[Atelier] Information du patient avant une endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître l’état de la jurisprudence en matière de complications (faute ou aléa ?)
  • Savoir quelles informations de base donner à un patient et qui doit les donner.
  • Savoir les moyens d’augmenter ­l’efficience des informations ­transmises.
  • Connaître les moyens de vérifi­cation qu’une information donnée a bien été comprise.
  • Connaître les modalités pratiques de délivrance de cette information

La jurisprudence actuelle

La responsabilité médicale évolue.

Pour les actes avant le 5 septembre 2001, nous étions sous la dépendance du contrat de soins de l’arrêt Mercier depuis le 20 mai 1836 avec l’obligation de soins « attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ». Il s’agissait d’une obli­gation de moyens dont le délai de prescription est trentenaire.La cour de cassation a fait évoluer le droit par la jurisprudence, voici ce qui nous concerne.

Tout d’abord, à propos de la perforation du colon au cours d’une coloscopie, le 25 février 1997 (arrêt Hedreul-Cousin), la cour de cassation a inversé la charge de la preuve de l’information donnée au patient. Jusqu’alors, le patient devait prouver qu’il n’avait pas été informé des complications de l’examen, ce qui était très difficile. Désormais, par tout moyen, le médecin doit prouver qu’il a loyalement informé le patient des risques de l’examen qu’ils soient fréquents ou pas, graves ou pas.

Le 18 septembre 2008 (Cass Civ I 07-12170), la perforation colique qui était reconnue comme un aléa thérapeutique en dehors d’une faute manifeste de l’opérateur, est devenue une faute de maladresse car « la coloscopie est un acte à visée exploratoire dont la réalisation n’impliquait pas une atteinte aux parois des organes examinés […] la perforation du colon est la conséquence d’un geste maladroit du médecin… ».

Depuis, selon les cas, la perforation du colon est reconnue soit comme une faute de maladresse soit comme un aléa thérapeutique. Par exemple, le 28 octobre 2010 (Cass Civ I 09-16187) une patiente qui a présenté une ­perforation colique au cours d’une coloscopie avait des diverticules du colon ce qui représente un facteur de risque connu de difficulté technique et de dangerosité de l’examen.

Les éléments de difficulté technique comme des antécédents de laparotomie, de chirurgie pelvienne, de diverticules du colon doivent être pris en considération et cités par le médecin lors de la consultation avant l’endo­scopie.

Enfin, un nouveau courant émerge à la Cour de Cassation à propos du défaut d’information. Auparavant, il était reconnu comme une faute humaniste, avec une atteinte au code de déontologie médicale. La réparation du défaut d’information était indemnisée par les tribunaux civils comme une perte de chance d’échapper au risque, comprise dans le préjudice ­corporel. Le défaut d’information n’était pas indemnisé à 100 % (sauf dans des cas de contamination transfusionnelle). Depuis le 3 juin 2010 (Cass Civ I 09-13591), la Cour de Cassation a reconnu le défaut d’information comme responsable d’un ­préjudice autonome. Elle a rendu son arrêt au visa de l’article 1382 du code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui qui l’a commis à le réparer ». Cet article est le fondement de la responsabilité civile générale dite responsabilité délictuelle.

Ainsi, nous avons quitté le chemin de la responsabilité contractuelle avec obligation de moyens et prescription trentenaire pour entrer dans celui de la responsabilité délictuelle avec obligation de résultats et prescription décennale. La loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner a diminué le délai de prescription pour les faits postérieurs au 5 septembre 2001, date de son application. La cour de cassation reprend les termes de la loi Kouchner.

Depuis cet arrêt du 3 juin 2010, plusieurs cours d’appel ont suivi le mouvement et sont allées plus loin encore. Par exemple à Pau (Chambre I, 8 février 2011, 09/01727), au visa de l’article 16 du code civil et pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, les magistrats consacrent un droit personnel du patient à être informé des risques « fréquents ou graves » normalement prévisibles de l’acte médical. L’atteinte à ce droit doit être sanctionnée en tant que telle à partir du seul constat de son atteinte, avec la réparation d’un préjudice moral par défaut de préparation psychologique aux risques encourus… L’article 16 du code civil est celui qui a trait au respect de la dignité humaine et le 16-3 dispose « qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui ».

À Riom le 23 février 2011 (CA Riom Chambre commerciale 23 février 2011 09/02268), les magistrats ont relevé deux fautes du médecin : une faute médicale sous le coup de sa responsabilité contractuelle et une faute éthique, sous le coup de sa responsabilité délictuelle qui concerne le défaut d’information, « obligation autonome d’information de nature spécifique… ».

Le défaut d’information devient donc la lésion d’un droit personnel et subjectif qui entraîne le droit à la réparation d’un préjudice moral. La perte de chance peut être réparée en sus de ce droit nouveau.

En clair, si un patient peut apporter la preuve qu’il n’a pas été informé des complications d’un acte médical, même en dehors de toute complication de celui-ci, il peut demander la réparation de son préjudice moral pour défaut d’information.

Savoir quelles informations de base donner à un patient et qui doit les donner

Qui ?

Le médecin qui prescrit l’acte médical doit informer le patient de l’indication et des complications de cet acte, même si ce n’est pas lui qui le pratique. Il est aussi responsable de cette information.

Le médecin qui pratique l’acte médical doit vérifier et valider l’indication de l’acte et informer lui-même le patient des complications de celui-ci et surtout proposer ses alternatives éventuelles.

Les seules exceptions à cette information sont l’urgence vitale et l’impossibilité de communiquer avec le patient.

En effet, le but de cette information est l’obtention du consentement « libre et éclairé » du patient. Cette règle d’information est valable en médecine libérale mais aussi en médecine hospitalière. C’est une obligation légale selon l’article L 1111-4 du code de la santé publique : « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». C’est aussi une obligation déontologique selon les articles R 4127-35 et R 4127-36 du code de la santé publique : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas ». « Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences ».

Le code de déontologie médicale est publié par décret dans le code de la santé publique : il a la force d’une loi.

Quelles informations ?

L’information concerne les risques fréquents et les risques graves normalement prévisibles de l’acte. Ces termes sont précisément ceux de la Cour de Cassation et ils ont été repris par la loi Kouchner dans son article L 1111-2 du code de la santé publique. « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposées, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions ­possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission… En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ».

Il est important de tenir compte de la personnalité au sens psychologique du terme du patient en face de nous, de son état général et de son niveau intellectuel.

Par exemple, un patient ayant une personnalité anxieuse, et ce d’autant que l’acte médical proposé n’est pas anodin, peut ne pas comprendre totalement les informations inhérentes à l’acte en raison de son anxiété. Pourtant, vous lui aurez délivré les informations nécessaires. Tout comme l’état général du patient peut être un frein à une exploration digestive et dans ce cas si cette dernière est indispensable, n’hésitez pas à faire partager vos questions au patient et à la personne de confiance qu’il a désignée. Demandez-lui ce qu’il souhaite car le patient est le décideur de ce qu’il accepte de subir.

En pratique, il faut savoir évoquer les complications de la coloscopie et les ramener dans leur contexte. Il faut surtout donner au patient l’assurance d’être présent et d’assurer son suivi. Il faut établir les bases d’un dialogue de bonne qualité, laisser au patient le temps de réfléchir à son examen, lui donner la note d’information de la SFED, respecter un délai acceptable entre la consultation et l’exploration.

C’est la qualité de la relation entre le médecin et le patient qui conditionne la confiance dans les deux sens. Si cette relation est bonne et franche, une complication assumée et traitée ne pose pas de vrai problème. Il faut aussi savoir ne pas faire d’acte dangereux si on ne se sent pas capable d’en assumer les conséquences et adresser le patient à un centre ou à un confrère plus expert.

Savoir augmenter l’efficience des informations transmises

Le dialogue entre le patient et le médecin doit faire appel à un langage simple, non médicalisé qui permet une compréhension aisée par tous. Les patients le réclament. Il est facile de faire un dessin qui explicite mieux le discours. On peut conserver ce dessin dans le dossier ou le remettre au patient. Le but de l’information est d’être compris, pas de donner une leçon de vocabulaire médical. La fiche d’information de la SFED reprend toutes les informations importantes mais elle doit toujours être accompagnée d’une explication orale et personnalisée. Il est aussi possible de conseiller aux patients de visionner le film sur la coloscopie sur le site de la SFED et qui va les éclairer et dédramatiser cet acte.

Connaître les moyens de verification qu’une information donnée a bien été comprise

On peut demander au patient de résumer ce qui lui a été expliqué. Il peut aussi s’agir d’un questionnaire distribué aux patients et qui peut vous servir d’EPP !!! Par exemple, citez-moi 3 complications de la coloscopie avec résection de polype. La présence d’un tiers accompagnant le patient au cours de la consultation peut aussi être une aide précieuse. Il faut aussi savoir ne pas affoler le patient dont on sait par l’interrogatoire qu’il doit subir l’acte car ses symptômes sont très inquiétants. Ici, on touche aux frontières de l’urgence et le consentement devient un peu moins « éclairé » parfois.

Connaître les modalités pratiques de délivrance de cette information

Une consultation ou un entretien individuel avant de poser l’indication de l’exploration endoscopique est une règle absolue y compris en milieu hospitalier. Il est indispensable d’expliquer directement au patient les modalités de l’examen, ses avantages et complications.

Il est impossible pour un juge d’admettre qu’en 2011, le praticien qui a réalisé l’exploration d’un patient ne l’ait jamais rencontré auparavant mis à part en cas d’urgence vitale.

Le praticien qui réalise l’examen est responsable de l’indication de cet acte même si celle-ci a été posée par un autre médecin, notamment dans le cadre hospitalier. Il est absolument indispensable de prendre le temps de voir le patient avant l’acte, même rapidement et de lui expliquer celui-ci.

En cas de complication, la responsabilité du médecin hospitalier serait recherchée et ce serait l’assureur du centre hospitalier qui serait appelé en garantie. Mais dans un second temps, rien n’interdit à ce dernier de se retourner contre l’assureur du praticien qui aurait commis une faute humaniste en n’informant pas lui-même le patient.

Les 5 points forts

  1. La qualité et la clarté de l’information que le médecin délivre au patient conditionnent l’acceptabilité des actes pratiqués et de leurs éventuelles complications.
  2. Il est indispensable de rencontrer le patient avant de l’explorer, même brièvement y compris en milieu hospitalier ; nous ne pouvons pas nous contenter des informations délivrées par un autre praticien.
  3. Il faut utiliser un langage simple et accessible à tous voire un schéma.
  4. La notification au patient d’éventuels antécédents médicaux ou chirurgicaux posant une difficulté technique est capitale, leur inscription dans le dossier également.
  5. En cas de complication, il faut assurer au patient une présence efficace qui n’est pas une reconnaissance de ­culpabilité mais une attitude de médecin responsable.