Parasitoses intestinales méconnues

Objectifs pédagogiques

— Connaître l’épidémiologie des parasitoses rares;

— Connaître leur tableau clinique;

— Savoir prescrire les examens complémentaires utiles;

— Connaître leur traitement curatif.

— Connaître les recommandations ou traitements préventifs.

Résumé

Les parasitoses intestinales sont devenues méconnues du fait de leur relative rareté. Pourtant elles sont loin d’avoir disparu de nos consultations. Elles se rencontrent principalement chez les voyageurs, les migrants, les immunodéprimés et chez les personnes vivant en collectivité notamment les enfants. Au plan diagnostic, il faut savoir répéter les examens de selles (sachant que tout parasite identifié ne nécessite pas forcément un traitement) ; par ailleurs l’hyperéosinophilie est un bon élément diagnostique d’orientation dans un contexte évocateur mais elle ne se rencontre que chez les helminthes. Chez le voyageur qui s’est exposé (bains en eau douce) et chez le migrant, africain principalement, la recherche systématique d’une bilharziose, au minimum par sérologie, est légitime pour éviter une évolution fibrosante du foie à bas bruit. En collectivité notamment d’enfants, le traitement de la giardiose et de l’oxyurose doit comporter 2 cures espacées de 15 jours et un traitement des sujets contact. Grâce à son large spectre d’activité incluant la giardiose et sa bonne tolérance, l’albendazole est devenu un antiparasitaire de première ligne.

Mots-clefs

Parasitoses intestinales, hyperéosinophilie, diarrhée, voyageur, migrant, albendazole, ivermectine

Introduction et rappels

Les parasitoses intestinales (PI), d’une banalité absoluedans le monde en développement (l’ascaridiose affecte le quart de la populationmondiale), sont devenues relativement rares dans les pays industrialisés et parconséquent, de moins en moins bien connues. Pourtant, elles sont non seulementloin d’être exceptionnelles, mais la mondialisation devrait logiquemententraîner une augmentation des situations où généralistes ougastro-entérologues vont se retrouver face à un problème de diagnostic ou detraitement de ces parasitoses.

Même si n’importe quel résident français peut contracter de façon occasionnelle une PI, on peut identifier 4 populations particulièrement à risques : a) Les voyageurs et expatriés, notamment ceux séjournant dans des conditions aventureuses ou proches des populations locales sont les premiers concernés du fait de l’augmentation spectaculaire des voyages intercontinentaux. En effet, l’Organisation Mondiale du Tourisme estime à 700 millions le nombre de voyages transfrontaliers par an dans le monde. En 1950, ces mouvements internationaux étaient estimés à 25 millions; en 2020, ils seront 1,5 milliard (croissance annuelle de 4,3%). En France, ce sont près de 4,5 millions de personnes qui vont séjourner tous les ans en zone tropicale [1, 2]; b) Les migrants représentent la deuxième population à risque en raison de leurs conditions de vie difficiles dans leur pays d’origine (les migrations pour raison économique expliquent 90% des phénomènes migratoires) et de leur parcours migratoire parfois très «aventureux»; c) Les patients immuno-déprimés représentent une troisième population, notamment ceux exprimant des parasitoses opportunistes volontiers responsables de tableaux sévères; d) Enfin, les enfants (parfois aussi les personnes âgées) vivant en collectivité posent régulièrement des problèmes de traitement de certaines PI.

Dans ce qui va être développé ci-dessous, certains lecteurs seront peut être surpris des changements de terminologie. Ils sont liés à une volonté d’homogénéisation par rapport aux terminologies internationales. Ainsi les parasitoses finissant par «ase» ont maintenant une terminaison en «ose» (ascaridiase  ascaridiose; amibiase  amoebose). Par ailleurs, la lambliase «n’existe plus» et ne devrait plus s’appeler maintenant que giardiose. De même, les bilharzioses devraient maintenant s’appeler schistosomoses.

Sans reprendre la complexité de certains cycles parasitaires dont certains font appel à 2 voire 3 hôtes intermédiaires, rappelons que les parasites sont issus de 2 grands groupes, les protozoaires (unicellulaires) et les métazoaires (pluricellulaires). En pathologie humaine, les métazoaires existent surtout par les helminthes (parasites sous forme de vers) dont la particularité est d’avoir un cycle en 2 phases qui vont être responsables de conséquences physiopathogéniques très différentes notamment dans le cadre des PI. Ainsi, la phase larvaire va être paradoxalement responsable de tableaux parfois très sévères alors que les manifestations cliniques au stade adulte du parasite sont en général bénignes et même très souvent asymptomatiques [3].

En matière de PI, le diagnostic positif va reposer essentiellement sur la visualisation du parasite à l’examen microscopique direct des selles (examen parasitologique des selles (EPS) parfois après concentration (par exemple technique de Baermann pour la strongyloïdose/anguillulose), cultures ou techniques spécifiques. Pour une rentabilité optimum, trois règles sont à respecter : 1) examen «à chaud» des selles, certains protozoaires (amibes, giardia) étant très fragiles, ce qui impose une émission des selles au laboratoire avec examen immédiat; 2) répétition des examens (3 à quelques jours d’intervalle); 3) signalement au biologiste si l’on pense à un parasite inhabituel pour bénéficier des techniques spécifiques (cyclospora, cryptosporidie, microsporidie, …) [3]. La visualisation de cristaux de Charcot Leyden (cristallisation de produits de dégradation des polynucléaires éosinophiles) est un élément en faveur de la présence d’un helminthe (mais d’autres hypothèses sont possibles comme une allergie alimentaire). Par contre, dans les PI, les sérologies sont d’un intérêt limité.

L’hyperéosinophilie a une valeur présomptive du diagnostic de PI importante dans un contexte évocateur bien que cela soit limité aux helminthoses. Sa définition doit être bien connue pour éviter de partir sur de fausses pistes : elle se définit par une valeur absolue de polynucléaires éosinophiles à plus de 500 /mm3. Elle est d’autant plus élevée que l’helminthe est en phase larvaire, pouvant aller jusqu’à 10 000/mm3 [4]. Il ne faut cependant pas perdre de vue que l’hyperéosinophilie n’est pas spécifique des parasitoses.

Ces dernières années, les antiparasitaires ont beaucoup évolué. Certaines molécules nouvelles sont apparues (ivermectine, nitazoxanide, triclabendazole, …), d’autres ont vu leur spectre d’indications s’étendre de façon parfois étonnante (ivermectine, albendazole, …). En pratique, dans le cadre des parasitoses digestives et notamment intestinales, on peut résoudre la majorité des situations cliniques avec 4 antiparasitaires : le métronidazole, l’ivermectine, l’albendazole et le praziquantel [3].

Pour aborder la question posée de façon concrète et pragmatique, nous nous sommes efforcés d’évoquer les différentes situations où un gastro-entérologue peut être confronté à une PI. C’est cette logique qui servira de fil guide pour la suite. Pour rester dans l’esprit d’un texte synthétique, seuls les points importants pour la pratique clinique seront évoqués. Le tableau I résume ces différentes situations et le tableau II synthétise les principales données à connaître. Pour plus d’informations sur les PI citées on peut consulter les références 3 et 5.

Principales situationsoù une PIpeut/doit être évoquée

» Retour d’un séjouren zone tropicale

Diarrhée avec syndromedysentérique

Deux parasitoses peuvent être évoquées. L’amoebose(amibiase) intestinale, présente dans tout le monde tropical mais devenuerelativement rare chez le voyageur, donne des tableaux très variés allant dusyndrome dysentérique classique avec sang dans les selles à des tableaux nonspécifiques. Il n’y a pas ou peu de fièvre. Dans ce contexte, le principaldiagnostic différentiel est la shigellose. La sérologie est souvent négative.Une cure d’Intétrix (amoebicide de contact) est recommandée en complément dumétronidazole pour éviter les récidives (persistance de kystes dans la lumièreintestinale) [3, 5].

La balantidiose (Balantidium coli) est rare, rencontréesurtout dans les zones d’élevage de porcs. Sa pathogénie est discutée maisil semble que dans certains cas (infestation massive?), un syndromedysentérique soit
possible [3].

Diarrhée chronique non spécifique

Giardiose, amoebose mais aussi cyclosporose,cryptosporidiose, microsporidiose, isosporose sont possibles et donnent desdiarrhées pas ou peu fébriles, rarement abondantes. A côté de la classique maisfréquente (notamment en Russie et tout particulièrement St Petersbourg)giardiose
(ex-lambliase) et de l’amoebose, 4 protozooses dites émergentes doivent êtreconnues même si elles restent relativement rares [6, 7] : a) Lacyclosporose (Cyclospora cayetanensis) a été particulièrement observée chez desvoyageurs revenant du Népal, Pérou, Haïti et Russie [6]. Les quinoloneset peut être le nitazoxanide sont des alternatives au cotrimoxazoleproposé en première intention; b) Cryptosporidiose et microsporidiose nedisposent pas de traitement validé en dehors du nitazoxanide non disponible enEurope et incomplètement évalué.

La fréquence des causes parasitaires souvent méconnues justifie (ainsi que d’autres étiologies sensibles à ces molécules), après l’exploration parasitologique des selles, un traitement empirique associant simultanément ou consécutivement métronidazole, cotrimoxazole +/- quinolones [8].

Signes généraux avec signesdigestifs compatiblesavec une primo-invasion

Les PI liées à des helminthoses à cycle larvaire tissulairepeuvent entraîner dans les semaines suivant la contamination, des tableauxparfois bruyants (notamment dans les infestations massives) liés à la migrationlarvaire (syndrome d’invasion). Il s’agit de signes de la lignée allergique quis’associent de façon variable (fièvre, urticaire ou érythème, asthme – syndromede Loeffler –, douleurs abdominales et troubles digestifs voire choc).L’hyperéosinophilie est dans ce cas constante et élevée. C’est le cas notammentde l’ascaridiose, la trichinellose, la toxocarose, l’ankylostomose, lastrongyloïdose (anguillulose), les schistosomoses… Les trois dernièresparasitoses citées sont liées à des contacts cutanées (marche pieds nus ou dansl’eau) avec l’eau ou la terre humide, les trois premières au péril féco-oral[3, 5].

Tableau dyspeptique

Cette sensation fréquente chez le voyageur au retour doitfaire évoquer la possibilité de PI pauci-symptomatiques telles que giardiose,téniase, ascaridiose, ankylostomose, strongyloïdose (au même titre qu’unsyndrome de l’intestin irritable dont on a montré qu’il pouvait être secondaireà une diarrhée du voyageur).

Faut-il dépister systématiquement une PI chez un voyageurà son retour?

En l’absence de signes cliniques, il n’est en règle pas nécessaire de faire un dépistage systématique (par EPS ou sérologie) sauf dans 4 situations : 1) séjour ou expatriation prolongée en zone à risque; 2) voyageur ayant un facteur de risque de schistosomose (bilharziose) : marche ou nage dans l’eau douce (intérêt d’une sérologie systématique); 3) découverte fortuite d’une hyperéosinophilie; 4) chez les patients fragilisés, polypathologiques ou immunodéprimés (recherche de protozooses surtout) [3, 9].

» Migrants

Tout migrant arrivant dans un pays industrialisé devraitbénéficier d’une recherche de PI à titre systématique. Les conditions d’hygiènedans le pays d’accueil ne permettant pas en règle générale des réinfections, ledéparasitage même sur une parasitose asymptomatique est souhaitable.C’est particulièrement important pour 2 parasitoses : lastrongyloïdose (anguillulose) en raison du risque même très à distance de formemaligne (voir ci-dessous) et les schistosomoses (notamment digestives) enraison du risque de poursuite à bas bruit de l’évolution fibrosante du foie (lalongévité des femelles permet une ponte active de nombreuses années après ladernière infestation). En pratique, ce bilan systématique devrait comporterpour ce qui est des PI un à trois EPS et une sérologie bilharziose. Bienévidemment, tout signe clinique ou biologique (dyspepsie, diarrhée aiguë ouchronique, signes d’hépatopathie, hyperéosinophilie) doit déclencher un bilanparasitologique comprenant au minimum 1 à 3 EPS, le bilan sérologique étantorienté par les signes d’appel et la provenance du patient [3].

» Patient n’ayant pas séjourné en zone tropicale

Diarrhée et déficit immunitaire

Que le déficit immunitaire (notamment infection par le VIH)soit connu ou suspecté devant des signes évocateurs, la survenue d’une diarrhéechronique dans ces situations doit faire évoquer une giardiose et lesprotozooses opportunistes (cryptosporidiose, microsporidiose, isosporose, et àun moindre degré, cyclosporose). Il s’agit en règle d’une diarrhée chroniquevolontiers abondante, sans fièvre, responsable rapidement d’un amaigrissementimportant. Le diagnostic repose sur les EPS en spécifiant les parasitesrecherchés (techniques spécifiques). En dehors de l’isosporose et de la cyclosporose(Tableau II), il n’y a pas de traitement reconnu efficace, la fumagilline(microsporidiose) et le nitazoxanide (cryptosporidiose, microsporidiose)n’ayant pas encore apporté toutes les preuves d’efficacité [10, 11].

Signes généraux aigusavec manifestations digestives

Trois situations très diverses peuvent révéler une PI avecce type de tableau :

– Tableau évocateur de primo-invasion d’helminthose (voir ci-dessus) : chez des personnes n’ayant pas voyagé, 2 parasitoses autochtones à expression parfois digestive sont à considérer [3] : a) La toxocarose est une helminthose du chien et du chat en impasse parasitaire ce qui entraîne une errance des larves (larva migrans) dans l’organisme (dont la sphère digestive). Elle se contracte par voie orale. Le tableau peut être très bruyant, les antiparasitaires (Tableau II) ayant de la peine à faire la preuve de leur efficacité; b) La trichinellose, également cosmopolite, se contracte principalement par consommation de viande crue ou mal cuite (cheval, porc, …). Elle survient surtout par bouffée épidémique. Le tableau, survenant rapidement après l’ingestion de viande contaminée, est parfois très bruyant avec en dehors d’une diarrhée et des douleurs abdominales, des signes de la lignée allergique et notamment, un œdème du visage. Même si le bénéfice de l’albendazole n’a pas été démontré formellement, il est recommandé d’en prescrire une cure (voir posologie tableau II) en l’association à une corticothérapie (0,5 à 1 mg/kg) dans les formes graves [5].

– Signes généraux sévères et troubles digestifs avec terrain d’immuno-dépression : il peut s’agir de l’anguillulose (strongyloïdose) maligne (ou disséminée). Dans ce contexte (corticothérapie à fortes doses, chimiothérapie lourde…mais bizarrement pas le sida), le cycle d’auto-infestation interne (qui permet à une anguillulose de persister à bas bruit plusieurs décennies après l’infestation) «s’emballe» avec hyperproduction d’une quantité considérable de larves qui vont disséminer partout dans l’organisme. Ce tableau, heureusement rare, peut être gravissime ce qui justifie une recherche et même un traitement préventif systématique chez toute personne ayant séjourné même très longtemps auparavant (plusieurs décennies) en zone tropicale (y compris Antilles). Le traitement par ivermectine (non codifié) fait appel à des doses élevées et prolongées [12,13].

— Syndrome pseudo-occlusif ou pseudo-ulcéreux : la consommation de poisson cru, fumé ou peu cuit peut entraîner un tableau douloureux pseudo-chirurgical par insertion d’une larve d’anisakis dans la muqueuse digestive (anisakidose ou anisakiase). Le diagnostic se fait par visualisation de la larve à l’endoscopie qui en permet l’ablation (pas d’antiparasitaire reconnu même si des études in vitro suggèrent l’intérêt de l’albendazole) [14, 15].

» Enfants et sujets âgésen collectivité

L’oxyurose et la giardiose (rencontrée aussi en maison deretraite ou en secteur psychiatrique fermé) sont rencontrées régulièrement dansles collectivités de jeunes enfants (crèches, garderies). La transmissioninter-humaine directe (mains) explique les taux d’attaque important. Lasymptomatologie est en règle minime (prurit anal ou vulvaire avec troubles dusommeil pour l’oxyurose; diarrhée chronique et dyspepsie pour la giardiose). Letraitement dans les 2 cas est efficace mais suppose que tous les sujetscontacts soient traités en même temps, ce qui explique les récidives fréquentes[3].

Cas particuliers

– Giardiose et déficit immunitaire : dans le déficit primitif en IgA ou déficit global en immunoglobulines, la giardiose est fréquente, résistante et récidivante malgré un traitement adapté [16];

– Strongyloïdose et infection par HTLV-1 : incidence plus importante avec moindre efficacité et récidives sous traitement;

– La visualisation (parfois fortuite) de vers à l’œil ou au cours d’une endoscopie n’est pas exceptionnelle. Le tableau II donne des orientations diagnostiques en fonction de la taille et de l’aspect;

– La découverte fortuite de calcifications abdominales lors d’un ASP doit faire évoquer des parasitoses qui en règle (sauf l’hydatidose et parfois la cysticercose) sont non actives et ne nécessitent pas de traitement (tableau II).

– La parasitophobie (syndrome d’Ekbom) portant notamment sur les parasites digestifs est un trouble mental extrêmement éprouvant pour les malades (et pour les praticiens!). La prise en charge psychiatrique est souvent décevante, les patients errant d’un consultant à un autre, le risque étant de céder aux demandes d’explorations invasives et de traitements inutiles.

digestifs est un trouble mental extrmement prouvant pour les malades (et pour les praticiens!). La prise en charge psychiatrique est souvent dcevante, les patients errant dun consultant un autre, le risque tant de cder aux demandes dexplorations invasives et de traitements inutiles.

Traitements anti-parasitaires (Tableau III)

La gamme des anti-parasitaires s’est élargie tant parl’apparition de nouvelles molécules (issues d’ailleurs le plus souvent de lamédecine vétérinaire plus novatrice en la matière du fait d’un meilleur retoursur investissement qu’en pathologie humaine!) que par la découverte denouvelles indications (albendazole, ivermectine, praziquantel) ). En matière dePI, les antiparasitaires classiques tendent à être moins utilisés maintenantque l’albendazole, actif sur la majorité des helminthes et sur certainsprotozoaires est disponible, le métronidazole (et ses dérivés retard) restantla référence pour les protozoaires. Au delà des schistosomoses (bilharzioses),le praziquantel a vu élargir ses indications aux téniases et à certainesdistomatoses. A terme, si son intérêt se confirme, le nitazoxanide (pas encoredisponible en Europe) pourrait encore simplifier les choix thérapeutiques, sonspectre d’activité recouvrant pratiquement celui de l’albendazole et dumétronidazole. Le tableau III résume les principales caractéristiques desantiparasitaires qu’il faut connaître en pratique [17-20].

Lorsqu’un parasite est identifié sur un EPS et quelle que soit l’indication de cet examen, la première question à se poser est la nécessité d’un traitement.

En effet, certains parasites (amibes non pathogènes surtout) sont considérés comme non pathogènes et ne méritent aucun traitement, l’éventuelle symptomatologie digestive justifiant leur découverte étant due à une autre cause (Tableau IV). Entamoeba dispar amibe non pathogène 10 fois plus fréquente que E. histolytica ne peut malheureusement pas être distinguée de cette dernière par l’examen microscopique standard (EPS). Le résultat de l’EPS évoquera donc cette double possibilité sachant que, en l’absence d’autres techniques de confirmation (actuellement en cours de validation), un traitement d’amoebose sera institué (même en l’absence de symptomatologie) [3]. D’autres ont une pathogénie discutée, certains auteurs considérant que dans certains cas (infestation massive, immuno-dépression), ils pourraient être responsables de diarrhée et de troubles digestifs. La majorité des amibes non pathogènes sont sensibles au métronidazole. Le seul intérêt de leur découverte est d’avoir un argument pour une hygiène défectueuse. Enfin, certains parasites comme Dicrocoelium dentriticum (douve hépatique cosmopolite de nombreux herbivores, notamment du mouton), qu’il n’est pas exceptionnel de trouver sur un EPS, proviennent de la consommation de viande parasitée mais sont en fait en transit dans le tube digestif du patient sans qu’un cycle pathogène ne puisse s’enclencher. Aucun traitement n’est nécessaire. En cas de doute, la disparition du parasite sur des examens de contrôle confortera cette hypothèse [5].

Conclusion

En conclusion, il faut retenir les points pratiquessuivants :

– Dans un contexte compatible, l’hyperéosinophilie est très évocatrice d’une infection par helminthes. Si elle est franchement supérieure à 1000/mm3, cela évoque une primo-invasion (primo-infection) surtout si des signes «allergiques» sont présents. A l’inverse, au-dessous de ce seuil, il s’agit plutôt d’une helminthose au stade d’état.

– Dans une diarrhée chronique au retour de voyage, penser aux protozoaires «émergents» et considérer l’intérêt d’un traitement présomptif;

– La schistosomose (bilharziose) digestive (S. mansoni et japonicum) pouvant passer inaperçue avec constitution de lésions hépatiques à bas bruit, le dépistage systématique chez le voyageur exposé et le migrant africain est souhaitable (EPS et sérologie);

– Chez le jeune enfant en collectivité, un traitement efficace de la giardiose et de l’oxyurose impose 2 cures à 15 jours d’intervalle et surtout un traitement de tous les sujets contacts;

– Pour éviter l’anguillulose disséminée (maligne), penser à une cure d’ivermectine systématique avant un traitement immuno-suppresseur chez tout patient ayant séjourné en zone d’endémie, même plusieurs décennies auparavant;

– L’albendazole est devenu l’antiparasitaire de référence pour toutes les helminthes intestinales avec par ailleurs, une efficacité sur les giardia;

— Tout parasite trouvé dans les selles ne nécessite pas forcément un traitement (parasites non pathogènes).

 

REFERENCES

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