Comment optimiser une préparation de coloscopie ?

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les critères d’une bonne préparation colique
  • Savoir comment obtenir une préparation colique optimale : données de la littérature ; trucs et astuces
  • Savoir quand il faut renoncer à la poursuite d’une exploration coloscopique du fait de la préparation colique
  • Connaître les médicaments qu’il faut penser à arrêter
  • Connaître l’état des lieux sur les nouvelles préparations

Introduction

La qualité de la préparation colique conditionne la fiabilité de la coloscopie car la présence de résidus stercoraux diminue la sensibilité de l’examen en cachant des lésions de petite taille ou avec un relief très discret : ils augmentent la durée de l’examen et les risques de complication.

Dans la littérature, on retrouve 20 à 30 % de mauvaise préparation colique (1)

La préparation colique prescrite lors d’une consultation indispensable avec le gastroentérologue doit remplir trois critères : elle doit être efficace, bien acceptée et comprise par le malade sans effet secondaire important.

Elle permet en effet de gérer l’arrêt de certains traitements, voire de contreindiquer certaines préparations : des pertes hydriques significatives peuvent être à l’origine d’insuffisance rénale aiguë chez des patients à risque.

De nouvelles préparations sont apparues sur le marché français. Elles présentent un faible volume à ingérer, une bonne tolérance et une meilleure complaisance du patient.

Pourquoi optimiser une préparation de coloscopie ?

La coloscopie reste un examen de référence pour l’exploration morphologique du côlon. Cependant, elle présente un certain nombre de limites, elle peut manquer des polypes surtout inférieurs à un centimètre. La survenue d’un cancer d’intervalle confirme la probabilité de ces lésions manquées (2).

Harewood et al. (3) considèrent que la préparation est adéquate dans 71 501 des 93 000 coloscopies réalisées (soit 76,9 %). Celle-ci permet d’augmenter la détection des polypes essentiellement de moins de 9 mm de 20 % (1,2 ; IC 95 % : 1,16-1,25).

Froehlich et al. (4) soulignent la moins bonne préparation de 5 832 sujets âgés hospitalisés. La détection des polypes augmente significativement en cas de préparation adéquate (1,46 ; IC 95 %: 1,1-1,9).

Shaukat et al. (5) ont mené une étude prospective analysant 47 253 coloscopies pendant une période de trois ans : le taux de détection de polypes augmentait de façon très significative en cas de préparation adéquate (2,26 ; IC 95 % : 164-312). Il montre par ailleurs que le taux de détection par endoscopiste peut varier de 10 à 39 % sans qu’il y ait nécessité d’amélioration durant la période de l’étude de leur performance.

L’interprétation de la préparation colique a un caractère subjectif et conditionne la décision de refaire ou non la coloscopie.

Dans l’étude observationnelle CREGG (6) il a été montré que 23,4 % des coloscopies étaient effectuées dans de mauvaises conditions de préparation colique : pour autant, l’endoscopiste jugeait nécessaire de réitérer l’examen dans seulement 6 % des cas.

Les endoscopistes ayant les meilleures performances sont, en règle générale, les plus exigeants sur la qualité de la préparation colique (7).

Dans les « 2 jours d’endoscopie 2008 », 5 % de coloscopies sont incomplètes dont 42 % sont dues à une mauvaise préparation. Celles-ci s’associent à des surcoûts importants. On peut évaluer à 35 millions d’euros le coût des coloscopies refaites en 2008.

Les préparations

  • La prise de 4 litres de polyéthylène glycol (PEG) a longtemps été la préparation standard pour obtenir une bonne visualisation du côlon. Compte tenu de la quantité de liquide à absorber la préparation fractionnée a remplacé la prise unique. Malgré tout ceci entraîne une mauvaise complaisance avec prise incomplète de la préparation et vomissements.
  • Les solutions de phosphate de sodium : fleet phospho soda (NaP) associées à un maximum de boissons libres ont montré une efficacité identique à la préparation par le PEG mais une meilleure complaisance. Ce produit contient 70 g de phosphate de sodium et doit être prescrit avec prudence, voire abandonné en raison des risques de néphropathie, soit toxiques, soit par déshydratation.

De façon à limiter ces inconvénients des préparations modernes sont maintenant à notre disposition sur le marché français.

Moviprep*, il s’agit d’une solution associant deux litres de PEG à de l’ascorbate de sodium, cette préparation a fait la preuve d’une aussi bonne efficacité que la préparation par NaP et solution de 4 litres de PEG (8). Elle est particulièrement bien tolérée chez les patients à risque (9) mais elle n’est pas remboursée actuellement.

Colokit*, marque une rupture par rapport aux préparations précédentes sa forme galénique en comprimé est originale et sa composition ne renferme que 48 g de phosphate de sodium pour les 32 comprimés nécessaires à la préparation (10,11).

Citrafleet* est une préparation en sachet associant du picosulfate de sodium laxatif stimulant et du citrate de magnésium laxatif osmotique. Ce dernier traitement permet une prescription chez l’enfant et chez le sujet âgé (12).

La consultation

Elle est indispensable : c’est la pierre angulaire d’une préparation adéquate.

Dans les « 2 jours d’endoscopie 2008 », 8 % des informations sont données par une autre personne que le gastroentérologue lui-même.

L’enquête « Pacôme » révèle que 6 % des patients n’ont pas eu de consultation préalable avec le gastroentérologue (13)1.

Si 81 % étaient informés de l’importance de la préparation, seuls 64 % avaient connaissance de ses modalités pratiques.

57 % seulement connaissaient les risques induits par une préparation inadéquate, en dépit du fait que les médecins aient l’impression d’avoir bien informé leurs patients (13).

La consultation s’apparente à une véritable éducation thérapeutique, il faut un choix personnalisé du médicament de préparation (Tableau 1).

La décision du médicament délivré et de sa forme galénique doit être adaptée aux patients : évaluation de la faculté à boire, des vomissements, choix en fonction du résultat des préparations au cours des coloscopies antérieures, etc.

Innocuité

Il est nécessaire de respecter les recommandations de prescriptions et de contre indication : âge, état général, traitements, problèmes cardiaques, hépatiques, rénaux, diabète.

Il est recommandé d’utiliser seulement les préparations et les modalités de prises validées : respect des horaires de prises, choix des associations validées.

Toutes les préparations coliques peuvent donner des troubles électrolytiques. Les facteurs de risque doivent être évalués (Tableau 2).

L’hypokaliémie est la combinaison de la perte intestinale et de la mauvaise réabsorption rénale liée à l’effet de diurèse osmotique associée à l’hyperaldostéronisme secondaire engendré par la déshydratation.

L’hypernatrémie due à la perte de liquide osmotique et diurèse osmotique entraînant une déplétion volémique et augmentation de la natrémie.

L’hyponatrémie due à une absorption excessive d’eau ou de fluide hypotonique pendant la préparation essentiellement décrite chez le sujet insuffisant rénal.

L’hyperphosphatémie liée à une réabsorption digestive du phosphate (seulement avec le NAP), elle, n’est pas liée à la fonction rénale, elle est plus fréquente chez le sujet âgé et en cas de prise de certains médicaments associés (ICE, Sartans, inhibiteur de la rénine, diurétique, anti-inflammatoires non stéroïdiens).

Elle peut donner lieu exceptionnellement à une néphropathie aiguë hyperphosphatémique (14).

Comment optimiser la préparation colique ?

L’optimisation de la préparation colique passe par une préparation à la carte délivrée lors de la consultation.

En dehors du volume de prise, il faut retenir que la préparation fractionnée (split dosing) avec la moitié de la dose prise la veille et la seconde moitié prise le matin de l’examen permet d’obtenir une meilleure préparation que la prise totale du produit la veille (1,15,16).

L’heure de la coloscopie n’est pas le facteur prépondérant, l’essentiel est la durée entre la fin de la prise de la préparation et le début de la coloscopie. Plus on augmente ce délai moins bonne est la préparation (17).

Ce type de préparation se heurte à deux freins :

L’un est lié au patient car il doit se lever pour prendre sa purge, Unger (18) rapporte une étude où, sur trois cent personnes interrogées, 85 % ont déclaré qu’elles seraient prêtes à se lever pendant la nuit pour prendre la deuxième dose.

L’autre est lié à l’anesthésie, le délai fixé par le consensus SFED-SFAR est de trois à quatre heures pour les liquides clairs. Cependant, dans la pratique courante les risques d’inhalation rendent pusillanimes les anesthésistes.

Huffman et al. (19) montrent dans une étude sur le volume gastrique résiduel que chez les patients recevant la préparation « split dose » ce volume est plus élevé (19,7 ml) que chez les patients ayant une gastroscopie seule (14,6 ml) mais sans différence avec les patients recevant la préparation colique la veille de la procédure (20,2 ml). Cette étude conclut à l’absence de sur-risque d’inhalation avec la préparation « split dose » pour les patients externes subissant une coloscopie.

Matro et al. (20) proposent une prise en deux temps seulement le matin de l’examen avec une coloscopie dans l’après-midi, ces résultats montrent une efficacité identique et une meilleure qualité de sommeil dans le groupe de l’après-midi. Ce mode de prescription permet d’économiser les heures de sommeil, de même que les heures de travail chez les patients actifs.

Le lavage percoloscopique

La plupart des études mesurent le degré de propreté du côlon rencontré au cours de l’inspection initiale sans tenir compte des manoeuvres de « nettoyage aspiration ». Cependant cette distinction est essentielle ; les premières évaluent seulement la méthode de préparation colique, les secondes analysent la probabilité de lésions manquées : mesures plus pertinentes.

Sharma et al. (21) ont évalué le temps que les gastro-entérologues américains acceptaient de passer pour laver le côlon :

  • 12 % moins de 5 minutes,
  • 35 % de 6 à 10 minutes
  • 31 % de 11 à 20 minutes,
  • 17 % sans avis.

Cependant en France, 52 % des gastroentérologues (2 jours d’endoscopie 2008) trouvent leur créneau d’endoscopie trop limité en temps.

Le lavage manuel est long et sans doute peu productif.

L’apparition de machines permettant de laver le côlon semble plus efficace mais exige un régime sans résidu strict.

Ces manoeuvres de « lavage aspiration » percoloscopique permettent le calcul du seul score validé actuellement : le score de Boston (22).

Son utilisation dans les comptesrendus de coloscopie a le mérite de la standardisation, c’est un argument clair pour expliquer un arrêt prématuré de la coloscopie ou fixer le délai de surveillance. Cependant, si ce score identifie sans problème les malades bien ou mal préparés, se pose le problème des préparations intermédiaires et de leurs conséquences médicolégales. Il faut donc rester prudent (tableau 3).

Conclusion

Voir la totalité de la muqueuse colique est le but d’une préparation colique de bonne qualité.

La coloscopie est opérateur dépendant. Les préparations modernes doivent être expliquées et prescrites lors d’une consultation indispensable.

Les méthodes de lavage percoloscopique doivent reléguer aux oubliettes les chiffres de mauvaises préparations coliques publiées dans la littérature.

Pour cela, la coloscopie doit faire l’objet d’une explication claire des modalités de préparations, complétée par un document écrit explicatif de références. Cette consultation est à valeur médico-légale car elle est aussi l’occasion d’une information du patient sur les risques inhérents à la coloscopie. En matière de prévention les gastro-entérologues ont non seulement une obligation de moyens mais aussi une obligation de résultats, bien qu’aucune méthode de préparation n’entraîne 100 % de bons résultats dans 100 % de situations.

C’est l’efficience de la coloscopie à travers les résultats optimaux et un coût acceptable pour la société qui lui permettra de conserver dans l’avenir une place prépondérante dans le dépistage et la prise en charge des néoplasies colorectales.

Références

  1. Besley J, Epstein O, Heresbach D. Systematic review oral bowel preparation for colonoscopy Aliment Pharmacol Their. 2007;25:373-4.
  2. Bressler B, Paszat CF, Chen Z, Rothwal DM, Vivolen C, Rabeneck L. Rates of newer missed colorectal cancers after colonoscopy and their risk factors: a population based analysis. Gastroenterology 2007;132: 96-102.
  3. Harewood GC, Sharma VK, de Gomo P. Impact of colonoscopy preparation quality or detection of suspected colonic neoplasia. Gastrointest Endosc 2003;58:76-9.
  4. Froehlich F, Nietlesbach V, Gonvers JJ, Barnard B, Vader JP. Impact of colonic cleasing on quality and diagnostic yield of colonoscopy: the European Powel multicenter study. Gastrointest Endosc 2005;61:378-84.
  5. Shauthat A, Orancea C, Bond JH, Church TR, Allen DL. Variation in detection of adenomas and polypes by colonoscopy and change over time with performance improvement program. Clin Gastroenterolol Hepato 2009;7:1335-40.
  6. Lapuelle J, Abdini E, Canard JM, Coulom P, Croguennec B., Letard J.C., Boustière C., Cassigneul J., Cazals JB, Dalbies P, Gimbert N, Helbert T, Houcke P, Pienkowski P, Systchenko R, CREGG, Chaussier C, Kohler F, Vicari F, ASET. Évaluation prospective multicentrique de la qualité de la préparation colique en coloscopie chez 1 019 patients. Gastroenterol Clin Biol 2009;33:A180.
  7. Thomas-Gibson S, Rodgers P, Cooper S, Man R, Rutter MD, Suzuki N, Swain D, Thuraisingam A, Atkin W. Judjement of the quality of bowel preparation at screening flexible sigmoidoscopy is associated with variability in adenoma dectection rats. Endocopy 2006;38:456-460.
  8. Ell Christian, Fischbach Wolfgang, Bronisch Hans-Joachim. Randomized trial of low volume. PEG Solution versus standard PEG + electrolytes for Bowel Cleansing before colonoscopy. Am J Gastroenterol 2008;103:883-93.
  9. Tarrerias AL, Hagege H, Vitte R.L, Dugué C. Efficacité, sécurité d’emploi et acceptabilité d’une solution de lavage de 2 litres à base de Macrogol + électrolytes + ascorbate chez les patients à risque devant effectuer une coloscopie. Gastroenterolol clin Biol 2009;33:226.
  10. Johanson JF, Popp JW, Conten Laurence B. A randomized multicenter study comparing the safety and efficacy of sodium phosphate tablets with 2 l polyethylene glycol solution plus bisacodyl tablets for colon cleansing American Journal of Gastroenteroley. 2007;102:2238-46.
  11. Lichtenstein GR, Grandhi N, Schmalz M. Clinical trial : sodium phosphatase tablets are preferred and better tolerated by patients compared to polyethylene glycol solution plus bisacodyl tablets for bowel preparation. Alimentary pharmacology and therapeutics 2007;26: 1361-70.
  12. Navarro A, Hession PT. Efficacy and tolerability of sodium picosulfate/ magnesium citrate as a bowel cleansing agent result from a literature review. European Gastro enterology hepatology review 2009;5:11-14.
  13. Pacome Hudy : what are the factors of inadequate colon cleansing ? Cadiot G, Chaussade S, Coulom P, Lapuelle J, Laugier R, Richard-Molard B, Ponchon T, Henri F. Gut;210:P0220
  14. Markowitz GS, Perozella MA. Acute phosphate nephropathy. Kidney int 2009;76:1027-34.
  15. Parra Blanco A, Quintero E, Jimenez A. Good colon preparation guarants a higher diagnostic yield of colonoscopy- timing is most crucial. Am J gastroenterolol 2007;102:98-9.
  16. Marmo R, Rotondamo F, Riccio G. Effective bowel cleansing before colonoscopy: a randomized study of split dosage versus non split dosage regimens of high-volume versus low-volume polyethylene glycol solution. Gastrointestinal Endoscopy 2010;72:313-20
  17. Siddique AA, Yang K, Spechler SJ. Duration of the interval between the completion of bowel preparation and the start of colonoscopy predicts bowel preparation quality. Gastrointestinal Endosc 2009;69:700-6.
  18. Unger RZ, Amstatz SP, Seoda H, Huffman M, Rex DK. Willinguess to undergro split dose bowel preparation for colonoscopy and compliance with split dose instructions. Dig dis sci 2010;55:2030-4.
  19. Huffman M, Unger RZ, Thatikonda C, Amstatz S, Rex DK. Split dose bowel preparation for colonoscopy and residual gastric fluid volume : an observational study. Gastrointest Endosc 2010;72:516-22.
  20. Matro R, Shnitoer A, Spodik M. Efficacy of morning only compared with Split dose polyethylene glycol solution for afternoon colonoscopy : a randomized controlled single-blind study. Am J Gastroenterolol 2010;105: 1954-61.
  21. Sharma R et al. Gastroenterology 2009;136(5):A-39.
  22. Lai EJ, Calderwood AH, Doro SG. The Boston Bowel preparation scale: a valid and reliable instrument for colonoscopy oriented research. Gastrointest Endosc 2009;69:620-5.

Les 5 points forts

  1. La consultation précoloscopie par un gastro-entérologue est fortement recommandée.
  2. Le lavage aspiration est essentiel pour la qualité de l’examen, il faut y consacrer le temps nécessaire.
  3. Les nouvelles préparations permettent d’adapter la prescription aux caractéristiques du patient.
  4. Il faut respecter :
    1. les contre-indications de certaines préparations,
    2. le délai minimal entre les prises
  5. La prise fractionnée est à privilégier.