Polyposes en dehors de la polypose adénomateuse familiale

Objectifs pédagogiques

– Connaître les différentes polyposes;

– Connaître leur potentiel de dégénérescence;

– Savoir comment les surveiller, les traiter et comment les dépister.

Introduction

La découverte d’une polypose colorectale diffuse en dehorsde tout contexte personnel ou familial connu, implique forcément un diagnostichistologique qui fournit presque systématiquement le diagnostic. En dehors despolyposes adénomateuses largement majoritaires, il n’est pas rare dediagnostiquer des polyposes faites d’adénomes festonnés, des polyposeshyperplasiques, et bien plus rarement, les classiques polyposes hamartomateuses(la définition de l’hamartome est : tissu normal en position anormale, cequi correspond en pratique à la présence de glandes épithéliales, parfoiskystiques, de chorion et de muscle lisse plus ou moins arborisé). Dans cettedernière situation, une prise en charge optimale nécessite de faire undiagnostic précis de syndrome. Cette revue propose les grandes lignes dudiagnostic et de la prise en charge dans chaque cas, prise en charge forcémenttrès empirique en cas de polypose festonnée ou hyperplasique en l’absence desyndrome identifié en particulier d’un point de vue génétique.

Polyposes Hamartomateuses

» La polypose juvénile

Diagnostic

La polypose juvénile est une polypose hamartomateuserare : l’incidence est estimée à 1/100 000 naissances en Europe et aux USA[1]. La définition du syndrome est la suivante : présence de 3 polypesjuvéniles au moins, associés à une polypose diffuse gastrointestinale ou unnombre indifférent de polypes juvéniles dans une famille correspondant à cesyndrome [2]. Le diagnostic est fait à un âge moyen de 18,5 ans, le symptôme dedécouverte le plus courant étant les rectorragies. Une association fréquenteavec des malformations : mal rotation, défaut cardiaque ou génito-urinairea été rapportée dans le passé, mais paraît beaucoup moins évidente dans desséries plus récentes [3]. L’examen histologique précis des polypes estdéterminant pour le diagnostic (différentiel avec les autres polyposeshamartomateuses) : présence d’une lamina propria abondante avec cellulesmononucléées (macrophages ou lymphocytes), sans arborisation importante de musclelisse, et présence de glandes kystiques remplies de mucus alors quel’épithélium est en général normal, rarement dysplasique. Les erreurs dediagnostic sont fréquentes avec la maladie de Cowden, du fait des analogieshistologiques et de la localisation souvent identique gastrique etcolique : dans un article récent, plusieurs patients ayant une maladie deCowden étaient classées en polypose juvénile avant le diagnostic génétique demutation du gène PTEN [4].

Risque de cancer et de lésionspré-néoplasiques

Les lésions caractéristiques et considérées comme exclusivesde la polypose juvénile sont les hamartomes colorectaux ou gastriques. Ceslésions présentent un risque de dégénérescence.

Hamartomes colorectaux et cancer

Les lésions colorectales expliquent la majorité dessymptômes dans l’enfance : saignement (aigu ou chronique), invagination,prolapsus rectal, entéropathie exsudative dans de rares formes très graves [2].La majorité des polypes hamartomateux est localisée dans le rectosigmoïde(50-200 par patient). Il existe une importante variabilité inter etintra-familiale du nombre de polypes. Des adénomes (apparition de dysplasie ausein des hamartomes) peuvent être diagnostiqués avant 20 ans au sein de polypesjuvéniles, bien que cette présentation soit rare [5]. Les polypes juvénilescolorectaux peuvent être présents en nombre élevé très tôt dans la vie, avant 5ans dans les rares séries disponibles [6]. Le risque principal est celui decancer colorectal. Le risque relatif, évalué récemment, est de 34,5 fois celuide la population générale, sans différentiel homme/ femme [7]. L’âge descancers varie de 15 à 68 ans, avec une moyenne de 34 à 40 ans selon les séries.Des séries relativement récentes ont évalué le risque cumulé de cancer digestifà 25% des patients, avec une proportion élevée de cancers gastriques etcolorectaux, et une discussion sur de possible tumeurs de l’intestin grêle [6].Une série évaluant le risque relatif de tumeurs digestives ne retrouve pas derisque particulier en ce qui concerne l’intestin grêle [7].

Hamartomes gastriques et cancer

Les lésions gastriques sont souvent de petite taille etréparties de façon diffuse. Il semble exister une corrélation assez préciseentre la présence d’une localisation gastrique, surtout lorsqu’elle est sévère,et la présence d’une mutation du gène Smad4 (en particulier au niveau de l’exon9) [8]. La fréquence relative d’atteinte gastrique est de 73% en cas demutation de Smad 4 versus 8% en cas de mutation BMPR1A [4, 9]. Le risque majeurest le développement d’un adénocarcinome gastrique, avec un risque cumuléestimé entre 9 et 55%, potentiellement très élevé dans les familles avecmutation du gène Smad 4 [4]. L’âge moyen des cancers gastriques est de 58 ans(extrêmes 21-73 ans) [9]. Un cas de cancer gastrique jeune (18 ans) a étédécrit cependant, dans une famille sans mutation identifiée [10].

Génétique

Il existe deux gènes identifiés dont les mutations sontresponsables d’un tableau de polypose juvénile : SMAD 4 (50% des cas) etBMPR1A. Ces anomalies génétiques sont soit ponctuelles, soit correspondent à delarges délétions, comme le montrait un travail récent. Sur 65 familles depolyposes juvéniles considérées comme typiques, une mutation de Smad 4 ouBMPR1A ponctuelle était retrouvée chez 30 (46%) patients, et une délétion largechez 14% (6 Smad 4, 4 BMPR1A), soit une mutation identifiée chez 60% de cesformes typiques. De façon intéressante, des mutations de PTEN étaientretrouvées chez 2 patients, correspondant à une erreur de diagnostic classique[4]. Des cas de mutation du gène ENG, impliqué classiquement dans la maladie deRendu-Osler, on été rapportés lors de polypose juvénile avec un développementde la polypose très tôt dans la vie [11].

Récemment, une forme génétique à manifestation clinique particulière a été décrite : certains patients sont porteurs de délétions larges impliquant à la fois les gènes PTEN et BMPR1A : ces anomalies semblent responsables de formes sévères, précoces, avec polypose diffuse et entéropathie exsudative, responsable potentiellement d’un décès précoce [11, 12].

De façon intéressante, et rapporté récemment, un petit quart des patients porteurs d’une mutation de Smad 4 ont des signes cliniques compatibles avec une maladie de Rendu-Osler [4]. Ceci est logique puisque la voie de signalisation du TFG est impliquée dans les 2 maladies.

Prise en charge

Une surveillance endoscopique colorectale et gastrique estbien entendue nécessaire, plutôt en se basant sur la présence de symptômes dansl’enfance, et de façon systématique à l’adolescence, vers 15 ans. Le traitementendoscopique des polypes est possible dans certaines formes peu profuses, àcondition de respecter un rapport risque/ bénéfice raisonnable (patientsprésentant une vingtaine de polypes). Certains cas de «normalisation» coliqueont été rapportés après plusieurs endoscopies, mais un long recul manque danscette situation [5]. Dans le cas d’une polypose profuse ou incontrôlable, lacolectomie est recommandée. Encore une fois, le phénotype (nombre et taille despolypes) semble pouvoir être très différent d’un enfant à l’autre de la mêmefamille [5]. La prise en charge d’une polypose profuse gastrique n’est pasclarifiée, passe forcément par la réalisation de biopsies multiples(cartographie), avec la possibilité d’un décision chirurgicale en cas dedysplasie ou de lésions majeures. Il n’y a aucune autre surveillancerecommandée dans la polypose juvénile. En particulier, la surveillance del’intestin grêle ne peut pas être recommandé de façon systématique en l’absencede données claires.

» Le syndrome de Peutz-Jeghers

Diagnostic

La polypose de Peutz-Jeghers est un syndrome rare, environ 1personne sur 150 0000 aux USA et Europe [13]. Un des éléments déterminants dudiagnostic est une lentiginose caractéristique localisée au bord des lèvres(94%), sur la muqueuse buccale (66%), les mains (74%), les pieds (62%) [14]. Lalentiginose est composée de taches brun sépia (accumulation de pigmentsmélaniques dans la membrane basale de l’épiderme), de 1 à 5 mm de diamètre,d’apparition précoce dans l’enfance, de disparition fréquente à l’adolescencetardive. La polypose hamartomateuse digestive comprend des hamartomes composésde tissu conjonctif, d’une arborisation caractéristique musculaire lisse,bordée par un épithélium normal correspondant à l’étage digestif concerné. Lapolypose prédomine au niveau de l’intestin grêle.

L’âge moyen du diagnostic est de 23 ans et 26 ans chez les hommes et les femmes respectivement. Le début survient souvent (près de 50%) avant l’âge adulte par une invagination, presque toujours (95%) au niveau de l’intestin grêle. Les conséquences de l’invagination intestinale aiguë sont potentiellement graves : occlusion par obstruction de la lumière intestinale, et strangulation du mésentère du segment invaginé responsable d’ischémie, de nécrose, de perforation. Le diagnostic est difficile chez les enfants jeunes devant des crises douloureuses spontanément résolutives : la palpation abdominale recherche le boudin d’invagination, l’échographie est le moyen paraclinique diagnostique majeur. Les principaux symptômes pouvant conduire au diagnostic sont l’obstruction intestinale (43%), les douleurs abdominales (23%), un saignement digestif (14%), ou plus rarement une anémie chronique ou l’accouchement d’un polype par l’anus [15, 16].

Risques de lésionspré-néoplasiques et de cancers

Hamartomes

La polypose s’étend à tout le tractus digestifsous-diaphragmatique, et elle peut se développer à tous ses étages, avec unenette prédominance pour l’intestin grêle [18]. Les polypes sont multiples dansplus de 90% des cas. Selon une revue de 182 cas, la localisation au niveau del’intestin grêle est presque constante, 86% (jéjunum, 64%, iléon 52%) [17].Dans le reste du tractus digestif, la polypose est fréquente : rectum 31%,côlon 29%, estomac 24%, duodénum 16%.

Hamartomes et cancer digestifs

Environ 16% des hamartomes sont le siège de lésionsdysplasiques correspondant au développement de lésions adénomateuses de degrévariable de dysplasie [18, 19]. Ces lésions sont précurseurs de cancers à tousles étages du tube digestif : 8% gastriques, 10% duodénaux, 9% dans lejéjunum, 3% dans l’iléon, et 20% colorectaux [20]. Ces cancers peuvent survenirà des âges très précoces (Tableau) [21]. Le syndrome de Peutz-Jeghers estassocié à un risque cumulé de cancer de 94% entre 15 et 64 ans [16]. Pour L.A.Boardman, le risque relatif de cancer est plus élevé pour les femmes que pourles hommes (18,5 pour les femmes, 6,2 chez les hommes, tout type de cancerconfondu). Il est possible que le biais d’identification fréquent pour unsyndrome rare conduise à surestimer ce risque. Pour les tumeurs digestives,soit œsophage, estomac, intestin grêle, côlon, le risque cumulé est de 42% à 60ans.

La gastroscopie est le seul examen satisfaisant de surveillance de l’estomac. Des cancers très jeunes ont été décrits (avant 10 ans) [22]. Une surveillance dès l’âge de 8 ans est discutée. Le suivi est à faire tous les 2-3 ans. Le rôle de co-facteur d’une infection par H. pylori n’a pas été défini.

Tumeurs des cellules de Sertoli

Nature : tumeurs différenciées à malignité réduite àcellules de Sertoli [22]. Elles se développent à partir des cellules de Sertolisans participation des cellules de Leydig. Elles sont d’apparition très précoceentre 4 et 7 ans. Ces tumeurs se manifestent cliniquement chez lesgarçons, par une gynécomastie bilatérale dans 10% des cas, une croissancerapide et un âge osseux avancé [23]. Les dosages hormonaux montrent uneélévation anormale de l’œstradiol chez les garçons, avec une augmentation del’activité aromatase. Un examen annuel est recommandé entre 2 et 20 ans;certains proposent une échographie testiculaire tous les 2 ans [16, 24].L’évolution de ce type de tumeurs est bénigne dans 90% des cas.

Les cancers gynécologiques

– Tumeurs gynécologiques tumeurs ovariennes, mammaires, utérines : risque relatif 20 fois supérieur aux femmes de la population générale.

— Carcinome ovarien

– Tumeurs ovariennes

Elles naissent à partir des cordons sexuels (tumeurs des cordons sexuels à tubules annelés, SCTAT). Le risque cumulé est de 15% pour les femmes atteintes du syndrome. L’âge moyen d’apparition est précoce (20 ans). Les signes cliniques sont les méno-métrorragies, des douleurs abdominales (masse), des saignements post-ménopausiques ou une puberté précoce chez la petite fille. Macroscopiquement, ces tumeurs sont de tailles variables, bilatérales, multifocales siégeant dans le stroma ovarien, à la périphérie de la corticale, de la médullaire, ou des deux. Ce sont des tumeurs œstrogéno-sécrétantes favorisant la survenue de cancers mammaires. Les recommandations de surveillance actuelles, basées sur l’âge de survenue moyen et l’expérience des autres prédispositions (BRCA1, BRCA2, HNPCC), sont la réalisation d’une échographie endo-vaginale annuelle à partir de 25 ans, ainsi qu’un dosage du Ca 125.

– Tumeurs du sein

Nature: adénocarcinome [25]. Moyen du diagnostic : auto-palpation, palpation par un gynécologue, échographie, mammographie, IRM. Il s’agit du plus gros risque cumulé de cancer (32 à 54%) chez les femmes [16, 22]. Ce risque équivaut à celui des syndromes de prédisposition de type BRCA1 et 2 [26].

Autres cancers

– Pancréas

Nature : adénocarcinome ou cystadénocarcinome. Le risque cumulé dans la maladie de Peutz-Jeghers (36%) est le plus gros risque pour une prédisposition à ce cancer en dehors de la pancréatite héréditaire, et survient beaucoup plus tôt que dans la population générale. La chirurgie précoce étant le seul espoir de survie pour ce cancer de pronostic désastreux, quelques équipes ont proposé une surveillance extrêmement lourde pouvant aboutir à une pancréatectomie totale en cas de doute. Les seules données concernant la possibilité d’une surveillance concernent l’échoendoscopie pancréatique, mais il n’existe pas de protocole de surveillance satisfaisant recommandé : quel intervalle de surveillance, quelle conduite à tenir en cas d’anomalies [27, 28]?

Organisation du suivi

Un suivi peut être proposé en 2007 en se basant sur desrecommandations d’une des équipes qui possède le plus d’expérience dans lemonde, celle du John’s Hopskin Hospital à Baltimore et sur des publicationsrécentes pour des examens de dépistage de l’intestin grêle (capsuleendoscopique, entéroscope double ballon) [16].

Enfance de 0 à 8 ans

Le risque principal comprend les obstructions ou hmorragies surhamartome du grle, et les tumeurs testiculaires. Un examen clinique annuel,une chographie testiculaire et une chographie abdominale tous les 2 ans sontpeut-tre les meilleurs outils diagnostics cet ge.

8 ans à 6 ans

La surveillance testiculaire se poursuit tous les 2 ans. Lesuivi de l’intestin grêle est important, possible par capsule vidéo dès cetâge.

Un premier examen de l’estomac peut être recommandé vers 8ans, pour détecter les rares pathologies précoces et probablement rechercher laprésence d’Helicobacter pylori.

16 ans à 25 ans

Colon et estomac : Début du suivi colo-gastrique vers18 ans, puis tous les 2‑3 ans en fonction des constatations, exérèse(prudente, risque hémorragique) des polypes de grande taille et biopsiessystématiques gastriques antrales et fundiques.

Intestin grêle : Suivi du grêle par capsule et/ou entéroscanner tous les 2 ans. La laparotomie avec traitement endoscopique per-opératoire du nombre maximum de polypes de l’intestin grêle est actuellement le traitement de référence, avec pour objectif de minimiser le nombre de ré-interventions. La place de l’entéroscopie double-ballon, de plus en plus utilisée pour éviter les réinterventions multiple, est en cours d’évaluation.

Suivi testiculaire jusqu’à l’âge de 20 ans.

Début du suivi gynécologique par l’auto-examen des seinsmensuels à partir de 18 ans. Début de l’examen gynécologique à partir de 20ans : examen annuel et frottis-aspiration.

Après 25 ans

Colon et estomac : tous les 2 ans.

Seins : suivi annuel par examen clinique spécialisé, mammographie et/ou IRM. Auto examen mensuel.

Utérus et ovaires : examen annuel du col et frottis-aspiration, dosage du Ca 125 et échographie endo-vaginale annuels.

Pancréas : évaluation de l’intérêt d’un suivi par certaines équipes dans le cadre de protocoles de recherche clinique, par échoendoscopie (tous les 2 ans?).

» Le syndrome de Cowden

Diagnostic

La maladie de Cowden fait partie des polyposeshamartomateuses très rares avec la polypose juvénile qui est justement sonprincipal diagnostic différentiel : 1/200 000 naissances environ [1, 29].Il existe une caractéristique cutanée importante pour le diagnostic de maladiede Cowden, le trichilemmome, anomalie cutanée présente chez quasiment 100% despatients, bien que de rares cas de ce syndrome, associés à une mutation de PTENet sans anomalie cutanée aient été rapportés [1, 30]. Chez l’enfant, lesmanifestations cutanées sont observables avant 10 ans [1]. Une anomalie«extérieure» classique importante pour le diagnostic est la macrocéphalieprésente chez 40% des patients.

Risques de cancerset de lésions pré-néoplasiques

Hamartomes

Les hamartomes concernent la peau, la thyroïde, les seins etl’intestin. Les polypes digestifs sont présents chez 60% des patients. Ils sontprincipalement colorectaux et gastriques mais touchent fréquemment le duodénum,avec peu de données concernant le reste de l’intestin grêle [1, 31]. Lespolypes digestifs peuvent être de nature très variable, en particulier auniveau colorectal : hamartomes, lipomes, ganglioneuromes, polypesinflammatoires. Au niveau de l’œsophage, existe une particularité qui aide audiagnostic différentiel avec la polypose juvénile en particulier, qui est uneforme d’hyperkératose considérée par les anglo-saxons comme une acanthoseglycogénique, diffuse, très bien mise en évidence en utilisant une colorationau lugol [30].

Les lésions digestives ne semblent pas responsables d’un risque important de cancer, au point que l’on considère actuellement que le risque de tumeur digestive n’est pas différent de celui de la population générale. En revanche, il existe 2 risques importants de cancer au niveau thyroïdien et mammaire, avec un risque cumulé de cancer thyroïdien de 10%, et d’adénocarcinome mammaire particulièrement élevé, aux alentours de 30-50%, avec de rares cas décrits chez l’homme.

Prise en charge

Les examens recommandés concernent donc essentiellement lasurveillance des risques thyroïdien et mammaire :

– auto-examen des seins tous les mois et examen clinique médical annuel à partir de 15 ans, mammographie annuelle à partir de 25 ans;

– examen médical de la thyroïde à partir de 15 ans et tous les ans.

Un suivi digestif paraît tout à fait inutile chez l’enfant puisque le risque de complications semble faible ou nul (pas de saignement, pas d’invagination rapporté chez l’enfant), qu’un risque de néoplasie digestive déjà incertain chez l’adulte n’a jamais été signalé chez l’enfant.

Polyposes hyperplasiqueset festonnées

Au contraire des polyposes hamartomateuses qui, malgré unecertaine difficulté de diagnostic parfois, relèvent d’une caractérisationgénétique et d’une prise en charge bien définies, les polyposes hyperplasiqueset festonnées ne relèvent pour le moment d’aucun déterminisme génétique connu.Ceci rend leur définition et leur prise en charge plus complexe, basées sur descritères cliniques. Les polypes hyperplasiques, comme les polypes adénomateuxet au contraire des hamartomes, sont de façon bien démontrée, plus fréquents enprésence de certains facteurs exogènes. Ainsi, les études cas-témoin montrentun rôle important du tabac dans la genèse des polypes hyperplasiques, bien plusnettement que des adénomes, aussi bien dans les cas isolés que dans le cadre depolyposes hyperplasiques [32].

Les polyposes hyperplasiques ont une définition basée sur des critères de nombre et de taille découlant de l’examen endoscopique. Les critères de classification WHO définissent le syndrome de polypose hyperplasique par la présence d’au moins 5 polypes hyperplasiques en amont du côlon sigmoïde (dont 2 > 1 cm) ou de 30 polypes hyperplasiques sans localisation préférentielle. La fréquence de ces polyposes dans la population générale n’est pas connue. En revanche, des études systématiques montrent qu’une personne sur 3000 (12 cas parmi 40674 personnes asymptomatiques de 55 à 64 ans) présente environ 20 polypes hyperplasiques en rectosigmoïdoscopie, ce qui ne concerne donc que les formes gauches [33].

» Polyposes hyperplasiques

Il semble exister 2 tableaux «extrêmes» de polyposehyperplasique bien représentatifs de la classification WHO :

1) un tableau diffus à prédominance gauche modérée faite d’éléments en majorité (près de 90%) de petite taille (< 5 mm), avec une histoire familiale marquée de cancer colorectal [34]. Ces polyposes sont souvent associées à la présence de polypes adénomateux ou festonnés [35]. Il existe dans un nombre restreint de cas une histoire familiale de polypose hyperplasique. Un seul cas de polypose hyperplasique associé à la présence de nombreux (40) adénomes a été rapporté avec identification d’une mutation de MYH [35]. La présence d’une mutation de MYH semble donc très rare dans le cas de polyposes hyperplasiques prédominantes [36]. Des polypes hyperplasiques de grande taille semblent assez fréquemment associés (30-40%). En l’absence de facteur génétique familial identifié, ces polypes semblent relever d’un mode de carcinogenèse particulier au cours duquel l’apparition d’une mutation du gène BRAF est fréquente : 137/212 lésions testées [36].

Certains patients sont opérés du seul fait de la polypose hyperplasique sans néoplasie évoluée associée.

2) un tableau beaucoup plus banal composé de 5 à 10 polypes hyperplasiques de localisation gauche quasiment exclusive et de petite taille [34].

» Polyposes festonnées

Plusieurs cas de polypose festonnée sévère (> 50lésions), associant des lésions de grande taille (> 1.5 cm), avec un fortcontexte familial de cancer colorectal, ont été rapportés [37]. Ces tableauxsont proches de situations moins florides et peut-être plus fréquentescorrespondant souvent à la description de polypes «hyperplasiques» de grandetaille, à prédominance droite marquée dans certaines séries (50% de 16polypes > 1 cm diam) [34].

Dans notre expérience, partagée par plusieurs équipes, il pourrait exister une entité «polypose festonnée» correspondant à la présence d’une dizaine de polypes plans translucides répartis sur l’ensemble du côlon, souvent quasiment invisibles avant coloration, plus souvent chez des femmes d’âge moyen, en contexte de tabagisme, et souvent associé à une histoire familiale marquée de cancer colorectal. Cette entité est en cours de caractérisation épidémiologique et génétique (MYH?).

La frontière entre les différents types de polyposes hyperplasiques et festonnées reste incertaine en pratique, l’association des différents types de lésions et la présence d’adénomes associés étant probablement très fréquente. Seule l’identification d’un ou de plusieurs gènes responsables de syndromes familiaux comme dans le cas des polyposes familiales ou du syndrome HNPCC permettra de clarifier chaque entité.

» Prise en charge

La prise en charge de ces polyposes festonnées ethyperplasiques reste relativement empirique. Elle est basée :

– sur une analyse endoscopique soigneuse évaluant le nombre de lésions, leur taille et leur degré de dysplasie éventuelle. Le risque de dégénérescence est probablement plus important dans le cas d’une polypose faite d’éléments de grande taille qui sont presque systématiquement à composante dysplasique, donc plutôt de type festonné. La surveillance des polyposes festonnées est d’autant plus difficile que le contingent dysplasique est classiquement localisé dans la profondeur des cryptes;

– la discussion difficile entre surveillance simple (polypose hyperplasique diffuse faite de petits éléments), le traitement endoscopique exclusif (pour certaines polyposes festonnées peu florides), ou le recours à la colectomie. Cette décision se prend à partir de l’appréciation du risque par le gastroentérologue, en sachant que si la surveillance régulière de petites lésions hyperplasique est classique même sur plusieurs années, la surveillance de multiples lésions de grande taille festonnées est probablement beaucoup plus aléatoire;

– l’absence de bilan systématique recommandé en dehors du côlon : il n’a pas été décrit à ce jour de sur-risque de cancer pour un autre site dans le cadre des polyposes hyperplasiques ou festonnées, et en particulier au niveau duodénal.

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