Comment faire le bilan d’une pancréatite non alcoolique non biliaire (NANB)?

Objectifs pédagogiques

– Connaître les principales causes;

– Savoir comment les chercher.

Introduction

Ces 20 dernières années ont vu diminuer sensiblement lepourcentage des pancréatites restant sans cause, dites «idiopathiques». Denouvelles maladies ont été décrites ou sont mieux connues comme lespancréatites auto-immunes [1], les tumeurs intracanalaires papillaires etmucineuses (TIPMP) [2]; pour d’autres, des outils diagnostiques ont étédéveloppés (pancréatites génétiques) [3].

Les progrès de l’imagerie ont accompagné parallèlement ces progrès nosologiques, ils en ont même été une des principales raisons. Citons naturellement l’échoendoscopie développée depuis les années 90 et surtout la cholangio-pancréato-IRM (CP-IRM) qui a révolutionné l’imagerie canalaire pancréatique et biliaire, la rendant accessible sans aucune morbidité. L’amélioration concomitante des performances de la scanographie hélicoïdale avec capteurs multiples est venue conforter cet arsenal radiologique.

Compte tenu de toutes les possibilités que nous offrent ces nouvelles connaissances et ces outils diagnostiques, il est aujourd’hui possible de suggérer fortement que toute pancréatite doit avoir une cause et qu’il faut se donner les moyens de la trouver. En effet, certaines causes nécessitent des traitements spécifiques (par exemple, cholécystectomie ou pancréatectomie), des conseils particuliers (par exemple, abstention du tabagisme et conseil génétique en cas de pancréatite héréditaire). Enfin, la compréhension des mécanismes de la maladie qui l’atteint est essentielle à l’équilibre psychologique du malade et à sa meilleure prise en charge même si certaines causes ne sont pas curables comme c’est le cas des pancréatites génétiques.

Rappeler toutes les causes des pancréatites NANB peut confiner au catalogue à la Prévert. Dans cette mise au point, nous allons rappeler toutes les causes potentielles de pancréatites et surtout tenter de préciser les processus diagnostiques à mettre en place en fonction du contexte dans lequel survient la maladie. Dans la mesure où nous nous situons dans une démarche diagnostique au début de la maladie, période à laquelle les signes de pancréatite chronique sont, le cas échéant, le plus souvent absents [4], nous ne distinguerons pas les pancréatites aiguës (PA) inaugurales, itératives ou les pancréatites chroniques (PC).

Avant de chercherles causes rares,se reposer la question des causesles plus fréquentes…

Comme le soulignait un de mes maîtres, outre qu’un maladedoit avoir une seule maladie (quelques dérogations sont prévues au-delà de 65ans), les maladies rares sont exceptionnelles. Ce type d’aphorisme simpliste nedoit pas être oublié lorsque l’on raisonne sur le cas d’un malade qui a eu uneou plusieurs poussées de PA.

La lithiase biliaire et l’alcoolisme chronique représentent chacun 40% des causes de PA [5]. L’alcoolisme chronique est responsable de 60-80% des PC [4].

» Pancréatite biliaire

L’origine biliaire d’une PA doit être suspectée lorsquecelle-ci survient chez une femme de plus de 60 ans, en surpoids, multipare,ayant des antécédents familiaux de lithiase, pour ne parler que des principauxfacteurs de risque de lithiase. La connaissance d’une lithiase vésiculaire,jusqu’ici asymptomatique, est un argument majeur qui doit être cherchée enconsultant personnellement les résultats d’examens échographiques antérieurs.

Les choses ne sont pas toujours aussi simples ou caricaturales et il faut s’aider de tous les outils diagnostiques du plus simple au plus compliqué. La réalisation d’un bilan hépatique et en particulier d’un dosage des transaminases au stade tout initial des symptômes est essentielle. La constatation d’un pic de transaminases (dépassant parfois 10 fois la limite supérieure de la normale) très rapidement régressif est le meilleur signe biochimique évoquant une affection biliaire à l’origine de la PA. Au dessus du seuil de 2 fois la normale, la sensibilité et la spécificité sont de 74% et 84%. En revanche, si ce dosage est fait plus de 48 heures après le début des symptômes (et non de l’admission), il n’a plus aucune valeur prédictive, ni positive ni négative [6]. Lorsque l’on est amené à discuter a posteriori de ce type de dossier, la connaissance précise de la chronologie des symptômes et des prélèvements biologiques est essentielle et doit être notifiée. En effet, deux autres mécanismes peuvent entraîner des anomalies plus tardives du bilan hépatique dans le cadre d’une PA : 1) la compression de la voie biliaire principale par l’inflammation pancréatique; 2) un surdosage en antalgiques de type paracétamol. Dans ces cas, les anomalies sont non seulement plus tardives mais aussi plus prolongées.

Les diagnostics différentiels d’une PA associée à des anomalies transitoires du bilan hépatique ne sont pas nombreux et leur incidence est sans commune mesure, nettement plus basse : dysfonction du sphincter d’Oddi [7], hémobilie ou wirsungorrhagie, pancréatite et hépatite ischémique aiguë. Seul le premier de ces diagnostics pose un réel problème. Il est essentiel de réunir les critères diagnostiques dit «de Milwaukee» avant de le retenir [7]. Les conséquences thérapeutiques de ce diagnostic doivent être clairement soupesées et expliquées au malade en raison du risque élevé (environ 20%) de pancréatite aiguë souvent sévère après réalisation d’une sphinctérotomie endoscopique pour cette entité [8, 9].

Les autres outils diagnostiques utiles pour la PA biliaire sont du ressort de l’imagerie. La seule indication de l’échographie en urgence dans la PA est la recherche d’une lithiase vésiculaire. Elle doit être faite systématiquement et le plus précocement possible. En effet, le jeûne indiqué en raison de la PA va induire une stase vésiculaire qui elle-même provoquera la formation de sludge vésiculaire dont l’incidence peut atteindre 100% au bout d’un mois sans alimentation orale cyclique [10]. De ce fait, la constatation d’une bile lithogène n’aura aucune valeur diagnostique passé un certain délai de jeûne alors que si elle est mise en évidence précocement (alors que le malade a encore eu une alimentation normale dans les jours précédents), son caractère pathologique pourra être affirmé. Le scanner a une sensibilité limitée pour le diagnostic de calculs vésiculaires ou de la voie biliaire principale. Néanmoins, l’examen très attentif des clichés sans injection et sans ingestion de produit de contraste (autre que de l’eau qui donne un excellent contraste négatif) et à condition que les coupes soient suffisamment fines (<2 mm, ce qui est rarement obtenu) permet parfois de visualiser un calcul dans la voie biliaire principale sous la forme d’une structure plus dense que la bile.

La CP-IRM a finalement peu d’intérêt à la phase aiguë d’une PA biliaire. Sa sensibilité est excellente pour le diagnostic de calcul de la voie biliaire principale mais les calculs responsables de PA sont le plus souvent de petite taille et ne restent pas longtemps dans la voie biliaire. En ce qui concerne la vésicule, l’IRM ne fait pas mieux qu’une simple échographie transcutanée. Enfin, l’IRM est rarement disponible en urgence et est difficilement réalisée chez un malade ayant une PA sévère nécessitant une surveillance continue.

Le problème de l’échoendoscopie est plus complexe et source de nombreuses erreurs. Elle ne doit pas être faite à la phase aiguë de la PA pour plusieurs raisons. L’examen du parenchyme pancréatique est difficile en période inflammatoire et peut faire porter à tort le diagnostic de pancréatite chronique alors qu’il ne s’agit que de remaniements aigus. Si la PA est sévère, des structures telles que la voie biliaire ou la veine porte peuvent être difficiles à individualiser. Si l’état du malade est précaire, il peut être dangereux de lui faire subir une anesthésie générale. En revanche, on aura tout le temps de faire cet examen au décours de la poussée aiguë à la recherche d’une lithiase vésiculaire. On sait en effet que l’échoendoscopie permet de «rattraper» des diagnostics d’affection lithiasique biliaire dans près de la moitié des cas après que l’imagerie traditionnelle (échographie et scanner) n’a rien montré [11]. L’idéal est donc de réaliser l’échoendoscopie à distance de la PA après que le malade a repris une alimentation orale cyclique depuis quelques jours.

» La recherchede l’alcoolisme chronique :une question de confiance

Rappelons que l’alcool ne peut être retenu comme cause de PAou de PC que s’il est massif et ancien. Chez un homme, laconsommation moyenne d’alcool trouvée en cas de PC alcoolique est de 100 à 150g d’alcool pur par jour pendant plus de 10 ans, ce délai et cette quantitéétant moindres chez les femmes [12]. Il ne s’agit donc ni d’une consommationd’alcool «ordinaire» ni d’une consommation aiguë exceptionnelle. Nous nedétaillerons pas ici toutes les techniques (ex : interrogatoiresspécifiques) et tous les marqueurs biologiques qui permettent de dépister un alcoolismechronique non déclaré. Rappelons simplement que l’interrogatoire ne doit êtreni paternaliste ni culpabilisant et qu’un senior, avec du recul, de l’habitudeet de la patience, a plus de facilités à le mener qu’un jeune étudiant.

La présence de signes de PC est un argument pour le diagnostic de pancréatite alcoolique mais rappelons que ce n’est pas la seule cause de PC.

Les autres causes

Pour chacune des causes suivantes, des revues généralesrécentes ont fait le point. Nous les rappellerons donc rapidement pour situerle contexte dans lequel elles surviennent habituellement (mais inconstamment)et nous nous attarderons surtout sur le bilan à réaliser.

» Les pancréatites héréditaires

Il faut systématiquement évoquer cette cause lorsque lespremières manifestations de la pancréatite sont survenues avant l’âge de trenteans, a fortiori en présence de cas familiaux.

On distingue trois familles de gènes qui sont impliqués dans la genèse des PA ou des PC.

Mutation du gène CFTR

Les mutations du gène CFTR sont de sévérité variéeentraînant un dysfonctionnement plus ou moins profond du canal chlore.Lorsqu’elles sont sévères, elles sont responsables de la mucoviscidose typiqueet d’une insuffisance pancréatique exocrine, dès la naissance. Il n’y a alorsaucune manifestation pancréatique aiguë. Les malades qui en sont atteints n’ontpas de raison de consulter un gastroentérologue pour adultes.

Lorsque les mutations sont mineures, aucune manifestation pulmonaire ou ORL n’est présente. Il n’y a pas d’insuffisance pancréatique exocrine et, en revanche, une PA peut être révélatrice survenant généralement au-delà de l’adolescence, voire parfois au-delà de la trentaine [13].

Il s’agit de mutations récessives. Il n’y a donc habituellement aucune manifestation chez les ascendants (ni chez les descendants) et une personne sur quatre est atteinte dans la fratrie. Compte tenu de la taille limitée des familles sous nos climats, la notion d’antécédent familial manque donc le plus souvent. C’est l’âge jeune du malade qui doit inciter à faire la recherche de ces mutations. La recherche des mutations du gène CFTR peut être faite dans n’importe quel laboratoire de ville. Comme toutes les recherches génétiques, elle nécessite l’accord signé du malade.

Mutation du gène SPINK1

Le gène SPINK1 code pour un inhibiteur de la trypsine. Encas de mutation, l’activation de la trypsine est mal régulée et peut, le caséchéant, s’emballer et provoquer une PA. Ces mutations ne sont ni récessives nidominantes. Elles sont facilitatrices. Elles ne s’expriment donc que sous laforme homozygote ou en association avec d’autres facteurs de risque plus oumoins faciles à dépister. Il peut par exemple s’agir d’une mutation du gèneCFTR. On parle alors de statut trans-hétérozygote. Les mutations du gène SPINK1seraient une des / ou la cause des pancréatites dites «tropicales». Elles sontresponsables de PC calcifiante.

Mutation du gènedu trypsinogène cationique

Cette mutation porte directement sur le site de régulationde l’activité de la trypsine. Elle est responsable d’une hyperactivité de cettedernière. Il s’agit d’une mutation dominante. Généralement, une personne surdeux chez les ascendants, la fratrie et les descendants est atteinte sousréserve que la pénétrance du gène est de l’ordre de 80-90%. On peut donc êtreporteur sain d’une mutation.

Malgré ce contexte particulier, l’âge jeune des premiers symptômes (avant 20 ans dans la majorité des cas) fait que le diagnostic de pancréatite est souvent ignoré, aboutissant à un retard diagnostique médian de 9 ans [14]!

» Les pancréatites métaboliques

L’hypercalcémie, quelle qu’en soit la cause, peut être àl’origine d’une PA à condition de dépasser le seuil de 3 mmol/L [15]. Il n’estpas souhaitable de doser la parathormone plasmatique tant qu’une hypercalcémie n’apas été mise en évidence par une étude du métabolisme phosphocalcique. Au coursd’une PA sévère, la calcémie baisse habituellement. Il s’agit même d’un descritères de gravité du score de Ranson [16]. La constatation d’une calcémienormale ou juste au-dessous de la normale à la phase initiale d’une PA sévèredoit attirer l’attention comme étant «inadaptée» à l’état du malade.

L’hypertriglycéridémie peut provoquer une PA (jamais de signe de PC) parfois sévère [17]. Le seuil habituellement retenu pour imputer une PA à une hypertriglycéridémie est de 10 mmol/L. Un travail récent a montré que le taux médian était de 30 mmol/L. Dans ce cas, le sérum est très lactescent permettant un diagnostic «à l’œil nu». Rappelons cependant que dans certains cas, l’hypertriglycéridémie peut être très fugace, notamment lorsqu’elle est dépendante de l’ingestion de lipides, de glucides ou d’alcool. Il faut savoir la doser très précocement au cours d’une PA et au moindre doute, déclencher un bilan métabolique complet dans un service spécialisé, comportant des tests de charge.

» Les pancréatitesauto-immunes (PAI)

Il s’agit d’une nouvelle entité décrite depuis une quinzained’années ayant fait l’objet de nombreuses mises au point [18]. Les critèresdiagnostiques ne sont pas encore bien établis, en particulier le rôle du dosagedes auto-anticorps, des IgG4 sériques, des gammaglobulines [19].

La PAI peut prendre une forme pseudo-tumorale ou diffuse. Elle peut ou non être associée à des manifestations auto-immunes ou systémiques en particulier le syndrome de Gougerot Sjögren, une maladie inflammatoire cryptogénétique intestinale, une cholangite elle-même de mécanisme auto-immun et qui est distincte de la cholangite sclérosante primitive [20, 21]. Ces manifestations associées peuvent précéder, accompagner ou succéder de plusieurs années la PAI.

Le meilleur argument diagnostique repose sur l’imagerie, mettant en évidence un pancréas délobulé, aux contours lissés, donnant un aspect «en saucisse». L’imagerie canalaire (au mieux une IRM) est précieuse, montrant un système canalaire pancréatique non dilaté, irrégulier, avec de longues sténoses ou le canal principal peut même disparaître sur plusieurs centimètres [22].

» Les pancréatites d’amont

Les pancréatites en amont d’un obstacle tumoral doivent êtreune véritable obsession en cas de PA ou de PC survenant sans cause patente,au-delà de 50 ans (et même avant! ). Entre 5 et 10% des adénocarcinomespancréatiques se révèlent par une PA. Ce pourcentage atteint 20-40% en cas detumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) [2]. Lagénéralisation de la CP-IRM a fait de cette dernière une cause majeure de PANANB au-delà de 50 ans. Bien que cela ne soit pas formellement démontré, laCP-IRM est plus sensible que la pancréatographie rétrograde endoscopique pourle diagnostic de TIPMP surtout en cas d’atteinte exclusive des canauxsecondaires.

Une des erreurs diagnostiques les plus courantes est de considérer une lésion kystique diagnostiquée dans le cadre d’une PA comme étant un pseudokyste. Rappelons qu’il faut du temps pour qu’un pseudokyste «s’organise» et que sa paroi s’individualise. La constatation d’une structure kystique sur le scanner initial évaluant la sévérité ou diagnostiquant une PA doit faire évoquer une tumeur kystique ou non un pseudokyste. Il s’agit donc de la poule et non de l’œuf!

Une autre erreur est de s’en tenir à l’équation «calcifications pancréatiques = PC». Cette vérité a ses exceptions. Rappelons notamment que 5-10% des TIPMP sont associées à des calcifications pancréatiques [23].

La dysfonction du sphincter d’Oddi existe bien. Il est cependant nécessaire de réunir tous les éléments de son diagnostic que sont les anomalies biologiques biliaires transitoires évoquant une migration lithiasique, la dilatation de la voie biliaire principale et éventuellement des arguments scintigraphiques.

Le pancréas divisum doit plus être considéré comme un polymorphisme non pathogène (il y a bien des brunes et des blondes! ) que comme une cause de pancréatite. Dans certains cas privilégiés mais absolument exceptionnels, la constatation d’un canal dorsal dilaté alors que le canal ventral est de calibre normal doit faire reconsidérer cette assertion.

» Les pancréatites traumatiques

Elles sont la cause principale de PA chez l’enfant. Le traumatisme en cause est habituellement assez violent, antéropostérieur. La pancréatite est due à une contusion du parenchyme pancréatique sur le rachis entraînant des lésions pouvant aller jusqu’à la rupture canalaire complète. Dans le cadre d’un polytraumatisme, l’atteinte pancréatique peut passer au second plan ou ne se révéler que plusieurs mois ou années plus tard comme une pancréatite obstructive en amont de la contusion canalaire.

» Autres causes

Nous citerons pour chacune des causes, un aphorisme rapide.

Avant de parler de PA médicamenteuse, il faut faire le diagnostic de PA devant l’association d’une douleur typique et d’une élévation significative et transitoire de la lipasémie. Autrement dit, une simple élévation de la lipasémie (ou de l’amylasémie qui ne devrait plus être dosée depuis la conférence de consensus de 2001! [5]) sans douleur et sans anomalie radiologique ne permet pas de porter le diagnostic de PA (et donc de PA médicamenteuse) et ne constitue en aucun cas, un motif d’arrêt du médicament si ce dernier est utile au malade. La chronologie doit être reconstituée avec un grand soin comme pour les hépatites médicamenteuses. La consultation du fichier Pancréatox est nécessaire pour évaluer l’imputabilité du médicament (http://www. e-drugnews.com/biourtox/framesetsol
vay.cfm?CFID=562129&CFTOKEN=27237878).

Les pancréatites post-radiques surviennent de nombreuses années après l’irradiation. Elles peuvent être en cause si l’irradiation a couvert la région épigastrique.

Les pancréatites post-CPRE ou post opératoires surviennent dans un contexte évident. Rappelons que tout geste chirurgical y compris extra-abdominal peut être en cause. Néanmoins, la chirurgie susmésocolique et la chirurgie cardiovasculaire (clampage aortique ou circulation extracorporelle) sont le plus souvent en cause.

Les pancréatites infectieuses sont dues à de nombreux germes viraux (adénovirus, oreillons, etc.), bactériens (salmonelles, campylobacter, etc.) ou parasitaires. En Asie du Sud-est, la migration d’un ascaris dans la voie biliaire ou le canal pancréatique est une cause majeure de PA qui se présente comme une PA biliaire.

» Les pancréatites idiopathiques

Cet adjectif commode nous sert de paravent pour cacher plusou moins pudiquement notre ignorance. Le pourcentage de pancréatite sans causea régulièrement diminué ces dernières années. Il est essentiel que toutes lescauses soient scrupuleusement et soigneusement cherchées. La méconnaissanced’une cause biliaire ou tumorale peut avoir des conséquences dramatiques à courtou long terme.

Comment fairele bilan étiologique d’une pancréatite?

» L’anamnèse

La lecture des paragraphes précédents devrait donner la cléde ce problème. Cette démarche repose sur plusieurs étapes des plus banales auxplus sophistiquées.

L’étude du contexte (âge, sexe, antécédents personnels etfamiliaux) est la première étape de tout raisonnement médical. Signalonscependant que les malades découvrent souvent l’organe (le pancréas) et lamaladie (la pancréatite) en même temps et ne signaleront pas spontanément uneéchographie vésiculaire ancienne, une bouche sèche, une diarrhéeglairo-sanglante, une irradiation d’il y a plus de 10 ans, un accident de motoou encore un frère atteint de pancréatite. Pour rester encore plus trivial,l’équation «alcool + pancréas = pancréatite» est totalement inconnue du public!C’est au corps médical, au corps «savant», de chercher et de poser les bonnesquestions. La chronologie des faits, le moment de l’hospitalisation par rapportau début des douleurs, les prises médicamenteuses, les signes associés serontcherchés activement et de façon claire.

» La biologie

Outre le bilan permettant le diagnostic positif etl’évaluation de la gravité de la pancréatite, il faudra au minimum doser à laphase aiguë de la maladie les transaminases (le plus précocement possible +++),les triglycérides et la calcémie (et non pas la PTH qui doit être dosée unefois l’hypercalcémie démontrée).

La recherche des mutations causales de PA ou de PC ne doit être faite que chez des sujets jeunes (< 50 ans) sans autre cause évidente, a fortiori en présence d’antécédents familiaux.

Le dosage des marqueurs auto-immuns (anticorps anti-nucléaires, anti-mitochondries, anti-réticulum endoplasmique, Latex Waler-Rose, dosage pondéral des IgG, IgE, IgM, IgA et IgG4) ne sera fait que si l’imagerie (cf. infra) montre des signes évoquant une PAI.

» L'imagerie

Le bilan d’imagerie est essentiel. L’échographietranscutanée doit toujours être faite à la phase aiguë et le plus tôt possiblepour chercher une lithiase vésiculaire.

Le scanner doit être fait à la phase aiguë pour aider au diagnostic positif (en cas de doute), évaluer la gravité et aider au diagnostic étiologique. En cas de signe inflammatoire important, il doit être refait à distance, après disparition de ces derniers pour chercher des signes de PC, de PAI, d’obstruction tumorale. Nous n’insisterons jamais assez (notre expérience quotidienne nous y conduit) sur la nécessité d’une technique radiologique irréprochable (mais rarement atteinte) reposant sur trois séries de clichés (sans injection de produit de contraste, au temps artériel et au temps portal), sur l’inutilité de l’ingestion de produit de contraste iodée (un demi-litre d’eau est largement supérieur), sur la nécessité de coupes fines (actuellement 1,25 mm et non 5 voir plus!) et sur l’exigence de (re) lire les clichés sans se fier au compte rendu. Un radiologue est à sa spécialité ce qu’un généraliste est à la médecine clinique. On ne peut donc lui demander d’être un expert dans l’interprétation de tous les organes.

La CP-IRM est devenue un examen incontournable devant faire partie du bilan minimal de toute PA ou PC de cause non évidente. Ici aussi, la qualité technique est essentielle en particulier pour les séquences en coupe épaisse centrée sur le canal pancréatique. Peu de centres réalisent des images satisfaisantes et il est particulièrement «payant» de refaire cet examen dans de bonnes conditions techniques. Si les TIPMP sont devenues une cause majeure de consultation, ce n’est certes pas dû à une épidémie ou à l’émergence d’une nouvelle maladie mais bel et bien au développement de l’IRM.

L’échoendoscopie ne se discute qu’en troisième voire en quatrième ligne, après réalisation des examens précédents dans ces conditions techniques idoines. Tous ces examens d’imagerie sont très opérateurs- et machines-dépendants (et non pas seulement l’échoendoscopie comme on l’a entendu pendant de nombreuses années). L’intérêt de l’échoendoscopie est d’affirmer ou d’infirmer définitivement le diagnostic de lithiase biliaire, de dépister une petite tumeur, de compléter la recherche ou le bilan d’une TIPMP.

Au terme de ce bilan

Il devient finalement rare qu’une pancréatite reste sanscause et si cela était le cas il y a dix ans, il ne faut pas hésiter à refairele bilan aujourd’hui en utilisant les outils biologiques et d’imagerie les plusperformants. Un interrogatoire orienté et bien mené, une utilisation raisonnéede l’imagerie et des examens biologiques amènent la plupart du temps sinon lasolution thérapeutique, en tout cas la compréhension du mécanisme.

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