référence de la lithiase vésiculaire symptomatique [15-17]. Cette technique est réalisable sans risque au décours d’une PA biliaire bénigne.

Chez des malades jugés à très haut risque opératoire du fait de leur grand âge ou de tares viscérales sévères, la CPRE avec sphinctérotomie endoscopique, sans cholécystectomie secondaire, est indiquée pour éviter la récidive de PA. Le risque de complications biliaires ultérieures (colique hépatique, cholécystite) est évalué de 5 à 20% (le plus souvent au cours de la première année), avec un taux de cholécystectomie secondaire variant de 6 à 18% [18-21]. En 1996, une première étude randomisée comparant sphinctérotomie endoscopique exclusive vs cholécystectomie, montrait que les taux de mortalité et de morbidité étaient supérieurs mais de façon non significative dans le groupe endoscopie seule [22]. Une seconde étude randomisée hollandaise incitait à la cholécystectomie systématique du fait du taux élevé de complications biliaires (47%) dans le groupe des malades non opérés [23]. Une nouvelle étude prospective publiée en 2006 a randomisé 178 patients de plus de 60 ans ayant eu une sphinctérotomie endoscopique pour avoir soit une cholécystectomie cœlioscopique soit une simple surveillance [24]. Le taux de conversion en laparotomie était de 20% et les complications postopératoires de 7%. La mortalité était équivalente dans les 2 groupes. Après un suivi médian de 5 ans, le taux de complications biliaires était de 7% dans le groupe opéré vs 24% dans le groupe surveillé (P=0,001).

Par ailleurs, le risque de récidive de PA biliaire n’est pas complètement éliminé par la sphinctérotomie endoscopique isolée, sans doute à cause de la migration possible de calculs volumineux, par un cystique particulièrement large. Ce risque était évalué à 3% après un suivi de 33 mois [25].

Ces divers éléments font donc recommander la cholécystectomie, en complément d’une éventuelle sphinctérotomie endoscopique, sauf si le risque opératoire est exorbitant.

Quand faut-il faire la cholécystectomie ?

La date optimale de la cholécystectomie se situe entre le 7e et le 10e jour après l’épisode de pancréatite aiguë bénigne, après normalisation des anomalies cliniques et biologiques [26, 27]. A cette date, la mortalité est nulle et le taux de conversion inférieur à 10% [3]. L’idéal est de réaliser ce geste avant d’avoir réalimenté par voie orale le patient, pour minimiser le risque d’une nouvelle migration favorisée par la contraction vésiculaire secondaire à l’ingestion alimentaire. Les études récentes ayant comparé la cholécystectomie précoce à la cholécystectomie retardée confirment ces données, avec un taux de réadmissions pour nouvelle pancréatite ou cholécystite ou colique hépatique atteignant 25% en cas de chirurgie retardée [28-31].

Ces principes ne peuvent pas être appliqués aux pancréatites nécrosantes graves, qui posent des problèmes spécifiques de stratégie thérapeutique, influençant le choix et le moment du geste biliaire.

Quelles sont les modalités optimales de la cholécystectomie ?

La cholécystectomie par laparoscopie est actuellement le traitement de référence de la lithiase vésiculaire symptomatique [15-17]. Dans la mesure du possible, la VBP doit être explorée au cours de la coelioscopie afin de rechercher un ou des calculs à ce niveau [3]. Cette exploration peut se faire par écho-laparoscopie ou par cholangiographie per-opératoire sous coelioscopie (cf question suivante).

Comment rechercher une éventuelle lithiase de la VBP associée ?

Même si elle décroît au fil des jours suivant l’épisode initial (26% avant la 48e heure, 5% au-delà), la prévalence d’une lithiase de la VBP associée à une PA biliaire impose le contrôle morphologique de la vacuité de la VBP [19]. La présence d’un calcul persistant dans la VBP peut être suspectée si la bilirubine reste élevée et si le diamètre de la VBP dépasse 8 mm [32]. L’échographie transpariétale peut mettre en évidence une lithiase de la VBP mais sa sensibilité est médiocre (27% à 65%). L’échoendoscopie est l’examen de référence pour l’exploration de la VBP avec une valeur prédictive négative proche de 100% [33, 34]. Ses performances ne dépendent pas de la taille des calculs. La cholangio-IRM, qui a l’avantage d’être non invasive, a une sensibilité de 90%, mais celle-ci chute à 55% pour les calculs de moins de 6 mm, ce qui est fréquemment le cas des PA biliaires [35, 36]. Les études d’évaluation économique montrent que l’échoendoscopie a un bon rapport coût-efficacité pour poser le diagnostic de lithiase de la VBP, et permettre ainsi de limiter les indications de CPRE, que l’on réservera à des fins thérapeutiques. Une étude prospective randomisée publiée en 2005 a comparé l’échoendoscopie précoce (suivie d’une CPRE avec sphinctérotomie au cours de la même anesthésie en cas de lithiase cholédocienne) à la CPRE d’emblée dans la prise en charge de 140 malades ayant une PA biliaire. L’échoendoscopie était associée à un taux de succès d’exploration de la VBP de 100% (vs 86% pour la CPRE en raison de difficultés de cannulation, P=0,001), d’aucun faux négatif (vs 6) et d’un taux de morbidité similaire (7% vs 14%, NS), ce qui plaide en faveur de l’exploration échoendoscopique préalable [37].

Enfin, dans la mesure du possible, la VBP doit être explorée au cours de la coelioscopie. Cette exploration peut se faire par cholangiographie per-opératoire ou par écho-laparoscopie. La méthode de référence est la cholangiographie par cannulation du canal cystique, qui permet en outre, d’identifier une disposition anormale et/ou une lésion iatrogène des canaux biliaires. Les taux de réussite sont de l’ordre de 90% dans les études prospectives. Les limites de cette méthode sont représentées par les échecs de cathétérisme du cystique plus fréquents qu’en chirurgie ouverte, les faux positifs et les faux négatifs (en cas de calculs < 4 mm) [38]. L’écho-laparoscopie biliaire per-opératoire n’a pas ces inconvénients : elle ne nécessite ni dissection, ni cannulation et permet de voir les calculs de très petite taille. Mais l’équipement doit être disponible et l’équipe doit avoir l’expertise nécessaire. De plus, l’écho-laparoscopie apparaît moins performante que la cholangiographie pour analyser l’arborisation biliaire et explore quelquefois imparfaitement le cholédoque distal [3]. L’écho-laparoscopie et la cholangiographie ont une sensibilité de l’ordre de 85%, une spécificité et une précision diagnostique > 95% [39]. Elles ne sont cependant pas réalisables par toutes les équipes chirurgicales.

Aspects techniques de la chirurgie de la lithiase de la VBP sous laparoscopie

Les principes de la chirurgie de la lithiase de la VBP sous laparoscopie sont les mêmes qu’en chirurgie ouverte [3]. Toutefois, en laparoscopie, la voie transcystique est le plus souvent employée, afin d’éviter les difficultés et les risques d’une cholédocotomie. Ceci est raisonnable si le canal cystique est court et de calibre suffisant, permettant non seulement l’insertion du matériel endoscopique (sondes à ballonnet, sondes de Dormia, petits cholédocoscopes), mais surtout l’extraction des calculs les plus volumineux. Une dilatation peut toutefois faciliter les manœuvres d’introduction et le lavage de la voie biliaire peut être utile à l’évacuation des calculs. Enfin, l’exploration de la voie biliaire sus-jacente au confluent cystico-cholédocien est le plus souvent impossible par cet accès transcystique. Les limites de cette méthode sont donc représentées par les calculs volumineux (>8 mm), multiples et/ou situés dans la voie biliaire intrahépatique et les canaux cystiques étroits. Dans ces situations, la cholédocotomie est indiquée, à condition que le diamètre de la voie biliaire principale soit d’au moins 8 mm. La cholédocotomie permet en outre, l’utilisation de matériel endobiliaire de diamètre plus large, donc plus performant, et le cas échéant, l’utilisation de la lithotritie. L’intervention est terminée soit par une suture du cholédoque, soit par la mise en place d’un drain de Kehr. Une situation délicate est représentée par les calculs de petite taille (<4 mm) au sein d’une voie biliaire principale fine; dans ce cas, certaines équipes proposent de «négliger» le calcul résiduel (susceptible de migrer spontanément) et de mettre en place un drain transcystique. Si le calcul ne s’évacue pas de lui-même, il peut alors devenir accessible à des manœuvres endobiliaires (extraction, lithotritie) par le trajet du drain, et/ou à une sphinctérotomie endoscopique.

Faut-il traiter la lithiase de la VBP par voie endoscopique ou chirurgicale ?

L’abord de la VBP sous coelioscopie est faisable dans 85% des cas avec une clairance obtenue dans 85-90% des cas [40]. La mortalité est de 0-1%. Les taux de complications majeures et de réinterventions sont respectivement inférieurs à 10% et 3%. Le niveau d’expérience des équipes est, à l’évidence, garant de la qualité des résultats dans toutes les études [3]. Une analyse spécifique de la faisabilité de ces méthodes laparoscopiques dans le contexte des PA biliaires n’est pas disponible à grande échelle.

Si les conditions locales (inflammation ou foyers de nécrose) rendent aléatoire une dissection pédiculaire et une cholédocotomie ou si l’équipe chirurgicale ne possède pas l’expertise pour cet abord, plusieurs solutions sont possibles.

L’abord de la VBP par laparotomie est bien sûr une possibilité. Les taux de calculs résiduels après chirurgie ouverte ont décru au cours des 10 dernières années jusqu’à des valeurs de 2 à 5%, grâce à l’usage routinier de la cholédocoscopie. La mortalité de cette intervention est de 0 à 4%, dépendant du degré d’urgence, de l’existence d’un ictère ou d’une angiocholite et du terrain [41]. Dans les séries les plus homogènes et/ou prospectives récentes, la mortalité apparaît inférieure à 1%. Malgré cette amélioration, l’âge reste un élément péjoratif, rendant discutable cette chirurgie après 70 ans.

Une autre attitude applicable aux PA biliaires bénignes, rapportée dans plusieurs publications récentes, consiste à réaliser une sphinctérotomie biliaire lors de la laparoscopie en fonction des données de la cholangiographie per-opératoire [42]. Ceci permet l’économie d’une étape de traitement, en termes d’anesthésie et de séjour d’hospitalisation. Une étude prospective randomisée publiée en 2006 a inclus 91 patients ayant une lithiase cholédocienne : les malades avaient une CPRE +/- sphinctérotomie endoscopique, soit avant, soit pendant la cholécystectomie coelioscopique [43]. La clairance de la VBP était obtenue dans respectivement 80% et 96% (P=0,06). La morbidité (9% vs 6,5%) et la mortalité (0%) n’étaient pas significativement différentes entre les 2 groupes. La stratégie de sphinctérotomie per-opératoire permettait en revanche de diminuer de façon significative, le coût global et la durée d’hospitalisation. Une réserve à cette stratégie est l’organisation qu’elle demande avec la disponibilité simultanée du chirurgien et de l’endoscopiste.

Une dernière possibilité est de réaliser une sphinctérotomie endoscopique avant ou après la laparoscopie. Dans le cadre plus large du traitement de la lithiase de la VBP, les résultats de la sphinctérotomie endoscopique ont été documentés par de grandes séries rétrospectives : la faisabilité technique varie de 90 à 98%, les chances d’assurer la vacuité de la voie biliaire s’échelonnent de 80 à 95%. Quand la sphinctérotomie est réalisée, le risque de complications graves est de l’ordre de 10%, avec une mortalité inférieure à 1% [44]. Le niveau d’expertise des équipes apparaît décisif dans la qualité des résultats. Neuf études contrôlées ont comparé le traitement endoscopique initial suivi d’une cholécystectomie systématique [45-48] ou à la demande [22, 49-52] au traitement tout chirurgical (le plus souvent par laparotomie) chez des malades ayant une lithiase cholédocienne, en excluant les PA graves et les angiocholites. La mortalité était faible dans les 2 groupes. En revanche, il semble que le taux de complications majeures et de recours à des procédures complémentaires soit supérieur dans le groupe traitement endoscopique. Ces résultats sont à interpréter avec prudence en raison des données hétérogènes, du caractère multicentrique de certains essais, de leur ancienneté, de la chirurgie par laparotomie et non par laparoscopie. Aucune donnée n’était disponible sur le coût respectif de ces deux stratégies.

Quand réaliser le traitement endoscopique de la lithiase de la VBP ?

» Indications électives

Si le diagnostic de lithiase de la VBP a été posé en pré-opératoire, il est préférable de réaliser ce geste en pré-opératoire. En cas de simple suspicion, la sphinctérotomie endoscopique pré-opératoire ne semble pas justifiée car elle risque d’être faite de façon abusive dans un grand nombre de cas [53]. Elle sera donc réalisée en post-opératoire si la présence d’un calcul est confirmée par la cholangiographie per-opératoire. Les risques d’échec de la sphinctérotomie endoscopique post-opératoire sont faibles [53].

Le cas particulier des pancréatites aiguës biliaires graves

Le pronostic des PA biliaires nécrosantes est dominé par le risque de surinfection des foyers de nécrose et la fréquence des défaillances viscérales précoces ou secondaires. Le risque d’une récidive de la pancréatite par migration lithiasique n’est pas au premier plan des préoccupations cliniques; son incidence et sa gravité sont d’ailleurs mal connues dans ce contexte [3]. Plusieurs situations sont possibles et une attitude pragmatique est de mise. Une laparotomie peut s’imposer pour traiter les complications, notamment infectieuses, de la pancréatite et il peut être opportun de réaliser la cholécystectomie lors du même temps opératoire. En dehors de cette éventualité, il est raisonnable de proposer la cholécystectomie lorsque l’état clinique du malade et l’abord de la région vésiculaire le permettent. Une étude récente a montré que si la cholécystectomie était réalisée après la résolution des éventuels pseudokystes, cela permettait de diminuer le risque de sepsis, les complications de la cholécystectomie et la durée d’hospitalisation [54].

S’il existe une lithiase cholédocienne, l’abord chirurgical de la VBP expose à un risque de complications important dans ce contexte et la sphinctérotomie endoscopique, si elle n’a pas été réalisée initialement (cf. question 1), est à recommander.

Conclusion

Dans le domaine des PA biliaires, la littérature est extrêmement riche. La conférence de consensus française avait recommandé en 2001 des stratégies de traitement de la lithiase biliaire dans ce contexte et les études publiées ces dernières années viennent dans l’ensemble conforter ces recommandations.
Il est ainsi possible de distinguer :

1. Des situations consensuelles :

a) La sphinctérotomie endoscopique est indiquée en urgence en cas d’angiocholite et/ou d’ictère obstructif associé (s) à la PA biliaire.
b) La sphinctérotomie endoscopique n’est pas indiquée en urgence dans les PA bénignes.
c) La cholécystectomie par voie laparoscopique doit être réalisée au mieux lors de la même hospitalisation en cas de PA bénigne.
d) La sphinctérotomie endoscopique seule, sans cholécystectomie systématique, peut être recommandée chez les patients ayant un terrain très fragile.

2. Les situations où plusieurs stratégies sont possibles :

a) Concernant le diagnostic de lithiase de la VB : les avantages de la cholangio-IRM et de l’échoendoscopie en termes de morbidité comparativement à la cholangiographie rétrograde endoscopique ou per-opératoire sont à mettre en balance avec la disponibilité de ces examens et l’expertise de chaque centre.
b) Le traitement de la lithiase de la VBP par voie cœlioscopique ou par sphinctérotomie endoscopique pré-, per- ou postopératoire : le choix stratégique dépend de l’expertise de chaque centre en chirurgie laparoscopique de la VBP et en cholangiographie rétrograde endoscopique.

3. Les situations où aucun consensus ne se dégage :

a) La place de la sphinctérotomie endoscopique en cas de PA grave sans obstruction biliaire ni angiocholite : certaines équipes recommandent une sphinctérotomie dans les 72 premières heures si elle peut être réalisée par une équipe expérimentée. Cette attitude n’a pas été retenue par les experts français.
b) la place de la sphinctérotomie endoscopique dans la PA vue très précocement.

RÉFÉRENCES

1. Bank S. Clinical course of acute pancreatitis: what has changed in recent years? In Büchler MW, Uhl W, FriessH, Malfertheiner P, eds. Acute pancreatitis, novel concepts in biology and therapy. Blackwell Science 1999: 163‑9.
2. Boyer J. Faut-il réaliser une CPRE avec sphinctérotomie en urgence? Gastroenterol Clin Biol 2001; 25: 1S122-1S127.
3. Gambiez L. Quand et comment traiter la lithiase biliaire ? Gastroenterol Clin Biol 2001; 25: 1S128-1S139.
4. Debette-Gratien M, Yahchouchy E. Comment traiter une pancréatite aiguë biliaire ? Gastroenterol Clin Biol 2001; 25: 1S225-1S240.
5. Kimura Y, Takada T, Kawarada Y, Hirata K, Mayumi T, Yoshida M, et al. JPN Guidelines for the management of acute pancreatitis: treatment of gallstone-induced acute pancreatitis. JHepatobiliary Pancreat Surg 2006; 13: 56-60.
6. Heinrich S, Schafer M, Rousson V, Clavien PA. Evidence-based treatment of acute pancreatitis: a look at established paradigms. Ann Surg 2006; 243: 154-68.
7. Senninger N, Moody FG, Coelho JCU, Van Buren DH. The role of biliary obstruction in the pathogenesis of acute pancreatitis in the opossum. Surgery 1986; 99: 688-93.
8. Neoptolemos JP, Carr-Locke DL, London NJ, Bailey I, Fossard DP. ERCP findings and the role of endoscopic sphincterotomy in acute gallstone pancreatitis. Br J Surg 1988; 75: 954-60.
9. Fan ST, Lai E, Mok FPT, Lo CM, Zheng SS, Wong J. Early treatment of acute biliary pancreatitis by endoscopic papillotomy. N Engl J Med 1993; 328: 228-32.
10. Nowak A, Nowakowska-Dulawa E, Marek T, Rybicka J. Final results of the prospective, randomised, controlled study on endoscopic sphincterotomy versus conventional management in acute biliary pancreatitis. Gastroenterology 1995; 108: A380.
11. Folsch UR, Nitsche R, Ludtke R, HilgersA, Creutzfeldt W. Early ERCP and papillotomy compared with conservative treatment for acute biliary pancreatitis. N Engl J Med 1997; 336: 237‑42.
12. Sharma VK, Howden CW. Metaanalysis of randomized controlled trials of endoscopic retrograde cholangiography and endoscopic sphincterotomy for the treatment of acute biliary pancreatitis. Am J Gastroenterol 1999; 94: 3211-4.
13. Besselink MG, van Minnen LP, van Erpecum KJ, Bosscha K, Gooszen HG. Beneficial effects of ERCP and papillotomy in predicted severe biliary pancreatitis. Hepatogastroenterology 2005; 52: 37-9.
14. Moreau JA, Zinmeister AR, Melton LJ, DiMagno EP. Gallstone pancreatitis and the effect of cholecystectomy: a population based cohort study. Mayo Clin Proc 1988; 63: 466-73.
15. Barkun JS, Barkun AS, Sampalis JS, Fried G, Taylor B, Wexler M, et al. Randomized controlled trial of laparoscopic versus minilaparotomy cholecystectomy. Lancet 1992; 340: 1116‑9.
16. Mc Mahon AJ, Russell IT, Baxter JN, Ross S, Anderson JR, Morran CG, et al. Laparoscopic versus minilaparotomy cholecystectomy: a randomized trial. Lancet 1994; 343: 135-8.
17. Majeed AW, Troy G, Nicholl JP, SmytheA, Reed MW, Stoddard C, et al. Randomized, prospective, single-blind comparison of laparoscopic versus small incision cholecystectomy. Lancet 1996; 347: 989-94.
18. Vazquez-Lglesias JL, Gonzalez-CondeB, Lopez-Roses L, Estevez-Prieto E, Alonso-Aguirre P, Lancho A, et al. Endoscopic sphincterotomy for prevention of the recurrence of acute biliary pancreatitis in patients with gallbladder in situ: long-term follow-up of 88 patients. Surg Endosc 2004; 18: 1442-6.
19. Kelly TR. Gallstone pancreatitis. The timing of surgery. Surgery 1980; 88: 345-9.
20. Hill J, Martin DF, Tweedle DEF. Risks of leaving the gallbladder in situ after endoscopic sphincterotomy for bile duct stones. Br J Surg 1992; 78: 554‑7.
21. Prat F, Malak NA, Pelletier G, Buffet C, Fritsch J, Choury AD, et al. Biliary symptoms and complications more than 8 years after endoscopic sphincterotomy for choledocholithiasis. Gastroenterology 1996; 110: 894-9.
22. Targarona EM, Perez Ayuso RM, Bordas JM, Ros E, Pros I, Martinez J, et al. Randomized trial of endoscopic sphincterotomy with gallbladder left in situ versus open surgery for common bile duct calculi in high-risk patients. Lancet 1996; 347: 926-9.
23. Boerma D, Rauws EA, Keulemans Y, Janssen I, Bolwerk CJ, Timmer R, et al. Wait-and-see policy or laparoscopic cholecystectomy after endoscopic sphincterotomy for bile-duct stones: a randomised trial. Lancet 2002; 360: 761-5.
24. Lau JY, Leow CK, Fung TM, Suen BY, Yu LM, Lai PB, et al. Cholecystectomy or gallbladder in situ after endoscopic sphincterotomy and bile duct stone removal in Chinese patients. Gastroenterology 2006; 130: 96-103.
25. Kaw M, Al-Antably Y, Kaw P. Management of gallstone pancreatitis: cholecystectomy or ERCP and endoscopic sphincterotomy. Gastrointest Endosc 2002; 56: 61-5.
26. Tang E, Stain SC, Tang G, Froes E, Berne TV. Timing of laparoscopic surgery in gallstone pancreatitis. Arch Surg 1995; 130: 496-9.
27. Uhl W, Muller CA, Krakenbuhl L, Schmid SW, Scholzel S, Buchler MW. Acute gallstone pancreatitis: timing of laparoscopic cholecystectomy in mild and severe disease. Surg Endosc 1999; 13: 1070-6.
28. Alimoglu O, Ozkan OV, Sahin M, Akcakaya A, Eryilmaz R, Bas G. Timing of cholecystectomy for acute biliary pancreatitis: outcomes of cholecystectomy on first admission and after recurrent biliary pancreatitis. World J Surg 2003; 27: 256-9.
29. Cameron DR, Goodman AJ. Delayed cholecystectomy for gallstone pancreatitis: re-admissions and outcomes. Ann R Coll Surg Engl 2004; 86: 358‑62.
30. Griniatsos J, Karvounis E, Isla A. Early versus delayed single-stage laparoscopic eradication for both gallstones and common bile duct stones in mild acute biliary pancreatitis. Am Surg 2005; 71: 682-6.
31. Taylor E, Wong C. The optimal timing of laparoscopic cholecystectomy in mild gallstone pancreatitis. Am Surg 2004; 70: 971-5.
32. Chang L, Lo SK, Stabile BE, Lewis RJ, De Virgilio C. Gallstone pancreatitis: a prospective study on the incidence of cholangitis and clinical predictors of retained common bile duct stones. Am J Gastroenterol 1998; 93: 527-31.
33. Amouyal P, Amouyal G, Levy P, TuzetS, Palazzo L, Vilgrain V, et al. Diagnosis of choledocholithiasis by endoscopic ultrasonography. Gastroenterology 1994; 106: 1062-7.
34. Prat F, Edery J, Meduri B, Chiche R, Ayoun C, Bodart M, et al. Early EUS of the bile duct before endoscopic sphincterotomy for acute biliary pancreatitis. Gastrointest Endosc 2001; 54: 724-9.
35. Makary MA, Duncan MD, Harmon JW, Freeswick PD, Bender JS, Bohlman M, et al. The role of magnetic resonance cholangiography in the management of patients with gallstone pancreatitis. Ann Surg 2005; 241: 119-24.
36. Venneman NG, Buskens E, Besselink MG, Stads S, Go PM, Bosscha K, et al. Small gallstones are associated with increased risk of acute pancreatitis: potential benefits of prophylactic cholecystectomy? Am J Gastroenterol 2005; 100: 2540-50.
37. Liu CL, Fan ST, Lo CM, Tso WK, WongY, Poon RT, et al. Comparison of early endoscopic ultrasonography and endoscopic retrograde cholangiopancreatography in the management of acute biliary pancreatitis: a prospective randomized study. Clin Gastroenterol Hepatol 2005; 3: 1238-44.
38. Meyers (The Southern Surgeons Club). A prospective study of 1518 laparoscopic cholecystectomies. New Engl J Med 1991; 16: 1073-8.
39. Siperstein A, Pearl J, Macho J, HansenP, Gitomirski A, Rogers S. Comparison of laparoscopic ultrasonography and fluorocholangiography in 300 patients undergoing laparoscopic cholecystectomy. Surg Endosc 1999; 13: 113-7.
40. Berthou JC, Drouard F, CharbonneauP, Moussalier K. Evaluation of laparoscopic management of common bile duct stones in 220 patients. Surg Endosc 1998; 12: 16-22.
41. Moreaux J. Traditionnal surgical management of common bile duct stones: a prospective study during a 20-year experience. Am J Surg 1995;169: 220‑6.
42. Cox MR, Wilson TG, Toouli J. Peroperative endoscopic sphincterotomy during laparoscopic cholecystectomy for choledocholithiasis. Br J Surg 1995; 82: 257-9.
43. Morino M, Baracchi F, Miglietta C, Furlan N, Ragona R, Garbarini A. Preoperative endoscopic sphincterotomy versus laparoendoscopic rendezvous in patients with gallbladder and bile duct stones. Ann Surg 2006; 244: 889-93.
44. Freeman ML, Nelson DB, Sherman S, Haber GB, Herman ME, Dorsher PJ, et al. Complications of endoscopic biliary sphincterotomy. New Engl J Med 1996; 335: 909-18.
45. Stain SC, Cohen H, Tsuishoysha M, Donovan AJ. Choledocholithiasis: endoscopic sphincterotomy or common bile duct exploration? Ann Surg 1991; 213: 627-33.
46. Stiegmann GV, Goff JS, Mansour A, Pearlman N, Reveille RM, Norton L. Precholecystectomy endoscopic cholangiography and stone removal is not superior to cholecystectomy, cholanglography, and common duct exploration. Am J Surg 1992; 163: 227-30.
47. Kapoor R, Kaushik SP, Saraswat VA, Choudhuri G, Sikora SS Kapoor VK, et al. Prospective randomized trial comparing endoscopic sphincterotomy followed by surgery alone in good risk patients with choledocholithiasis. HPB Surg 1996; 9: 145-8.
48. Cushieri A, Lezoche E, Morino M, CroceE, Lacy A, Toouli J, et al. EAES multicenter prospective randomized trial comparing two-stage vs. single-stage management of patients with gallstone disease and ductal calculi. Surg Endosc 1999; 13: 952-7.
49. Neoptolemos JP, Carr-Locke DL, Fossard DP. Prospective randomized study of preoperative endoscopic sphincterotomy versus surgery alone for common bile duct stones. B Med J 1987; 294: 470-4.
50. Hammarström LE, Holmin T, StridbeckH, lhse I. Long-term follow-up of a prospective randomized study of endoscopic versus surgical treatment of bile duct calculi in patients with gallbladder in situ. Br J Surg 1995; 82: 1516‑21.
51. Rhodes M, Sussman L, Cohen L, Lewis MP. Randomized trial of laparoscopic exploration of common bile duct versus postoperative endoscopic retrograde cholangiography for common bile duct stones. Lancet 1998; 351: 159-61.
52. Suc B, Escat J, Cherqui D, FourtanierG, Hay JM, Fingerhut A, et al. Surgery vs endoscopy as primary treatment in symptomatic patients with suspected common bile duct stones: a multicenter randomized trial. French Associations for Surgical Research. Arch Surg 1998; 133: 702-8.
53. Chang L, Lo S, Stabile BE, Lewis RJ, Toosie K, de Virgilio C. Preoperative versus postoperative endoscopic retrograde cholangiopancreatography in mild to moderate gallstone pancreatitis: a prospective randomized trial. Ann Surg 2000; 231: 82-7.
54. Nealon WH, Bawduniak J, Walser EM. Appropriate timing of cholecystectomy in patients who present with moderate to severe gallstone-associated acute pancreatitis with peripancreatic fluid collections. Ann Surg 2004; 239: 741-9.