L’incontinence anale chez l’adulte

Objectifs pédagogiques

  • Connaître la stratégie d’exploration ;
  • Connaître les possibilités thérapeutiques;
  • Connaître l’algorithme de traitement;
  • Rappeler les principales étiologies et les données épidémiologiques actuelles.

Introduction

L’incontinence anale (IA), définie comme un handicap lié à la perte (involontaire) de gaz et/ou de selles par l’anus, est une pathologie non léthale, mais qui peut avoir un impact dévastateur sur la qualité de vie des patients affectés [1].

Rappel des principales étiologies et des données épidémiologiques actuelles

Les revues récentes de la littérature font état d’une prévalence de l’IA variant entre 2 et 20% de la population générale, et jusqu’à 50% des sujets âgés « institutionnalisés » [2]. Cette grande variation dépend de 2 facteurs principaux : la définition même de l’IA et des critères utilisés (inclusion ou non de l’IA limitée aux gaz, fréquence des symptômes…), et le fait que beaucoup de patients atteints d’IA n’en parlent pas spontanément à leur médecin, le sujet restant plus tabou que l’incontinence urinaire. Sur la région Rhône-Alpes, nous avons trouvé une prévalence de l’IA de 5 % dans la population générale, et de 13% chez les patients consultant un gastro-entérologue. La prévalence de l’IA augmente avec l’âge, mais n’est pas exceptionnelle avant 40 ans (3,5 %). Pour souligner la difficulté d’expression de ce symptôme par les patients, les gastro-entérologues ignoraient que leurs patients présentaient des signes d’IA dans 85% des cas [3]. La continence anale est un phénomène complexe et multifactoriel : les sphincters doivent être fonctionnels (sphincter interne et sphincter externe de l’anus, y compris le muscle pubo-rectal), le rectum doit jouer son rôle de réservoir élastique et de siège de la sensation de besoin défécatoire, le côlon doit propulser les matières fécales dont la consistance doit être normale, et le comportement psychosocial et affectif doit être adapté. Toute anomalie d’un de ces facteurs peut entraîner une IA. Très schématiquement, on peut distinguer les IA d’origine périnéale et les IA d’origine extra-périnéale, les deux pouvant bien sûr être en cause chez un même patient. Les IA d’origine périnéale correspondent à quatre types de mécanismes : lésion du sphincter anal, neuropathie pudendale, les atteintes du réservoir rectal et les troubles de la statique rectale.

  • 1) les lésions sphinctériennes sont probablement les mieux documentées. La cause la plus fréquente de défect du sphincter anal est l’accouchement par voie basse. Dans une revue de la littérature réalisée par Oberwalder et al. [4] l’incidence des défects du postpartum était de 26,9%chez la primipare. Un défect peut également être secondaire à une chirurgie ano-rectale. La cure de fistule anale est l’intervention la plus à risque d’incontinence ; néanmoins, l’hémorroïdectomie, la dilatation anale, et la sphinctérotomie pour fissure anale peuvent également engendrer des défects du sphincter anal. Il faut également préciser que toutes les lésions échographiques sphinctériennes ne sont pas systématiquement responsables d’IA ;
  • 2) La neuropathie pudendale. Snooks et al. ont montré en 1984 [5] que le nerf pudendal pouvait être étiré lors des efforts de poussée de la parturiente. Une neuropathie pudendale similaire peut survenir dans le cadre de la dyschésie chronique et du périnée descendant ;
  • 3) Le rectum est un réservoir compliant où les selles peuvent être stockées temporairement, permettant une évacuation différée. Si la compliance rectale est diminuée, le rectum perd sa fonction de réservoir. Les étiologies des microrecties sont nombreuses : rectite radique, recto-colite hémorragique, maladie de Crohn, infiltration de la paroi rectale par une tumeur, chirurgie rectale… De façon inverse, si la compliance rectale est augmentée, ou si la sensibilité rectale est émoussée, les matières fécales peuvent s’accumuler dans le rectum et favoriser un IA par regorgement ;
  • 4) Les troubles de la statique rectale sont souvent à l’origine d’une IA. En cas de prolapsus extériorisé, l’IA est fréquente (50% des cas environ).

Les IA avec périnée normal correspondent aux diarrhées chroniques (dont il conviendra de déterminer la cause par les examens morphologiques ou biologiques adaptés), aux pathologies neurologiques centrales (SEP, traumatismes médullaires, démence…). L’IA peut également être secondaire à diverses neuropathies périphériques ou du système nerveux autonome : diabète, alcoolisme, carences nutritionnelles, insuffisance rénale chronique, maladies auto-immunes…

Connaître la stratégie d’exploration

L’interrogatoire et l’examen clinique sont les deux temps essentiels de l’exploration d’une incontinence anale. L’interrogatoire s’attachera à identifier la ou les causes de l’IA, et surtout, évaluera l’importance des symptômes d’IA (fréquence, nature de l’incontinence), ainsi que le retentissement sur la qualité de vie, y compris sur la vie socio-professionnelle et affective. À ce titre, il est possible de s’appuyer sur des questionnaires simples qui permettent d’évaluer objectivement les symptômes. De la même façon, l’utilisation de « calendrier des selles » sur une quinzaine de jours permet d’apprécier plus précisément le retentissement potentiel de l’IA. Par cet interrogatoire, on pourra distinguer une IA par regorgement (dans un contexte de constipation, avec des fuites fréquentes de type suintement), une IA « active » (besoins impérieux témoignant plutôt d’un défaut du sphincter externe de l’anus) ou une incontinence « passive » (suintement ou fuites non perçues) témoignant d’une faiblesse du sphincter interne de l’anus ou d’une diminution de la capacité rectale. L’examen clinique doit comprendre un examen complet, statique et dynamique du périnée. On pourra ainsi identifier des lésions cutanées péri-anales (secondaires à un suintement par exemple), une béance anale, des troubles de la statique périnéale (y compris le prolapsus rectal), une hypotonie anale de repos ou un défaut de contraction anale volontaire, la présence d’une tumeur rectale ou d’un rectum plein de matières (jusqu’au fécalome). Les examens complémentaires seront demandés en fonction des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique, ainsi qu’en fonction de la prise en charge thérapeutique envisagée. Ainsi, pour une IA peu invalidante, d’origine post-obstétricale probable, et pour laquelle on envisage simplement dans un premier temps, des recommandations diététiques pour diminuer l’apport en fibres, associées avec des prescriptions médicamenteuses pour ralentir le transit ou modifier la consistance des selles, il n’est pas indispensable de demander des examens complémentaires. La manométrie ano-rectale (MAR) est utile surtout pour orienter la rééducation périnéale. Elle confirme les données de l’examen clinique pour l’étude du canal anal, et apporte des informations complémentaires en ce qui concerne la sensibilité et la compliance rectales. Du point de vue thérapeutique, les données objectives fournies par la MAR permettront de guider au mieux la rééducation périnéale : amélioration de la contraction volontaire, correction d’un asynchronisme associé. En cas d’anomalies de la sensibilité et/ou de la compliance rectale la rééducation de la sensibilité rectale par sonde à ballonnet est fondamentale. Par ailleurs, les données de la MAR serviront de référence pour l’évaluation des traitements (valeur médico-légale avant intervention chirurgicale ?). L’échographie endo-anale (EEA) permet d’étudier la structure des sphincters interne et externe de l’anus. La performance de l’EEA a été bien établie par comparaison avec l’étude des pièces chirurgicales [6]. La sensibilité et la spécificité vont de 83 à 100 % pour le diagnostic de défect du sphincter anal. Dans le cadre de l’IA, la plupart des séries de la littérature ont mis en évidence une rupture sphinctérienne dans environ 2/3 des cas [7,8]. L’endosonographie a donc permis de révéler le rôle majeur et sous-estimé jusqu’alors des défects sphinctériens dans l’IA. L’impact thérapeutique de l’EEA est indéniable. La mise en évidence d’une rupture sphinctérienne permet d’envisager une réparation chirurgicale. Néanmoins, il faut nuancer les indications en fonction de l’extension radiaire des défects. L’EEA peut également identifier un sphincter atrophique. Ces informations anatomiques sont également accessibles à l’IRM périnéale, avec peut-être une meilleure définition pour l’analyse du sphincter externe de l’anus et notamment du muscle puborectal. Le viscérogramme pelvien (cystocolpo- défécographie avec opacification du côlon sigmoïde et des anses grêles) est indispensable si l’examen clinique identifie un trouble de la statique pelvienne, et qu’une chirurgie est envisagée. L’IRM dynamique peut donner des informations similaires, sauf que la position d’examen (allongée) est moins physiologique que celle du viscérogramme pelvien. L’utilisation d’une technique d’imagerie plutôt que l’autre dépendra des conditions locales (machines et hommes). Les explorations électro-physiologiques périnéales comportent : l’électromyographie de détection, la mesure de la latence motrice distale du nerf pudendal, l’étude des réflexes sacrés et des potentiels évoqués somesthésiques et moteurs périnéaux. L’électromyographie de détection (EMG) du sphincter anal externe est actuellement abandonnée par la plupart des équipes, remplacée par la cartographie anatomique réalisée par EEA. La mesure du temps de latence motrice distale du nerf pudendal n’est plus recommandée depuis plusieurs années [9, 10]. Les autres explorations électro-physiologiques seront utiles lorsqu’on suspecte une atteinte neurologique centrale ou périphérique.

Algorithme de prise en charge

La prise en charge thérapeutique est le plus souvent progressive, le recours à la chirurgie étant dans la majorité des cas limitée aux échecs des thérapeutiques médicales. Il est important de signifier d’emblée aux patients que le projet thérapeutique peut s’inscrire dans la durée, et que l’absence de réponse satisfaisante à une thérapeutique initiale ne signifie pas l’échec de la prise en charge.

Traitement médical

D’une façon générale, le traitement débutera par des mesures diététiques et des prescriptions médicamenteuses adaptées aux caractères de l’incontinence anale. En cas d’incontinence anale par regorgement, il faudra avant tout assurer un transit intestinal régulier et une vidange rectale optimale. L’augmentation de la ration quotidienne en fibres alimentaires peut être utile, de même que l’utilisation régulière de laxatifs non irritants (polyéthylènes glycols par exemple). L’administration de lavements ou de suppositoires peut s’avérer nécessaire. S’il s’agit d’une incontinence anale par accélération du transit (incontinence anale active), par insuffisance sphinctérienne ou par diminution de la capacité rectale, une démarche inverse avec réduction de l’apport en fibres alimentaires, l’utilisation de médicaments ralentisseurs du transit tels que le lopéramide, d’argiles, d’antispasmodiques voire de chélateurs des sels biliaires, doit être recommandée. La prescription de tampons anaux, désormais pris en charge par la sécurité sociale, est parfois d’une aide précieuse, s’ils sont tolérés, pour les patients avec une incontinence passive ou des besoins urgents. Un essai randomisé de petite taille montrait l’intérêt de l’utilisation des tampons en plus du traitement médical standard [11].

Rééducation périnéale et abdominale

Demultiples protocoles ont été décrits ; néanmoins, il est possible d’individualiser trois grands types de rééducation : coordination recto-sphinctérienne (contracter le sphincter en réponse à une distension rectale) ; la rééducation de la sensibilité rectale (par ballonnets gonflés à volumes variables dans le rectum); amélioration de la qualité (force et durée) de la contraction anale volontaire. La durée et la fréquence des séances de rééducation varient de façon importante en fonction des centres, et il n’existe pas de technique ayant fait la preuve de sa supériorité par rapport à une autre. Il est également fondamental d’associer à la rééducation périnéale une rééducation de la sangle abdominale et de la respiration. Le taux de succès de la rééducation varie de 50 à 90% [12,13]. Norton et al. [14] ont remis en cause l’intérêt de la rééducation périnéale. Dans cette étude, l’amélioration clinique dans le groupe rééducation périnéale n’était pas significativement supérieure à celle du groupe traité sans rééducation. Néanmoins, les insuffisances méthodologiques de cette étude limitent son impact pratique [15]. Une récente étude rétrospective sur 513 patients montrait une efficacité du biofeedback sur 70 % des patients : les chances les plus élevées de réussite étaient pour les femmes âgées, avec des symptômes modérés à sévères, et terminant le programme de rééducation [12]. L’effet sur la qualité de vie était très significatif. Une étude nationale française randomisée (PHRC) est en cours pour évaluer l’impact à court terme de la rééducation périnéale (comprenant le biofeedback) sur les symptômes et la qualité de vie des patients souffrant d’incontinence anale.

Electrostimulation transcutanée du nerf tibial postérieur

À la frontière entre la prise en charge médicale et physiothérapique, l’électrostimulation transcutanée du nerf tibial postérieur consiste à stimuler les afférences sensitives du nerf tibial postérieur, qui appartiennent au même territoire métamérique que les racines sacrées. Au cours de la stimulation transcutanée, deux électrodes de surface sont placées sur le trajet du nerf tibial postérieur et sont connectés à un stimulateur externe. Cette technique a été initialement développée pour le traitement de l’incontinence urinaire, avec un certain succès. Elle est également prescrite pour le traitement des douleurs neuropathiques chroniques. Une étude préliminaire réalisée sur 10 patients présentant une IA montre que 7 patients sur 10 sont améliorés [16]. Un cas clinique récent rapporte l’efficacité de la technique pour 2 patients avec une incontinence anale secondaire à un traumatisme médullaire [17]. Nous avons montré que ce traitement était satisfaisant pour certains patients avec une MICI quiescente et une IA, même si l’effet objectif n’était pas mesurable [18]. Une évaluation plus objective est nécessaire, mais l’innocuité, la simplicité de réalisation et le faible coût de cette technique la rendent attractive. Cette approche pourrait également constituer un test simple avant d’envisager la neuromodulation des racines sacrées (cf. infra).

Neuromodulation des racines sacrées

La neuromodulation des racines sacrées a tout d’abord été développée dans le cadre de l’incontinence urinaire par instabilité vésicale. L’amélioration des signes digestifs associés chez certains patients a conduit à son utilisation pour traiter l’IA. Dans un premier temps, il est réalisé l’implantation par voie trans-sacrée d’une électrode maintenue en place au contact des racines sacrées (S3 ou S4), et reliée pendant deux à trois semaines, parfois plus, à un boîtier de stimulation externe. Ce test permet d’évaluer l’efficacité de la stimulation sur la continence anale. Si le test s’avère concluant, le boîtier de stimulation externe est remplacé par un stimulateur implantable placé en général dans la partie supéro-externe de la fesse. Il s’agit donc d’une chirurgie mini invasive, qui peut être réalisée en ambulatoire, voire même sous anesthésie locale. Jarett et al. [19] ont réalisé une revue de la littérature : 75 à 100 % des patients implantés de façon définitive étaient améliorés. Globalement, l’amélioration porte à la fois sur les symptômes et la qualité de vie : une étude récente randomisée (stimulateur mis en marche et arrêté pendant deux périodes distinctes) montrait que les patients préféraient la période « on », avec une fréquence moindre des épisodes d’incontinence anale [20]. Notre expérience sur 68 malades montre des résultats satisfaisants (amélioration d’au moins 40 % du score de Jorge et Wexner) dans 60 % des cas, avec une persistance des résultats à 2 ans. La morbidité n’est cependant pas nulle (douleurs, infections, déplacement d’électrode, ulcérations cutanées en regard du boîtier…) avec une nécessité de ré-intervention dans 13% des cas environ. Le coût de la technique (pour l’instant financé en France par un programme ministériel de soutien aux thérapeutiques innovantes et coûteuses depuis 2002), l’absence de facteur clair prédictif de réponse positive au long terme, et les incertitudes quant à son mode d’action doivent cependant inciter à poursuivre l’évaluation. Cette procédure doit être réservée aux formes sévères d’incontinence anale, résistantes au traitement médical et à la rééducation.

Chirurgie de réparation sphinctérienne

Elle s’adresse aux lésions du sphincter externe exclusivement. L’évaluation doit comprendre au minimum une échographie endo-anale. Les ruptures de petite taille visualisées en échographie son rarement opérées (signification clinique discutable), de même que les lésions très étendues, supérieures à 120° de circonférence (impossibilité technique). Les résultats à court terme sont bons [21,22], mais se dégradent progressivement avec le temps (50 % de récidive à 5 ans) [23]. Une série récente sur un petit nombre de malades rapporte un taux de succès de 60% pour les patients suivis au-delà de 5 ans [24].

Techniques d’implantation sous-muqueuse en cas d’insuffisance sphinctérienne interne

Il est clair que la réparation d’une lésion isolée du sphincter interne n’est pas envisageable. De nombreuses études, sur un nombre limité de patients, avec des matériaux différents, ont rapporté des résultats variables et globalement peu convaincants [25]. Une revue récente de la littérature confirme ce point [26].

Chirurgie de substitution sphinctérienne

En cas de lésion étendue du sphincter oudupérinée (traumatique par exemple), de malformation anorectale ou d’incontinence fécale sévère neurogène, le recours à des techniques de substitution sphinctérienne est parfois proposé. La graciloplastie dynamisée associe une transposition du muscle droit interne de la cuisse (gracilis) selon la technique décrite par Pickrell et al. [27] en 1952, à l’électrostimulation du muscle transposé. Le taux de succès varie de 54 à 83%[28] selon l’étiologie de l’IA. Le sphincter anal artificiel correspond à l’implantation d’une manchette en position péri-anale reliée à une pompe placée dans la grande lèvre ou le scrotum et à un ballon régulateur de pression dans l’espace sous-péritonéal. Wong et al. [29] ont récemment réalisé une étude multicentrique, montrant un taux de complications élevé de 42 %, conduisant le plus souvent à l’explantation du système. Le taux de succès global était de 53 %, 85 % des patients non explantés avaient un bon résultat.

Chirurgie du plancher pelvien

L’existence d’un prolapsus rectal extériorisé est une étiologie fréquente d’incontinence anale. La rectopexie au promontoire est l’intervention de référence, à laquelle peut être préférée la mucosectomie rectale de Delorme chez les sujets plus âgés ou fragiles. L’efficacité sur les symptômes d’incontinence anale est bonne. Les patients, notamment ceux présentant des signes associés de constipation, doivent être prévenus d’un risque accru de dyschésie post-opératoire [30]. En l’absence de lésion sphinctérienne identifiable, l’efficacité des techniques de réparation périnéale (plastie antérieure des muscles releveurs, périnéoplastie) reste discutée.

Colostomie et procédé de Malone

Enfin, dans les formes les plus sévères et invalidantes d’incontinence anale, le recours à la colostomie ne doit pas être oublié. Un travail psychologique est souvent nécessaire pour faire accepter cette intervention, mais l’effet sur la qualité de vie peut être spectaculaire. De façon un peu similaire, un certain nombre d’études rapporte les bons résultats des irrigations coliques antérogrades par appendicostomie ou cæcostomie (procédé de Malone) : dans une étude récente, 18 patients sur 22 suivis au long terme, utilisaient toujours les lavements antérogrades, avec de bons résultats symptomatiques. La qualité de vie n’était cependant pas optimale dans ce groupe [31].

Données factuelles

La majorité des recommandations dans le traitement de l’incontinence anale repose sur des données non contrôlées et des avis d’experts : les essais randomisés sont rares et ne peuvent aider à définir la meilleure approche thérapeutique de l’incontinence anale. Les trois revues Cochrane récentes [32-34] portant sur la chirurgie de l’incontinence anale, la rééducation et la prise en charge de l’incontinence anale d’origine neurologique, parviennent à la même conclusion : données insuffisantes pour conclure !!

Conclusion

La prise en charge de l’IA nécessite une approche progressive et à l’écoute du patient, pour ne pas donner de faux espoirs ou au contraire désespérer, et pour ne pas se jeter sur des corrections chirurgicales d’images ou de mesures fonctionnelles, avec parfois des résultats désastreux. L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de débrouiller la majorité des situations, et les examens complémentaires peuvent orienter le traitement si une rééducation ou surtout une chirurgie sont envisagées. La médecine factuelle n’est que de peu d’utilité pour orienter la prise en charge de l’IA : selon le mécanisme ou le type d’IA identifié, les différents traitements cités plus hauts seront envisagés. Les interventions chirurgicales les plus complexes seront réservées aux formes les plus invalidantes d’IA.

Références

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Les 5 points forts

  • L’incontinence anale, pathologie fréquente, est souvent cachée et méconnue ;
  • L’accouchement par voie basse reste un pourvoyeur important d’incontinence anale ;
  • L’interrogatoire et l’examen clinique sont les clés du diagnostic ;
  • L’échographie endo-anale, la manométrie anorectale et la défécographie sont des outils d’aide à la décision thérapeutique ;
  • La stimulation électrique nerveuse est la principale nouveauté thérapeutique.