[Atelier] Diarrhée chronique
Objectifs pédagogiques
- Connaître la définition de la diarrhée chronique et les mécanismes physiopathologiques ;
- Connaître la stratégie et la hiérarchisation des examens complémentaires ;
- Savoir identifier les causes difficiles de diarrhée chronique ;
- Connaître les traitements symptomatiques.
Connaître la définition et les mécanismes physiopathologiques
Une diarrhée chronique se caractérise par une augmentation du débit fécal (> 200 g/j) évoluant depuis plus d’un mois. L’OMS retient aussi la définition de diarrhée lorsque les selles sont trop nombreuses (> 3/j) et/ou liquides.
Cette situation clinique peut résulter d’une sécrétion hydro-électrolytique dans l’intestin dépassant ses capacités d’absorption d’aval (diarrhée sécrétoire), d’un effet osmotique entraînant un afflux liquidien obligatoire du fait de la présence d’une substance osmotiquement active dans la lumière intestinale (diarrhée osmotique), d’une malabsorption excédant la capacité d’absorption et de fermentation de l’intestin d’aval (diarrhée de malabsorption), ou d’une accélération du transit telle que le temps nécessaire à l’absorption et à la fermentation n’est pas respecté (diarrhée motrice). Les évacuations fréquentes de selles de petit poids (syndrome rectal) sont un diagnostic différentiel.
Stratégie et hiérarchisation des examens complémentaires
Le diagnostic étiologique est parfois difficile car les causes possibles sont nombreuses et parfois associées. Un interrogatoire et un examen clinique attentifs fournissent dans la majorité des cas une orientation diagnostique permettant de restreindre les examens complémentaires. Les trois groupes d’éléments à analyser sont les caractères cliniques de la diarrhée (sanglante ? grasse ?…), les signes associés (digestifs, extradigestifs et généraux) et le contexte. Il faut rechercher toutes les prises médicamenteuses (y compris les laxatifs, le magnésium…) et des causes alimentaires (responsables d’un effet osmotique) : excès de lait, miel, fruits, sucreries.
À l’issue de cette étape clinique, une cause (ou un groupe de causes) est souvent fortement suspectée qui devra être confirmée par des examens complémentaires appropriés.
Les 7 principaux groupes de causes sont :
- les causes lésionnelles (quand la présence de sang ou de glaires dans les selles fait suspecter l’existence de lésions… dont l’analyse sémiologique permettra le diagnostic) ;
- les causes motrices ;
- les malabsorptions ;
- les causes sécrétoires ;
- les causes osmotiques ;
- les entéropathies exsudatives ;
- les exceptionnelles diarrhées volumogéniques;
Plus rarement, aucune orientation diagnostique ne s’impose et des examens complémentaires non orientés doivent être prescrits. Les examens biologiques de « débrouillage » incluent alors : ionogramme sanguin, NFS, VS, TP, calcémie, glycémie, électrophorèse des protides, cholestérol, sérologie HIV et TSH. On a aussi souvent recours à la recherche d’IGA antitransglutaminase pour rechercher une maladie coeliaque. Les explorations endoscopiques haute et surtout basse avec réalisation systématique de biopsies duodénales, iléales et coliques sont très efficaces pour écarter les principales causes organiques non cliniquement évidentes. La place de l’imagerie de l’intestin grêle (vidéocapsule, entéroscanner ou entéro-IRM) est limitée en l’absence d’élément clinique d’orientation supplémentaire (comme par exemple un syndrome inflammatoire, une anémie ferriprive, une masse…). L’examen parasitologique des selles est important. La coproculture est sans intérêt en l’absence d’un déficit immunitaire et en dehors d’une prise récente d’antibiotiques ou d’une hospitalisation (rechercher alors Clostridium difficile). Le fécalogramme est difficile à réaliser (recueil de toutes les selles de trois jours consécutifs avec surcharge en beurre d’au moins 60 g/j). Il doit comprendre le poids moyen des selles, la recherche d’une stéatorrhée, la mesure de la clairance de l’alpha-1-antitrypsine et éventuellement le dosage de l’élastase fécale et/ou de la calprotectine. Les dosages d’élastase et de calprotectine fécales sont interprétables sur de simples échantillons de selles (à la différence des dosages de stéatorrhée et la clairance de l’alpha- 1-antitrypsine qui nécessitent un recueil de toutes les selles de trois jours). Un taux bas d’élastase fécale est un bon marqueur d’une insuffisance pancréatique exocrine ; une élévation de la calprotectine fécale semble un bon marqueur d’une inflammation colique (et parfois iléale). Un ionogramme fécal peut être demandé si les selles sont très liquides et qu’on suspecte une diarrhée osmotique.
La mesure du temps de transit orofécal au carmin permet d’affimer une diarrhée à composante motrice quand sa valeur est de moins de 8 heures, mais sa sensibilité n’est pas parfaite.
Les indications des dosages hormonaux sont limitées aux situations des diarrhées motrices (TSH, calcitonine, sérotonine et/ou chromogrannine) ou sécrétoires (VIP, gastrine). Les tests respiratoires cherchant à mettre en évidence une malabsorption du lactose ou du fructose sont exceptionnellement nécessaires (il est préférable de s’appuyer sur des tests cliniques d’exclusion) ; le test respiratoire au glucose à la recherche d’une colonisation bactérienne du grêle n’a pas une valeur prédictive négative parfaite (sensibilité 70 %) ; le test au lactulose dont on ne doit analyser que les deux premières heures peut être positif en cas de diarrhée motrice (spécificité imparfaite). Au total, ces tests doivent donc être réalisés et analysés de manière très critique au risque d’engager la poursuite des explorations sur de fausses pistes. En pratique ces tests sont (rarement) utiles pour confirmer une piste clinique forte (par exemple une diarrhée chez un grand diabétique à risque de pullulation microbienne) mais pas en « débrouillage » d’une diarrhée isolée sans orientation.
Le dosage pondéral des immunoglobulines plasmatiques et celui des IgA est utile au diagnostic des déficits immunitaires communs variables (souvent évoqués dès l’interrogatoire sur la coexistence d’infections fréquentes des voies aériennes ou ORL).
Savoir identifier les causes difficiles de diarrhée chronique
La difficulté peut venir de l’existence d’une cause exceptionnelle, mais en fait beaucoup plus souvent de l’oubli de l’un des éléments de base ou de la mauvaise interprétation d’un résultat.
Les éléments de base les plus souvent pris à défaut sont (dans mon expérience) :
- l’interrogatoire à la recherche d’un médicament (incluant le magnésium) et d’un aliment (fructose, sorbitol, lactose) ;
- les biopsies iléo-coliques étagées suffisamment nombreuses.
Les éléments de base les plus souvent responsables de « fausses pistes » sont (dans mon expérience) :
- une discrète augmentation de la clairance fécale de l’alpha-1- antitrypsine (par exemple à 20 ml/24 h), ou de la stéatorrhée (jusqu’à 12 g/24 h) (qui se rencontrent dans toute diarrhée fonctionnelle) ;
- les taux élevés de gastrine (fréquence des « faux positifs » liée notamment à la prise d’IPP).
Connaître les traitements symptomatiques
Bien entendu, il faut leur préférer si possible les traitements de la cause de la diarrhée. Le lopéramide a une action anti-sécrétoire et ralentissant le transit. Le régime restreignant les triglycérides alimentaires à chaîne longue et remplaçant ces derniers par des triglycérides à chaîne moyenne (Liprocil et Ceres) est indiqué en cas d’entéropathie exsudative d’origine lymphatique. Les chélateurs des acides biliaires ont un effet thérapeutique en cas de malabsorption des acides biliaires (fréquente en cas d’intestin irritable).
Références
- Thomas PD, Forbes A, Green J, Howdle P, Long R, Playford R, et al. Guidelines for the investigation of chronic diarrhoea, 2nd edition. Gut 2003;52 Suppl 5:v1-15.
- Tangri V, Chande N. Microscopic colitis: an update. J Clin Gastroenterol 2009;43:293-6.
- Yantiss RK, Odze RD. Optimal approach to obtaining mucosal biopsies for assessment of inflammatory disorders of the gastrointestinal tract. Am J Gastroenterol 2009;104:774-83.
- Chande N, MacDonald JK, McDonald JW. Interventions for treating microscopic colitis: a Cochrane Inflammatory Bowel Disease and Functional Bowel Disorders Review Group systematic review of randomized trials. Am J Gastroenterol 2009;104(1):235-41.
- Mullin GE, Swift KM, Lipski L, Turnbull LK, Rampertab SD. Testing for food reactions: the good, the bad, and the ugly. Nutr Clin Pract 2010;25:192-8.
- Suchy FJ, Brannon PM, Carpenter TO, Fernandez JR, Gilsanz V, Gould JB, et al. National Institutes of Health Consensus Development Conference: lactose intolerance and health. Ann Intern Med 2010;152:792-6.
- Heizer WD, Southern S, McGovern S. The role of diet in symptoms of irritable bowel syndrome in adults: a narrative review. J Am Diet Assoc 2009;109: 1204-14.
- Braden B. Methods and functions: Breath tests. Best Pract Res Clin Gastroenterol 2009;23:337-52.
Les 5 points forts
- Les causes de diarrhée chronique sont nombreuses mais un abord clinique méticuleux permet le plus souvent d’orienter les explorations paracliniques.
- En l’absence d’éléments d’orientation, l’exploration débute par des examens endoscopiques avec biopsies systématiques nombreuses et étagées (D2, iléon, côlon).
- La coproculture standard est inutile.
- Il faut systématiquement évoquer des causes médicamenteuses et alimentaires (lactose, fructose, sorbitol) et ne pas hésiter à arrêter les agents suspectés.
- Les causes de diarrhée sont plus nombreuses chez des sujets immunodéprimés, aussi la reconnaissance d’une immunodépression est-elle importante.
FMC HGE : Organisme certifié Qualiopi pour la catégorie ACTIONS DE FORMATION
FMC HGE : Organisme certifié Qualiopi pour la catégorie ACTIONS DE FORMATION